27 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Gordon Brown, Premier ministre britannique, notamment sur les relations franco-britanniques au sein de l'Union européenne, la situation au Tibet et sur l'envoi de militaires français supplémentaires en Afghanistan, à Londres le 27 mars 2008.
LE PREMIER MINISTRE - Je suis très reconnaissant à Arsène WENGER et au Club Arsenal de nous avoir si chaleureusement reçus. Nicolas, tu nous as rappelé au cours de cette visite, ton énergie, tes idées et tes aperçus vis-à-vis des défis mondiaux auxquels on fait face, ta vision pour l'avenir, et ton engagement vis-à-vis du rapport formidable qui existe entre nos deux pays. Même s'il y a une certaine rivalité au niveau du football - mais cela ne peut pas toucher nos intérêts communs - nos valeurs sont partagées et nos destins sont liés. Hier, pendant ton discours formidable au Parlement, tu nous as dit que nos idées, nos espoirs demandent ou exigent un partenariat de plus en plus rapproché. Cette visite et ce sommet nous rappellent cette alliance historique comme elle représente aussi une nouvelle étape au niveau du rapport dynamique entre le Royaume-Uni et la France parce qu'ensemble, nous allons faire face aux défis de cette nouvelle période mondiale. Et nous sommes bien placés pour faire ainsi. Nos deux pays se trouvent au coeur de ce que nous voulons être : c'est-à-dire une Europe qui regarde vers l'extérieur. Et nous encourageons un rapport rapproché avec nos partenaires américains. En travaillant ensemble, nous allons pouvoir faire face aux défis auxquels nous faisons face, les défis du terrorisme, du changement climatique, de la pauvreté, des maladies et des Etats fragiles. Et nous nous sommes mis d'accord, nous allons approfondir, renforcer le partenariat entre nos deux pays. Et nous avons l'intention de faire en sorte que cette Entente Cordiale devienne une Entente Amicale, c'est-à-dire en travaillant ensemble à l'avenir. Nous allons encourager des réunions, des réunions trimestrielles des représentants de nos gouvernements afin de parler de questions que nous avons en commun. Nous avons l'intention d'avoir des sommets de ministres tous les six mois afin de faire face aux défis en Europe et au-delà de l'Europe. Et d'ailleurs, le sommet annuel va couvrir toutes les questions traitées au cours de ces échanges. Nous avons l'intention d'avoir un groupe de travail afin d'examiner la coordination concernant des questions très importantes : l'environnement, comment faire face aux Etats fragiles et nous allons établir de nouveaux mécanismes afin d'assurer une meilleure coordination de politiques avant les réunions internationales : Nations Unies, Banque mondiale, FMI. Nous considérons que de travailler ensemble, la France et le Royaume-Uni, peut représenter une force pour la bonté dans le monde, l'avenir. Ainsi si vous voulez, cela va être une entente formidable aussi ! Et nous nous sommes mis d'accord sur le fait que nous allons voter ensemble pour la réforme des institutions internationales et nous avons l'intention aussi d'encourager nos collègues à introduire les réformes nécessaires. Nos ministres ont eu des échanges très variés et examiné ces défis. Nous avons examiné comment établir la stabilité financière dans un monde épineux et comment assurer une mondialisation inclusive, comment encourager le commerce entre les pays et les pays aisés et comment travailler ensemble sur l'immigration illégale, le changement climatique. Faire face aux conflits et aux Etats isolés dans un monde qui devient de plus en plus difficile. Et comment renforcer la coopération à travers le monde. Toutes nos décisions sont présentées dans un communiqué qui sera émis dans quelques minutes. Il représentera le travail à l'avenir. Et nous nous sommes mis d'accord sur le fait que la France et le Royaume-Uni doivent être au coeur de l'Europe : une Europe mondiale qui regarde vers l'extérieur et qui inclut une dimension sociale. Evidemment, cela sera au coeur de la Présidence française de l'Union européenne que le Président SARKOZY va inaugurer au mois de Juillet.
Permettez-moi aussi de mentionner de quelques actions conjointes dont nous avons parlé. Nous avons l'intention d'encourager une optique coordonnée vis-à-vis de la communauté financière afin de traiter les problèmes au niveau des activités financières ou de nouvelles normes internationales doivent être agrées. Et nous avons l'intention de promouvoir un fonds de stabilité climatique qui va aider les pays en voie de développement par rapport aux sources alternatives d'énergie, une optique commune au niveau de la Birmanie, du Darfour aussi où nous voulons vraiment assurer aussi l'introduction des forces pour la paix. Le dialogue aussi en Chine, afin de faire face aux problèmes au Tibet. Nous avons aussi voulu influencer le FMI, la Banque mondiale et les Nations Unies. Comme nous l'avons annoncé il y a quelques minutes, nous rassemblons nos ressources afin d'assurer que seize millions d'enfants en Afrique puissent être éduqués, afin d'avoir une école et un instituteur, avant que la coupe du Monde n'arrive en Afrique en 2010. Et une amélioration de la coopération au niveau de la défense, en reconnaissant aussi le rôle de l'OTAN. Et aussi, une coopération vis-à-vis de l'immigration pour essayer de faire face aux problèmes des illégaux.
Au niveau du partage financier, une croissance de partage en Afghanistan où il faudra faire le nécessaire afin d'assurer que cette lutte contre les Talibans soit gagnée. Il faut faire d'autant plus vis-à-vis des Etats fragiles, c'est pour cela que nous avons une proposition conjointe pour des forces qui peuvent maintenir la paix. Comment utiliser les civils afin d'encourager et stabiliser la situation dans ces Etats ? Et avoir un fond précis pour les hélicoptères afin d'assurer que le matériel nécessaire puisse être organisé pour les alliés et aussi l'OTAN. C'est un partenariat qui va aussi être pionnier des changements pour l'avenir.
Nous sommes pionniers parce que la France et le Royaume-Uni vont établir un nouvel ordre du jour de coopération, d'actions en commun, un ordre du jour pour le partage des responsabilités et aussi nos deux pays vont coopérer de plus en plus près tous les mois afin de faire face aux énormes défis auxquels notre société mondiale fait face.
Président SARKOZY, cela a été un privilège pour nous de vous recevoir vous et votre épouse. Nous sommes vraiment très contents que vous ayez rendu visite au Royaume-Uni. Cela a été une visite tout à fait historique de la part du Président de la France.
LE PRESIDENT - Mesdames et Messieurs, si vous le permettez, avant de répondre à vos questions, je me contenterais de très brèves remarques puisque j'ai eu le privilège et l'honneur de m'adresser aux représentants du Parlement britannique hier, je ne voudrais pas vous infliger un propos liminaire qui reprendrait les termes de mon discours d'hier. N'ayant pas changé d'avis entre hier après-midi et aujourd'hui.
Je voudrais d'abord remercier Gordon BROWN pour la coopération exemplaire qui est la nôtre. Nous nous connaissons depuis plusieurs années. Gordon BROWN a été l'un des meilleurs ministres des finances que l'Europe ait connu, il a été dix ans à ces responsabilités. Il a fait un travail remarquable au service de l'économie britannique. Je dois à la vérité de dire que depuis qu'il est au 10 Downing Street et moi Président de la République, nous travaillons main dans la main. Nous travaillons main dans la main parce que sur l'ensemble des problèmes, nos analyses sont extrêmement voisines et quand elles ne le sont pas, on rapproche nos points de vue pour élaborer une position commune. Et je trouve très intéressant, d'ailleurs, l'expression Europe globale, Europe mondiale qu'a employée Gordon BROWN. J'ai d'ailleurs l'intention, lorsque j'exercerai la Présidence de l'Union de me concerter avec Gordon BROWN de façon à ce que la Grande-Bretagne soit associée à la Présidence Française. Et donc, je voudrais te remercier de ton accueil, et remercier également ton épouse et dire qu'au-delà même de la conviction que j'ai que la France et la Grande-Bretagne doivent travailler ensemble, nos relations personnelles facilitent beaucoup notre travail de même que l'entente entre les deux équipes qui se parlent quotidiennement.
Le compte-rendu du sommet est riche, je ne le commenterai pas et si vous avez des questions j'y répondrai. Encore plus riches, sont les perspectives d'avenir que nous avons évoquées avec le Premier ministre Gordon BROWN sur lesquelles nous voulons avancer, sur lesquelles nous travaillons pour inscrire ce partenariat entre la Grande-Bretagne et la France dans l'avenir. Encore bien des sujets sur lesquels, me semble-t-il, on peut faire plus. Vous comprendrez également que je veuille remercier la Reine pour son invitation. Et plus largement le peuple britannique pour les innombrables témoignages d'amitié et de sympathie qu'ils nous ont adressés à mon épouse comme à moi-même. Naturellement si vous aviez par hasard des questions, je serais ravi, aux côtés du Premier ministre britannique, d'essayer d'y répondre.
QUESTION - Nous avons entendu parler d'un partenariat renforcé et vous en avez parlé aussi. Mais il y a beaucoup de personnes qui comprennent qu'il y a des tensions historiques au niveau de l'OTAN, de la réforme de l'Union européenne, le commerce libre, le protectionnisme. Permettez-moi de vous poser une question générale, le Président SARKOZY, est venu ici, il a flatté le Royaume-Uni, il nous a charmé, est-ce que les deux côtés vont se sentir en fait, aussi bien le matin suivant la nuit précédente ?
LE PREMIER MINISTRE - Oui, parce que nous partageons la même vision vis-à-vis de l'avenir de l'Europe. Je considère que l'Europe doit être une Europe mondiale et doit tenir compte du monde d'une façon mondiale et une Europe ouverte va vraiment faire la différence en tant que force pour la bonté et nous avons parlé des quatre domaines où l'Europe pourra faire la différence avec le Royaume-Uni et la France au centre de l'Europe. Nous pouvons changer l'avenir. Tout d'abord, une optique mondiale vis-à-vis de l'économie où nous sommes d'accord sur les modifications qu'il faut présenter au niveau des institutions internationales, la façon dont nous les surveillons et où nous établissons des normes pour l'économie internationale. Et nous nous sommes mis d'accord vis-à-vis des modifications au niveau de l'environnement et comment nous pouvons assurer un nouvel accord à partir de l'Europe. Nous nous sommes mis d'accord vis-à-vis des questions de sécurité. Il faudra jouer un rôle ensemble. C'est pour cela que nous avons essayé de voir comment éviter le conflit dans certains états fragiles. Et comment les forces civiles peuvent aussi aider les forces militaires comme vous l'avez vu. Il y a quelques minutes, nous nous sommes mis d'accord afin de travailler ensemble pour rassembler les pays pauvres et les pays aisés. Et c'est pour cela que cette initiative africaine de 2010 va faire passer le message à l'Afrique que nous avons l'intention de travailler avec l'Afrique afin de s'assurer que chaque enfant ait le droit à l'éducation.
Alors c'est une vision d'une Europe mondiale et, sans aucun doute, la Présidence française va être historique, va certainement faire progresser toutes les idées que le Président SARKOZY a menées depuis de nombreuses années.
LE PRESIDENT - Ecoutez franchement, sur l'Afrique et la nécessité de son développement et la paix au Darfour -sous le contrôle de Bernard KOUCHNER-, nos positions sont les même. Sur le climat, notre position est exactement la même et nous avons besoin des Anglais pour convaincre les Américains d'aller aussi loin que nous. Sur la transparence des marchés financiers, je me réfère à la réunion que nous avons eue fin janvier à Londres, et j'espère que tu en organiseras une nouvelle en octobre. Nous sommes sur la même ligne. Il faut de la transparence. Sur la nécessité de nous doter d'institutions internationales pour le XXIème siècle et pas pour le XXème siècle, nous sommes sur la même ligne. Sur l'immigration, nous avons compris que nous devions travailler ensemble. Ecoutez, cela fait déjà cinq sujets d'accord complet. Ce n'est pas la question d'une nuit. Cela peut même passer le petit-déjeuner. Et je suis persuadé que si l'on restait une nuit de plus, on serait toujours d'accord là-dessus. Mais venons-en aux sujets qui étaient des sujets de malentendu ou de désaccord. C'est intéressant aussi cela. D'abord la question du libre -échange et du protectionnisme. J'ai dit à Gordon BROWN que la France est pour le libre-échange, pour l'économie de marché et pour la mondialisation. Et je lui ai indiqué aussi que nous voulions la réciprocité. Je pense que sur cette ligne là, peut-être, vous pouvez dire que chacun a fait un pas là vers l'autre, d'accord. Quand on discute, il vaut mieux que chacun fasse un pas l'un vers l'autre plutôt que chacun reste dans son camp à soi. Il veut la mondialisation, il a raison parce que la mondialisation apporte au monde. Mais nous voulons la réciprocité, parce que nous voulons la concurrence loyale. Nous nous sommes parfaitement mis d'accord là-dessus, y compris sur l'affaire de l'Europe mondiale lorsque Gordon BROWN était ministre des finances, on en a déjà parlé. J'étais pour l'Europe tout court, il était pour le monde, on se retrouve sur une Europe mondiale. C'est-à-dire que je crois que Gordon est persuadé qu'avec l'Europe, on pèsera plus sur l'organisation du monde et moi j'ai fait ma partie du chemin, disant que l'Europe c'était pour être dans le monde d'aujourd'hui.
J'ajoute et je voudrais le dire très sincèrement, que ce que fait Gordon BROWN à la tête du gouvernement britannique pour l'Europe avec le processus de ratification du Traité simplifié, est quelque chose dont bénéficiera toute l'Europe. Il le fait avec courage, avec loyauté vis-à-vis de ses 26 autres partenaires et croyez bien, je ne suis pas le seul en Europe à apprécier l'attitude de Gordon BROWN sur ce sujet. Je suis très tranquille, je n'ignore pas qu'il est travailliste, je ne le suis pas, mais ce qu'il a fait, il fallait le faire. Et je n'oublie pas non plus que le Traité simplifié, je m'y suis engagé de toutes mes forces, mais si tout le monde ne le ratifie pas, il n'y en a pas. Grâce à lui, l'Europe, je l'espère, pourra avancer. Et je l'ai dit aux représentants de l'opposition comme aux représentants du parti libéral. Ce n'est pas à moi de faire de la politique en Grande-Bretagne. Mais j'ai le droit quand même, comme les autres partenaires, venant d'un pays qui a voté non, de dire cela et de le dire très sincèrement.
Enfin, sur l'affaire de l'OTAN, je vais partout dans le monde pour dire qu'on a besoin de l'OTAN et qu'on a besoin de l'Europe de la défense. Et que, dans mon esprit, l'Europe de la défense n'est pas un substitut à l'OTAN. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre. Ce que nous avons proposé, Gordon BROWN et moi, c'est beaucoup plus qu'un seul sommet. C'est une réflexion à nos deux peuples, à nos deux sociétés. Quand on gratte un petit peu et qu'on va au fond des dossiers, on s'aperçoit qu'on peut avoir des positions communes.
Alors il reste les questions financières, il reste la question agricole, eh bien, on va en parler. Qu'est-ce qu'est cette méthode qui voudrait qu'on ne parle jamais des questions qui sont difficiles ? On a choisi l'inverse, en parler pour se mettre d'accord. Je crois pouvoir démontrer que c'est une alliance solide. Elle est d'autant plus solide qu'elle ne se construit qu'entre personnes. Et je sais parfaitement bien qu'un Président français a la responsabilité historique de continuer un partenariat amical avec les Allemands. Parce que cela compte. Mais j'ai toujours dit aussi que ce n'était pas suffisant dans l'Europe à 27. Qu'on avait besoin des Anglais. J'ai vu certains articles sur un changement stratégique. Oui, il y a un changement stratégique, on veut travailler main dans la main avec les Anglais. Mais cela ne veut pas dire que la nécessité de l'entente franco-allemande est moins présente, elle est toujours présente. De la même façon, j'ai cru comprendre que les rapports entre Angela MERKEL et Gordon BROWN étaient excellents. Quand je viens à Londres, je ne suis pas seul, il y a aussi Angela. C'est l'Europe d'aujourd'hui, on essaye de la faire progresser.
QUESTION - Vous avez déjà parlé de la défense, de la coopération vis-à-vis de la défense et, dans votre déclaration, vous parlez de dialogue concernant le nucléaire. Jusqu'à quel point pouvez-vous aller ? Est-ce que le Royaume-Uni pourrait considérer que sa génération suivante va faire partie d'un projet de collaboration avec la force de frappe ? Y aura-t-il encore des liens avec le programme américain ? Qu'est-ce que les Français en pensent ?
LE PREMIER MINISTRE - Nous travaillons de très près avec nos partenaires américains vis-à-vis du programme nucléaire et c'est quelque chose qui a toujours été compris. Mais ce dont nous avons parlé ce matin, c'était qu'en agissant ensemble, en travaillant ensemble, nous allions pouvoir encourager le désarmement nucléaire et surtout éviter la prolifération des armes nucléaires à travers le monde. Nous sommes arrivés à une étape critique lors de l'établissement d'un nouveau Traité de non prolifération et nous avons peur que des pays tels que l'Iran obtiennent des armes nucléaires. Alors, on va essayer de voir comment renforcer les règles vis-à-vis de l'approvisionnement des matières nucléaires. Il est facile de trouver les personnes qui les possèdent mais qui les fournit ? C'est quelque chose sur lequel il faut se renseigner.
Et, en même temps, j'ai parlé avec le Président de l'idée du Royaume-Uni d'avoir une banque de l'uranium, afin de dire aux états qu'on veut bien les aider au niveau du nucléaire civil aussi longtemps que selon le Traité de non prolifération, ils continuent à refuser l'idée d'avoir des armes nucléaires. Voici des idées pour coopérer ensemble. Nous allons pouvoir faire progresser le désarmement nucléaire d'une façon générale et nous avons aussi pris la décision de réduire le nombre de missiles récemment. C'est une des façons par laquelle nous coopérons.
QUESTION - Une question pour vous deux mais tout d'abord pour le Président SARKOZY. Monsieur le Président, vous avez dit à quel point vous voulez que le Royaume-Uni joue un rôle en Europe et à quel point l'Europe a besoin du Royaume-Uni. Est-ce que vous pensez que le Royaume-Uni pourra vraiment jouer ce rôle alors qu'il reste en dehors de la monnaie unique ?
LE PREMIER MINISTRE - Je veux bien répondre à la question mais c'est une question pour le Président. Je préfère que le Président y réponde.
Nous avons toujours dit que les termes selon lesquels le Royaume-Uni pourrait, en fait, participer ne peuvent pas être respectés. Nous avons fait plusieurs enquêtes et il n'a pas été vraiment approprié pour nous d'y participer mais on va continuer à évaluer la situation.
LE PRESIDENT - J'ai toujours pensé qu'on avait besoin du Royaume-Uni en Europe parce que cela ouvrait l'Europe sur le monde. J'ajoute que le Royaume-Uni et la France, ce sont les deux tiers de l'effort de défense de l'Europe. Donc on a quand même besoin de travailler avec ceux qui nous ressemblent. Alors, il ne m'a pas échappé que vous n'êtes pas dans Schengen, que vous n'êtes pas dans l'euro et qu'il y a parfois des clauses d'opt-out qui sont négociées, c'est une réalité. Ce n'est pas à moi d'en juger. Mais cela ne me donne pas le sentiment qu'on a besoin de moins de Royaume-Uni mais de plus. C'est ce que j'ai essayé de dire hier soir au Parlement. Vous autres, amis anglais, vous voulez une autre Europe. C'est plus facile de construire l'autre Europe avec vous à l'intérieur qu'avec vous à l'extérieur. Et c'est faire preuve d'amitié et de confiance que de vous dire que si vous êtes de plain-pied dans l'Europe, vous aurez plus de chance de la faire bouger, de la faire évoluer selon vos idées, que si vous êtes dehors. Voilà pourquoi il faut que vous ratifiiez le Traité simplifié. Alors après, il ne m'appartient pas de porter un jugement sur la politique intérieure britannique, mais on a envie de travailler avec vous. Je le dis pourquoi ? Parce que je viens d'un pays, je préside un pays qui a voté non à 55% et je m'étais engagé d'ailleurs à ce qu'il n'y ait pas de référendum, à trois jours du deuxième tour. J'ai peut-être quelque crédit lorsque je dis que l'on a besoin des Britanniques pour faire évoluer l'Europe. Et la faire évoluer vers plus de politique, plus de concret. Parce que vous savez, c'est encore un point d'accord entre Gordon BROWN et moi, le Traité simplifié ce n'est pas une fin en soi, c'est un moyen. Et à nous maintenant de donner du contenu à cette politique européenne. Pour que les britanniques comme les Français se disent : « ah oui, ce qu'ils font sert à quelque chose dans notre vie quotidienne ». C'est plus facile pour nous, Français, de nous battre sur ces idées et de faire évoluer les autres si vous les Anglais vous êtes de plain-pied à l'intérieur de l'Europe. Et vous nous aidez ou nous vous aidons. Et je crois que c'est absolument capital que cela se passe comme cela. Je pense que chacun est capable de l'entendre et de le comprendre. Pour autant chaque pays a son histoire, ses freins, ses craintes ou ses espérances. Ce n'est pas nous, les Français, dont le non au référendum a immobilisé l'Europe pendant un certain nombre de mois, voire d'années, qui allons reprocher aux Britanniques les interrogations que vous pouvez avoir sur l'Europe. Nous, on les a surmontées. Et on souhaite vivement que vous le fassiez pour transformer l'Europe.
QUESTION - Permettez-moi de vous demander, à vous deux, si les leaders de ces démocraties importantes, le Royaume-Uni et la France, devraient boycotter la cérémonie d'ouverture à Beijing étant donné ce qu'il se passe au Tibet ? Et est-ce qu'il faut aller plus loin et encourager vos athlètes peut-être à boycotter les jeux entièrement ?
LE PRESIDENT - Sur cette question du boycott, j'observe que le Dalaï Lama lui-même ne le souhaite pas. Pas davantage que l'indépendance du Tibet. J'observe qu'aucun des 27 pays de l'Union ne l'a demandé ou ne l'a proposé. C'est pour la réponse de fond. Pour le reste, notre analyse est commune et nous avons été choqués par ce qui s'est passé au Tibet. Et nous avons fait valoir notre vive préoccupation, chacun à notre façon mais, sur le fond, c'était la même préoccupation. Troisième point, nous pensons tous les deux que la seule solution est la reprise du dialogue entre les autorités chinoises et le Dalaï Lama dans le cadre du respect de la territorialité chinoise. Pour le reste, nous sommes également d'accord avec les problèmes particuliers qui sont les nôtres. Moi, je serai Président de l'Union au moment de la cérémonie d'ouverture. Je dois donc m'assurer de ce que pensent les autres avant de fixer une position pour savoir si j'irai à la cérémonie d'ouverture ou pas.
Deuxième élément, j'espère bien qu'on va mettre à profit, n'est-ce pas Bernard KOUCHNER, ces mois qui nous restent pour que la situation s'apaise. Et, en fonction de l'évolution de la situation au Tibet, je me réserverai de dire si je vais ou non à la cérémonie d'ouverture et s'il y a lieu de prendre d'autres initiatives. Nos amis britanniques ont un autre problème que je comprends parfaitement, c'est qu'ils sont les prochains organisateurs des Jeux Olympiques. Donc il y a un passage de flambeau. Cela n'a rien à voir avec une différence politique, simplement le fait d'avoir la responsabilité d'organiser les Jeux qui suivront ceux de Pékin. Pour le reste, voilà notre position. Je crois qu'elle est raisonnable, qu'elle est ferme et qu'en même temps notre but, ce n'est pas d'avoir une Chine qui se crispe sur un réflexe nationaliste et identitaire. Et chacun doit comprendre cela. Nous voulons défendre le respect des droits de l'Homme, des droits religieux, des droits de toutes les minorités et nous ne voulons pas le réflexe d'une Chine qui se crispe, qui se rétracte sur un réflexe nationaliste. Voilà donc la position qui est la nôtre, il me semble qu'elle est très en harmonie.
LE PREMIER MINISTRE - Nous n'avons pas l'intention de boycotter les Jeux Olympiques. Le Royaume-Uni va participer aux Jeux Olympiques et aux cérémonies. Et en même temps, le Président a dit que le Dalaï Lama n'a pas appelé au boycott des Jeux Olympiques, ce que le Président a dit, et il a tout à fait raison, c'est que durant les journées à venir et les semaines à venir, non seulement faut-il demander la fin à la violence mais aussi demander une certaine contrainte à tout niveau. Et il faut reconnaître que cela ne peut être seulement résolu par l'intermédiaire de la réconciliation et le dialogue. Les autorités chinoises veulent bien communiquer avec le Dalaï Lama à deux conditions que le Dalaï Lama pourra respecter : le refus de la violence et qu'il n'appelle pas à une indépendance totale du Tibet. Certainement nous allons pouvoir progresser, mais il faut pouvoir mettre fin à la violence et il faut que les gens se comportent avec une certaine restreinte.
QUESTION - Concernant la politique agricole commune, vous dites que nos deux pays sont très proches, mais il y a d'énormes différences. Notre Premier Ministre a déjà dit qu'il voulait se débarrasser de toute subvention directe avant 2020. Est-ce que vous voulez bien vous engager afin de réduire les tarifs et les subventions et les réformes fondamentales vis-à-vis de cette politique lorsque vous aurez la présidence ?
LE PRESIDENT - Je n'ai jamais dit que, sur ce point-là, on était arrivés au bout des discussions, mais on n'a pas vu souvent un Président français dire : parlons-en au lieu de nous affronter. Je vais aller sur votre terrain. Est-ce que vous croyez que la demande de sécurité sanitaire du consommateur britannique est si différente de la demande sécurité sanitaire du consommateur français. Vous avez eu votre propre crise, vous autres, en Grande-Bretagne, et nous l'avons eue aussi. Est-ce qu'on ne peut pas se mettre d'accord sur quelque chose ? C'est servir au consommateur européen des produits d'élevage et des produits agricoles dont on est sûr de la traçabilité. A quoi cela sert-il d'imposer aux agriculteurs, aux éleveurs européens des règles qu'on contournerait en important en Europe des produits qui viennent de pays qui ne respectent aucune de ces règles, c'est un point où on peut discuter. Par ailleurs, sur les subventions on peut discuter si on discute aussi des prix et de la préférence communautaire. Et je suis persuadé que c'est très important que des pays agricoles, comme la France, et ceux qui le sont un peu moins, comme l'Angleterre, acceptent de se mettre autour d'une table pour se comprendre. Parce qu'au fond c'est le même marché. Et pour essayer de tracer des lignes communes. Plutôt que l'un se plaigne du chèque britannique -c'est de bonne guerre que je vous en parle puisque je n'ai des questions que de la presse britannique- et que l'autre se plaigne des subventions agricoles. Voilà, je pense que c'est plus intelligent de notre part de dire : voilà, c'est un problème difficile, il n'est pas difficile depuis quelques semaines, depuis quelques mois, on le met sur la table et on essaye de se comprendre. Est-ce qu'on y arrivera ? On verra bien ! Mais si on ne parle pas, comment peut-on y arriver ? Et il me semble que sur la sécurité sanitaire, on peut trouver des voies d'accord.
QUESTION - Monsieur le Président, il y a demain un sommet arabe où deux de vos amis, le Roi d'Arabie saoudite et le Président MOUBARAK s'absentent. Est-ce qu'il y a une position commune européenne vis-à-vis de la Syrie ? Est-ce que M. BROWN partage votre position vis-à-vis de la Syrie et du Liban ? Est-ce que c'est une priorité pour l'Angleterre comme pour la France ? Merci.
LE PRESIDENT - Ecoutez, vous dites qu'il y a deux pays qui s'abstiennent de participer, ce n'est pas n'importe lesquels : l'Egypte c'est 76 millions d'habitants, cela compte et l'Arabie Saoudite c'est 26 millions d'habitants et le gardien des lieux saints de l'islam. Quand ces deux pays décident de ne pas venir à un sommet cela veut dire quelque chose. Et moi, je pense qu'ils ont raison. Parce que la Syrie a été trop loin. Et nous avons été un certain nombre à envoyer des messages très précis au Président syrien £ Le Liban est un pays libre, c'est un pays indépendant. Le Liban n'a pas besoin qu'un autre pays essaye de gérer ses affaires à sa place. Ce n'est pas un concept français ou britannique, c'est un concept démocratique. Qu'on laisse les Libanais tranquilles et que des pays aux dirigeants aussi sages que l'Arabie Saoudite et l'Egypte décident de ne pas venir parce que ce sommet a lieu à Damas, cela a une signification que le Président Bachar EL ASSAD serait bien inspiré, me semble-t-il, d'entendre. Il ne s'agit pas des Occidentaux, il ne s'agit pas des français, il s'agit de ses frères arabes qui lui disent : « cela suffit ». Et je suis très heureux d'ailleurs et j'en terminerai par là, que sur une question aussi importante on voit bien que ce n'est pas un problème entre l'Occident et l'Orient, entre les Arabes et les autres, qu'il y a un certain nombre de dirigeants arabes qui disent que maintenant cela suffit. J'espère que j'ai été clair.
LE PREMIER MINISTRE - Pour répéter, nous sommes tous préoccupés de la condition du Liban, vis-à-vis de la capacité des Libanais à former un gouvernement. Nous sommes tous préoccupés de l'interférence dans les affaires libanaise des Syriens. C'est pour cela, que ces préoccupations sont exprimées non seulement par nous mais pour l'Amérique et l'Europe, mais aussi par des membres du monde arabe, d'une façon si évidente.
QUESTION - Monsieur le Président, les dirigeants de l'opposition en France s'élèvent ce matin sur le fait que vous ayez parlé d'une possible augmentation des effectifs en Afghanistan, c'est de bonne guerre si je peux dire. Mais surtout le Président du Parlement, M. Bernard ACCOYER, qui appartient à la majorité demande que le Parlement français soit saisi de la question de l'augmentation du contingent français en Afghanistan. Quelle est votre réponse ?
LE PRESIDENT - D'abord j'ai dit hier, que je ne souhaitais pas le retour des Talibans en Afghanistan. J'espère que les dirigeants de l'opposition française partagent mon opinion. J'ai dit également hier, que le message envoyé au monde et aux terroristes d'un échec en Afghanistan serait un message désastreux. J'espère que les dirigeants de l'opposition partagent cette opinion. S'agissant du débat, j'en ai parlé moi-même avec le Président de l'Assemblée Nationale et ce débat, je le souhaite. Bernard KOUCHNER, avant de partir, a d'ailleurs dit que nous l'organiserions avant le sommet de Bucarest. J'ajoute que je souhaite que les dirigeants de l'opposition tirent la conclusion qu'il faut voter d'urgence la réforme de la Constitution que je propose puisque dans cette réforme on fait obligation au Gouvernement d'informer le Parlement sur toutes les questions de défense. N'est-ce pas M. MORIN ? Enfin, j'ai posé un certain nombre de conditions, pour l'augmentation de notre participation et je crois d'ailleurs qu'on est encore une fois pleinement d'accord avec Gordon BROWN. C'est la lettre que j'ai adressée à nos partenaires de l'OTAN. Il faut une stratégie car comme Gordon BROWN, je pense que la victoire en Afghanistan ne peut pas être que militaire. Donc ma réponse est très claire : oui au débat. Sans aucune réserve.
LE PREMIER MINISTRE - A propos de l'Afghanistan, il y a 40 pays qui travaillent afin d'y obtenir la paix et qui soutiennent le Gouvernement afghan, élu démocratiquement et il est très important de reconnaître que sans le soutien de ces 40 pays. Je suis très reconnaissant de ce que le Président SARKOZY a dit vis-à-vis de son engagement en Afghanistan, que son engagement serait de retour et qu'Al-Quaida trouverait d'autres bases pour leurs activités autres que cinq millions de jeunes femmes qui ont été éduquées grâce au retour du gouvernement en Afghanistan. Alors, c'est un engagement qui est très important de la part de tout le monde pour l'Afghanistan et je suis très reconnaissant que le Président SARKOZY en ait fait l'offre. Mais tous les pays ont une certaine responsabilité. C'est pour cela que lors du sommet de l'OTAN, nous en parlerons, nous examinerons comment d'autres pays peuvent y participer afin d'assurer qu'on ait les ressources, et suffisamment de personne à l'avenir pour l'Afghanistan.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez hier, devant les deux chambres du Parlement britannique, exposé une vision très flatteuse des perspectives pour l'amitié franco-britannique, ce que vous avez appelé, non plus l'Entente Cordiale, mais l'Entente Amicale. Est-ce que vous croyez que les opinions publiques des deux pays sont prêtes à vous suivre dans cette nouvelle phase des rapports entre nos deux pays ?
LE PRESIDENT - Ils n'ont pas besoin de nous suivre, parce qu'ils nous ont précédés. Franchement, ces centaines de milliers de jeunes Français qui se trouvent à Londres n'ont pas attendu que je prononce un discours pour y venir, et tous ces Anglais qui achètent des résidences en France n'ont pas attendu non plus le signal de Gordon BROWN. Donc, voyez-vous, j'ai plutôt le sentiment que c'est nous qui suivons nos peuples plutôt que le contraire.
LE PREMIER MINISTRE - Il n'y a jamais eu autant de coopération entre la France et le Royaume-Uni, tel que maintenant. Et Nicolas SARKOZY vient de le dire, c'est à un niveau où les gens voyagent en France, font l'aller et retour. Il y a beaucoup de Britanniques qui habitent en France et vice versa. Nous apprenons les uns des autres et c'est pour cela que la coopération au niveau politique est tout à fait essentielle.
QUESTION - Je voudrais revenir sur le mot de M. BROWN qui a qualifié votre visite d'historique. Hier, vous avez été reçu avec votre épouse Carla BRUNI-SARKOZY à Windsor. On a assisté à une journée fastueuse et, ce matin, on entend, on lit des commentaires très élogieux sur la prestation de votre épouse. Je voudrais savoir si vous n'avez pas le sentiment de vous faire un peu voler la vedette, et si au fond ce n'est pas un peu « too much » ?
LE PRESIDENT - Je félicite M. JEUDY pour ces progrès dans la langue de Shakespeare. On sent vraiment qu'on a raclé les fonds de tiroir ! Et puis, pour cette conception curieuse du couple, j'imagine que c'est une expérience extérieure qui vous fait poser cette question. Je vais vous dire une chose, j'étais très ému de l'accueil qu'a reçu Carla. Je trouve d'ailleurs que c'est très mérité et on en a tellement lu des choses que je suis très heureux de voir que justice lui est ainsi rendue. Et, dans le fond, vous me demandez pourquoi je la connais mieux que vous ? Cela aurait peut-être évité tous ces articles inutiles de ces dernières semaines. Et je peux vous dire une chose, c'est que pour moi c'était très émouvant. Je pense qu'elle a fait honneur à notre pays, pas simplement pour des raisons d'apparence extérieure mais parce qu'à l'intérieur de l'apparence, chacun a compris que c'est une femme qui a des convictions, une sensibilité, une humanité et que ces convictions, cette sensibilité, cette humanité font l'élégance de Carla.
LE PREMIER MINISTRE - Le Président SARKOZY et Madame SARKOZY sont bienvenus à Londres à tout moment.
QUESTION - Vous venez de parler de l'Union Européenne. Récemment il y a eu des échanges qui ont indiqué que le Gouvernement britannique soutenait l'adhésion de la Turquie. On a l'impression que la France n'est pas pour. Quels sont les échanges que vous avez eus au sujet de la Turquie et l'Union Européenne ?
LE PRESIDENT - J'ai l'impression que tout le monde sait qu'il y a un processus qui est en train de se dérouler et ce processus doit venir à sa fin. Et il faut voir comment cela se déroule, c'est tout. Il y a des échanges.Merci à tout le monde.