28 mai 2008 - Seul le prononcé fait foi
Entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans le quotidien polonais "Dziennik" du 28 mai 2008, notamment sur les relations franco-polonaises dans le cadre de l'Union européenne et de l'OTAN.
Q - Vous présiderez aujourd'hui avec le président de la République de Pologne le Sommet franco-polonais. Quel est le but de votre déplacement, à un mois de la Présidence française de l'Union européenne ? Vous signerez également aujourd'hui un document sur le partenariat stratégique, comment "ce traitement spécial" se traduira-t-il sur nos relations et notre coopération dans le cadre de l'Union européenne ?
R - Je me réjouis de cette visite en Pologne, la deuxième depuis mon élection, qui sera, je l'espère, un moment important pour la relation entre nos deux pays. Cela me donnera l'occasion de rencontrer le président Kaczynski et le Premier ministre Tusk à l'heure où la France s'apprête à assumer sa présidence de l'Union européenne. J'attache une très grande importance à la relation franco-polonaise. Elle est très ancienne, enracinée dans notre histoire commune et nourrie des liens exceptionnels qui se sont tissés entre nos deux peuples. Mais aujourd'hui, alors que nos deux pays oeuvrent ensemble dans une Europe enfin réunie, nous devons lui donner un élan nouveau. C'est le sens du partenariat stratégique que nous allons conclure. Il nous permettra de travailler encore davantage ensemble dans de nombreux domaines tels que l'agriculture et l'énergie, pour lesquels ont été créés des groupes de travail franco-polonais. Nous devons aller plus loin ensemble dans le cadre bilatéral comme dans le cadre européen.
Ma visite a également pour objet de préparer la Présidence française de l'Union européenne, qui commencera le 1er juillet prochain. Je sais que nous avons la même volonté de voir l'Europe assumer les responsabilités qui sont les siennes. Il faut que cela se traduise par des avancées concrètes dans toute une série de domaines essentiels. Je pense à la politique de sécurité et de défense, à l'énergie et à la lutte contre le changement climatique ou encore à la Politique agricole commune. Et puis il faudra préparer la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne pour qu'il puisse effectivement entrer en vigueur le 1er janvier 2009, comme les 27 l'ont décidé. A cet égard, je me félicite de la ratification rapide du Traité de Lisbonne par la Pologne : c'est un signe concret et tangible de l'engagement européen de la Pologne, ce qui très positif et très encourageant pour tous les Européens.
Q - Soutenez-vous toujours l'idée de créer un groupe de "six grands" pays - France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne dans lequel la France pourrait avoir une voix prépondérante? Quelle serait le rôle de la Pologne dans ce groupe? Qu'envisage Paris pour encourager Pologne à se joindre à cette idée ?
R - Le principe même de l'Union européenne est de faire travailler ensemble tous ses membres, quelle que soit leur taille, leur ancienneté, leur richesse. C'est un principe essentiel et c'est ce qui a fait la remarquable réussite de notre Union. Lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, j'ai proposé de mettre en place un groupe informel entre les cinq plus grands Etats, groupe que j'ai proposé d'élargir à la Pologne. C'était nécessaire pour renforcer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé et j'observe que ce groupe informel fonctionne toujours aujourd'hui, entre les ministres de l'Intérieur des six pays concernés, ce qui montre son utilité. Mais il s'agissait d'un domaine très spécifique et ce mode de fonctionnement n'est pas transposable ailleurs. Bien sûr, il existe, dans une Europe à 27, des lieux de concertation informels, comme par exemple le groupe de Visegrad, auquel participe la Pologne. Mais, en tant que Présidence, mon rôle sera de veiller à la complète participation de tous au processus de décision. Je suis déterminé à y veiller.
Q - Aux yeux de nombreux critiques, l'Union européenne est considérée comme un organisme très faible, divisé par des conflits internes et par les intérêts contradictoires des Etats membres. Pensez-vous sortir de cette impasse et voir l'Union européenne se transformer en un véritable acteur sur la scène internationale, capable de faire jeu égal avec les Etats-Unis ?
R - Je ne partage pas ce pessimisme, que je trouve injuste. Ce que nous avons accompli, ensemble en Europe au cours des cinquante dernières années, de manière pacifique et démocratique, est sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Nous sommes parvenus à unir ensemble 27 nations autour d'une même ambition de paix, de démocratie, de respect des droits fondamentaux, de prospérité, de défense de nos valeurs et de nos intérêts. Un espace de solidarité aussi, une solidarité concrète dont la Pologne bénéficie à juste titre, comme d'autres avant elle. Il n'y a pas d'équivalent dans le monde et nous devons en être fiers. Bien sûr, tout n'est pas parfait, loin de là. Il est vrai que, dans la décennie écoulée, l'Europe a consacré trop de temps à s'interroger sur elle-même. Le Traité de Lisbonne permet justement de mettre fin à cette phase d'introspection en tournant enfin la page de la réforme institutionnelle. Il permet de doter l'Europe d'un président stable du Conseil européen et d'un Haut Représentant, qui feront entendre sa voix dans le monde. C'est très important et c'est pourquoi nous devons être prêt au 1er janvier 2009 : qui comprendrait que, au moment de l'arrivée en fonction d'une nouvelle administration américaine, l'Europe ne soit pas en état de marche ?
L'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale ne remet évidemment pas en cause la solidarité transatlantique. L'Europe et les Etats-Unis ne sont ni des rivaux ni des concurrents. Il est dans l'intérêt de notre partenaire américain que l'Europe assume pleinement son rôle. Cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout. Mais c'est par le dialogue et la concertation que nous pouvons faire évoluer les Etats-Unis sur des dossiers essentiels comme la lutte contre le changement climatique.
Q - Où sont les frontières de l'Europe? Quels sont les nouveaux pays qui pourraient adhérer à l'Union dans l'avenir ? Et quels sont les pays qui ne pourraient pas devenir membre ? La Pologne soutient l'adhésion de l'Ukraine, elle ne s'oppose pas non plus à l'adhésion des pays du Caucase - Géorgie, Arménie, et ni à celle de la Turquie. Un tel élargissement est-il possible dans l'avenir et serait-il avantageux pour l'Union européenne ?
R - Ma position sur la candidature de la Turquie est connue et elle n'a pas changé. La question de fond qui se pose c'est celle des frontières de l'Union européenne : doit-elle en avoir, comme je le pense, et dans ce cas où passent-elles ? Ces questions sont difficiles et nous devons y travailler ensemble. J'espère que le groupe des Sages, dont j'avais proposé la création, pourra, sous la présidence de Felipe Gonzalez, y réfléchir de manière approfondie. Ce qui est essentiel pour moi, c'est que l'Union européenne ne devienne pas un vaste ensemble sans unité, sans volonté, sans soutien populaire. Car, alors, nous aurions sacrifié l'idéal des Pères fondateurs, auquel je suis très attaché, celui d'une Union qui n'est pas seulement économique mais qui est aussi politique.
Q - Pendant le Sommet de l'OTAN à Bucarest vous avez annoncé le retour de la France dans les structures militaires de l'OTAN. Parallèlement, Paris voudrait donner une dimension "plus européenne" à cette organisation, renforcer la sécurité commune sur notre continent. Cette idée est différente de celle des Américains, qui considèrent l'OTAN comme "un policier global" qui développe des forces d'intervention ? Est-il possible de concilier ces deux visions ?
R - Ce que j'ai dit à Bucarest, c'est que la France est membre de l'Alliance atlantique depuis sa création. Elle figure parmi les premiers contributeurs de l'Alliance, en particulier aux opérations dans les Balkans et en Afghanistan. Elle assume pleinement ses responsabilités aux côtés de ses alliés, au service de la sécurité internationale. Mais ce qui nous unit d'abord, c'est bien sur l'article 5 du Traité de l'Atlantique nord, la clause de défense collective en cas d'agression contre un allié, à laquelle nous sommes tous attachés. Dans mon esprit, cet engagement dans l'Alliance va de pair avec l'engagement pour la Défense européenne. Nous avons besoin des deux, qui sont complémentaires. Et d'ailleurs, une Défense européenne forte accroîtra l'efficacité de l'Alliance atlantique et sera plus à même de partager la charge de la sécurité transatlantique. Ces deux objectifs ne sont donc pas contradictoires. Cette idée reçoit un large soutien au sein de l'OTAN et le président Bush l'a souligné au sommet de Bucarest. Je me réjouis de voir que la France et la Pologne partagent pleinement cette analyse et je tiens à saluer la décision de la Pologne de rejoindre l'Eurocorps et son soutien à la Défense européenne.
Q - La France n'a pas soutenu l'octroi à l'Ukraine et à la Géorgie du MAP, qui a vocation à préparer l'entrée de ces pays dans l'OTAN. Cela est-il dû à la qualité des relations entre Paris et Moscou? Pendant votre Présidence, la Pologne pourra-t-elle compter sur votre soutien dans ses différends avec la Russie ? Lorsque Jacques Chirac était président on ne pouvait pas compter sur son appui ni même en rêver...
R - A Bucarest, l'Alliance a confirmé de manière solennelle la perspective d'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie. Demander d'adhérer à l'OTAN est un choix souverain de chaque état et personne en dehors de l'Alliance n'a de droit de veto à ce sujet. De leur côté, les membres de l'Alliance ont dit à l'Ukraine et à la Géorgie qu'ils étaient disposés à les compter en leur sein. Mais ce sont des décisions que l'on ne prend pas à la légère. Les membres de l'Alliance ont également estimé, collectivement, que toutes les conditions requises pour l'octroi du MAP n'étaient pas encore remplies. En acceptant de nouveaux membres, nous sommes conscients de ce que nous leur offrons, mais aussi du défi que cela représente pour eux. La Pologne a rejoint l'OTAN voici dix ans. Cela a été un grand moment. Ce tournant, dix ans seulement après la chute du régime communiste, a exigé des efforts considérables pour la Pologne et pour son armée. Il s'agit de questions lourdes et sérieuses. Elles peuvent requérir du temps. Mais nous avons aussi donné un rendez-vous à l'Ukraine et à la Géorgie. C'est cela l'accord de Bucarest. Nous nous sommes tous retrouvés sur cette position : la France, la Pologne et toute l'Alliance.
La question sur la Russie est une autre question. Je compte mettre notre Présidence à profit pour progresser vers la conclusion d'un accord ambitieux entre l'Union européenne et la Russie. Car nous devons être l'un pour l'autre des partenaires privilégiés. Mais je ne veux pas d'un accord au rabais, je ne veux pas d'un accord qui se ferait au détriment d'un partenaire.
Q - La Pologne a envoyé ses premiers soldats au Tchad dans le cadre d'une opération européenne. Est-il possible de créer dans un proche avenir des forces européennes militaires qui pourraient assumer la conduite d'opérations de stabilisation et de gestion de crise dans le monde entier. Si oui, est-ce qu'on ne risque pas que ces missions ne fassent concurrence à l'Otan et affaiblissent la force et la mission de l'Alliance ?
R - Je tiens à saluer la décision de la Pologne de participer à la mission déployée par l'Union européenne au Tchad. Elle illustre l'engagement de la Pologne dans la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne. La Pologne, comme la France participe aussi aux opérations conduites par l'OTAN, notamment la FIAS en Afghanistan. En quelques années, la Pologne a pris la part majeure qui lui revient dans le rayonnement de l'Europe dans le monde. Je m'en réjouis. A l'occasion des ces missions que nos soldats ont effectuées côte à côte, la fraternité d'armes franco-polonaise s'est revivifiée. Cela confirme que la Pologne, qui a si longtemps combattu pour sa propre émancipation comme pour la libération de l'Europe, a repris tout son rang en Europe.
Il est important que la Pologne prenne toute sa place dans le renforcement de la défense européenne. Les positions de nos deux pays sont largement convergentes et nous allons travailler la main dans la main pendant la Présidence française de l'Union européenne, dont l'Europe de la défense est une des quatre priorités. Je suis convaincu que l'engagement de nos deux pays contribuera à faire progresser l'Europe de la défense et le partenariat euro atlantique.
R - Je me réjouis de cette visite en Pologne, la deuxième depuis mon élection, qui sera, je l'espère, un moment important pour la relation entre nos deux pays. Cela me donnera l'occasion de rencontrer le président Kaczynski et le Premier ministre Tusk à l'heure où la France s'apprête à assumer sa présidence de l'Union européenne. J'attache une très grande importance à la relation franco-polonaise. Elle est très ancienne, enracinée dans notre histoire commune et nourrie des liens exceptionnels qui se sont tissés entre nos deux peuples. Mais aujourd'hui, alors que nos deux pays oeuvrent ensemble dans une Europe enfin réunie, nous devons lui donner un élan nouveau. C'est le sens du partenariat stratégique que nous allons conclure. Il nous permettra de travailler encore davantage ensemble dans de nombreux domaines tels que l'agriculture et l'énergie, pour lesquels ont été créés des groupes de travail franco-polonais. Nous devons aller plus loin ensemble dans le cadre bilatéral comme dans le cadre européen.
Ma visite a également pour objet de préparer la Présidence française de l'Union européenne, qui commencera le 1er juillet prochain. Je sais que nous avons la même volonté de voir l'Europe assumer les responsabilités qui sont les siennes. Il faut que cela se traduise par des avancées concrètes dans toute une série de domaines essentiels. Je pense à la politique de sécurité et de défense, à l'énergie et à la lutte contre le changement climatique ou encore à la Politique agricole commune. Et puis il faudra préparer la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne pour qu'il puisse effectivement entrer en vigueur le 1er janvier 2009, comme les 27 l'ont décidé. A cet égard, je me félicite de la ratification rapide du Traité de Lisbonne par la Pologne : c'est un signe concret et tangible de l'engagement européen de la Pologne, ce qui très positif et très encourageant pour tous les Européens.
Q - Soutenez-vous toujours l'idée de créer un groupe de "six grands" pays - France, Grande-Bretagne, Allemagne, Italie, Espagne, Pologne dans lequel la France pourrait avoir une voix prépondérante? Quelle serait le rôle de la Pologne dans ce groupe? Qu'envisage Paris pour encourager Pologne à se joindre à cette idée ?
R - Le principe même de l'Union européenne est de faire travailler ensemble tous ses membres, quelle que soit leur taille, leur ancienneté, leur richesse. C'est un principe essentiel et c'est ce qui a fait la remarquable réussite de notre Union. Lorsque j'étais ministre de l'Intérieur, j'ai proposé de mettre en place un groupe informel entre les cinq plus grands Etats, groupe que j'ai proposé d'élargir à la Pologne. C'était nécessaire pour renforcer l'efficacité de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé et j'observe que ce groupe informel fonctionne toujours aujourd'hui, entre les ministres de l'Intérieur des six pays concernés, ce qui montre son utilité. Mais il s'agissait d'un domaine très spécifique et ce mode de fonctionnement n'est pas transposable ailleurs. Bien sûr, il existe, dans une Europe à 27, des lieux de concertation informels, comme par exemple le groupe de Visegrad, auquel participe la Pologne. Mais, en tant que Présidence, mon rôle sera de veiller à la complète participation de tous au processus de décision. Je suis déterminé à y veiller.
Q - Aux yeux de nombreux critiques, l'Union européenne est considérée comme un organisme très faible, divisé par des conflits internes et par les intérêts contradictoires des Etats membres. Pensez-vous sortir de cette impasse et voir l'Union européenne se transformer en un véritable acteur sur la scène internationale, capable de faire jeu égal avec les Etats-Unis ?
R - Je ne partage pas ce pessimisme, que je trouve injuste. Ce que nous avons accompli, ensemble en Europe au cours des cinquante dernières années, de manière pacifique et démocratique, est sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Nous sommes parvenus à unir ensemble 27 nations autour d'une même ambition de paix, de démocratie, de respect des droits fondamentaux, de prospérité, de défense de nos valeurs et de nos intérêts. Un espace de solidarité aussi, une solidarité concrète dont la Pologne bénéficie à juste titre, comme d'autres avant elle. Il n'y a pas d'équivalent dans le monde et nous devons en être fiers. Bien sûr, tout n'est pas parfait, loin de là. Il est vrai que, dans la décennie écoulée, l'Europe a consacré trop de temps à s'interroger sur elle-même. Le Traité de Lisbonne permet justement de mettre fin à cette phase d'introspection en tournant enfin la page de la réforme institutionnelle. Il permet de doter l'Europe d'un président stable du Conseil européen et d'un Haut Représentant, qui feront entendre sa voix dans le monde. C'est très important et c'est pourquoi nous devons être prêt au 1er janvier 2009 : qui comprendrait que, au moment de l'arrivée en fonction d'une nouvelle administration américaine, l'Europe ne soit pas en état de marche ?
L'affirmation de l'Union européenne sur la scène internationale ne remet évidemment pas en cause la solidarité transatlantique. L'Europe et les Etats-Unis ne sont ni des rivaux ni des concurrents. Il est dans l'intérêt de notre partenaire américain que l'Europe assume pleinement son rôle. Cela ne veut pas dire que nous sommes d'accord sur tout. Mais c'est par le dialogue et la concertation que nous pouvons faire évoluer les Etats-Unis sur des dossiers essentiels comme la lutte contre le changement climatique.
Q - Où sont les frontières de l'Europe? Quels sont les nouveaux pays qui pourraient adhérer à l'Union dans l'avenir ? Et quels sont les pays qui ne pourraient pas devenir membre ? La Pologne soutient l'adhésion de l'Ukraine, elle ne s'oppose pas non plus à l'adhésion des pays du Caucase - Géorgie, Arménie, et ni à celle de la Turquie. Un tel élargissement est-il possible dans l'avenir et serait-il avantageux pour l'Union européenne ?
R - Ma position sur la candidature de la Turquie est connue et elle n'a pas changé. La question de fond qui se pose c'est celle des frontières de l'Union européenne : doit-elle en avoir, comme je le pense, et dans ce cas où passent-elles ? Ces questions sont difficiles et nous devons y travailler ensemble. J'espère que le groupe des Sages, dont j'avais proposé la création, pourra, sous la présidence de Felipe Gonzalez, y réfléchir de manière approfondie. Ce qui est essentiel pour moi, c'est que l'Union européenne ne devienne pas un vaste ensemble sans unité, sans volonté, sans soutien populaire. Car, alors, nous aurions sacrifié l'idéal des Pères fondateurs, auquel je suis très attaché, celui d'une Union qui n'est pas seulement économique mais qui est aussi politique.
Q - Pendant le Sommet de l'OTAN à Bucarest vous avez annoncé le retour de la France dans les structures militaires de l'OTAN. Parallèlement, Paris voudrait donner une dimension "plus européenne" à cette organisation, renforcer la sécurité commune sur notre continent. Cette idée est différente de celle des Américains, qui considèrent l'OTAN comme "un policier global" qui développe des forces d'intervention ? Est-il possible de concilier ces deux visions ?
R - Ce que j'ai dit à Bucarest, c'est que la France est membre de l'Alliance atlantique depuis sa création. Elle figure parmi les premiers contributeurs de l'Alliance, en particulier aux opérations dans les Balkans et en Afghanistan. Elle assume pleinement ses responsabilités aux côtés de ses alliés, au service de la sécurité internationale. Mais ce qui nous unit d'abord, c'est bien sur l'article 5 du Traité de l'Atlantique nord, la clause de défense collective en cas d'agression contre un allié, à laquelle nous sommes tous attachés. Dans mon esprit, cet engagement dans l'Alliance va de pair avec l'engagement pour la Défense européenne. Nous avons besoin des deux, qui sont complémentaires. Et d'ailleurs, une Défense européenne forte accroîtra l'efficacité de l'Alliance atlantique et sera plus à même de partager la charge de la sécurité transatlantique. Ces deux objectifs ne sont donc pas contradictoires. Cette idée reçoit un large soutien au sein de l'OTAN et le président Bush l'a souligné au sommet de Bucarest. Je me réjouis de voir que la France et la Pologne partagent pleinement cette analyse et je tiens à saluer la décision de la Pologne de rejoindre l'Eurocorps et son soutien à la Défense européenne.
Q - La France n'a pas soutenu l'octroi à l'Ukraine et à la Géorgie du MAP, qui a vocation à préparer l'entrée de ces pays dans l'OTAN. Cela est-il dû à la qualité des relations entre Paris et Moscou? Pendant votre Présidence, la Pologne pourra-t-elle compter sur votre soutien dans ses différends avec la Russie ? Lorsque Jacques Chirac était président on ne pouvait pas compter sur son appui ni même en rêver...
R - A Bucarest, l'Alliance a confirmé de manière solennelle la perspective d'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie. Demander d'adhérer à l'OTAN est un choix souverain de chaque état et personne en dehors de l'Alliance n'a de droit de veto à ce sujet. De leur côté, les membres de l'Alliance ont dit à l'Ukraine et à la Géorgie qu'ils étaient disposés à les compter en leur sein. Mais ce sont des décisions que l'on ne prend pas à la légère. Les membres de l'Alliance ont également estimé, collectivement, que toutes les conditions requises pour l'octroi du MAP n'étaient pas encore remplies. En acceptant de nouveaux membres, nous sommes conscients de ce que nous leur offrons, mais aussi du défi que cela représente pour eux. La Pologne a rejoint l'OTAN voici dix ans. Cela a été un grand moment. Ce tournant, dix ans seulement après la chute du régime communiste, a exigé des efforts considérables pour la Pologne et pour son armée. Il s'agit de questions lourdes et sérieuses. Elles peuvent requérir du temps. Mais nous avons aussi donné un rendez-vous à l'Ukraine et à la Géorgie. C'est cela l'accord de Bucarest. Nous nous sommes tous retrouvés sur cette position : la France, la Pologne et toute l'Alliance.
La question sur la Russie est une autre question. Je compte mettre notre Présidence à profit pour progresser vers la conclusion d'un accord ambitieux entre l'Union européenne et la Russie. Car nous devons être l'un pour l'autre des partenaires privilégiés. Mais je ne veux pas d'un accord au rabais, je ne veux pas d'un accord qui se ferait au détriment d'un partenaire.
Q - La Pologne a envoyé ses premiers soldats au Tchad dans le cadre d'une opération européenne. Est-il possible de créer dans un proche avenir des forces européennes militaires qui pourraient assumer la conduite d'opérations de stabilisation et de gestion de crise dans le monde entier. Si oui, est-ce qu'on ne risque pas que ces missions ne fassent concurrence à l'Otan et affaiblissent la force et la mission de l'Alliance ?
R - Je tiens à saluer la décision de la Pologne de participer à la mission déployée par l'Union européenne au Tchad. Elle illustre l'engagement de la Pologne dans la politique étrangère et de sécurité commune de l'Union européenne. La Pologne, comme la France participe aussi aux opérations conduites par l'OTAN, notamment la FIAS en Afghanistan. En quelques années, la Pologne a pris la part majeure qui lui revient dans le rayonnement de l'Europe dans le monde. Je m'en réjouis. A l'occasion des ces missions que nos soldats ont effectuées côte à côte, la fraternité d'armes franco-polonaise s'est revivifiée. Cela confirme que la Pologne, qui a si longtemps combattu pour sa propre émancipation comme pour la libération de l'Europe, a repris tout son rang en Europe.
Il est important que la Pologne prenne toute sa place dans le renforcement de la défense européenne. Les positions de nos deux pays sont largement convergentes et nous allons travailler la main dans la main pendant la Présidence française de l'Union européenne, dont l'Europe de la défense est une des quatre priorités. Je suis convaincu que l'engagement de nos deux pays contribuera à faire progresser l'Europe de la défense et le partenariat euro atlantique.