26 mai 2008 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la réhabilitation du travail, notamment par l'augmentation des salaires, de la participation et de l'intéressement, à Verberie le 26 mai 2008.
Messieurs les ministres, Cher Xavier BERTRAND, cher Eric WOERTH,
Messieurs les députés et sénateurs,
Monsieur le président du Conseil régional,
Monsieur le président du Conseil général,
Mesdames et Messieurs les maires et conseillers généraux,
Mes chers amis,
Merci beaucoup de m'accueillir ici dans l'Oise et de me donner l'occasion de m'exprimer sur un projet qui est absolument fondamental pour la société française car il concerne tout à la fois l'intéressement, la participation et les salaires. Le mot salaire ne doit pas être tabou dans le débat politique français.
Je le dis à Eric WOERTH, Philippe MARINI et Jean-François MANCEL, ils ont la chance d'être des élus de ce département de l'Oise dont j'admire la vitalité. Je viens de visiter une entreprise à quelques kilomètres d'ici, qui a mis en place de manière exemplaire un système de partage des profits au bénéfice de ses salariés.
Vous le savez, ma priorité absolue et donc la priorité du Gouvernement est de remettre le travail au coeur de notre système de valeurs. Rien n'est plus important que de réhabiliter le travail car c'est la clef du succès de nos politiques économiques et sociales. On ne peut pas construire une politique économique sur la dévalorisation du travail. On ne peut pas construire une politique sociale sur la dévalorisation du travail :
- plus de travail, c'est plus de richesses £
- plus de travail, c'est plus d'emploi et donc plus de pouvoir d'achat £
- plus de travail, Xavier BERTRAND le dirait mieux que moi, c'est garantir le financement de notre protection sociale. En travaillant davantage, nous aurons davantage de recettes pour le financement de notre protection sociale et nous protégerons mieux les Français. Parce que si on travaille de moins en moins et qu'on dépense de plus en plus, je me demande ce qu'il restera, dans quelques années, de notre système de protection sociale. Il y a beaucoup de candidats pour faire dépenser plus, il y en a peu pour parler du problème de la pérennité de notre protection sociale et donc de la pérennité de ses recettes.
Je voudrais que chacun puisse être convaincu que la politique du gouvernement est tendue vers cet objectif, la réhabilitation du travail.
C'est pour cela que nous voulons un système éducatif et universitaire plus performant. Je veux pour la France les meilleures universités du monde, pas les moins bonnes. Je veux que nous ayons des lycées où vous soyez fiers d'inscrire vos enfants et qu'ils aient ensuite la possibilité de faire des études supérieures qui leur permettront d'avoir une bonne formation et donc un emploi.
C'est parce nous voulons réhabiliter le travail, que nous allons réformer la formation professionnelle. Je ne veux pas venir dans une entreprise, comme celle que je viens de visiter, où on me dit : "on souhaite créer des emplois mais nous avons un problème de recrutement, parce que pour les métiers dont nous avons besoin, nous n'avons pas les bonnes formations".
Dans un pays où il y a encore 1 900 000 chômeurs, même si c'est le niveau le plus bas depuis 25 ans, il ne peut pas rester 500 000 offres d'emplois non satisfaites. C'est pourquoi nous allons réorienter la formation professionnelle vers ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire les salariés les moins qualifiés et les demandeurs d'emploi.
C'est toujours parce que je crois à la valeur travail, que j'ai fait une priorité de l'emploi des seniors. Qui peut accepter que dans un pays comme le nôtre, 60%, je dis bien 60%, de la génération des 55/64 ans soit mise à l'écart de l'emploi, alors que ces personnes ont des problèmes de pouvoir d'achat, alors qu'elles ont envie de travailler ? Ce n'est pas normal qu'on dise à tous ces salariés : "quittez l'entreprise vous coûtez trop cher". Ce n'est quand même pas leur faute s'ils ont - au hasard - 53 ans !
C'est bien pour réhabiliter la valeur travail que j'ai demandé au gouvernement, et Laurent WAUQUIEZ s'en occupe, qu'il ne soit désormais plus possible de refuser deux offres raisonnables d'emploi. Il est quand même normal dans un pays comme le nôtre qu'il y ait des droits et des devoirs. L'immense majorité des chômeurs veut trouver un emploi, mais s'il y a une minorité qui ne veut pas se mettre au travail, ce n'est pas à la collectivité de payer pour eux.
C'est pour réhabiliter le travail que je mettrai en oeuvre le revenu de solidarité active, pour que jamais en France l'assistanat paye davantage que le travail.
J'irai même plus loin, le projet de loi de modernisation de l'économie que les parlementaires sont en train d'examiner, c'est aussi la réhabilitation du travail. Les salariés français n'ont pas à payer plus cher leurs produits qu'ailleurs, simplement parce qu'il n'y a pas assez de concurrence dans notre pays. Je le dis aux maires, aux députés, aux sénateurs qui sont ici, je sais bien que cela peut créer des craintes pour le petit commerce. Mais, mes chers amis, depuis le temps que le petit commerce de centre ville souffre, on ne peut pas m'expliquer qu'il souffre parce que les consommateurs payent plus cher qu'ailleurs. Si la loi Galland et la loi sur l'urbanisme commercial avaient produit de bons résultats pour le commerce de centre ville, cela se saurait. Si cela allait bien, je comprendrais qu'on me dise « Ne changez rien ». Mais le commerce de centre ville a des difficultés à vivre, nos périphéries de ville ressemblent à un concours de laideur et les consommateurs français payent plus cher qu'ailleurs, c'est donc que cela ne marche pas. Et on voudrait garder cela, ne rien changer ?
Nous allons introduire de la concurrence parce que nous n'acceptons pas qu'un certain nombre de groupes se répartissent le marché français pour avoir chacun leur zone d'influence et faire payer plus cher les consommateurs.
Les salariés français sont vraiment bien traités : des salaires moins élevés qu'ailleurs parce que les charges sont plus importantes et des prix plus élevés qu'ailleurs par défaut de concurrence. Je n'accepte pas cette réalité et s'il le faut j'expliquerai inlassablement les choses pour faire comprendre qu'il est impossible de laisser la situation inchangée.
Faire jouer la concurrence en matière de fixation des prix entre fournisseurs et distributeurs, c'est la politique que nous menons. Savez qu'en France, quand un fournisseur fait un bon prix à un distributeur, ce dernier ne peut pas le répercuter dans le prix final payé par le consommateur ? C'est tout simplement absurde ! Je me bats pour permettre qu'en 2008 en France un distributeur et un fournisseur puissent négocier librement les prix. C'est une telle novation ? C'est d'une telle modernité ? Cela s'appelle l'économie de marché. Je ne veux pas que les salariés français, les consommateurs français, en aient les inconvénients sans en avoir les avantages.
C'est vrai, nous voulons introduire davantage de concurrence entre les grandes surfaces. Il ne s'agit pas du tout de multiplier les supermarchés ou les hypermarchés dans nos villes. Il s'agit de diversifier les enseignes parce que les abus de position dominante ne sont pas acceptables. J'étais l'autre jour dans une ville où toutes les grandes surfaces étaient du même groupe. C'est le hasard certainement ? Et bien le hasard fait mal les choses. Et cela fera le plus grand bien aux enseignes de ce groupe de voir s'installer des enseignes d'un autre groupe. Cela s'appelle la concurrence au service du consommateur. Et c'est cela que nous souhaitons.
Par ailleurs on a beaucoup parlé de cette affaire de seuil de 1000 mètres carrés. Le gouvernement est prêt à compléter le projet dès lors, je le dis aux ministres, qu'il reste cohérent avec l'esprit de la réforme. Les parlementaires ont de très bonnes suggestions pour améliorer les choses. Nous les examinerons. Mais je veux vous assurer d'une chose, je suis déterminé à aller jusqu'au bout du combat contre la hausse des prix. Vous savez, quand je crois à quelque chose, je me donne du mal pour convaincre car je sais que nous serons jugés sur nos résultats. Je suis Président de la République, il ne faut pas que je m'incline devant tous les corporatismes et tous les immobilismes. Je dois penser à une seule chose : aux Français, à tous les Français.
Je le répète, nous serons jugés sur nos résultats. Et ces résultats, nous les avons déjà : notre croissance 2007 est de 2,2%. Certes, ce n'est pas suffisant. Mais quand je pense que tous les spécialistes qui annonçaient qu'elle serait de 1,6% ou 1,7% ! C'est curieux, il y a eu d'avantage d'articles pour annoncer la catastrophe que pour souligner la réussite. Et au premier trimestre de cette année, la croissance est de 0,64%. On nous prédisait pourtant une catastrophe. Quant à nos résultats sur l'emploi, personne ne les pensait possibles il y a encore un an : le taux de chômage est redescendu à 7,5% £ 330 000 emplois ont été créés en 2007, c'est l'une des cinq meilleures années depuis 1974. Alors on me dit "vous n'y êtes pour rien". Très bien. Mais si les chiffres avaient été mauvais, aurait-on dit la même chose ? Peu importe. Ce qui compte c'est que cela marche et que nous allons continuer à encourager les gens à travailler plus pour gagner davantage, pour créer des richesses, pour créer de la croissance, pour créer de l'emploi.
C'est pour que le travail paye, que j'ai voulu la monétisation des jours RTT et des comptes épargne temps. C'est pour cela que nous avons décidé les allègements sur les heures supplémentaires. 59% des entreprises françaises ont eu recours aux heures supplémentaires. J'ai entendu que cela ne marchait pas. Qu'est-ce que cela serait si cela marchait ? 59% des entreprises en 5 mois d'application. Aujourd'hui, on peut aller dans toutes les entreprises de France et demander aux gens "Connaissez-vous ce système ? Est-ce que vous l'avez utilisé ?" Près de 60% l'ont déjà fait. Qui aurait cru cela possible dans un pays miné, gangréné, par cette idée fausse du partage du temps de travail. Remarquez, il était d'en finir avec l'idéologie des 35 heures, puisque certains étaient déjà partis sur les 32 heures. Quel manque d'ambition. Pourquoi 32 heures ? Après tout, on peut faire 28, 25, 22 heures ou rien du tout. Et avec cela, cela ira certainement mieux, nous paierons nos retraites, nous paierons nos hôpitaux, nous paierons nos services publics, nous paierons l'école de nos enfants. Notre mérite, c'est de mettre fin à cette pensée unique.
De la même façon, je le répète, je n'accepterai pas la remise en cause de la durée hebdomadaire du travail. Il y a une durée hebdomadaire du travail, c'est un acquis social, nous ne la toucherons pas. Mais nous supprimerons tous les verrous qui empêchent ceux qui veulent travailler plus pour gagner plus de pouvoir le faire. Je pense à ces plafonds à ces seuils, à ces contingents, qui brident inutilement les marges de manoeuvre dont les entreprises et les salariés ont besoin pour s'organiser. Nous souhaitons donner de la liberté aux chefs d'entreprises et aux représentants des salariés pour décider eux-mêmes, ensemble, les choses au plus près des réalités de la vie de leur entreprise. Nous ne forçons personne, nous ouvrons le champ des possibles pour et par le dialogue social. Ce qui manque à la société française, c'est la possibilité de choisir, la liberté de choisir.
Je veux également aborder la question de la répartition des fruits de l'effort collectif. Ce n'est pas un sujet tabou. Il n'est pas normal que dans une entreprise, des salariés qui se donnent du mal, qui en assurent le succès ne soient pas associés aux fruits de sa croissance. Je suis pour l'économie de marché, chacun le sait, mais la question du partage du profit, pas du partage du travail, est une question légitime.
Cette question n'est pas nouvelle. Le Général de GAULLE, il y a quarante ans, disait : "Dès lors que des gens se mettent ensemble pour une oeuvre économique commune, par exemple, pour faire marcher une industrie, en apportant soit les capitaux nécessaires, soit la capacité de direction, de gestion et de technique, soit le travail, il s'agit que tous forment une société, une société où tous aient un intérêt à son rendement et à son bon fonctionnement, et un intérêt direct."
Je souscris à chacun de ces mots. Je souscris au projet de société qu'ils dessinent. Je souscris à cette vision non pas antagoniste mais réconciliée du lien entre le travail et le capital.
De cette vision du Général est né l'intéressement, c'est la fameuse ordonnance du 7 janvier 1959. De cette vision du Général est également née la participation, c'est l'ordonnance du 17 août 1967.
Quelle est la situation aujourd'hui ?
La participation est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés. L'intéressement est en revanche facultatif, son quantum n'est pas fixé et il repose sur des critères librement négociés entre la direction et les représentants des salariés.
Les sommes distribuées sont loin d'être négligeables. En 2005, dernière année pour laquelle nous avons des chiffres définitifs, 7 milliards d'euros ont été distribués au titre de la participation à 4,9 millions de salariés, soit un montant moyen de 1 440 euros par salarié. S'agissant de l'intéressement, c'est le même ordre de grandeur : 6 milliards d'euros distribués, 4,2 millions de bénéficiaires, une prime moyenne de 1 400 euros par salarié.
Ces résultats sont bons mais je pense qu'on peut faire bien davantage. En effet, lorsqu'on regarde les entreprises de moins 50 salariés, dans lesquelles travaillent plus de 40% des Français, on se rend compte que moins d'un travailleur sur dix a un accord d'intéressement. Je trouve que c'est une véritable inégalité.
Nos objectifs sont simples :
- que les entreprises distribuent plus à leurs salariés £
- que les salariés des petites et très petites entreprises, qui sont souvent exclus des mécanismes de partage du profit, y soient désormais associés £
-qu'on fasse confiance aux salariés et qu'on leur laisse le choix sur l'utilisation des sommes qui leur sont attribuées.
Je souhaite que nous fassions porter nos efforts sur l'intéressement, car c'est un instrument souple et efficace. Le gouvernement ne peut pas augmenter les salaires à la place des chefs d'entreprise. Mais par l'intéressement, en plus des heures supplémentaires et de la baisse des prix, nous allons répondre à la question du pouvoir d'achat.
Qu'allons-nous faire ?
D'ici l'été, le gouvernement adoptera en conseil des ministres, un projet de loi qui sera débattu au Parlement dès la rentrée :
- Les entreprises qui n'avaient pas d'accord d'intéressement jusqu'à présent et qui en négocieront un bénéficieront d'un crédit d'impôt de 20% sur la totalité des primes qui seront versées aux salariés et ce pendant les trois ans de leur accord. Concrètement, si vous versez 1 000 euros de primes à vos salariés, vous aurez un crédit d'impôt de 200 euros. C'est un instrument simple et extrêmement puissant d'encouragement à l'intéressement : si vous voulez payer moins d'impôts et bien, donnez davantage d'intéressement. C'est clair, c'est simple et cela concerne toutes les entreprises.
- Pour les entreprises qui ont déjà un accord, nous allons les inciter à les renégocier pour les rendre plus avantageux. Ainsi, chaque entreprise qui, par un nouvel accord versera plus à ses salariés que précédemment, bénéficiera d'un crédit d'impôt de 20% sur le surplus d'intéressement distribué, et ce pendant les trois ans de l'accord. Concrètement, si en moyenne vous versiez 1000 euros avant et que vous versez 1500 euros demain, votre crédit d'impôt sera de 100 euros.
Et cette dynamique, il faut qu'elle s'engage sans attendre. C'est pourquoi, le gouvernement va donner la possibilité à toutes les entreprises qui renégocieront ou qui négocieront pour la première fois un accord d'intéressement avant la fin du premier semestre 2009, de verser une prime en 2009 au titre de leur résultat 2008.
Vous le voyez, il s'agit d'une mesure puissante, d'une mesure simple et qui est efficace tout de suite.
L'objectif est que les sommes distribuées aux salariés au titre de l'intéressement augmentent de 20% par an. Cela veut dire un doublement en quatre ans. J'ai déjà dit que ce doublement était mon objectif. Parce que, ce n'est pas plus fatiguant d'être ambitieux que de ne pas l'être. Mais quand on est ambitieux, on a une chance d'atteindre son but.
Et nous nous donnerons rendez-vous à mi-étape pour voir si nous sommes bien en phase avec nos objectifs. Ces objectifs supposent que les PME rentrent de plain-pied dans l'intéressement. Si tel n'était pas le cas, alors, je préfère le dire, nous envisagerons de mettre en place un dispositif spécifique et obligatoire pour les PME qui n'auraient pas passé d'accord d'intéressement.
Mesdames et Messieurs, c'est une vision de société. La compétitivité des entreprises françaises passe par la confiance des salariés dans leurs entreprises, elle passe par la qualité de vie des salariés dans l'entreprise. Si les salariés français sont persuadés qu'en travaillant plus, ils reçoivent une juste récompense, alors nos entreprises seront plus compétitives. Il ne faut pas opposer intéressement et compétitivité, au contraire.
Mon troisième objectif, c'est de donner à chaque salarié la liberté d'utiliser les primes distribuées comme il l'entend. C'est un point très important à mes yeux.
Aujourd'hui, les salariés qui ont de la participation voient leurs fonds bloqués pendant cinq ans. Et on dit "c'est bon pour eux". Permettez-moi cette réflexion : les salariés sont parfaitement capables de juger par eux-mêmes ce qui est bon pour eux. Je propose qu'on les laisse décider plutôt que de vouloir à toutes forces le faire à leur place. Aujourd'hui, la loi prévoit neuf cas de déblocage anticipé de la participation, comme par exemple la naissance d'un troisième enfant. Parce que cela ne coûte pas cher l'arrivée d'un premier ou d'un deuxième enfant ? On se demande bien pourquoi l'Etat doit légiférer pour qu'un salarié puisse utiliser un argent qui lui appartient.
Il faut que chaque année, au moment où les primes de participation sont attribuées, les salariés puissent décider l'usage qu'ils veulent en faire. Soit le salarié souhaite que cet argent soit disponible dès à présent dans une logique de pouvoir d'achat immédiat £ soit il préfère qu'il soit bloqué et épargné pour des besoins futurs. Si les sommes sont utilisées immédiatement, elles seront assujetties, comme l'intéressement aujourd'hui, à l'impôt sur le revenu. Si les sommes sont épargnées, elles seront exonérées d'impôt sur le revenu. Mais chacun sera libre de sa décision, ce n'est pas l'Etat qui choisira à sa place. C'est cela me semble-t-il l'idée que nous pouvons avoir de la responsabilité dans notre société. C'est clair, c'est très simple, on peut l'expliquer en deux phrases.
Et à tous ceux qui pensent que c'est un coup porté à l'épargne salariale et à l'actionnariat salarié, je veux dire qu'ils se trompent. J'en veux pour preuve que les deux opérations de déblocage anticipé des stocks de participation n'ont pas empêché la poursuite de la croissance de l'épargne salariale.
Enfin je voudrais terminer en évoquant la question des salaires. Oui, le Président de la République doit pouvoir s'exprimer sur les salaires, même dans une économie de marché.
Quand il est question de rémunérer les cadres dirigeants, je constate que cela préoccupe beaucoup les conseils d'administration. Je ne le critique pas. Il est important que les cadres dirigeants soient correctement rémunérés. Même si, ça et là, des excès ont été commis.
Mais il n'est pas tolérable que l'on traite à la légère, que ce soit dans les branches ou dans les entreprises, la question de l'évolution de la rémunération des salariés. Dans cette affaire, je ne veux stigmatiser personne. Tout le monde, Etat comme partenaires sociaux s'est trop longtemps complu dans un système totalement déresponsabilisant. D'un côté les gouvernements donnaient des « coups de pouce » importants au SMIC, avec tous les bénéfices politiques qu'ils croyaient attendre d'une telle opération...De l'autre, et c'est lié directement à l'action de l'Etat, les partenaires sociaux se sentaient exonérés de leur responsabilité de négocier sur les salaires de manière dynamique.
En fait la politique salariale de la France depuis des années c'est le coup de pouce au SMIC dans les pires des conditions, c'est-à-dire une décision qui n'a rien de sociale, qui n'a rien d'économique et qui a tout de politique. Dans le même temps, l'Etat faisant ce qu'il n'avait pas à faire, les entreprises et les partenaires sociaux n'ont pas fait ce qu'ils avaient à faire, c'est-à-dire négocier sur les salaires.
Le résultat, on ne le connaît et chacun peut le vérifier par lui-même. La proportion de salariés payés au SMIC a progressé massivement. Quant à la dynamique salariale, je parle de la négociation salariale, elle a été cassée et les 35 heures ont encore aggravé la situation.
Je veux rompre avec ce système, parce que je ne me résous pas à ce que près d'un salarié sur sept voit sa rémunération fixée par décret, sans aucune perspective d'évolution.
Concrètement, ce que nous allons faire repose sur deux principes.
Le premier, c'est que le gouvernement n'a pas à biaiser la négociation salariale, encore moins à se substituer aux négociateurs salariaux. Sa décision sur le salaire minimum sera dorénavant éclairée par une commission d'experts qui devra faire chaque année des propositions de revalorisation du SMIC en fonction des circonstances économiques. Cela sera une décision économique et non plus une décision politique. Le gouvernement pourra ne pas suivre cette recommandation, mais dans ce cas il devra s'en expliquer. Bien entendu, les règles légales d'indexation actuelles continueront de s'appliquer. Enfin, pour donner plus de visibilité aux entreprises et aux branches dans leurs négociations salariales, nous allons avancer la date de revalorisation du salaire minimum du 1er juillet au 1er janvier. Compte tenu des délais nécessaires à la concertation et au vote de la loi, cette disposition s'appliquera le 1er janvier 2010.
Le second principe est qu'en matière de négociations salariales, nous souhaitons que la loi soit respectée, dans sa lettre et dans son esprit.
Respect de la lettre de la loi tout d'abord. Il y a environ un quart des entreprises soumises à l'obligation de négociation annuelle sur les salaires qui ne respectent pas cette obligation. Ce n'est pas acceptable. Bien sûr, les impératifs de compétitivité des entreprises sont très importants. Personne ne demande à une entreprise en difficulté d'augmenter massivement les salaires. Mais entamer une négociation annuelle sur les salaires, c'est bien le moins qu'un employeur doive à ses salariés. Il est quand même choquant que tous les ans un conseil d'administration décide des stock-options ou de la rémunération des dirigeants, mais qu'on ne se préoccupe pas des employés qui sont au bas de l'échelle. Discuter, cela ne veut pas dire conclure. Mais si on ne discute pas, on a peu de chances de trouver un accord.
Donc, les entreprises qui ne respecteront pas leur obligation de négocier annuellement sur les salaires verront leurs allégements de charges diminués de 10%. Pourquoi ? Parce que l'Etat paie 21 milliards d'euros d'allégements de charges chaque année £ cela lui donne le droit de donner son opinion sur un certain nombre de choses.
Respect de l'esprit de la loi ensuite. Aujourd'hui, un certain nombre de branches ont encore des minima salariaux en dessous du SMIC. Ce n'est pas formellement contraire à la loi, puisque le SMIC s'applique aux salariés concernés. Mais cette situation aboutit à ce que les revalorisations du SMIC brisent la dynamique salariale. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé que les allégements soient, dans ces branches, diminués à proportion de l'écart entre le SMIC et les minima salariaux de la branche.
Je préférerais que le gouvernement n'ait pas à appliquer ce dispositif pour éviter que des branches entières ne soient pénalisées. C'est la raison pour laquelle nous allons donner à ces branches un délai pour s'adapter. Mais si, en 2010, nous constatons que les négociateurs de branche n'ont pas compris le message, alors des sanctions s'appliqueront. Personne n'est pris en traître. Le délai est fixé, les conséquences, en cas de difficultés, sont prévisibles.
Je vais vous dire une chose, on change la France, on la réforme mais on doit le faire dans un esprit de justice et d'équité. Cela ne peut pas être toujours pour les mêmes. Cela ne peut pas être à sens unique. Je crois au mérite, je crois au travail, je crois à l'effort et je crois à la récompense mais je crois aussi à la responsabilité. Je crois aux droits et aux devoirs. Nul ne doit pouvoir en être exonéré. La vie n'est facile pour personne. Elle n'est pas facile en bas de l'échelle. Et si en bas de l'échelle on voit qu'en haut on s'exonère des règles du bas, cela ne peut pas fonctionner. Donc, il est de mon devoir de demander au gouvernement de mettre en oeuvre cette politique.
Xavier BERTRAND, Christine LAGARDE et Laurent WAUQUIEZ vont ouvrir très rapidement des concertations avec les partenaires sociaux. Je leur demande d'examiner avec la plus grande attention toutes les observations, critiques et suggestions qu'ils leur feront. Je souhaite que le projet de loi soit ensuite présenté au Conseil des ministres avant l'été et qu'il soit adopté au plus tard à l'automne par le Parlement pour application de ces dispositions dès 2009. Les Français attendent de nous des résultats, ces résultats nous les aurons.
Pardons d'avoir été long, Mesdames et Messieurs, mais je voulais vous dire que ce dont il s'agit ce matin est capital. C'est tout simplement l'idée que je me fais de la France et de la possibilité pour chacun de nos compatriotes d'avoir la juste récompense de son travail, de ses efforts, de son mérite. Cela s'appelle construire une société juste où chacun peut être tiré vers le haut et où on renonce définitivement au nivellement par le bas.Je vous remercie.