26 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-britanniques, à Windsor le 26 mars 2008.

Madame,
Les paroles de bienvenue si chaleureuses que Votre Majesté vient de prononcer m'ont été droit au coeur. Je veux vous en remercier, Madame, comme je vous remercie de Votre invitation à venir au Royaume-Uni en visite d'Etat, et plus particulièrement ici, dans ce magnifique château de Windsor. Pour chacun d'entre-nous, c'est comme un rêve de résider à Windsor. Nous pourrons dire que nous y étions. La délégation qui m'accompagne, mon épouse et moi-même exprimons à Votre Majesté notre vive gratitude pour toutes les attentions qui marquent notre séjour.
J'y vois, Madame, la manifestation de cette amitié à nulle autre pareille qui, depuis tant de siècles, unit nos deux peuples. Madame, c'est une amitié fraternelle, celle de deux frères, la Grande-Bretagne et la France, qui ont grandi ensemble, certes en se bagarrant parfois, peut-être même souvent, mais toujours en se manifestant estime et respect. Et quand elle était possible l'union des Yorks et des Lancasters, ou l'union avec l'Ecosse, avec le pays de Galles, avec l'Irlande nous trouvait en général au milieu de la partie et à notre détriment ! Nous avons beaucoup servi à l'unité de la Grande-Bretagne.
A travers les siècles, se sont ainsi forgés les liens les plus forts, parfois de la méfiance, mais toujours de l'affection, je veux le dire à nos amis britanniques, toujours de la part des Français de l'admiration pour la façon dont vous aimez votre pays et dont vous défendez votre patrie. Et c'est bien notre compétition fraternelle qui a nourri l'ascension de nos deux peuples, assuré leur rayonnement, et qui a façonné le monde. Pour la gloire, pour la puissance ou seulement pour l'aventure. Il y a toujours eu des Français et des Anglais pour se passionner sur le sort de la planète. Et la partie s'est jouée entre nos deux armées pendant des siècles dans tous les coins du monde.
L'Entente Cordiale de 1904, dont votre arrière grand-père Edouard VII fut l'inspirateur, avait d'abord pour objet de réconcilier nos différences et de partager nos zones d'influence. Mais tout au long du XXème siècle, ce n'était plus l'Entente Cordiale, c'était la fraternité des armes. L'Entente Cordiale, c'était le passé. Déjà au XXème siècle, nous avons été frères d'armes. Face aux périls, ce qui nous rapprochait était la volonté farouche de défendre ensemble ce que nous étions devenus : deux démocraties, deux terres de liberté, deux terres de justice, deux terres de solidarité. Et ce n'est pas par hasard, Madame, qu'en face du palais de l'Elysée, entre Clemenceau et de Gaulle, se trouve la statue de Churchill et c'est vous-même, Madame, qui l'avez inaugurée. Les Français n'oublierons jamais - jamais !- ce qu'ils doivent à leurs frères d'armes britanniques. Je l'ai dit cet après-midi devant le Parlement, je veux le dire devant vous, Madame, qui bénéficiez du respect et de l'affection de votre peuple, soyez assurée, Madame, que le peuple de France aime le peuple britannique. Et soyez assurée, Madame, que le peuple de France éprouve pour vous un grand respect. Les Français savent ce que vous avez fait pour votre pays. Les Français connaissent votre courage et admirent la façon dont vous conduisez votre vie, Madame.
Nos différences existent toujours, bien sûr. Churchill en donnait une interprétation extrêmement personnelle lorsqu'il disait, et je cite à peu près de mémoire : « Le Tout Puissant, dans sa sagesse infinie, n'a pas cru bon de créer les Français à l'image des Anglais ». S'il ne s'agissait pas d'un grand Anglais, je ne me serais pas permis de faire cette citation. Mais vous-même, Madame, en 2004 à Paris il me semble que vous avez prononcé un « Vive la différence ! » qui a eu un grand écho auprès du peuple français. Mais ces différences sont autant de complémentarités si nous en décidons, Monsieur le Premier ministre, ainsi.
Voici donc, Madame, le message que je suis venu porter au peuple britannique. Séparés, nos deux pays ne peuvent plus prétendre peser de façon décisive sur le destin du monde. Rassemblés, nos deux pays peuvent retrouver l'influence qui fut si longtemps la leur. Et d'abord en Europe, je le dis parce que je le pense. L'Europe a besoin du Royaume-Uni, et peut-être que le Royaume-Uni comme la France éprouve le besoin de l'Europe.
Au-delà, c'est ensemble que nous allons transformer les institutions internationales.
Alors Madame, près de deux siècles après la dernière bataille qui ait occupé nos troupes, après plus d'un siècle d'Entente Cordiale et d'alliance loyale, scellée dans le sang pour la défense de nos libertés et pour la défense de nos idéaux, le moment me paraît venu de bâtir une nouvelle fraternité franco-britannique, dans le respect de nos différences, nous allons bâtir un avenir commun.
Et c'est en formulant ce voeu que je lève mon verre. Je veux le lever en l'honneur de Votre Gracieuse Majesté, en l'honneur de Votre Altesse Royale le Prince Philip, Duc d'Edimbourg, ainsi, Madame, que de Votre famille. Je veux le lever ce verre de l'amitié en l'honneur du Premier Ministre et des membres du gouvernement britannique qui nous entourent ce soir. Je veux le lever en l'honneur des représentants des différences fortes politiques de la démocratie que nous admirons tant, la démocratie britannique. Je veux le lever en l'honneur de ce grand peuple britannique, ami, allié, frère du peuple français.
Et je veux vous dire Madame, que mon épouse et moi-même, n'oublierons pas cette visite, nous n'oublierons pas votre attention, nous n'oublierons pas votre gentillesse, nous n'oublierons pas les innombrables sourires du peuple de Londres qui nous a accueillis, qui nous a encouragé.
Oui Madame, je veux lever mon verre pour vous dire :
Vive le Royaume-Uni !
Vive la France !Vive l'amitié fraternelle entre nos deux pays !