20 juin 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur les priorités de la présidence française de l'Union européenne, l'avenir du Traité de Lisbonne après le vote négatif des Irlandais et sur la hausse du prix du pétrole, à Bruxelles le 20 juin 2008.

Mesdames et Messieurs,
Le Conseil n'est pas totalement terminé. Ce Conseil européen était d'une importance particulière compte tenu des résultats du référendum en Irlande. Il était essentiel pour l'Europe de faire preuve d'unité et de résolution. Je pense que cela a été le cas et je voudrais tout d'abord remercier la Présidence slovène pour ces deux journées qui viennent de conclure un sommet, qui a permis des résultats importants.
Je pense à l'accord sur le marché intérieur de l'électricité et du gaz. L'accord franco-allemand a permis d'obtenir un bon compromis.
Je pense à l'accord sur les directives relatives au temps de travail et à la protection des travailleurs intérimaires.
Je pense à l'adoption d'un mandat pour engager, enfin, des négociations avec la Russie.
Nous avons eu une discussion très approfondie lors d'un dîner hier soir sur le Traité de Lisbonne.
Nous avons commencé par écouter ce que le Premier ministre irlandais, Brian Cowen, avait à nous dire sur les raisons du vote des Irlandais.
Nous nous sommes mis d'accord sur trois points après une discussion très approfondie.
Le premier point, c'est que, bien sûr, nous devions tous respecter le choix démocratique des Irlandais. Le "non" irlandais est une réalité politique qu'il faut respecter. Le Premier ministre irlandais a souhaité avoir du temps pour que l'Irlande puisse avoir un débat sur les suites à donner à ce vote négatif. Nous avons tous compris cette demande.
Deuxième point d'accord, c'est que le Traité de Lisbonne existe. Il a été signé par les vingt-sept chefs d'Etat ou de gouvernement. Aujourd'hui, dix-neuf pays l'ont approuvé, un l'a rejeté. Nous avons pris la décision que le processus de ratification devait se poursuivre dans tous les Etats membres à l'exception, bien sûr, de ce que je viens de dire sur l'Irlande.
C'est dans ce sens que tous nos partenaires ont réagi. C'est maintenant la position du Conseil. C'était une position importante, bien sûr, parce que cela ne sert à rien de se masquer la réalité. L'Irlande, c'est un problème, mais si nous avions un deuxième, voire un troisième problème, cela deviendrait très difficilement solutionnable.
Troisième point d'accord, c'est que nous avons considéré qu'il fallait nous donner un délai pour réfléchir à la meilleure solution s'agissant de l'Irlande mais nous nous sommes mis d'accord sur deux principes.
Le premier, c'est qu'il nous faut une solution à vingt-sept. C'est ce que je vous disais hier soir, le rôle de la Présidence française sera d'amener la famille européenne au complet et, au complet, c'est vingt-sept.
Le deuxième point d'accord, c'est qu'une renégociation du traité est exclue. On ne va pas refaire un Traité simplifié bis. Nous ferons concrètement un point d'étape en octobre sous Présidence française. Il faut être lucide, le Traité de Lisbonne n'entrera pas en vigueur le 1er janvier 2009 mais ce qu'il faut, c'est que nous ne prenions pas de retard car le monde change vite et ne nous attend pas. Un nouveau président des Etats-Unis sera en place en janvier 2009, l'Europe doit se doter au plus vite d'institutions plus efficaces.
Je me rendrai donc à Dublin, dès le mois de juillet, en ma qualité de président en exercice du Conseil européen, à l'invitation du Premier ministre irlandais Brian Cowen. Vraisemblablement ce sera le 11 juillet. Je suggère cette date, elle est à peu près sûre.
Par ailleurs, ce matin, nous avons tenu une réunion à trois, avec le Premier ministre suédois M. Reinfeldt, le Premier ministre tchèque M. Topolanek, qui seront les deux présidences suivant la Présidence française. Je leur ai proposé d'installer, en quelque sorte, une présidence commune dès maintenant. C'est ainsi que je les recevrai à Paris, dès le 12 au soir, pour leur faire le compte-rendu du voyage que j'aurais effectué à Dublin. C'est ainsi également que nous avons décidé d'assurer le suivi de nos trois Présidences par un travail en commun qui me fera préparer le Conseil européen d'octobre avec eux.
L'Europe a besoin d'unité, elle n'a pas besoin de division et les trois Présidences qui s'annoncent, française, dans l'ordre, tchèque et suédoise, nous allons essayer, nous avons même décidé de les gérer ensemble, de prendre des initiatives ensemble, de mettre des solutions de compromis ensemble. C'est la première fois que cela se passe. Et d'aller ensemble vers l'unité. Ce qui est très important, c'est que ces trois pays, outre leur diversité géographique, n'ont pas toujours eu les mêmes positions - c'est le moins que l'on puisse dire - entre la Suède et la France, avec notamment la Politique agricole commune ou même entre la République tchèque et la France sur le Traité de Lisbonne. Eh bien, justement, nous avons décidé, quels que soient nos désaccords, de nous mettre ensemble pour assurer une présidence de dix-huit mois, en quelque sorte, puisque cela sera une présidence commune, en tout cas, mise en commun.
Enfin, le Conseil a demandé à la Présidence française que ce "non" irlandais ne se traduise pas par un immobilisme de l'Europe. D'ailleurs, le "non" irlandais n'est pas simplement un rejet du Traité de Lisbonne, c'est au fond un rejet d'une certaine Europe trop technocratique, trop abstraite, trop lointaine, que les gens ne comprennent plus et qui inquiète plutôt que de les rassurer.
Ce qui est important, c'est que l'Europe soit capable de réagir pour retrouver la confiance des Européens en apportant des réponses concrètes aux problèmes concrets des Européens, sur le changement climatique, sur la sécurité énergétique, sur l'immigration, sur la sécurité alimentaire et sur la meilleure façon de protéger les Européens dans un monde incertain.
Ces défis seront à l'ordre du jour de la Présidence française. Le Conseil européen a été unanime et a demandé que cette Présidence soit la plus ambitieuse possible. Sur ce point, je me réjouis de l'accueil très positif qu'a reçu l'idée française d'un pacte européen sur l'immigration. Le Conseil européen a salué l'idée française du pacte européen sur l'immigration. Nous présenterons donc ce pacte au début du mois de juillet et j'ai bon espoir que nous puissions l'adopter dès le Conseil européen d'octobre, même si j'ai bien conscience que cela présente des délais très brefs. Mais, au fond, la meilleure réponse à la difficulté institutionnelle, c'est de montrer que, nonobstant cette difficulté, l'Europe continue à travailler et à avancer.
L'autre sujet essentiel à notre ordre du jour était l'envolée des prix des matières premières et notamment le cours du pétrole. Il s'agit d'une crise qui concerne tous les Européens. L'Europe a le devoir d'agir, d'apporter des réponses à la préoccupation des Européens. Plusieurs pays ont fait des propositions, la Grèce, l'Autriche, l'Italie, la France. Comme vous le savez, la France propose de plafonner le taux de TVA au-delà d'un certain prix du baril de pétrole. Par exemple au-delà de 150 dollars le baril, la TVA resterait calculée sur un prix de 130. C'est un exemple, c'est pour illustrer. Je ne dis pas que c'est l'unique solution, je ne dis même pas que c'est la meilleure, je dis simplement qu'elle me parait adaptée puisque la TVA est un impôt qui est proportionnel au prix. Le rendement de la TVA augmente donc avec la flambée des prix et, comme nous sommes en face d'une crise sur le prix, la réponse adaptée est une réponse sur la fiscalité sur les prix. A 40 dollars le baril et à 200 dollars le baril, ce n'est pas normal que la TVA reste au même niveau.
La Commission a reconnu que cette idée méritait d'être étudiée. Elle le fera au cours des prochaines semaines et nous examinerons au cours du deuxième semestre le fruit de ses réflexions et de ses éventuelles propositions. J'insiste sur cet enjeu qui est très important. L'Europe doit montrer que, sur de telles questions qui touchent la vie quotidienne des citoyens, pour répondre à leur inquiétude, nous avons une capacité à agir. L'Europe n'a pas été inventée pour être passive. L'Europe a été créée pour agir, pour traiter au fond les difficultés de manière collective. Alors, le Conseil européen a donc demandé à la future Présidence française de conduire, en collaboration avec la Commission, une étude sur la faisabilité des mesures fiscales et autres proposées par les Etats membres pour limiter les effets de la hausse du prix du pétrole. Le Conseil a donc demandé à la Présidence française, en accord avec la Commission, de présenter un rapport avant le Conseil européen d'octobre sur cette question. Il y a des désaccords, vous en avez d'ailleurs largement fait écho mais ces désaccords n'ont pas empêché que le Conseil demande à la Présidence française, en accord avec la Commission, en s'appuyant sur la Commission, d'étudier toutes les propositions sur la table, d'en faire rapport avant octobre, pour voir les décisions, qu'à ce moment-là, il conviendra de prendre. Chacun d'ailleurs comprendra qu'en fonction de ce que sera, à ce moment-là le prix du pétrole, nous veillerons à nous y adapter. Ce qui ne m'empêche pas de soutenir totalement l'initiative de Gordon Brown qui va aller à Djeddah dimanche pour discuter avec les producteurs, Je ne pourrais pas y aller puisque je serais moi-même, à ce moment-là, en Israël. Nous avons également demandé à la Commission de renforcer sa vigilance sur la transparence du marché, de regarder les différents intervenants, de voir s'il n'y avait pas d'accord pour profiter d'une spéculation et, dans ce cas, d'engager des enquêtes systématiques.
Voilà ce que j'avais à vous dire sur ce deuxième point important qui est maintenant tranché. Enfin, le Conseil européen a consacré le Sommet de Paris sur la Méditerranée, ainsi que les principes auxquels nous tenons : une impulsion politique nouvelle à la coopération en Méditerranée grâce à des sommets tous les deux ans, un véritable partenariat entre le Nord et le Sud, grâce notamment à une coprésidence et le développement de projets régionaux concrets.
Honnêtement, on n'a pas débattu au fond de l'Union pour la Méditerranée, pour deux raisons. La première c'est que l'on est d'accord et il me revient maintenant, avec le président Moubarak, de l'organiser pour que le maximum d'Etats membres puisse y être représenté. Et deuxièmement, vous l'avez compris, on a consacré l'essentiel de nos travaux à la hausse des matières premières et au "non" irlandais.
Enfin, en conclusion, je voudrais également souligner un point qui me parait important, c'est l'entrée de la Slovaquie dans la zone euro. Ce sera ainsi le premier pays d'Europe centrale.
Enfin, dernier élément, j'ai rappelé au Conseil quelque chose qui me semble important. Ce n'est pas une décision du Conseil, c'est une opinion mais dont j'ai cru comprendre qu'elle était partagée par beaucoup. Pour que l'élargissement de l'Europe se poursuive, il faut le Traité de Lisbonne. S'il n'y a pas de Traité de Lisbonne, on en revient au Traité de Nice et le Traité de Nice, c'est une Europe à vingt-sept qui ne peut pas s'élargir sans qu'elle ait modifié ses institutions.
Je le dis très simplement, très tranquillement. La France est favorable, par exemple, à l'élargissement aux Balkans, dans un souci de stabilité. Mais les pays qui sont le plus favorables à l'élargissement aux Balkans doivent en même temps comprendre que pour que cet élargissement ait lieu, il serait souhaitable, indispensable d'avoir des nouvelles institutions, parce que si ce n'est pas Lisbonne, c'est Nice. Et Nice avait prévu expressément que l'Europe ne pouvait pas aller au-delà des Vingt-sept.
Je crois qu'il y a un moment donné où, dans les affaires européennes, il faut qu'il n'y ait pas d'hypocrisie, il faut que les choses soient assez claires, pour que chacun comprenne bien les responsabilités de chacune de ces décisions. Pardon d'avoir été long, voilà les propos que je souhaitais tenir avant de répondre à vos questions.
Q - Puisque vous avez rencontré, vous l'avez dit, votre homologue tchèque, quel est votre sentiment sur la prochaine étape qui nous intéresse, qui nous inquiète, à savoir une ratification en République Tchèque ?
R - Oui, effectivement, j'ai pris un petit-déjeuner ce matin avec le Premier ministre tchèque, auquel s'était joint, d'ailleurs, le Premier ministre suédois. C'est à lui de parler, mais il nous a très clairement dit qu'il était favorable à la poursuite de la ratification. Il l'a dit devant tous nos partenaires. Donc cela est un point positif. Deuxièmement, il lui faut attendre la décision de la Cour constitutionnelle, qui, si je l'ai bien compris, doit vérifier la compatibilité du Traité de Lisbonne avec la Constitution tchèque. Cela devrait se situer quelque part entre septembre et octobre, donc compatible avec le calendrier irlandais. Et à partir de ce moment-là, il souhaitait qu'on ne lui mette pas trop de pression, qu'on leur donne un peu de temps et qu'il était relativement confiant sur les perspectives de ratification. Tous les autres Etats ont dit qu'ils poursuivaient normalement.
Q - Monsieur le Président, sur le pacte européen concernant l'immigration, que vous a dit M. Zapatero ? Est-ce qu'il est sur la même longueur d'onde que vous ? Il y avait quelques divergences notamment sur le contrat d'intégration. Et surtout, est-ce qu'il vous a donné des assurances à l'avenir, visant à ne plus opérer de régularisation massive ?
R - Ecoutez, avec l'Espagne on a travaillé main dans la main pendant deux jours, comme d'habitude. C'est une habitude avec M. Zapatero. J'avais pris la peine de téléphoner à Brice Hortefeux avant. Il m'a indiqué qu'il n'y avait plus l'ombre d'un problème. Il n'y a jamais eu de problème et on peut discuter sur le contenu du pacte. Je crois que l'Espagne est très allante pour adopter ce pacte européen de l'immigration et puis je ne pense pas que, sur les régularisations massives, M. Zapatero, vis-à-vis de lui-même et de la société espagnole ce soit son intention de poursuivre. Alors, on avait une discussion sur les régularisations au cas par cas et c'est réglé, on est tout à fait d'accord. Donc, à ma connaissance, il n'y a pas de problème et surtout, de cette crise irlandaise, il y a une volonté de nos partenaires de dire qu'il faut que la Présidence française propose des décisions concrètes et donne le sentiment que l'on ne va pas retomber dans l'immobilisme du fait des institutions.
Q - Monsieur le Président, est-ce qu'il y a eu une position du conseil européen sur les déclarations de la Bolivie, de l'Argentine, du Brésil, de l'Equateur sur notre directive qui a été votée par le Parlement européen sur l'immigration il y a deux jours, nous menaçant de revoir nos investissements en Amérique latine et M. Chavez concernant les fournitures de pétrole ?
R - On n'en a pas parlé du tout.
Q - Est-ce que vous pensez qu'il y a une chance pour que votre proposition sur la baisse de la TVA soit adoptée en octobre ?
R - Il faut être franc. Je pense que ce n'est pas déjà une petite chose d'avoir obtenu que la Présidence française soit mandatée pour l'étudier et faire des propositions. Ce n'était pas gagné. Je respecte les positions des autres, notamment de nos amis Allemands qui, grosso modo, considèrent qu'il y a un marché et qu'il faut laisser faire le marché. Ce n'est pas ma position. Je considère qu'une fiscalité proportionnelle au prix ne peut pas rester la même quand le prix qui fixe sa proportion est marqué par une hausse qui n'est pas linéaire mais qui est exponentielle. Donc, y compris vous, beaucoup - et je peux parfaitement les comprendre - doutaient qu'on arriverait à obtenir l'ouverture de discussions et d'études approfondies sur le sujet. Alors, ce n'est pas parce que l'on a obtenu cela qu'on a obtenu le résultat. C'est parfaitement clair et je veux être honnête avec vous, mais je ne céderai pas. Je me battrai sur le sujet parce que je crois que c'est un élément de l'efficacité de l'Europe, de la protection que l'Europe doit à nos concitoyens et de justice.
Prélever 20 % de fiscalité sur un baril à 42 dollars et prélever les mêmes 20 % sur un baril à 139 dollars, ce n'est pas la même chose. J'ajoute, à titre personnel, que c'est quand même un élément très fort à dire aux pays producteurs. On dénonce la spéculation, à juste titre, et l'envolée des prix à la production mais alors, n'en profitons pas par la taxation, ce qui permettrait de présenter un système gagnant-gagnant aux producteurs. Essayer de peser sur les prix à la production et nous en tiendrons compte sur la taxation puisque vous savez que l'argument, souvent - et non pas sans justesse - évoqué par les pays producteurs est de dire : écoutez, vous taxez jusqu'à 60 % ou 65 %. Alors, encore une fois, la TIPP est la mauvaise réponse car la TIPP reste la même, elle n'est fonction que du volume. Avec le renchérissement du prix, le volume diminue. On ne va pas réduire la TIPP. En revanche, la TVA étant axée exclusivement sur le prix, si le prix flambe, il faut poser la question de la TVA. Voilà ce que l'on a obtenu, ni plus, ni moins, mais ce n'est pas rien. C'est trop tôt mais, je crois qu'il faut être très sérieux là-dessus et je dis aux Européens que je continuerai à me battre sur ce sujet parce que c'est un sujet sur lequel je pense qu'il y a quelque chose à faire.
On verra aussi avec l'évolution des prix. Si les prix se stabilisent, voire s'ils baissent, ma proposition aura moins de force. Mais si jamais les prix devaient continuer à monter, qui pourrait s'opposer à la proposition de la France ? Voilà, c'est dans ce cadre-là que, j'ai voulu vous dire les choses de la façon la plus honnête et la plus concrète possible.
C'est déjà une grande nouveauté que l'Europe accepte de surmonter ses divisions pour aller sur ce terrain-là et me demander de conduire, en accord avec la Commission - qui d'ailleurs l'avait proposé - une étude sur le sujet. Parce que, bien-sûr, vous comprenez bien, c'était une des craintes des Etats membres, notamment de nos amis allemands, de dire que si l'étude conclut, on sera obligé de prendre une décision. Vous savez, en Europe, ce qui compte, c'est de rentrer dans le bon chemin. On en sort toujours un jour, je ne sais pas combien de temps, mais il faut y rentrer et nous y sommes.
Q - Est-ce que la Commission y a renoncé ?
R - Non, la Commission n'a pas renoncé. C'est un compromis entre Mme Merkel et moi. Mme Merkel, considérant que ce serait mieux, puisque j'aurai la Présidence, que je fasse les propositions m'appuyant sur la Commission. Donc, je demanderai à la Commission de faire cette étude, je l'étudierai de près et je ferai des propositions après avoir pris contact avec nos partenaires pour le Conseil du mois d'octobre.
Q - Ce n'est plus la Commission qui a le monopole en Europe ?
R - Pour être clair et totalement transparent avec vous, je pense que Mme Merkel a voulu faire un geste vis-à-vis de la position française et qu'elle était plus à l'aise dans une discussion avec un président de l'Europe français qu'avec un mandat qui aurait été donné à la Commission. La vision que nous avons des choses reste donc sur un terrain politique. C'est l'accord que nous avons trouvé ce matin dans un entretien entre Mme Merkel et moi.
J'essaie de dire les choses de la façon la plus pédagogique possible et la plus exacte possible parce qu'avec l'Europe, on n'a pas assez expliqué et l'on s'est trop abrité derrière les uns et les autres. Ce ne sera pas ce que je ferai. Ce n'est pas ma conception de la construction européenne.
Q - Une question sur la TVA. La législation européenne prévoit déjà qu'on peut faire bouger les taux de TVA. Pourquoi n'utilisez-vous pas cette possibilité pour la baisser à 15 % ?
R - Je ne pense pas qu'on puisse baisser les taux de TVA de façon solitaire. A ma connaissance, on peut monter les taux de TVA par une décision nationale mais qu'on ne peut pas les baisser sans avoir l'accord de tous nos partenaires. C'est bien toute la question sur la restauration, sur les disques.
Je précise, d'ailleurs, que le président Barroso, à qui je veux rendre hommage une nouvelle fois, est maintenant assez ouvert sur ces questions. J'espère pouvoir obtenir une décision sur la restauration. Je me battrai sur la question de la fiscalité des disques car, sur les produits culturels, je ne vois pas pourquoi il y aurait une différence de taxation entre le livre et le disque. J'ajoute que je crois toujours avec autant de force à une fiscalité écologique.
Q - Qu'est-ce que la Présidence française compte faire pour aider la Grèce et la Macédoine à trouver un accord et permettre à la Macédoine d'ouvrir les négociations d'adhésion ?
R - Aimer la Grèce et conseiller l'ARYM. Vous savez très bien la proximité entre la France et la Grèce. C'est cela notre position.
S'agissant de Skopje, ils doivent faire preuve de compromis. De toute manière, là-aussi, je vous renvoie à ma première réflexion. Il n'y aura pas d'élargissement de l'Europe tant qu'il n'y aura pas de nouvelles institutions. J'ai été de ceux qui ont contesté l'idée de l'élargissement sans le préalable de la réforme des institutions. L'Europe l'a payé très cher. J'étais pour l'élargissement - que les choses soient claires - mais le moins qu'on pouvait attendre de l'Europe, c'est qu'elle réforme ses institutions avant de s'élargir. On ne va pas recommencer. D'ailleurs, on ne le peut pas juridiquement, autant l'affirmer politiquement.
Q - L'INSEE publie ce matin des prévisions de croissance pour l'année assez alarmistes, 1,6 %. Ce n'est pas l'hypothèse sur laquelle repose le budget. Est-ce que vous ne craignez pas un nouveau rappel à l'ordre de la Commission sous Présidence française justement ?
R - Ecoutez, s'il doit y avoir rappel à l'ordre, il y aura rappel à l'ordre. Depuis le temps que je connais ces questions, j'attends la note de correction de l'INSEE. Puisque vous le savez, l'INSEE nous a habitués, toutes ces dernières années, à faire une, deux, trois, quatre corrections dans l'année de ses propres corrections. Les prévisions de l'INSEE, auxquelles j'attache la plus importance, c'est, en général, la définitive. Celle-ci ne l'est pas. On m'a également expliqué qu'en 2007, cela n'irait pas bien, que le 1er trimestre 2008 était complètement atone. On a eu trois révisions de prévisions de l'INSEE. Je ne conteste pas du tout. Je prends cela pour ce que c'est. Mais vous devez être vous-même aussi habitués à ce que pour nous, ce soit maintenant systématique. Il y a des prévisions qui sont faites suivies, 2 mois après, d'une révision.
Cela a été systématique depuis cinq ans sur toutes les prévisions faites pas l'INSEE. Je ne critique pas, simplement je précise. J'aime bien, quand c'est la prévision, plutôt à posteriori, c'est-à-dire de manière récapitulative, qu'ils nous disent : voilà les bons chiffres. On a déjà eu cela l'année dernière. On l'a eu l'année d'avant et on l'a eu également l'année d'avant. Et chacun de faire des articles disant que les prévisions sont catastrophiques. On prend un bon coup sur le moral comme s'il n'y avait pas assez de mauvaises nouvelles, pour s'apercevoir un mois et demi après, qu'on s'était trompés. On fait alors une révision. Ne me demandez pas de me passionner pour un document dont je sais qu'il sera révisé. Je ne suis pas le seul, vous aussi d'ailleurs !
Q - Concernant l'élargissement vers les Balkans occidentaux et, plus particulièrement vers la Serbie, est-ce que la Serbie peut espérer ou attendre la candidature pendant la Présidence ou plutôt vers la fin de la Présidence française ?
R - La France est favorable à l'adhésion de la Serbie. La Serbie a beaucoup souffert ces dernières années et il faut le dire avec un sens de la responsabilité. Par ailleurs, si j'étais partisan en France d'une nouvelle rédaction du 88-5, c'est notamment en pensant à la Serbie. Je ne voulais pas que vous soyez condamnés à un référendum automatique. J'ai pris mes responsabilités. Les journalistes français ici peuvent en porter témoignage. Sur le principe, la France considère qu'il faut envoyer des signaux positifs à la Serbie mais la Serbie sera la bienvenue, comme la Croatie, comme les autres Etats des Balkans au moment où nous aurons résolu la crise institutionnelle créée par le "non" irlandais. J'espère que cela pourra se faire, en tout état de cause, avant les prochaines élections européennes. Je ne mets la pression sur personne et ce point ne sera pas repris dans le texte du Conseil européen mais chacun l'a bien en tête. Il vaudrait mieux qu'on soit sorti de cela avant les élections de juin 2009, ne serait-ce que pour savoir sur quel nombre de députés chaque pays doit compter. Dans le cadre de la Présidence française, il ne faut pas mettre la pression mais il ne faut pas oublier que l'on n'a pas énormément de temps. Il faut trouver le bon équilibre.
Q - Une question sur la défense qui a été l'objet du référendum en Irlande, qui est l'un des sujets contestés lors de la campagne, c'est aussi une priorité française. Est-ce que vous entendez la poursuivre avec la même ambition ou est-ce que vous entendez la poursuivre avec plus de discrétion ?
R - C'est bien ce qui m'a été demandé : j'ai été très intéressé qu'un nouveau pays par la voix de M. Rasmussen, le Premier ministre danois ait expressément évoqué la question de la défense en disant que les propositions françaises étaient intéressantes, qu'il convenait d'avancer dessus. Mais si je vais en Irlande, c'est justement pour parler de cela et comprendre le rapport entre l'attachement des Irlandais au principe de la neutralité et la politique de défense. D'ailleurs, dans mon esprit - je l'ai dit au Premier ministre irlandais qui m'avait proposé de venir à Paris - l'avantage d'aller en Irlande, c'est que cela permettra de parler avec tout le monde.
Q - En anglais, c'est le même pour beaucoup d'Irlandais, nous disons "no means no". En français, est-ce que vous comprenez : non, cela veut dire non ?
R - Merci de la traduction. Dans le fond, je peux parler aussi bien anglais que vous parlez français avec ce délicieux accent qui m'avait fait comprendre d'où vous venez. Alors, non, cela veut dire non. Ecoutez, quand on est président de l'Union, on essaie de faire d'un non une opportunité. Cela s'appelle le pragmatisme anglais.
Je me sens tellement proche de l'entente amicale ou formidable. D'ailleurs, vous savez, en matière européenne, on ne sait jamais ce qui se passe. Tout le monde pensait qu'on aurait un problème avec la Grande-Bretagne or la Grande-Bretagne a ratifié. Hommage soit rendu au courage du Premier ministre, Gordon Brown.
Q - Est-ce que l'on peut considérer que cette visite en Israël est une visite d'exploration en prélude au lancement d'une initiative quelconque sous Présidence française de l'Union européenne pour faire accélérer le processus de paix ?
R - Ecoutez, le voyage en Israël est toujours passionnant. C'est un plaisir d'aller voir des amis et puis il y a aussi une forme de complexité compte tenu de la sensibilité de la situation politique actuelle. J'y serai dimanche, il sera grand temps d'en parler. Je veux dire que l'Union pour la Méditerranée veut dire la présence à Paris d'Israël, aux côtés de pays arabes. J'ai vu les déclarations de M. Barak avec beaucoup d'intérêt, parlant des discussions indirectes, pour l'instant, entre la Syrie et Israël et évoquant la possibilité de discussions directes à Paris entre la Syrie et Israël. J'envoie la déclaration de M. Barak à tous ceux qui s'étonnaient de la présence de la Syrie à Paris. Si cela pouvait ne serait-ce que permettre cela, ce serait déjà un progrès formidable.
Merci à tous.