3 juin 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Silvio Berlusconi, Président du Conseil des ministres de la République italienne, sur les relations franco-italiennes et la construction européenne, à Rome le 3 juin 2008.
LE PRESIDENT - Monsieur le Président, merci. Effectivement, l'Italie et la France sont des alliées et des amies traditionnelles. Dans le coeur de chaque Français, il y a l'amour pour l'Italie. Cet amour risque d'être un peu contrarié avec le championnat d'Europe. C'est le groupe C.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - On a aussi certaines choses à faire ensemble.
LE PRESIDENT - Enfin, on est dans le même groupe. Ce qui, bien sûr, peut poser des rivalités. Mais, sur le fond, il y a une très grande gémellité entre l'Italie et la France. L'Italie est un pays aimé de chaque Français. C'est un pays que nous admirons, dans lequel chaque Français, qui s'y rend, se trouve bien. Il y a cette Méditerranée entre nous.
Sur l'ensemble des dossiers que nous avons évoqués avec le Président BERLUSCONI, il y a une grande identité de vues. Le Président BERLUSCONI veut une Europe plus concrète, plus efficace, plus pragmatique. La France veut une Europe qui protège les Européens. Derrière le mot protection, il n'y a pas de frilosité, il y a simplement que nous entendons le message de nos électeurs. Certains pays ont voté non, dans d'autres, on voit l'euroscepticisme. Je suis profondément européen mais je veux participer à la construction d'une Europe qui rende service aux Européens. C'est ce dont nous avons parlé avec le Président BERLUSCONI, un pacte européen pour l'immigration, le paquet énergie-climat pour que l'Europe soit exemplaire dans la sauvegarde de la planète, la politique agricole commune. L'agriculture en Italie existe, l'agriculture en France, cela existe. Ce matin, avec Michel BARNIER et Alain JOYANDET, nous étions au sommet de la FAO à Rome. Qu'est-ce que l'on nous dit ? Que le monde aura besoin davantage de production pour nourrir 850 millions d'êtres humains qui meurent de faim. Ce n'est pas le moment qu'il faut choisir pour demander aux Européens de produire moins.
Pour la politique de défense, vous savez, la France veut faire avancer les choses. C'est une conviction très ancienne du Président BERLUSCONI. Par ailleurs, sur des sujets dont on parle beaucoup - je pense au prix du pétrole - les pêcheurs, les routiers, ou simplement les automobilistes sont confrontés à un prix qui a doublé depuis un an. Nous demandons à l'Europe une stratégie commune. On parle, on discute et on élabore. La France a fait une proposition. Il peut y en avoir d'autres comme en Autriche, où j'étais la semaine dernière. Le Premier ministre autrichien veut que l'on taxe la spéculation. Pourquoi pas ? Mais on ne peut pas dire, on n'a pas le droit de dire aux Européens : on ne peut rien, on ne veut rien. Nous, nous voulons. On apporte une réponse européenne à cette question de l'augmentation du prix du pétrole et parce que nous le voulons, on peut. En tout cas, c'est un sujet dont nous souhaitons que le prochain conseil des chefs d'Etat et de gouvernement se saisisse.
Vous voyez, je ne voudrais pas être trop long, mais nous avons évoqué tous ces sujets et bien d'autres questions bilatérales. Je crois pouvoir dire qu'il y a une très grande identité de vues sur l'ensemble de ces sujets.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Et une volonté de collaborer sur des sujets concrets avec une continuité de relation entre nous. On donne la parole à nos amis journalistes. Il est prévu trois questions, deux questions ? Toujours la diplomatie ! Bien, deux questions de la part des journalistes italiens à Monsieur le Président et deux par les journalistes français pour moi.
QUESTION - Ma question risque de s'adresser à la fois à M. SARKOZY et à M. BERLUSCONI. Un politologue français a forgé l'expression « le sarko-berluconisme » en ce qui vous concerne. Quels sont, selon vous, les points communs et pourquoi pas les différences que vous vous reconnaissez dans votre vision et votre pratique du pouvoir ?
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Cela n'est pas le sujet d'une réponse, c'est le sujet d'un livre. Il faut l'écrire.
LE PRESIDENT - Je comprends très bien qu'il y a un certain caractère obsessionnel à cette remarque qui ne m'étonne pas. Je voudrais dire que le point commun, c'est le refus d'un nombrilisme. Je pense que les citoyens européens attendent de nous, chefs d'Etat et de gouvernement, autre chose que de nous regarder dans le blanc des yeux et de nous comparer. Il y a tant de sujets à affronter : le pétrole, l'agriculture, les délocalisations, la mondialisation, la paix dans le monde, les gens qui meurent de faim, la façon dont on peut régler l'immigration. Il y a tant de sujets.
Ne nous en voulez pas, on est un peu occupés pour faire des comparaisons comme cela. Mais c'est une très bonne nouvelle de voir que vous, vous avez le temps. Au fond, on ne doit pas avoir la même vie. Je le dis avec envie.
Mais ce n'est pas à nous d'aller nous comparer comme cela. Vous comprenez une chose, il y a tellement eu de rejets, de divorces entre les Européens et l'Europe. Ne nous demandez pas d'avoir des comportements, à ce point, politiciens et nombrilistes, alors qu'il y a temps de questions qu'on attend de nous.
Vous savez, je m'apprête à prendre la Présidence de l'Union. C'est à la fois très peu de choses et beaucoup. Très peu de choses parce qu'un Président de l'Union ne peut rien décider seul et beaucoup parce que, malgré tout, et Silvio BERLUSCONI l'a été, il faut apporter des réponses. Je vous assure que notre problème quand on est autour de la table du Conseil européen, c'est de se dire : qu'est-ce que les Européens ont pensé de ce dont on a parlé, de ce que l'on a décidé ? Et pas sur la photo, qui ressemble à qui ? Je pense même que si nos électeurs ont ces préoccupations, peut-être même que vos lecteurs souhaitent également que vous vous préoccupiez d'autres choses.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je peux ajouter que nous sommes tous les deux très pragmatiques et que, tous les deux, nous avons le même sentiment de la politique. La politique doit régler les problèmes des gens et je pense que cela est quelque chose qui nous unit.
QUESTION - J'ai une demande plus restreinte, qui concerne l'immigration illégale. Vous en avez parlé tout à l'heure. Le Président SARKOZY nous l'avait anticipé. Etant donné qu'il y a eu cet avertissement de l'ONU, l'immigration clandestine en France est déjà considérée comme un délit, pas encore en Italie, on est en train de travailler sur ce projet de loi. Je voudrais que M. BERLUSCONI nous dise si après cet avertissement de l'ONU, on envisage la possibilité de revoir un peu ce projet de loi.
Une autre brève question à M. SARKOKY, étant donné que Berlin s'est opposé à l'entrée de l'Italie dans le 5+1, je voudrais savoir de M. SARKOZY ce qu'il en pense.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Il ne s'agit pas d'une mise en garde de l'ONU mais d'une déclaration démentie par le porte-parole de l'ONU, s'agissant d'une observation négative sur quelque chose qui est en devenir. Le projet de loi du Conseil des ministres est à l'examen devant le Parlement. Le Parlement est souverain et c'est la raison pour laquelle le Parlement décidera en toute conscience. Je pense que la décision s'appuiera sur une décision de bon sens. Je pense que poursuivre quelqu'un qui demeure dans notre pays de façon illégale, vouloir le condamner pour ce délit est quelque chose de tout à fait logique. Mais cette situation, l'état d'être clandestin est quelque chose qui est prévu par le code pénal actuel.
LE PRESIDENT - Je voudrais préciser que ce n'est pas un projet de loi que l'on propose, c'est un pacte. C'est-à-dire se mettre d'accord entre pays européens sur les grandes lignes de ce que serait une politique d'immigration commune. Après tout, on est 22 ou 24 pays à avoir fait Schengen, c'est-à-dire à abolir les frontières entre nous. Il est normal que l'on réfléchisse à qui on fait rentrer les uns, les autres. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'un refus d'immigration. Il s'agit d'une lutte contre l'immigration clandestine.
Enfin, j'ai cru comprendre que votre question était sur l'Iran. Je voudrais dire que, de mon point de vue, on ne sera jamais trop de pays à essayer de résoudre la première crise du monde qui est l'ambition à peine dissimulée de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Si nos amis italiens veulent se joindre au concert des nations pour faire pression sur l'Iran afin qu'il renonce à l'arme nucléaire, je ne vois pas en quoi on devrait refuser cette aide. Je sais bien que, derrière, se poserait la question d'autres pays comme le Japon mais justement, de mon point de vue, ce n'est pas à un petit groupe de pays que nous résoudrons la question iranienne, c'est l'ensemble de la communauté internationale. Je voudrais dire que, sur ce sujet : bienvenue à l'Italie si elle veut prendre sa part du fardeau que représente la gestion potentielle d'une crise aussi grave, qui ne sera pas résolue par quelques grandes puissances mais par l'unité de la communauté internationale.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je vous assure que c'est une question que je me suis posé en me levant le matin et en envisageant tous les soucis auxquels je dois faire face pendant la journée. C'est un souci de plus. Nous sommes prêts à donner un coup de main.
QUESTION - Vous avez évoqué la question de l'Union pour la Méditerranée. A ce jour, si mes comptes sont exacts, l'Algérie, la Libye, la Syrie, le Liban ne souhaitent pas venir à Paris à cause notamment de la présence d'Israël. Comment, M. SARKOZY, comptez-vous les convaincre ?
LE PRESIDENT - Vous savez, le Président BERLUSCONI le dira lui-même, il déjeune demain avec le Président MOUBARAK, j'ai eu l'occasion de déjeuner avec lui aujourd'hui, je n'ai pas les mêmes informations que vous. Le Président libanais nous a confirmé sa participation. Le Président syrien, que j'ai eu au téléphone, m'a indiqué tout l'intérêt qu'il avait pour ce sommet et je pense que sa présence est vraisemblable. Le Président BOUTEFLIKA, que je connais un petit peu, n'a pas encore formulé de réponse. Et le Président QADDAFI est le Président QADDAFI, c'est-à-dire une position originale qui n'appartient qu'à lui, qu'il convient de respecter dont il ne faut pas faire une règle de conduite.
Maintenant, si vous voulez me dire que ce sommet est compliqué avec les difficultés d'Annapolis et du processus, c'est certain mais c'est justement parce que c'est difficile qu'il faut le faire. Honnêtement, si c'était facile, d'autres l'auraient déjà fait. Bien sûr, que cette question, quand, autour de la Méditerranée, vous voyez Israël, la Syrie, le Liban et tant d'autres est complexe mais on organise le sommet. J'en ai parlé longuement avec le Président MOUBARAK, qui lui-même assurera la Présidence.
L'Egypte est un pays considérable, 77 millions d'habitants. Il est lui-même extrêmement engagé dans ce sommet, on essayera qu'il y ait le maximum de participants parce que l'Union pour la Méditerranée est une unité. S'il devait en manquer un ou deux, nous verrons bien. Cela n'empêchera pas, je reprends l'expression du Président MOUBARAK, le train d'avancer et c'est cela qui compte.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Les Etats de la Méditerranée prendront en compte leur propre intérêt. L'intérêt de chaque pays sera d'être là et de ne pas être en dehors de cela.
QUESTION - Je voulais adresser une question à M. SARKOZY. Je voulais lui demander une opinion, quelle est l'opinion de la France au sujet de la proposition qui a été faite aujourd'hui par le Président M. BERLUSCONI de réduire les dépenses pour les aides humanitaires du calcul du déficit européen. Je voudrais adresser une autre question à M. BERLUSCONI, je voudrais lui demander si vous avez parlé du dossier Alitalia et si quoiqu'il en soit, il considère qu'un partenaire national est nécessaire pour l'Italie, pour Alitalia£ s'il considère que l'hypothèse d'Air France est exclue.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je voulais dire que la proposition que j'ai faite aujourd'hui à la FAO concernait la possibilité pour les états européens dans la discussion avec la Communauté européenne des contraintes budgétaires, de ne pas considérer les augmentations éventuelles des aides pour la question de la faim dans le cadre du pourcentage de contrainte budgétaire européenne. Tout simplement et pour une période transitoire liée à la crise de la faim, de la famine qui s'est produite dernièrement en raison d'une augmentation considérable du prix des denrées alimentaires de base. Pour ce qui concerne Alitalia, nous en avons bien sûr parlé. Nous savons bien les raisons pour lesquelles, à un moment donné, il a fallu interrompre les relations avec Air France. Je crois que ces raisons sont claires pour tous : Air France avait identifié comme condition nécessaire une réduction du nombre de collaborateurs d'Alitalia. Les syndicats ont été très fermes à ce sujet et Air France n'a pu que se retirer. Il y avait, par ailleurs, des conditions supplémentaires et nous avons dit, à ce moment-là, que cela ne correspondait pas aux intérêts de l'Italie qui ne saurait se priver de sa compagnie nationale car c'est un pays dont une grande partie du produit intérieur repose sur le tourisme. Pour ce qui est de l'avenir, je crois que l'Italie aura intérêt à établir des accords avec des compagnies internationales et, dans ce cas, Air France pourrait être une bonne solution.
LE PRESIDENT - La France aurait mauvaise grâce à dénoncer la position du Président du Conseil italien puisque je crois me souvenir que Jacques CHIRAC, lui-même, avait évoqué la possibilité de sortir les dépenses militaires du calcul du déficit. Franchement, je crois que nous ne serions pas bien placés pour donner des leçons à une initiative que proposent nos amis italiens. J'ajoute que j'ai compris l'initiative du Président BERLUSCONI comme une volonté d'encourager les pays qui font peu à faire d'avantage et de ne pas décourager les pays qui font beaucoup à faire ce qu'ils font. Vous savez, pour avancer en Europe, il faut l'unanimité. Je le vérifie tous les jours et ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple. Sur Alitalia et Air France, c'est au management d'Air France de décider mais je comprends la réponse du Président BERLUSCONI comme une volonté que l'on ne s'interdise rien dans l'avenir. Que chacun travaille tranquillement et que l'on voie un jour ou l'autre des possibilités de travailler ensemble sous une forme ou sous une autre. Cela me réjouit quand je pense que nous allons essayer de chercher entre l'Italie et la France des projets industriels communs, une volonté d'avancer. J'ai moi-même dit à mes amis italiens que si un jour ils revenaient sur le choix qu'ils avaient fait sur le nucléaire, on serait très heureux de travailler ensemble. Il y en a d'autres...Il y a le Lyon-Turin, une ligne extrêmement importante, il y a le Fréjus et le tunnel de secours qu'il faut faire. Enfin, 2 pays de l'importance de l'Italie et de la France, au coeur de l'Europe, au coeur de l'Europe géographique, il faut que l'on ait des projets ensemble, des projets d'infrastructure ensemble. On est au coeur de l'Europe, on ne peut pas simplement s'en tenir au fait qu'il y ait des déficits. On n'investit pas et c'est parce que justement on n'a pas assez investi, qu'il y a eu des déficits. C'est parce que l'on n'a pas fait assez de réformes qu'il y a eu des déficits. Maintenant, si tant qu'il y a des déficits, on ne fait rien, croyez-moi, on ne résoudra pas les déficits. Je pense qu'au XXIème siècle, il faut que l'on développe des infrastructures. Il faut que l'on investisse, que l'on se tourne vers l'avenir. Et si nos amis italiens veulent choisir - et ce sera leur choix - le nucléaire, la France sera très heureuse de travailler avec eux.
Merci, je dois ajouter quelque chose en ce qui concerne une question commune, celle du tunnel de Fréjus. J'ai exprimé la volonté de notre gouvernement de commencer les travaux pour ce réseau qui est très important pour la France, l'Italie et l'Europe. L'Etat sera encore l'Etat comme défenseur de l'égalité. Il n'y a pas une minorité organisée qui peut dire non à quelque chose qui est décidé par un organe élu démocratiquement comme le gouvernement d'un Etat. Je pense que c'est quelque chose d'important pour les deux pays.LE PRESIDENT BERLUSCONI - Merci encore à nos hôtes français et aussi au Président SARKOZY. J'espère que nous pourrons travailler vraiment ensemble dans une collaboration qui sera le résultat d'une amitié séculaire entre nos deux pays.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - On a aussi certaines choses à faire ensemble.
LE PRESIDENT - Enfin, on est dans le même groupe. Ce qui, bien sûr, peut poser des rivalités. Mais, sur le fond, il y a une très grande gémellité entre l'Italie et la France. L'Italie est un pays aimé de chaque Français. C'est un pays que nous admirons, dans lequel chaque Français, qui s'y rend, se trouve bien. Il y a cette Méditerranée entre nous.
Sur l'ensemble des dossiers que nous avons évoqués avec le Président BERLUSCONI, il y a une grande identité de vues. Le Président BERLUSCONI veut une Europe plus concrète, plus efficace, plus pragmatique. La France veut une Europe qui protège les Européens. Derrière le mot protection, il n'y a pas de frilosité, il y a simplement que nous entendons le message de nos électeurs. Certains pays ont voté non, dans d'autres, on voit l'euroscepticisme. Je suis profondément européen mais je veux participer à la construction d'une Europe qui rende service aux Européens. C'est ce dont nous avons parlé avec le Président BERLUSCONI, un pacte européen pour l'immigration, le paquet énergie-climat pour que l'Europe soit exemplaire dans la sauvegarde de la planète, la politique agricole commune. L'agriculture en Italie existe, l'agriculture en France, cela existe. Ce matin, avec Michel BARNIER et Alain JOYANDET, nous étions au sommet de la FAO à Rome. Qu'est-ce que l'on nous dit ? Que le monde aura besoin davantage de production pour nourrir 850 millions d'êtres humains qui meurent de faim. Ce n'est pas le moment qu'il faut choisir pour demander aux Européens de produire moins.
Pour la politique de défense, vous savez, la France veut faire avancer les choses. C'est une conviction très ancienne du Président BERLUSCONI. Par ailleurs, sur des sujets dont on parle beaucoup - je pense au prix du pétrole - les pêcheurs, les routiers, ou simplement les automobilistes sont confrontés à un prix qui a doublé depuis un an. Nous demandons à l'Europe une stratégie commune. On parle, on discute et on élabore. La France a fait une proposition. Il peut y en avoir d'autres comme en Autriche, où j'étais la semaine dernière. Le Premier ministre autrichien veut que l'on taxe la spéculation. Pourquoi pas ? Mais on ne peut pas dire, on n'a pas le droit de dire aux Européens : on ne peut rien, on ne veut rien. Nous, nous voulons. On apporte une réponse européenne à cette question de l'augmentation du prix du pétrole et parce que nous le voulons, on peut. En tout cas, c'est un sujet dont nous souhaitons que le prochain conseil des chefs d'Etat et de gouvernement se saisisse.
Vous voyez, je ne voudrais pas être trop long, mais nous avons évoqué tous ces sujets et bien d'autres questions bilatérales. Je crois pouvoir dire qu'il y a une très grande identité de vues sur l'ensemble de ces sujets.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Et une volonté de collaborer sur des sujets concrets avec une continuité de relation entre nous. On donne la parole à nos amis journalistes. Il est prévu trois questions, deux questions ? Toujours la diplomatie ! Bien, deux questions de la part des journalistes italiens à Monsieur le Président et deux par les journalistes français pour moi.
QUESTION - Ma question risque de s'adresser à la fois à M. SARKOZY et à M. BERLUSCONI. Un politologue français a forgé l'expression « le sarko-berluconisme » en ce qui vous concerne. Quels sont, selon vous, les points communs et pourquoi pas les différences que vous vous reconnaissez dans votre vision et votre pratique du pouvoir ?
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Cela n'est pas le sujet d'une réponse, c'est le sujet d'un livre. Il faut l'écrire.
LE PRESIDENT - Je comprends très bien qu'il y a un certain caractère obsessionnel à cette remarque qui ne m'étonne pas. Je voudrais dire que le point commun, c'est le refus d'un nombrilisme. Je pense que les citoyens européens attendent de nous, chefs d'Etat et de gouvernement, autre chose que de nous regarder dans le blanc des yeux et de nous comparer. Il y a tant de sujets à affronter : le pétrole, l'agriculture, les délocalisations, la mondialisation, la paix dans le monde, les gens qui meurent de faim, la façon dont on peut régler l'immigration. Il y a tant de sujets.
Ne nous en voulez pas, on est un peu occupés pour faire des comparaisons comme cela. Mais c'est une très bonne nouvelle de voir que vous, vous avez le temps. Au fond, on ne doit pas avoir la même vie. Je le dis avec envie.
Mais ce n'est pas à nous d'aller nous comparer comme cela. Vous comprenez une chose, il y a tellement eu de rejets, de divorces entre les Européens et l'Europe. Ne nous demandez pas d'avoir des comportements, à ce point, politiciens et nombrilistes, alors qu'il y a temps de questions qu'on attend de nous.
Vous savez, je m'apprête à prendre la Présidence de l'Union. C'est à la fois très peu de choses et beaucoup. Très peu de choses parce qu'un Président de l'Union ne peut rien décider seul et beaucoup parce que, malgré tout, et Silvio BERLUSCONI l'a été, il faut apporter des réponses. Je vous assure que notre problème quand on est autour de la table du Conseil européen, c'est de se dire : qu'est-ce que les Européens ont pensé de ce dont on a parlé, de ce que l'on a décidé ? Et pas sur la photo, qui ressemble à qui ? Je pense même que si nos électeurs ont ces préoccupations, peut-être même que vos lecteurs souhaitent également que vous vous préoccupiez d'autres choses.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je peux ajouter que nous sommes tous les deux très pragmatiques et que, tous les deux, nous avons le même sentiment de la politique. La politique doit régler les problèmes des gens et je pense que cela est quelque chose qui nous unit.
QUESTION - J'ai une demande plus restreinte, qui concerne l'immigration illégale. Vous en avez parlé tout à l'heure. Le Président SARKOZY nous l'avait anticipé. Etant donné qu'il y a eu cet avertissement de l'ONU, l'immigration clandestine en France est déjà considérée comme un délit, pas encore en Italie, on est en train de travailler sur ce projet de loi. Je voudrais que M. BERLUSCONI nous dise si après cet avertissement de l'ONU, on envisage la possibilité de revoir un peu ce projet de loi.
Une autre brève question à M. SARKOKY, étant donné que Berlin s'est opposé à l'entrée de l'Italie dans le 5+1, je voudrais savoir de M. SARKOZY ce qu'il en pense.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Il ne s'agit pas d'une mise en garde de l'ONU mais d'une déclaration démentie par le porte-parole de l'ONU, s'agissant d'une observation négative sur quelque chose qui est en devenir. Le projet de loi du Conseil des ministres est à l'examen devant le Parlement. Le Parlement est souverain et c'est la raison pour laquelle le Parlement décidera en toute conscience. Je pense que la décision s'appuiera sur une décision de bon sens. Je pense que poursuivre quelqu'un qui demeure dans notre pays de façon illégale, vouloir le condamner pour ce délit est quelque chose de tout à fait logique. Mais cette situation, l'état d'être clandestin est quelque chose qui est prévu par le code pénal actuel.
LE PRESIDENT - Je voudrais préciser que ce n'est pas un projet de loi que l'on propose, c'est un pacte. C'est-à-dire se mettre d'accord entre pays européens sur les grandes lignes de ce que serait une politique d'immigration commune. Après tout, on est 22 ou 24 pays à avoir fait Schengen, c'est-à-dire à abolir les frontières entre nous. Il est normal que l'on réfléchisse à qui on fait rentrer les uns, les autres. Deuxièmement, il ne s'agit pas d'un refus d'immigration. Il s'agit d'une lutte contre l'immigration clandestine.
Enfin, j'ai cru comprendre que votre question était sur l'Iran. Je voudrais dire que, de mon point de vue, on ne sera jamais trop de pays à essayer de résoudre la première crise du monde qui est l'ambition à peine dissimulée de l'Iran de se doter de l'arme nucléaire. Si nos amis italiens veulent se joindre au concert des nations pour faire pression sur l'Iran afin qu'il renonce à l'arme nucléaire, je ne vois pas en quoi on devrait refuser cette aide. Je sais bien que, derrière, se poserait la question d'autres pays comme le Japon mais justement, de mon point de vue, ce n'est pas à un petit groupe de pays que nous résoudrons la question iranienne, c'est l'ensemble de la communauté internationale. Je voudrais dire que, sur ce sujet : bienvenue à l'Italie si elle veut prendre sa part du fardeau que représente la gestion potentielle d'une crise aussi grave, qui ne sera pas résolue par quelques grandes puissances mais par l'unité de la communauté internationale.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je vous assure que c'est une question que je me suis posé en me levant le matin et en envisageant tous les soucis auxquels je dois faire face pendant la journée. C'est un souci de plus. Nous sommes prêts à donner un coup de main.
QUESTION - Vous avez évoqué la question de l'Union pour la Méditerranée. A ce jour, si mes comptes sont exacts, l'Algérie, la Libye, la Syrie, le Liban ne souhaitent pas venir à Paris à cause notamment de la présence d'Israël. Comment, M. SARKOZY, comptez-vous les convaincre ?
LE PRESIDENT - Vous savez, le Président BERLUSCONI le dira lui-même, il déjeune demain avec le Président MOUBARAK, j'ai eu l'occasion de déjeuner avec lui aujourd'hui, je n'ai pas les mêmes informations que vous. Le Président libanais nous a confirmé sa participation. Le Président syrien, que j'ai eu au téléphone, m'a indiqué tout l'intérêt qu'il avait pour ce sommet et je pense que sa présence est vraisemblable. Le Président BOUTEFLIKA, que je connais un petit peu, n'a pas encore formulé de réponse. Et le Président QADDAFI est le Président QADDAFI, c'est-à-dire une position originale qui n'appartient qu'à lui, qu'il convient de respecter dont il ne faut pas faire une règle de conduite.
Maintenant, si vous voulez me dire que ce sommet est compliqué avec les difficultés d'Annapolis et du processus, c'est certain mais c'est justement parce que c'est difficile qu'il faut le faire. Honnêtement, si c'était facile, d'autres l'auraient déjà fait. Bien sûr, que cette question, quand, autour de la Méditerranée, vous voyez Israël, la Syrie, le Liban et tant d'autres est complexe mais on organise le sommet. J'en ai parlé longuement avec le Président MOUBARAK, qui lui-même assurera la Présidence.
L'Egypte est un pays considérable, 77 millions d'habitants. Il est lui-même extrêmement engagé dans ce sommet, on essayera qu'il y ait le maximum de participants parce que l'Union pour la Méditerranée est une unité. S'il devait en manquer un ou deux, nous verrons bien. Cela n'empêchera pas, je reprends l'expression du Président MOUBARAK, le train d'avancer et c'est cela qui compte.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Les Etats de la Méditerranée prendront en compte leur propre intérêt. L'intérêt de chaque pays sera d'être là et de ne pas être en dehors de cela.
QUESTION - Je voulais adresser une question à M. SARKOZY. Je voulais lui demander une opinion, quelle est l'opinion de la France au sujet de la proposition qui a été faite aujourd'hui par le Président M. BERLUSCONI de réduire les dépenses pour les aides humanitaires du calcul du déficit européen. Je voudrais adresser une autre question à M. BERLUSCONI, je voudrais lui demander si vous avez parlé du dossier Alitalia et si quoiqu'il en soit, il considère qu'un partenaire national est nécessaire pour l'Italie, pour Alitalia£ s'il considère que l'hypothèse d'Air France est exclue.
LE PRESIDENT BERLUSCONI - Je voulais dire que la proposition que j'ai faite aujourd'hui à la FAO concernait la possibilité pour les états européens dans la discussion avec la Communauté européenne des contraintes budgétaires, de ne pas considérer les augmentations éventuelles des aides pour la question de la faim dans le cadre du pourcentage de contrainte budgétaire européenne. Tout simplement et pour une période transitoire liée à la crise de la faim, de la famine qui s'est produite dernièrement en raison d'une augmentation considérable du prix des denrées alimentaires de base. Pour ce qui concerne Alitalia, nous en avons bien sûr parlé. Nous savons bien les raisons pour lesquelles, à un moment donné, il a fallu interrompre les relations avec Air France. Je crois que ces raisons sont claires pour tous : Air France avait identifié comme condition nécessaire une réduction du nombre de collaborateurs d'Alitalia. Les syndicats ont été très fermes à ce sujet et Air France n'a pu que se retirer. Il y avait, par ailleurs, des conditions supplémentaires et nous avons dit, à ce moment-là, que cela ne correspondait pas aux intérêts de l'Italie qui ne saurait se priver de sa compagnie nationale car c'est un pays dont une grande partie du produit intérieur repose sur le tourisme. Pour ce qui est de l'avenir, je crois que l'Italie aura intérêt à établir des accords avec des compagnies internationales et, dans ce cas, Air France pourrait être une bonne solution.
LE PRESIDENT - La France aurait mauvaise grâce à dénoncer la position du Président du Conseil italien puisque je crois me souvenir que Jacques CHIRAC, lui-même, avait évoqué la possibilité de sortir les dépenses militaires du calcul du déficit. Franchement, je crois que nous ne serions pas bien placés pour donner des leçons à une initiative que proposent nos amis italiens. J'ajoute que j'ai compris l'initiative du Président BERLUSCONI comme une volonté d'encourager les pays qui font peu à faire d'avantage et de ne pas décourager les pays qui font beaucoup à faire ce qu'ils font. Vous savez, pour avancer en Europe, il faut l'unanimité. Je le vérifie tous les jours et ce n'est pas ce qu'il y a de plus simple. Sur Alitalia et Air France, c'est au management d'Air France de décider mais je comprends la réponse du Président BERLUSCONI comme une volonté que l'on ne s'interdise rien dans l'avenir. Que chacun travaille tranquillement et que l'on voie un jour ou l'autre des possibilités de travailler ensemble sous une forme ou sous une autre. Cela me réjouit quand je pense que nous allons essayer de chercher entre l'Italie et la France des projets industriels communs, une volonté d'avancer. J'ai moi-même dit à mes amis italiens que si un jour ils revenaient sur le choix qu'ils avaient fait sur le nucléaire, on serait très heureux de travailler ensemble. Il y en a d'autres...Il y a le Lyon-Turin, une ligne extrêmement importante, il y a le Fréjus et le tunnel de secours qu'il faut faire. Enfin, 2 pays de l'importance de l'Italie et de la France, au coeur de l'Europe, au coeur de l'Europe géographique, il faut que l'on ait des projets ensemble, des projets d'infrastructure ensemble. On est au coeur de l'Europe, on ne peut pas simplement s'en tenir au fait qu'il y ait des déficits. On n'investit pas et c'est parce que justement on n'a pas assez investi, qu'il y a eu des déficits. C'est parce que l'on n'a pas fait assez de réformes qu'il y a eu des déficits. Maintenant, si tant qu'il y a des déficits, on ne fait rien, croyez-moi, on ne résoudra pas les déficits. Je pense qu'au XXIème siècle, il faut que l'on développe des infrastructures. Il faut que l'on investisse, que l'on se tourne vers l'avenir. Et si nos amis italiens veulent choisir - et ce sera leur choix - le nucléaire, la France sera très heureuse de travailler avec eux.
Merci, je dois ajouter quelque chose en ce qui concerne une question commune, celle du tunnel de Fréjus. J'ai exprimé la volonté de notre gouvernement de commencer les travaux pour ce réseau qui est très important pour la France, l'Italie et l'Europe. L'Etat sera encore l'Etat comme défenseur de l'égalité. Il n'y a pas une minorité organisée qui peut dire non à quelque chose qui est décidé par un organe élu démocratiquement comme le gouvernement d'un Etat. Je pense que c'est quelque chose d'important pour les deux pays.LE PRESIDENT BERLUSCONI - Merci encore à nos hôtes français et aussi au Président SARKOZY. J'espère que nous pourrons travailler vraiment ensemble dans une collaboration qui sera le résultat d'une amitié séculaire entre nos deux pays.