3 avril 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Mme Angela Merkel, Chancelière de la République fédérale d'Allemagne, sur la proposition d'organiser le futur sommet de l'OTAN à la frontière franco-allemande, l'envoi de militaires français supplémentaires en Afghanistan et sur l'élargissement de l'Alliance atlantique à d'anciens Pays de l'Est, à Bucarest le 3 avril 2008.

LA CHANCELIERE - Nous avons proposé d'organiser conjointement un sommet qui aura lieu en France et en Allemagne à Strasbourg de l'autre côté du Rhin à Kehl. Cette invitation a été acceptée et nous pensons que ceci revêtira un caractère symbolique très important. Ceci a été rendu possible à cause du fait que le Président français Nicolas SARKOZY a décidé de rénover la relation de la France avec les instances de l'OTAN et c'est pourquoi nous pouvons exprimer ensemble cette invitation et nous retournons donc aux origines de l'Union européenne, mais également aux origines de l'Alliance atlantique et c'est là que nous célébrons l'année prochaine le 60ème anniversaire.
Si nous pensons au fait que le pont de la paix traverse le Rhin de Strasbourg à Kehl, ceci montre quand même que l'Europe a réussi à faire surmonter la guerre froide et cela n'a été possible qu'avec les Etats-Unis d'Amérique et nos alliés à l'intérieur de l'OTAN.
Notre conviction ferme est que si la France et l'Allemagne travaillent d'une façon active ensemble au sein d'une alliance politique, nous serons en mesure de défendre nos intérêts. Je pense que ceci s'est très bien manifesté dans notre coopération aujourd'hui surtout dans le communiqué. Permettez moi de vous dire rapidement les résultats qu'ont été obtenus aujourd'hui : en plus de l'invitation que nous avons prononcée pour l'année prochaine, nous avons dit très clairement que la question de l'élargissement de l'OTAN naturellement figure à l'ordre du jour de notre Alliance, la Croatie et l'Albanie vont maintenant recevoir une telle invitation, l'ARYM (l'Ancienne République yougoslave de Macédoine) va également être invitée dès que la question du nom aura été réglée sans pour autant devoir organiser un sommet, nous avons donc fait un très grand pas. Nous avons également sur le plan politique, fait des progrès en pensant que l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à faire partie de l'OTAN, mais d'un autre côté, nous avons bien montré que ceci demande un processus bien pondéré afin que tous les critères soient remplis. C'est la raison pour laquelle, nous nous sommes mis d'accord avec tous les autres pour dire que nous avons besoin d'une autre phase d'engagement intense durant laquelle nous voulons aider l'Ukraine et la Géorgie à arriver à l'étape suivante, le MAP. Ces progrès, nous allons les évaluer progressivement. Les premiers progrès vers le plan d'action pour l'adhésion, à notre avis, nous n'y sommes pas encore, cela sera peut-être le cas lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères en décembre l'année prochaine.
Les pays membres de l'OTAN sont d'accord politiquement pour dire qu'aucun autre pays par exemple la Russie, n'a le droit de nous dicter qui va être membre ou non mais, d'un autre côté, nous devons tenir compte des réserves et des objections des autres pays. Et je crois que là, nous avons fait preuve d'une bonne coopération entre la France et l'Allemagne, merci beaucoup et nous serons heureux de vous recevoir chez nous et en France l'année prochaine.
LE PRESIDENT - Mesdames, Messieurs, si nous avons tenu avec Mme MERKEL à faire ce point de presse commun, c'est parce que nous avons voulu manifester de manière publique notre parfait accord sur trois sujets. L'Allemagne et la France partagent la même analyse sur ce qu'il convient de faire en Afghanistan, c'est la raison pour laquelle j'ai annoncé le renfort de 700 soldats français pour conduire une mission qui accroît la sécurité en Afghanistan et permettra l'afghanisation et la reconstruction. C'est un signal qui a été compris comme celui d'une France voulant prendre toute sa place dans l'Europe et dans l'OTAN aux côtés de ses partenaires européens et d'abord de l'Allemagne.
J'ajoute que je ne vois pas comment nous aurions pu partir, ce qui aurait signifié accepter le retour des Talibans et la victoire d'Al-Qaïda. Quand on sait ce que les Talibans ont fait subir aux Afghans et notamment aux femmes, personne au monde ne peut souhaiter cela.
Et, à la suite de la décision de la France, un certain nombre d'alliés, soit vont maintenir leurs contingents, je pense aux Canadiens, soit vont l'augmenter. L'Allemagne et la France partagent la même analyse.
Deuxième remarque, l'Allemagne et la France partagent la même analyse sur l'élargissement de l'OTAN et nous avons ensemble défendu la position que l'Ukraine et la Géorgie ont vocation à intégrer l'Alliance, que nul n'a de droit de veto à poser, mais qu'il fallait se donner le temps pour que toutes les conditions de l'adhésion soient remplies. L'Allemagne et la France ont parlé d'une même voix.
Et enfin, l'Allemagne et la France, comme l'a dit Angela - et je trouve que c'est un magnifique symbole - ont lancé la même invitation à tenir le prochain sommet de l'Alliance à Strasbourg et à Kehl en même temps, manifestant que nous sommes engagés ensemble dans cette Alliance. Et une France qui prend toute sa place dans l'Alliance, c'est une Alliance qui fait une plus grande place à l'Europe et c'est pourquoi nous avons voulu parler d'une même voix. Parce que nous avons été unis, nous avons été entendus.
Je vous remercie.
QUESTION - Est-ce qu'il y a eu des irritations du côté des Américains étant donné que la coopération entre la France et l'Allemagne était si étroite surtout sur l'Ukraine et la Géorgie ?
LA CHANCELIERE - Je n'ai pas pu constater une irritation du côté des Américains. Hier soir, après le dîner, nous nous sommes rapidement mis d'accord pour dire qu'à ce sommet de l'OTAN, il est important que nous mettions en avant les points communs de l'Alliance. Ce qui unit l'Alliance c'est que des pays membres ont le droit d'adhérer et que personne d'autre ne peut nous imposer le choix ou non, mais être unis, signifie également que lorsque certains disent qu'on n'y est pas encore pour leur accorder le plan d'action pour l'adhésion comme l'Ukraine et la Géorgie, il faut trouver une solution commune, un chemin commun. C'est ce que nous avons aujourd'hui et je n'ai pas pu constater du côté américain un certain désarroi et je me félicite explicitement de voir que l'engagement de la France en Afghanistan est devenu plus fort encore. Ceci a été fait également par d'autres membres de l'Alliance, donc tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes.
LE PRESIDENT - Non seulement je n'ai pas vu d'irritation mais, à deux reprises, le Président des Etats-Unis s'est félicité de l'engagement supplémentaire de la France et deuxièmement le Président des Etats-Unis a fait une déclaration ce matin sur la nécessité de l'Europe de la défense en complément de l'Alliance qui était, à mon avis, un tournant historique de la politique des Etats-Unis d'Amérique. Ce n'est pas l'OTAN ou l'Europe de la Défense, c'est l'Alliance et l'Europe de la défense. Et dans la bouche du Président des Etats-Unis, c'est un geste que nous attendions, qui a été remarqué et qui montre une compréhension de ce qu'est en train de devenir l'Europe.
QUESTION - A travers ce que vous venez de dire, si vraiment l'Europe de la défense est vraiment à part entière, joue son rôle à part entière dans l'OTAN, est-ce que ça veut dire, et c'est la question que beaucoup se posent, que la France va réintégrer le commandement unifié de l'OTAN à un moment ou un autre et que cette annonce pourrait être faite lors du prochain sommet du 60ème anniversaire à Kehl et à Strasbourg ?
LE PRESIDENT - Chaque chose en son temps. J'avais été amené à dire un certain nombre de choses devant le Congrès des Etats-Unis d'Amérique en expliquant à nos amis américains qu'il fallait l'Europe de la défense et que c'était leur intérêt d'avoir une Europe forte politiquement et forte en terme de sécurité. J'ai confirmé cet engagement dans les multiples entretiens que j'ai eus avec Angela MERKEL, parce que l'Europe a des alliés et des amis. Les Etats-Unis d'Amérique sont ses alliés et ses amis. Dans ce sommet de Bucarest si bien organisé par nos amis Roumains, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'aux côtés de l'Allemagne, la France a pris toute sa place, au milieu de ses alliés, et c'est certainement pas quand c'est difficile qu'on doit laisser tomber ses amis. En lançant cette invitation en commun avec Angela MERKEL, j'ai parfaitement conscience que c'est un pas de plus. Laissons cheminer l'Europe de la défense et nous continuerons à cheminer vers l'OTAN.
Je le redis ce sont les deux en même temps. Pas l'un ou l'autre. Attendons le sommet.
QUESTION - Est-ce que vous avez, Monsieur le Président, envisagé d'envoyer vos soldats, les 700 soldats supplémentaires dans le sud du pays ? Et si oui, pourquoi, vous avez finalement choisi d'envoyer vos soldats dans l'est du pays ?
LE PRESIDENT - D'abord, et je parle sous le contrôle d'Angela MERKEL, ce n'est pas nous qui décidons comme ça. C'est tout simplement parce que l'on nous a proposé de prendre toutes nos responsabilités à l'Est, ce qui permettait aux Américains qui l'ont proposé eux-mêmes de venir soutenir les Canadiens au Sud. Je parle sous le contrôle d'Angela MERKEL, cela n'a fait l'objet d'aucune négociation, cela nous a été proposé, cela nous va bien ainsi.
QUESTION - L'OTAN a annoncé un nouveau concept stratégique pour l'année prochaine, d'une Alliance de maintien de la paix qui est passée à une Alliance qui mène la guerre. Dans quelle mesure Monsieur le Président et Madame la Chancelière, est-ce que le terme de politique de sécurité peut-il être défini, puisqu'il sort de ce concept pour en faire une alliance complètement transformée, qui puisse répondre aux défis de l'avenir ?
LA CHANCELIERE - Premièrement l'OTAN souhaite maintenir la paix, ceci continue d'être une vérité. Nous sommes engagés en Afghanistan pour défendre la liberté et la paix, pour éviter tout ce qui pourrait contrarier la liberté et la paix. Mais ce XXIème siècle a vu les conditions changer. Les menaces sont nouvelles, des menaces que nous n'avons pas connues du temps de la guerre froide. Seulement la question du maintien de la paix, naturellement, est l'objectif-clef pour lequel l'OTAN continuera de s'engager à l'avenir. En vue de l'année prochaine, je voudrais dire que nous avons fait un progrès considérable. Ceci a été possible parce que la France a fait ce pas vers l'OTAN car ce ne sont pas seulement des débats militaires que nous menons ici, mais également des débats politiques. Le fait que M. KARZAÏ soit là, le fait que le Secrétaire général des Nations Unies soit là, le fait que la Banque mondiale et d'autres acteurs soient présents ici, montre bien que l'OTAN ne parle pas seulement de la composante militaire, mais de « l'avenir » de l'Afghanistan. L'OTAN parle et discute une composante exhaustive qui pourra garantir sécurité et la paix en Afghanistan. C'est pour moi le progrès au sens propre du terme. A Riga, nous avions dit : nous avons besoin d'un débat et aujourd'hui nous pouvons dire que, voilà, nous menons un tel débat et ceci permettra naturellement de faire évoluer ce concept de sécurité de l'OTAN avec la sécurité de la défense européenne c'est-à-dire une définition politique de ce terme de sécurité, comme on ne l'a pas connu par le passé. Ceci comprend la reconstruction civile, la structure militaire, les opérations militaires.
LE PRESIDENT - Je partage pleinement l'avis d'Angela MERKEL, on ne gagnera pas simplement militairement, nous le savons. Bernard KOUCHNER et Hervé MORIN l'ont dit, nous voulons la sécurité pour l'Afghanistan pour la reconstruction de l'Afghanistan. J'ai eu l'occasion de rencontrer le coordinateur aux côtés de M. BAN KI-MOON et j'ajoute que la présence du Secrétaire général des Nations Unies, ici, est un choix politique extrêmement important, qui montre bien que c'est toute la communauté internationale qui est engagée.
Et enfin, dernier point, si nous voulons partir un jour, il faut gagner maintenant, et c'est justement parce que l'on se renforce que l'on pourra partir. Nous n'avons pas vocation à rester indéfiniment en Afghanistan. Nous avons vocation à aider l'Afghanistan dans sa lutte contre les terroristes pour que l'Afghanistan se reconstruise et que nous puissions repartir chez nous.
QUESTION - Vous avez laissé la Macédoine sans invitation. Aujourd'hui, vous avez donné une invitation à l'Albanie et à la Croatie, mais pas à la Macédoine. Est-ce que vous ne craignez pas, tous les deux, pour la stabilité et la sécurité de la région des Balkans ? Il y aura une grande frustration probablement en Macédoine, alors qu'elle a rempli toutes les réformes, elle envoie des troupes, elle contribue, est-ce que la France aurait bloqué l'Allemagne sur des détails ?
LE PRESIDENT - Vu de la Grèce, ce n'est pas un détail. Nous avons dit que l'ancienne république yougoslave de Macédoine, avait toute sa place dans l'OTAN, une fois que le problème du nom serait résolu. Comme vous le savez, il faut l'unanimité. Nos amis grecs ont aussi des préoccupations, réglons le problème du nom, cela devrait être simple et, à ce moment-là, le Premier ministre grec a dit lui-même qu'à la minute où la question du nom (N O M) est réglée, l'Ancienne République yougoslave de Macédoine ou ARYM, a sa place dans l'organisation, c'est ce que nous avons décidé.
LA CHANCELIERE - Et c'est pourquoi il était important, à mon avis, de dire très clairement, qu'il ne faut pas attendre le prochain sommet de l'OTAN. Ceci peut se faire au Conseil des Affaires générales dès que le problème du nom a été résolu qui est discuté au sein des Nations Unies. Je crois qu'une solution est possible et c'est pourquoi la Macédoine a toutes les chances et sera la bienvenue au sein de l'OTAN. Ceci doit être le message également aux hommes et aux femmes réunis.
QUESTION - Est-ce que vous avez des nouvelles de la mission qui est partie à la rencontre d'Ingrid BETANCOURT, est-ce que vous êtes optimiste ?LE PRESIDENT - J'ai des nouvelles mais, compte tenu de la sensibilité de cette question, je ne peux pas en dire davantage. La mission est partie.