14 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur une fiscalité environnementale européenne, à Bruxelles le 14 mars 2008


Mesdames et Messieurs,
Excusez mon retard. Un bref point de presse pour vous dire ce que nous avons fait ce matin. D'abord, la satisfaction de la France qu'il y ait une expression de préoccupation du Conseil européen à propos de la situation des changes. Il eut été inconcevable que le Conseil européen reste silencieux sur ce point. Vous connaissez de longue date mes convictions sur le sujet et j'ai été très heureux de la déclaration du Président de l'Eurogroupe, M.JUNCKER. Je partage en tout point son analyse qui a été d'ailleurs rejointe et soutenue par le Président de la Commission qui a, lui aussi, fait part de sa préoccupation.
Je voudrais également dire combien je suis heureux de l'initiative de la Commission qui présentera, dans les prochaines semaines, le fameux « Small Business Act » européen qui permettra d'améliorer l'accès de nos PME - vous savez que c'est un problème économique français - aux marchés publics, comme je n'ai cessé de le réclamer en rappelant l'exemple des dispositifs en place aux Etats-Unis et au Canada. C'est fait. On est arrivé à convaincre.
Je veux également dire combien, dans les relations économiques avec les pays tiers - et je pense aux négociations commerciales - je suis heureux de voir dans les textes des communiqués européens, arriver des mots auxquels j'attache un grand prix : réciprocité, concurrence loyale, défense des intérêts européens. On n'est pas encore à la préférence communautaire, mais enfin, cela progresse aussi. Cela sent bon. Tous ces mots qui n'étaient pas dans le vocabulaire, là cela vient un peu doper, donner de la force aux communiqués européens. Egalement le Conseil européen qui appelle à la définition d'une politique commune en matière d'immigration, de migration, c'est la priorité de la Présidence française. Ceci est bon signe.
On a eu un long débat, assez intéressant d'ailleurs, sur la question des mesures d'équilibrage nécessaires à prendre sur l'affaire de la taxation du carbone pour les pays qui ne joueraient pas le jeu, comment on protège nos industries. On ne peut pas dire à nos entreprises : faites des efforts pour protéger l'environnement, mais en même temps importez des produits de pays qui ne font aucun effort. La Commission est mandatée pour trouver un dispositif, que nous n'avons pas trouvé, mais le simple fait que le principe se pose, c'est parfaitement bien.
Par ailleurs, avec Gordon BROWN, on a beaucoup poussé au développement d'une fiscalité environnementale. Je suis très satisfait de voir que le Conseil demande à la Commission de réfléchir aux meilleurs moyens de favoriser les produits propres, en évoquant expressément la question de la TVA environnementale. Vous le savez, c'est l'idée que nous avions proposée avec Gordon BROWN, à laquelle je crois beaucoup, que l'on puisse rétablir le coût supplémentaire de produits propres, voiture par exemple ou bâtiment, par une fiscalité qui serait plus basse. L'idée que je défends c'est que les produits propres devraient bénéficier d'une fiscalité de TVA à taux réduit. Parce que parfois, souvent, les consommateurs disent "écoutez, ce n'est quand même pas normal qu'acheter une voiture propre soit plus cher qu'acheter une voiture qui pollue. La TVA, on n'a pas pris la décision, on n'y est pas encore, mais le Conseil demande à la Commission de réfléchir et de faire des propositions en la matière.
Vous savez comme l'affaire de la TVA à taux réduit c'est un sacré combat ! On n'est pas encore-là nous plus-arrivé, mais je vois surgir, comment dire de la densité dans les communiqués des Conseils européens. Je m'en réjouis profondément, parce que je suis persuadé que la TVA à taux réduit, c'est une façon de doper les produits écologiques, les produits propres. On n'y est pas encore, là encore, mais la Commission est mandatée pour étudier cela.
Quand vous vous rappelez la rigidité des débats sur la question de la TVA, c'est un événement. On n'y est pas encore, il faut attendre la proposition de la Commission. Pour l'Union pour la Méditerranée cela été adopté à l'unanimité, il n'y a pas de problème, je vous en ai longuement parlé cette nuit. Naturellement, Bernard KOUCHNER, Christine LAGARDE, Jean-Pierre JOUYET et moi, nous sommes à votre disposition si vous avez quelques brèves questions avant que nous retournions à Paris.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé de la TVA écologique, la Commission est mandatée pour y réfléchir ou pour y faire une proposition ?
LE PRESIDENT - De faire une proposition, pas simplement sur la TVA écologique. Je ne me souviens pas exactement du texte, mais c'est du genre : le Conseil demande à la Commission de réfléchir sur tous les instruments fiscaux qui permettraient de favoriser le développement des produits propres. Et dans le débat que nous avons eu, nous avons expressément parlé de la TVA écologique. Certains pays, je ne vous le cache pas, étaient opposés à ce que l'on ouvre ce débat, et d'autres, la Grande-Bretagne et la France, étaient très favorables à ce qu'on ouvre. C'est très important, je ne comprends pas - ce n'est pas du tout dans la discussion, c'est un avis personnel - que sur l'IS (l'impôt sur les bénéfices des sociétés) chaque État peut faire ce qu'il veut et sur la TVA il faudrait l'accord de tout le monde pour bouger. Honnêtement, c'est un vrai problème. Je ne vois pas au nom de quoi, s'agissant notamment des produits non délocalisés, le simple fait que l'on parle de cela a été un débat. Ce débat est tranché, il est demandé à la Commission de faire des propositions. Mon souhait, c'est que l'on puisse dire qu'un produit écologique, qu'un produit propre est systématiquement à un taux de TVA réduit. Par exemple la TVA réduite sur le bâtiment, j'ai dit à Christine et à Bernard, je trouve que lorsque l'on construit en HQE, ce que l'on appelle Haute Qualité Environnementale cela coûte plus cher Monsieur, il me semblerait assez normal que ceux qui construisent en HQE aient un taux de TVA réduit. Par exemple un consommateur achète une voiture qui va coûter plus chère parce qu'elle est propre, il me semblerait assez normal qu'il puisse bénéficier d'une TVA à taux réduit. Ce n'est pas encore là où l'on est mais le Conseil a demandé à la Commission d'y travailler c'est très important dans le processus européen.
QUESTION - Est-ce que vous pouvez nous en dire un tout petit peu plus sur le paquet climatique notamment les bio carburants et la part des énergies renouvelables ? Est-ce que les objectifs ont été remis en question ou pas ?
LE PRESIDENT - Non, il y a eu un débat extrêmement long et extrêmement compliqué, extrêmement passionnant et d'ailleurs assez compréhensible. Tous les pays ne sont pas au même niveau de production de CO2 et disons les choses comme elles, sont la France est mieux placée. Nous avons été un certain nombre dont Gordon BROWN et la France a insister sur le fait que nos objectifs ne devaient pas être indicatifs, qu'ils devaient être un engagement. Il y a eu quelques tentatives d'introduire le mot "indicatif". Nous nous y sommes opposés, il n'a pas été retenu. Pourquoi on s'y est opposé ? Parce que l'on a réussi à mettre l'Europe en exemple pour la planète dans la protection de l'environnement. Si l'on mettait nos objectifs indicatifs, cela mettrait tout par terre et donc on a gardé les objectifs : c'est 2020, c'est les 23%, voilà. Je ne rentre pas dans le détail car il y en y 19 pages. Il y a eu une petite tentative de ce côté-là, elle a été stoppée. L'Europe doit rester leader et exemplaire en matière d'objectifs environnementaux. C'est très difficile y compris pour la France un objectif de 23% en énergie renouvelable je peux vous dire que ce n'est pas une petite affaire.
QUESTION - Je poursuis dans ce domaine, comment est pris en charge par la Commission le surplus de notre énergie nucléaire ?
LE PRESIDENT - Cela a été tout un débat, comment on doit le mettre ? On a d'ailleurs nous-mêmes hésité, est-ce qu'il fallait remettre en cause, rouvrir le projet de compromis de la Commission ou plutôt l'accepter ? On a plutôt une position d'accepter le compromis proposé par la Commission, même si on trouve que l'objectif de 23% ne couvre pas la réalité du parc nucléaire français qui fait que nous produisons moins de gaz à effet de serre que les autres. On aurait aimé avoir des objectifs moins ambitieux s'agissant de l'énergie renouvelable compte tenu du fait qu'on produit moins de gaz à effet de serre. Mais bon, la position que nous avons défendue avec les Ministres, c'était plutôt d'approuver le compromis de la Commission. Mettez-vous aussi à la place de pays comme l'Estonie qui ont simplement un câble qui vient de Finlande. Pour eux aussi c'est difficile. Si la France ne montre pas l'exemple et rouvre parce qu'elle le trouve difficile pour elle, alors pour les autres, c'est encore pire. Non, on s'est engagé sur une voie très difficile, mais d'exemplarité en matière de lutte pour la protection de l'environnement, et bien il faut que l'on s'y tienne. Et de ce point de vue là, je redis encore une fois que la France et la Commission marchent main dans la main. Je ne ferai que me réjouir une nouvelle fois de la grande confiance qui existe entre le Président BAROSO et la délégation française pour tous les sujets. Il a d'ailleurs lui-même précisé, sur l'Union de la Méditerranée, que pour faire les propositions qu'on lui demandait, il partirait du papier franco-allemand.
QUESTION - Monsieur le Président les Français s'apprêtent à voter après demain pour les élections municipales. Vous avez déclaré à Toulon en début de semaine que vous tiendriez compte du message qu'ils exprimeraient, tout en expliquant que c'était des élections locales. Nous voulions quelques précisions à ce sujet.
LE PRESIDENT - Je confirme. D'ailleurs, en me posant la question, vous aviez un sourire inhabituel, qui montre bien que vous vous attendiez à la réponse. De toute manière, ce que j'essaie de faire maintenant, c'est d'essayer quand je suis à un endroit de me concentrer sur le sujet de l'endroit. Je comprends parfaitement que vous ayez des questions politiques et ne vous en fait naturellement nul reproche, mais il y a quand même un gros travail qui a été fait sur l'Europe. L'autre jour nous étions en Afrique du Sud et au Tchad. J'essaie de me concentrer sur tous les dossiers les uns après les autres et d'ailleurs un certain nombre d'entre vous, à de nombreuses reprises, vous vous plaigniez quand l'Europe était en panne. Maintenant qu'elle recommence, qu'elle remarche, concentrons nous là-dessus. Le reste, on est vendredi, dimanche arrive, lundi aussi et il sera toujours temps de parler de ça après. Moi, j'ai dit ce que j'avais à dire à Toulon. Après je vais peut-être m'en aller !
QUESTION - Monsieur le Président, deux questions s'il vous plaît. Je voudrais savoir si la France est en contact avec le Gouvernement espagnol pour essayer d'éviter que les producteurs espagnols de lait mettent en oeuvre leurs menaces d'empêcher les importations de lait français et une deuxième question si vous avez renoué vos contacts avec le Gouvernement espagnol sur les ambitions d'EDF de rentrer dans le capital d'IBERDROLA ?
LE PRESIDENT - Vous me posez une colle sur l'affaire du lait. J'aurais du mal à articuler un mot de réponse, il faut bien le dire, et vraiment ils ne m'en ont pas parlé mais bon c'est certainement une faute de ma part, et puis, oui, sur l'énergie, on est en contact très régulier d'ailleurs je voudrais dire qu'on travaille très bien avec le Gouvernement espagnol. On essaie de trouver des solutions consensuelles, pas simplement sur l'électricité, sur tous les dossiers qui sont en cours. L'Espagne et la France, on essaie de travailler main dans la main mais franchement sur l'affaire du lait, vraiment personne ne m'en a parlé, alors du coup je suis sec ! Peut-être une dernière question ?
QUESTION - Je sais bien que vous n'avez pas abordé les questions étrangères ici mais étant donné que le régime chinois réprime les manifestations de moines qui ont décidé, à la veille des Jeux Olympiques, de faire connaître leur combat et qui demandent plus de liberté, est-ce que l'Europe et la France ne s'honoreraient pas à avoir une position commune et forte à la veille des Jeux Olympiques de Pékin pour demander le respect de ces droits, au lieu d'attendre une répression et de constater la répression ?
LE PRESIDENT - Franchement, quand j'ai été en Chine, dans une conférence de presse avec le Président Hu JINTAO, j'ai demandé l'abolition de la peine de mort, la ratification de la charte des Nations Unies sur les droits civils et politiques et aujourd'hui même, il y a un document qui est pris. Moi, je ne suis pas le Président de l'Union, on verra ce qu'il en sera à ce moment là. La question des droits de l'Homme, je l'avais abordée de façon inhabituelle pour des visiteurs en Chine ouverte, puisque je l'avais fait dans une conférence de presse en présence du Président chinois.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez rencontré le Premier ministre grec, Monsieur CARAMANLIS, il me semble aujourd'hui. Quelle est la position de la France sur le problème du non entre la Macédoine et la Grèce ? Nous avons eu l'impression que la France soutenait la Grèce.
LE PRESIDENT - Oui, c'est une bonne impression. Je l'ai fait savoir à plusieurs reprises au Premier ministre grec sur l'affaire du non de la Macédoine, puisque tel est le sujet. J'ai indiqué que nous soutenions la position grecque. Les Grecs sont des amis. Et puis vous savez, depuis qu'on a écrit un livre en Grèce sur SARKOZY de Thessalonique, je me sens obligé d'être solidaire ! Mais je vous confirme que nous sommes très solidaires de la position de nos amis grecs, je l'ai encore confirmé au Premier ministre grec.
QUESTION - Il y a deux otages autrichiens en Afrique du nord, et on a appelé à leur libération. La réponse a été que c'était impossible. Que faut-il dire ? Comment faut-il réagir à votre avis ?
LE PRESIDENT - C'est la Chancelier autrichien qui a attiré notre attention sur cette question. Je crois que ce sont deux touristes autrichiens. Le Chancelier autrichien nous a demandé la solidarité de l'Europe, solidarité politique qui va de soi. Et de surcroît, il nous a demandé la collaboration de tous nos services, et la France se sent particulièrement concernée, notamment par le biais de la DGSE. Et j'ai indiqué à Alfred GUSENBAUER que, bien sûr, il pouvait compter sur notre soutien plein, complet et entier dans cette situation particulièrement dramatique pour ces touristes autrichiens.
QUESTION - A propos de l'Union pour la Méditerranée, il reste encore un lourd travail diplomatique à faire pour que tout le monde accepte de venir autour de la table en juillet. Qui va conduire ce travail diplomatique ? Est-ce que c'est la France ? Est-ce que c'est l'Europe ? Est-ce que votre conseiller spécial Henri GUAINO qui était chargé de ce dossier y sera associé ? Comment cela va s'orchestrer ?
LE PRESIDENT - D'abord, c'est toute l'Europe qui est engagée dans ce processus. Merci de nous poser cette question, cela me permet de préciser les choses. Le papier franco-allemand sera nourri des propositions espagnoles, des propositions grecques, le Président de la Commission l'a dit. Mais attention, il ne faut pas oublier d'inviter la Jordanie qui n'est pas à proprement parler riveraine de la Méditerranée, ce qui est tout à fait juste. La Mauritanie, le problème se pose également. Donc on va tous y travailler ensemble, puisque c'est le Président de la Commission qui doit le faire. Mais bon, la Présidence slovène et puis déjà la Présidence française, ont la responsabilité de mettre en place le Sommet, de discuter avec les uns et les autres. Quant à Henri GUAINO, il est mon collaborateur, mon ami, et vous savez la confiance que j'ai en lui. Il n'y a pas de problème, mais enfin la Présidence française sera amenée à conduire cela. Bernard KOUCHNER se passionne pour cette question méditerranéenne depuis bien longtemps, il me rappelait qu'il en avait parlé avec François MITTERRAND qui lui-même avait eu cette idée, malheureusement avortée trop tôt pour que cela puisse avancer. Ce qui m'a permis de reprendre les choses. Avec Jean-Pierre JOUYET, on va tous s'y mettre bien sûr.
Je ne vous cache pas que c'est très difficile, bien sûr, c'est absolument évident, nous le savons parfaitement bien. Mais enfin, entre ce que l'on disait il y a quelques semaines, même encore quelques jours, et ce qui a été décidé, je vous assure, dans un grand enthousiasme, et sans aucune réserve de qui que ce soi. La dernière était de Monsieur PÖTTERING, qui était un peu « chafouiné », et bon voilà, à partir du moment où on l'avait invité - ce qui est tout à fait normal - j'ai l'impression qu'il avait retrouvé son sourire légendaire que je lui connais depuis si longtemps, que j'apprécie tellement. Et d'ailleurs, moi j'avais pensé que c'était Angela MERKEL qui devait lui en parler, et puis je m'aperçois que c'est plus facile que je lui en parle, et bien voilà. C'est fait, c'est réglé.
Bon et bien merci, c'était un bon Conseil.Bon courage.