6 juin 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-grecques, la situation des Français à l'étranger et sur les réformes engagées en France, à Athènes le 6 juin 2008.

Mes chers Compatriotes,
Je vous remercie d'être venus si nombreux à cette rencontre à laquelle je tenais beaucoup. Vous rencontrer, c'est le plaisir d'un moment partagé ensemble dans un emploi du temps, je peux vous le dire, qui n'a rien de méditerranéen.
Mes chers compatriotes, vous vous inscrivez dans la continuité de ces quelques 2.500 ans d'histoire qu'ont en héritage les relations entre nos deux pays et nos deux peuples. Si Marseille reste pour nous tous la cité phocéenne, si Agde ou Antibes sont des noms qui résonnent encore de leur origine grecque, la tradition philhellène française comme la francophilie grecque, que j'ai bien pu mesurer aujourd'hui, dessinent une sensibilité commune, une volonté partagée de regarder l'avenir et d'aller plus loin ensemble. Et c'est vous qui êtes aujourd'hui les principaux acteurs de cette amitié si profonde et si féconde.
Avec le Président Papoulias, avec le Premier ministre Caramanlis, nous avons aujourd'hui décidé de sceller une nouvelle alliance entre la France et la Grèce. Vous savez, c'est 1974, je crois, avec la rue grecque qui scandait : « France, Grèce, alliance ». Et me souvenant de ces images qui avaient bouleversé la Grèce et bouleversé la France, au moment où la Grèce sortait de ces années sombres, j'ai eu l'idée de proposer cette nouvelle alliance.
C'est une relation entre nous qui est forte. L'année a été intense en échanges.
Sur les grands sujets politiques, Paris et Athènes ont une très grande convergence de vues et nous voulons avancer ensemble.
Comme vous le savez, la France prendra la présidence de l'Union européenne dans moins d'un mois. Dans une Europe à vingt-sept, aucun pays ne peut faire les choses seul. La Grèce est l'un de ces pays avec lesquels nous avons des affinités particulières et que nous allons associer puissamment à la Présidence française.
Dans quelques jours, la France fera tous ses efforts pour porter plusieurs grandes priorités. Comment inventer une croissance respectueuse du climat et de l'environnement ? Comment maîtriser les flux migratoires ? C'est un sujet que nos amis grecs connaissent parfaitement. Comment doter l'Europe, puissance économique et puissance politique d'une véritable sécurité ? Comment assurer la sécurité alimentaire des Européens ? La Grèce est un pays agricole et souhaite le demeurer.
Et puis, le 13 juillet, nous lancerons à Paris, avec tous nos partenaires européens et tous nos partenaires du pourtour de la Méditerranée, l'Union pour la Méditerranée.
Voilà le cadre qui fait que je tenais beaucoup à venir en Grèce.
Mais l'excellence de notre relation dépasse le seul cadre politique. Dans le domaine économique, la Grèce est pour nous un partenaire important. Il est même le troisième pays d'excédent commercial. Il y a ici plus de 130 entreprises françaises présentes dans de très nombreux secteurs économiques, la grande distribution, le tertiaire supérieur, le BTP ou le tourisme. Et je voudrais vous dire que je vous remercie de ce dynamisme et de cet engagement.
Je vous remercie, mais je vous envie un peu, parce que, franchement, Athènes... Il y a des capitales où je rencontre des compatriotes et je me dis que c'est moins agréable qu'Athènes. Je ne retire rien de ce que je vous ai dit de bien. Je vous témoignais de l'envie profonde qui est en moi de vous voir avec cette mine hâlée.
Et puis, bien sûr, il y a la relation culturelle qui est ancienne et riche. Avec l'Ecole française d'Athènes, qui depuis 1846 est un emblème de l'excellence française dans le domaine historique et archéologique. On le voit aussi au travers des efforts faits par l'institut français d'Athènes et aussi par celui de Thessalonique, ville dont vous savez qu'elle m'est particulièrement chère au coeur.
Je voudrais remercier les représentants de nos entreprises, les assurer de tout notre soutien et leur dire également que l'on a bien travaillé. On ne peut pas annoncer des choses tout de suite, mais enfin, on a semé pour un avenir proche.
Au point de rencontre de vos attentes et de celles de nos amis grecs, il y a le système scolaire. Avec le Lycée Franco-Hellénique Eugène Delacroix et ses 1.600 élèves, la France dispose d'un établissement scolaire reconnu pour son excellence et qui constitue, pour nos amis grecs, une porte d'entrée vers la France sans égale. Son succès est une garantie pour vos enfants. C'est un instrument essentiel de notre présence. Je souhaite que puisse être développée une seconde implantation du lycée, qui augmentera ses capacités et je fixe un délai, la rentrée 2010.
Vous savez, il faut sortir de cette habitude française des pétitions de principe jamais suivies d'effet. Si on veut développer la culture française, développer la langue française, il faut développer les implantations scolaires françaises à l'étranger. Si nous-mêmes, nous ne croyons pas au français, si nous-mêmes, nous ne voulons pas dispenser un enseignement du français et de la culture française, ne demandons pas aux autres de le faire. Je sais qu'aux Finances on s'en inquiète, il faudra qu'ils s'y habituent mais je pense que cela coûte beaucoup plus cher de perdre sa culture et de perdre sa langue. Partout où je passe, je veille par priorité, parce que c'est mon devoir, à ce que vous, les Français de l'extérieur, vous puissiez continuer à offrir à vos enfants une scolarité, j'y reviendrai, nationale et que tant de jeunes des pays où nous sommes, puissent bénéficier de l'apprentissage du français.
Donc, j'ai fixé un objectif, la rentrée 2010 pour la seconde implantation.
Au-delà, il y a la question de la gratuité de la scolarité à l'étranger. Nous sommes un pays qui adore parler de l'égalité et qui s'est fait une spécialité de l'égalité virtuelle pour mieux s'éloigner de l'égalité réelle. Il y a deux millions de nos compatriotes qui vivent à l'étranger et je ne vois pas une raison concrète d'accepter cette idée selon laquelle lorsqu'on habite en métropole, les études sont gratuites lorsqu'on met ses enfants au lycée public et quand on habite à l'étranger, les études deviendraient payantes pour les ménages ou pour les entreprises -dont ce n'est vraiment pas le rôle.
Comme on a vocation à avoir une diplomatie universelle et une présence également universelle, j'ai trouvé que c'était parfaitement injuste. J'avais pris l'engagement de rendre gratuite ces études. Nous avons commencé et depuis la rentrée scolaire 2007/2008, c'est gratuit pour la terminale. L'année prochaine sera gratuite pour la première, ainsi de suite. En tout cas, tant que je serai Président de la République !
Honnêtement, je retire cette remarque ! C'était simplement pour vous la mettre en tête ! Evidemment, il y a certains qui disent : pourquoi vous n'avez pas commencé par la maternelle ? J'aurai commencé par la maternelle, on m'aurait dit pourquoi je n'ai pas commencé par la terminale. Mais surtout, j'ai voulu commencer par l'année la plus chère pour que vous puissiez constater la générosité des pouvoirs publics français !
En tout cas, j'y tiens beaucoup. Cela, d'ailleurs, a été un débat entre nous. Certains étaient, je ne leur en veux pas, partisans d'un système de bourse. Je l'ai refusé, parce que je connais trop ce système de bourse qui fait que l'on est toujours trop riche pour en avoir et toujours suffisamment riche pour payer les augmentations. Moi, je vise vraiment la classe moyenne, de façon à ce que tout le monde puisse bénéficier de ce système.
J'ajouter, pour terminer, que je souhaite également que l'on mette fin à cette bizarrerie, que les Français de l'étranger sont des citoyens à moitié, puisque vous avez le droit de voter pour des grands électeurs, mais vous n'avez pas le droit de voter pour des députés.
Et donc, dans la réforme de la Constitution que nous conduisons en ce moment, il sera prévu un certain nombre de députés, pour que vous puissiez, vous, les Français de l'étranger voter également pour des députés, comme vous avez des sénateurs. Il n'y avait aucune raison que vous soyez, en quelque sorte, privés de cette possibilité d'être représentés au Parlement.
Enfin, qu'il me soit permis de dire un mot de l'action du gouvernement, de le dire devant Hervé Morin notre Ministre de la Défense, devant Jean-François Copé, le Président du Groupe UMP à l'Assemblée nationale. Nous sommes en train de porter un projet de modernisation de la France. Chacun d'entre vous peut avoir, bien sûr, l'expression de la sensibilité qui est la sienne. La seule chose que je voudrais vous faire remarquer, c'est que vous êtes les Français de l'extérieur. Vous voyez, mieux que d'autre, le monde qui bouge. Vous voyez, mieux que d'autres, que le monde ne nous attend pas, que partout dans le monde on se développe. Ici même en Grèce, depuis dix ans, il y a une croissance qui est entre 4 et 6% ! Nos amis grecs ont fait des progrès fantastiques. Partout dans le monde on travaille davantage. On innove davantage. On veut les meilleures universités, les meilleurs lycées, les meilleurs chercheurs, les meilleurs laboratoires.
Franchement, j'ai voulu mettre un terme, je l'assume, à un système où l'on basait tout sur le partage du travail et sur les trente-cinq heures. Franchement, c'était une idée curieuse que celle qui consiste à empêcher les gens qui veulent travailler de vouloir travailler. C'est d'ailleurs une idée si curieuse que personne ne nous a copiés. Ce qui devrait faire réfléchir quand même, indépendamment, par ailleurs, des sensibilités. Quand on est les seuls à avoir une idée, soit on est vraiment géniaux, possible, soit il y a un problème. Cela peut être les deux, mais, en l'occurrence, là, il y avait manifestement un problème. Toute l'idée que nous portons, c'est de réhabiliter la valeur travail dans notre pays.
Il y a tant de pays qui ont le plein emploi aujourd'hui, qui ont la croissance, qui ont envie de réussir. Vous, les Français de l'extérieur, racontez à vos familles ce que vous voyez à l'extérieur. Dites leur que le monde bouge et qu'aucun pays à travers le monde ne peut uniquement s'en tenir à son histoire, aussi séculaire fût-elle, que la place des pays dans le monde est fonction du travail de l'effort, du mérite, de l'intelligence, du talent, de tout ce que l'on y met.
La grande caractéristique du monde d'aujourd'hui, c'est qu'aucun pays n'a un droit acquis à la première place. Aucun pays n'a un droit acquis à la première division. La première place et la première division se méritent. Et moi, j'ai été élu justement pour porter ces changements, pas pour subir, pour essayer de changer les choses, de les bouger, pour avoir les meilleurs résultats. Bref, pour tourner le dos à une stratégie qui ferait que la France a essayé tous les systèmes qui ne marchent pas. Et si nous essayions les systèmes qui marchent. Au fond, ce serait la meilleure nouvelle pour notre pays. Et c'est cela que nous portons. Ce n'est pas le lieu, bien sûr, de parler politique au sens partisan, mais de parler mieux de la France.
Et vous qui êtes ici en Grèce, sachez que la France se modernise, que la France accepte le changement, que la France n'est pas bloquée, que les syndicats, que les formations politiques, que l'ensemble des Français comprennent la nécessité de cette adaptation. Je vous le dis parce que j'imagine que quand on vit à l'extérieur de son pays, on est encore plus sensible aux nouvelles du pays. C'est la raison pour laquelle je tiens essentiellement à rencontrer nos compatriotes. Parce que venir dans un pays et ne pas avoir une minute pour rencontrer ses compatriotes qui vivent eux-mêmes dans ce pays, c'est vécu comme quasiment une humiliation. Parce que j'imagine que pour chacun d'entre vous, c'est un sacrifice quand même. Il y a la famille qui est laissée derrière, il y a les habitudes qui doivent changer. Il y a la nostalgie. Il y a l'inquiétude pour ceux qui doivent rentrer et qui se disent : est-ce que j'aurai une place dans mon entreprise ou dans mon administration ou est-ce qu'ils sont tellement contents de moi, qu'ils préfèrent que je reste parti ? Ce qui est une grave erreur d'ailleurs. Parce que cela ne sert à rien d'envoyer des gens à l'étranger si, quand ils rentrent, on ne leur fait pas une place au coeur du siège social ou de l'administration centrale pour bénéficier de cette expérience.
Je voulais vous remercier, vous dire que la France progresse et vous dire que j'ai vraiment envie de porter dans le monde entier l'image d'un pays jeune qui a envie de l'avenir, qui ne le subit pas, qui ne se résigne pas à la fatalité, qui accepte l'idée de réussite et qui la revendique, qui a envie de succès, qui a envie de se battre, qui a envie de progresser, qui a envie de promotion sociale, qui a envie que cela bouge et pas simplement chagrin, grognon et se tourner vers un passé forcément magnifié.
Demain, j'aurai l'occasion de rencontrer nos compatriotes au Liban et d'essayer de porter un message d'espoir pour nos amis à Beyrouth.
Dimanche, je serai de retour à Paris. Et lundi je serai en Allemagne.
Vous aimez les voyages, moi aussi.Je vous remercie.