13 mars 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur l'Union pour la Méditerranée, à Bruxelles le 13 mars 2008.
Mesdames et Messieurs, bonjour,
Pardon de vous avoir fait attendre. Nous avons eu un dîner tout à fait intéressant et j'ai le plaisir de vous annoncer que demain matin sera formellement prise la décision de transformer le Processus de Barcelone en Union pour la Méditerranée. La décision a donc été prise ce soir à l'unanimité avec un grand enthousiasme. Elle sera reprise formellement dans le communiqué publié demain. Je me suis mis d'accord d'ailleurs avec le Président du Conseil pour vous rencontrer ce soir. Mme Angela Merkel tient une conférence de presse également.
C'est donc une nouvelle très importante que la relance du Processus de Barcelone, transformé en Union pour la Méditerranée sur la base du papier franco-allemand à la suite de la réunion que nous avions tenue à Hanovre - dont je ne vous avais pas donné à ce moment là le détail préférant rassembler l'ensemble des pays européens autour de cette idée. Je dois d'ailleurs dire que la discussion a été extrêmement facile, que le chancelier autrichien a fortement approuvé cette initiative, que le Premier ministre luxembourgeois a demandé qu'une décision de principe soit prise. Nous avons également demandé au président de la Commission, M. Barroso, de nous faire des propositions sur la gouvernance sur la base du papier franco-allemand.
Par ailleurs a été validée l'idée d'un Sommet à Paris entre l'Europe et la Méditerranée sous Présidence française. Je crois pouvoir dire que c'est la troisième initiative française : après le Traité simplifié, après le groupe des Sages, l'Union pour la Méditerranée, qui rassemble un très large consensus en Europe, c'est une très bonne nouvelle, chacun ayant d'ailleurs convenu que dans cette Méditerranée il fallait apprendre à faire la paix, à se rassembler autour de projets comme l'avait fait en son temps Jean Monnet. C'est une initiative, vous le savez, à laquelle je tenais. J'avais eu l'occasion d'en parler dans le cadre de la campagne présidentielle et pour moi, c'est une grande émotion de voir que cette idée que nous avions défendue à Rome avec Romano Prodi et José Luis Zapatero sur laquelle nous nous sommes expliqués, entendus à Hanovre avec la chancelière voit le jour, puisque la totalité des pays européens l'ont accueillie avec enthousiasme.
Q - Comment cette Union sera-t-elle financée?
R - Ce sont les financements habituels de la Commission, nous en avons tous convenu. Il y avait eu beaucoup d'argent investi autour de la Méditerranée mais la lisibilité politique, le projet politique, lui, était un peu en panne. Il y a plusieurs raisons à cela. L'intuition de Barcelone était la bonne mais qu'est-ce qui n'allait pas dans le cadre du processus de Barcelone ? Pour l'essentiel, d'abord le fait que l'on ne se rassemblait pas sur des projets précis. Là on va faire une feuille de route autour de projets précis, il y a des idées autour de la table. La France propose un système Erasmus pour les étudiants de la Méditerranée, de faire de la Méditerranée la mer la plus propre au monde, d'établir un espace de sécurité, de réfléchir à une politique énergétique entre le Nord de la Méditerranée et le Sud. Premier changement, ce sont des projets concrets. Le deuxième changement c'est surtout, et José Luis Zapatero l'a dit à juste titre, il faut que ce projet pour l'Union de la Méditerranée ne soit pas simplement le projet de l'Europe. C'est le projet aussi de la rive Sud de la Méditerranée. C'est ce qui n'allait pas dans le Processus de Barcelone. Par exemple pour les décisions, on prenait les décisions à 27 et puis après on allait essayer de les expliquer aux autres, non. On veut prendre les décisions ensemble, Nord et Sud, d'où l'idée - et c'est un changement - d'une co-présidence avec un sommet tous les deux ans, avec un président venant des pays européens riverains et un président venant des pays méditerranéens. C'est également la création du secrétariat. M. Barroso va travailler sur la gouvernance et notamment sur la coordination entre ce petit secrétariat que nous voulons avec Mme Merkel avec un secrétaire qui viendrait du Sud, un Secrétaire adjoint du Nord ou vice-versa et comment ils vont travailler avec la Commission. M. Barroso ne voulant naturellement pas être un des 20 membres du secrétariat - ce que je comprends parfaitement - nous lui avons donc confié de réfléchir à la gouvernance. Voilà les éléments qui sont en jeu. Mais l'Union pour la Méditerranée une décision de principe est engagée - je sais bien qu'il y a encore des étapes à construire - mais voilà l'Europe rassemblée autour de cette idée et d'un Sommet à Paris.
Q - Vous venez de dire précisément que ce n'est pas bon dans le Processus de Barcelone de prendre des décisions du côté Nord de la Méditerranée et d'aller après au Sud pour expliquer ce que vous avez accordé. Est-ce que vous avez fait la même chose cette fois-ci ? Que pensent les gens de la rive Sud de la Méditerranée ?
R - Ecoutez, j'ai quand même visité l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, l'Egypte donc on ne peut pas dire que je ne me suis pas rendu du côté Sud. Puis il fallait bien sûr obtenir l'accord de nos 26 partenaires pour transformer le Processus de Barcelone en Union pour la Méditerranée. Si je n'avais pas cet accord, je ne pouvais pas avancer côté Sud et on a fait en deux temps d'abord avec l'Italie et l'Espagne - je veux rendre hommage à José Luis Zapatero et à Romano Prodi -, l'appel de Rome et puis après l'appel de Rome il a fallu trouver un compromis avec les pays européens non riverains de la Méditerranée, dont je comprends parfaitement qu'ils se sentent concernés aussi. Cela a été le Sommet de Hanovre avec Angela Merkel mais j'étais quand même très heureux de voir que des pays européens non méditerranéens sont très engagés dans le processus. M. Balkenende a pris la parole en disant : "il faut y aller tout de suite'". Le chancelier autrichien "il faut y aller tout de suite", le Premier ministre luxembourgeois, "il faut y aller tout de suite".
Cette idée d'Union de la Méditerranée, est aujourd'hui l'idée de toute l'Europe et c'est très bien ainsi. C'est un beau projet, c'est un projet très ambitieux, une vision, car on est tous conscients qu'en Méditerranée on aura la paix ou la guerre et que c'est là que beaucoup de choses se jouent. Vous savez, j'en avais parlé pendant la campagne lors du discours de Toulon qui a été un discours pour moi extrêmement important dans le Zénith de Toulon archi-comble. C'est une étape quand même, c'est vraiment quelque chose qui est extrêmement important, très important. En plus, la chancelière l'a défendu, pas défendu puisque qu'elle n'a pas été attaquée. J'ai expliqué notre projet au Conseil, la chancelière a pris la parole après, l'a expliqué également, c'était une belle image de l'entente franco-allemande.
Q - Et qu'en est-il de la Turquie ?
R - Pour l'instant la Turquie à ma connaissance n'est pas membre de l'Union européenne. Si vous voulez me faire dire que la Turquie est un pays méditerranéen, je l'accepte bien volontiers mais enfin, si vous voulez, j'essaie de procéder par étapes. Il y avait d'abord les pays méditerranéens de l'Europe, cela a été l'objet de toutes les discussions que j'ai eues avec les Grecs, avec l'Italie, avec l'Espagne, avec le Portugal qui n'est pas riverain à proprement parler mais enfin qui a quand même une vocation méditerranéenne, puis cela a été la discussion avec les pays de l'Europe du Nord ou de l'Est -ce qui est quand même important. Maintenant il reste encore du travail, bien sûr, mais formellement la décision est prise. Elle sera prise demain matin, elle a été prise politiquement ce soir.
Q - On estime généralement que le Processus de Barcelone n'a pas pu prospérer parce qu'il y a les conflits, il y a notamment le conflit israélo-palestinien. Est-ce que l'Union pour la Méditerranée peut faire plus et Gaza c'est quand même la rive méditerranéenne aussi ?
R - Tous les problèmes ne sont pas réglés ce soir mais c'est une première étape importante, que toute l'Europe se retrouve derrière cette initiative que j'avais portée depuis des mois. Pour la France c'est une satisfaction, c'est incontestable. J'ajoute que je veille également à ce que le Parlement européen soit associé à cette initiative et bien sûr Hans-Gert Pöttering, le Président du Parlement européen, sera invité au Sommet du 13.
Q - Vous dites que c'est un projet qui vous tient vraiment à coeur, mais on sent quand même que depuis quelques mois, depuis les discours de Toulon, de Tanger, la France a dû beaucoup réduire ses ambitions pour faire accepter ce projet, notamment à ses partenaires allemands. Que va-t-il rester de l'initiative le 13 juillet ?
R - En quoi la France a-t-elle réduit ses ambitions ? Honnêtement je répondrais bien volontiers à votre question, prenez-moi un exemple de réduction de ces ambitions et j'essaierai d'y répondre.
Q - L'idée par exemple au début était de n'ouvrir le projet qu'aux pays riverains de la Méditerranée, avec un statut d'observateur pour les autres.
R - Je n'ai jamais porté l'idée d'exclure quelques pays d'Europe des projets, bien au contraire. Dans le premier projet, dans le premier discours, sur la base du volontariat, tous les pays européens étaient appelés à y participer. Est-ce que ce que je dis est exact ? Je n'ai jamais parlé de statut d'observateur. Le statut d'observateur c'est pour la Baltique où la France a obtenu un statut d'observateur. Pardon de dire que vous n'avez jamais entendu ce mot "observateur" dans ma bouche. J'ai indiqué qu'au début, dans la première proposition, les pays européens riverains de la Méditerranée étaient membres de droit. C'était cela mon expression - pardon de me citer, c'est un peu ridicule mais c'est pour être bien précis - et que les autres pays non riverains de la Méditerranée pouvaient participer sur la base du volontariat à tous les projets sans aucune exception. C'était cela à l'origine. Sur quoi nous nous sommes mis d'accord avec Mme Merkel, sur le fait que tous les pays d'Europe seront membres de l'Union pour la Méditerranée. La seule différence c'est que nous pourrons co-présider l'Union pour la Méditerranée : que les pays européens riverains de la Méditerranée. Voilà très exactement, c'est un compromis, c'est incontestable, mais enfin c'est difficile de faire l'Europe sans faire des compromis. Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'on a renoncé à l'ambition du projet qui consistait à partir de l'acquis de Barcelone, cela aussi je crois même que c'est l'expression que j'avais utilisée, pour l'amener vers l'Union pour la Méditerranée.
Deuxième changement, j'avais parlé de l'Union de la Méditerranée et c'est José Luis Zapatero qui a proposé l'Union pour la Méditerranée, il trouvait que c'était plus positif, très bien. J'avais parlé de la coprésidence, j'avais parlé d'un secrétariat qui renforçait l'autonomie en quelque sorte du Conseil. Alors il y a une autre discussion, j'ai déjeuné la semaine dernière à Paris avec M. Barroso et nous avons discuté ensemble de la place de la commission, parce que lui aussi a à rendre compte de l'utilisation des milliards d'euros qui sont investis, donc voilà. Mais franchement, je pense que le projet initial n'est pas éloigné du projet actuel mais peut-être que j'oublie un élément que vous voudriez bien me rappeler sur lequel j'aurais renoncé. Non, mais c'est pour être précis, je ne pense pas avoir renoncé à autre chose. Alors il reste beaucoup de travail, par exemple, on ne s'est pas encore mis d'accord sur le contenu de l'agenda. Moi je pense que pour la dépollution, tout le monde a l'air d'accord, mais enfin on n'est pas rentré dans le détail d'un Erasmus des étudiants de la Méditerranée. On s'était mis d'accord sur un projet Euratom comme il y en a eu, ce qui pourrait être une formule, on ne s'est pas mis d'accord sur ce que veut dire l'espace de sécurité.
Ce qui était important pour moi, c'était un, de rassembler tout le monde sur la priorité méditerranéenne.
Deux, de faire accepter le constat que Barcelone c'était une bonne idée, une bonne intuition mais franchement cela n'avait pas produit tous les fruits qu'on était en droit d'attendre.
Trois, qu'il fallait que l'on passe à une nouvelle étape qui s'appelle l'Union pour la Méditerranée. Cette Union pour la Méditerranée, cela va être un sommet tous les deux ans, une co-présidence et un secrétariat. Mais honnêtement, je ne vois pas à quoi on a renoncé. Alors peut-être, si je veux être très honnête avec vous, que le malentendu venait de la crainte que pouvait avoir certains de nos partenaires, que l'on crée en quelque sorte une Union méditerranéenne concurrente de l'Union européenne. C'est peut être à cela que vous pensez, mais cela n'a jamais été dans mon esprit. Cela a été la crainte d'un certain nombre de nos partenaires, mais je n'ai jamais vu l'Union pour la Méditerranée comme un substitut de l'Union européenne, ou comme un concurrent de l'Union européenne. Je pense que l'essentiel venait de là. Alors c'est compliqué, le Parlement veut naturellement être associé, la société civile veut naturellement être associée, la Commission veut être associée. Mais voyez vous il y a deux façons de voir les choses, je suis plutôt flatté de cela. L'idée doit être très forte pour que tout le monde veuille y participer. Parce qu'au fond quel est le problème que j'ai eu à gérer ? C'est d'agréger toutes les volontés politiques qui voulaient y participer. Or, tellement souvent en Europe, les gens veulent partir et ne pas participer à un projet, là la Commission veut y participer. M. Barroso a raison d'ailleurs, c'est eux qui ont l'argent. Le Parlement veut y participer, M. Pöttering a raison. L'Allemagne veut y participer, comme les autres. Mais c'est quand même difficile de dire que l'idée que j'ai proposée, j'y ai renoncée parce que tout le monde veut y participer. Cela ne doit pas être une trop mauvaise idée pour que tout le monde s'y inscrive.
Q - Comment allez-vous convaincre quand même les Turcs qu'il ne s'agit pas d'une solution de compensation vis-à-vis de l'intégration et les pays belligérants. Comment vont-ils venir à Paris ?
R - C'est la suite de tout cela. C'est une affaire extrêmement compliquée, extrêmement difficile, c'est une première étape, elle est importante quand même. Reconnaissez, d'une idée qui semblait diviser, on fait une idée qui rassemble et je vous assure, comme tout se sait en Europe, vous parlerez avec les uns et les autres, il y a eu un grand consensus. Ce n'est même pas moi qui me suis battu pour que la décision soit prise dès ce soir. Quand des hommes comme Jean-Claude Juncker, José Luis Zapatero disent "on doit prendre la décision ce soir", cette idée elle compte. C'est important ce qui se passe en Méditerranée. Je suis quand même relativement content. On peut interroger Jean-Pierre Jouyet, c'est un travail de rassembler l'Europe autour de cette idée. Alors maintenant il faut aller convaincre. C'est plutôt une bonne nouvelle.
Q - Monsieur le Président ce que l'on a reproché au Processus de Barcelone c'est l'absence de stratégie, il n'avait aucune visée stratégique. Quelle est l'ingrédient qui peut faire que l'Union pour la Méditerranée comble un peu ce déficit ? Quelle est la finalité ? Est-ce que c'est l'intégration ? Comme en plus vous citez Jean Monnet, où voulez-vous en venir avec l'Union pour la Méditerranée à terme ?
R - C'est très simple, à des projets concrets. Au fond c'est de créer un espace de paix, de prospérité et de sécurité. Cela est la vision. Et comment y arriver ? Comment on a créé l'Europe ? En prenant les deux belligérants les plus proches, l'Allemagne et la France et en les rassemblant sur le charbon et l'acier. Qu'est-ce qu'on veut faire avec l'Union pour la Méditerranée ? On prend tout le monde et on va essayer de les rassembler, par exemple sur la dépollution de la mer Méditerranée. C'est quand même difficile de dépolluer la mer Méditerranée en travaillant juste au nord. Par exemple, cette idée moi je ne sais pas si on va la retenir, mais je me battrai pour qu'on la retienne. Qu'Erasmus, qui permet aux étudiants de toute l'Europe d'aller faire leurs études dans toutes les universités européennes, et bien j'aimerais qu'on fasse une forme d'Erasmus de la Méditerranée. Et petit à petit, au fur et à mesure de la construction de ces projets concrets, que l'on fasse de notre Méditerranée un espace de paix, alors que c'est un espace d'affrontement, voilà l'idée que je porte, résumée naturellement, il y aurait tant d'autres choses à dire.
Pour moi c'était assez émouvant de voir tous les pays européens considérer que là se joue une carte absolument majeure. J'ai utilisé cet argument, regardez après l'intervention de M. Barroso qui a montré le nombre de milliards d'euros investi. Je dis, mais attendez, est-ce qu'avec tout cet argent investi vous trouvez que l'Europe a pris toute sa part politique. C'est en vérité le réinvestissement de l'Europe politique dans les conflits du Proche-Orient, cela est incontestable. Tout le monde dit : l'Europe paie mais l'Europe n'existe pas assez politiquement dans cette partie du monde. C'est l'occasion, l'Union pour la Méditerranée, de porter la vision d'une Europe politique engagée, c'est aussi cela qui est derrière. On va me dire, est-ce que tout est résolu ? Non c'est sûr. Mais il y a une nouvelle volonté, une même analyse, que ce qui se passe en Méditerranée est capital, une même volonté d'attaquer le Processus de Barcelone d'une autre façon, de mettre de la politique dans tout cela, de traiter les deux rives à égalité, d'où la co-présidence, c'est une nouveauté la co-présidence, ce n'est pas tout à fait la même chose. Parce qu'à Barcelone qui y était du Sud ? Vous voulez que je vous le rappelle ? C'était assez facile de faire la liste des chefs de gouvernement qui y étaient. Je crois qu'il n'y en avait pas beaucoup. Et le Secrétariat et les projets concrets ?
Q - Un peu plus au sud sur le Soudan et le Tchad, vous n'en avez peut être pas parlé autour de la table, mais dans les couloirs. Quelle est votre dernière analyse d'une éventuelle négociation de paix entre le Soudan et le Tchad et des dernières évolutions au Tchad?
R - L'EUFOR se déploie et j'ai parfaitement conscience que la période difficile, c'est la période entre la mi-mars et le mois de juin, puisque vous savez comme moi que le mois de juin c'est la saison des pluies, et dans la saison des pluies les pick-ups ne passent pas et donc on est tranquille. Donc l'objectif c'est que l'EUFOR se déploie le plus rapidement possible. Je n'ai pas de jugement à porter sur ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas à Dakar en ce moment. Je n'y suis pas.
Q - Dans quelle mesure êtes-vous inquiet de la hausse du cours de l'euro que nous avons constaté récemment ? Pouvons-nous y faire quelque chose ? Croyez-vous que la BCE doit agir? Et à propos des fonds souverains, croyez-vous que l'Europe a besoin d'une réglementation similaire à celle des Etats-Unis quant à la protection de son industrie contre les risques de rachat par des groupes étrangers ?
R - C'est un sujet dont nous n'avons pas parlé ce soir, dont j'ai parlé en bilatéral avec Gordon Brown. Vous savez qu'avec le Premier ministre britannique nous partageons le même point de vue, qu'il faut prendre des initiatives, que le monde a besoin de règles, de transparence. Vous savez ce que je pense du niveau de l'euro, j'en ai parlé à d'innombrables reprises. Nous devions effectivement parler de cette question au dîner et comme on avait beaucoup parlé d'énergie et d'Union de la Méditerranée, on a décidé que Jean-Claude Juncker ferait son intervention demain matin. Et c'est la raison pour laquelle je ne veux pas anticiper et je préfère répondre à cette question demain après notre réunion.
Q - Avez-vous parlé de l'énergie au niveau européen ?
R - Sur l'énergie, on a beaucoup discuté de la création d'un marché de l'énergie européen, d'une stratégie commune d'achat, notamment sur la question du gaz. Du projet NABUCCO, de ses avantages et de ses inconvénients, de l'indépendance énergétique européenne, du nucléaire, de l'énergie renouvelable. Il y a eu un vaste débat, je crois qu'il y a une grande prise de conscience, que l'énergie c'est le sujet de demain et ce que j'appelle le "paquet climat" progresse et j'espère que, sous Présidence française, on pourra conclure un accord.
Je ne peux rien dire sur le sujet et les deux entreprises, je ne sais pas où elles en sont dans leur discussion.
Q - Je voudrais revenir sur la question de la Méditerranée. On a entendu quand même des doutes émanant d'un partenaire européen concernant l'utilisation du budget communautaire relatif au Processus de Barcelone. La chancelière a mis l'accent sur le fait que les fonds devraient être bien utilisés. On sent qu'il y a toujours des inquiétudes de la part des Etats membres sur la gestion des fonds qui seront alloués au Processus de Barcelone. De quelle manière pensez-vous rassurer vos partenaires sur ce sujet ?
R - Ce n'est pas à moi de les rassurer, honnêtement. Le reproche ne s'adressait pas à moi. Je crois que l'idée de la chancelière, c'est qu'elle est d'accord, enfin, nous sommes d'accord sur le fait que c'est la Commission qui doit gérer les fonds. D'ailleurs, c'est la Commission qui, par exemple, rend des comptes à la Cour des comptes européenne. Mais ce qu'elle veut, c'est que le Conseil co-présidé, Europe-Méditerranée, soit en capacité de dire à la Commission : cela, c'est le projet que nous voulons, plutôt que tel autre. C'est comme cela que nous voulons construire les choses. C'est cela l'articulation.
Q - Je reviens sur l'Union pour la Méditerranée. Vous nous dites souvent que c'est parce que les choses sont difficiles, qu'elles méritent que l'on s'y attèle. Quand on voit cette semaine à Paris que les pays arabes et les éditeurs arabes ont boycotté le salon du Livre, comment arriver à convaincre tous ces pays ? Encore une fois je sais bien parce que c'est difficile, vous le dites souvent, mais est-ce que l'on peut avancer dans ces conditions ?
R - Je suis désolé de me répéter. Vous avez parlé tout à l'heure du discours que j'avais fait à Tanger, à ma connaissance, c'est un pays arabe, du discours que j'ai fait à Constantine, à ma connaissance, c'est un pays arabe. Dans tous les pays arabes, où vous avez bien voulu m'accompagner, j'ai défendu la nécessité d'une Union pour la Méditerranée. Un homme comme le Roi du Maroc, est totalement mobilisé autour de cet objectif. M. Kadhafi est totalement mobilisé autour de cet objectif. Le président Ben Ali est totalement mobilisé autour de cet objectif. Je crois même pouvoir dire que le président Bouteflika n'est plus opposé à cet objectif. J'en ai parlé avec le président Moubarak qui, lui, est très volontaire au service de cet objectif.
Laissez-moi franchir les étapes, les unes après les autres. Cette étape, de ce soir, est une étape très importante et manifeste une volonté de l'Europe de ne plus tourner le dos à la Méditerranée. C'est une grande nouvelle. Ce n'était pas si facile d'arriver à ce résultat, quand même.
Q - Est-ce que vous avez parlé ce soir à M. Balkenende qui a soulevé la question du film contre le....
R - ...Oui.
Q - Quelle est votre opinion ?
R - Je laisse le président de l'Union s'exprimer sur le sujet. M. Balkenende m'en avait parlé lorsqu'il était venu déjeuner à Paris. Il m'avait dit sa préoccupation et il nous a informés de ses problèmes et surtout du souci qui était le sien pour qu'il n'y ait pas d'amalgame entre extrémisme et islam, entre les extrémistes et les musulmans qui vivent dans son pays.
Q - Avec l'Union pour la Méditerranée, est-ce que vous considérez que la politique du voisinage n'a plus de sens ? La politique du voisinage qui a été créée pour équilibrer les rapports entre l'Est et la Méditerranée...
R -... Non. Au contraire, cela peut donner des idées, puisque le Premier ministre polonais a saisi au bond la proposition de l'Union pour la Méditerranée, pour lui-même dire qu'il ferait une proposition sur une politique de voisinage du côté du Nord. Voyez, ce n'est pas contre. Moi-même, un moment, j'avais caressé l'idée de m'inspirer de la Baltique qui est aussi une politique de voisinage, puisque sur la Baltique, si je ne vous dis pas de bêtises, il y a la Russie qui n'est pas un pays de l'Union européenne, il y a l'Islande, aussi, il y a la Norvège également.
Q - Monsieur le Président, quand vous avez lancé votre projet en automne dans le discours à Tanger, l'un des arguments qui était valable à Bruxelles, c'est que cette Union méditerranéenne est un peu une dimension du Sud, comme la dimension nordique, près de l'Union européenne où il y a l'Islande, il y aura là, la Libye. Et puis, nous avons entendu alors que les arguments ont évolué et j'ai l'impression, ce soir, que votre idée d'Union méditerranéenne a été un peu noyée dans des eaux européennes, parce que les projets aussi concrets et fondamentaux pour la région : la mer Méditerranéenne, la dépollution, l'énergie, la sécurité, sont des projets fondamentaux. Mais, personnellement, j'ai du mal à savoir pourquoi ils ne peuvent pas être intégrés dans le Processus de Barcelone ou Barcelone Plus et qu'il faut créer absolument une union.
R -... parce que Barcelone n'a pas marché. Que voulez-vous que je vous dise ? Je veux bien passer mon temps à critiquer mais on ne va pas tourner en rond ! Si Barcelone avait marché, cela se saurait. Cela n'a pas marché. Cela n'a pas marché pour une raison assez simple, c'est que l'on donnait l'impression qu'il y avait les seniors qui étaient les Européens et les juniors qui étaient les Méditerranéens du Sud. Cela ne peut pas marcher comme cela. Donc l'Union pour la Méditerranée, il y a une différence, c'est que les pays méditerranéens du Sud seront traités à égalité politiquement que les pays méditerranéens du Nord, ou les pays européens. C'est quand même un changement considérable, d'où la co-présidence. Je ne peux pas vous réexpliquer la même chose, pour moi, cela paraît évident. C'est exactement le projet que j'ai défendu et qui est retenu par l'Union européenne.
Franchement, après le Traité simplifié et le groupe des Sages, cela fait une troisième initiative de la France qui, il faut bien le dire, occupe toute sa place en Europe.
Q - Monsieur le Président, vous aviez dit à Lisbonne, je crois, où vous aviez évoqué les noms de Tony Blair et de Jean-Claude Juncker pour la future Présidence de l'Union européenne. Depuis, Tony Blair, son nom a été très critiqué, y compris au sein de l'UMP, je crois. Est-ce que vous estimez qu'il ferait toujours un bon candidat et est-ce que vous avez d'autres idées de candidats possibles et si oui, lesquelles ?
R - Ce n'est pas au sein de l'UMP que se prendra la décision, quand même. C'est un sujet sur lequel je ne peux pas m'exprimer puisque je serai le Président de l'Union au moment où nous choisirons la personne. Donc, ce serait bien mal commencer la Présidence française que de prendre parti.
Deuxièmement, ce serait une erreur de traiter la question du Président de l'Union indépendamment du Président de la Commission, indépendamment du poste de Haut-Représentant. C'est un ensemble. J'aurai à conduire, le moment venu, un certain nombre de contacts mais comprenez que je ne prenne pas position et que je m'en tienne à la réserve de bon aloi d'un futur Président de l'Union.
Q - Que répondez-vous à ceux qui ont peur, comme les Polonais, que plus d'attention aux Méditerranéens, veuille dire moins d'attention aux voisins de l'Est ?
R - Non. Je vous l'ai dit. M. Donald Tusk a dit : moi, je prendrai une initiative de voisinage au Nord et à l'Est. Eh bien, très bien. Non, il n'y a pas de problème. On pourrait plutôt avoir la crainte que toute l'attention portée à l'Est avait fait oublier le Sud. Je ne crois pas que l'on puisse dire que l'on a oublié l'Est. Je ne le pense pas et s'il y avait vraiment un problème en Europe, pour ceux qui suivent cela avec attention, cela a été plutôt le tropisme Est que le tropisme Sud. C'est le moins que l'on puisse dire. Je suis très heureux d'ailleurs de contribuer au rééquilibrage de cela. La meilleure preuve, c'est que les pays du Nord de l'Europe veulent absolument participer à cette Union pour la Méditerranée.
Q - Quels sont les pays qui viendront le 13 à Paris ? Je parle du pourtour.
R - Non, je ne sais pas encore et, par ailleurs, il va falloir travailler maintenant sur un sommet avec un certain nombre d'astuces pour que tout le monde se sente à l'aise. Il y a des étapes, c'était vraiment impossible de commencer tant que l'on n'était pas tous d'accord. En plus, moi je vais être Président de l'Union, je dois m'assurer que tout le monde suit bien, que tout le monde est d'accord là-dessus. C'est une étape, elle n'est pas de soie ! Cela ne veut pas dire que ce n'est pas difficile. Comment voulez-vous qu'un endroit du monde où, depuis deux mille ans, grosso modo, on se fait la guerre, on s'entretue, on se déteste, on se déchire, je ne prétends pas que cela se règle en une réunion mais je suis quand même heureux que toute l'Europe considère que c'est une priorité. Franchement, c'est plutôt une bonne nouvelle, non ? Pour vous qui vous vous passionnez pour l'Europe, ce n'était pas si évident que l'on obtiendrait ce soir comme cela, et surtout avec vraiment un très bon climat, un très bon esprit. Je veux dire que l'on n'est pas passé en force. Vraiment, je vous le dis, l'intervention du chancelier autrichien, c'était très émouvant, d'ailleurs.
Q - Ne craignez-vous pas que certains pays se replient sur leurs frontières ?
R - Si, bien sûr. Il n'y a pas que cela, il y a des tas de craintes. Vous prenez la Méditerranée et vous pouvez aligner les frontières : entre l'Algérie et le Maroc elles sont fermées, la Turquie, le Liban, la Syrie, Israël, les Palestiniens. Cela, honnêtement, on peut y passer la nuit. Vous me dites : vous ne craignez pas. Si, bien sûr, c'est extrêmement difficile. C'est parfaitement exact et comme le Traité simplifié, c'était une autre difficulté, mais c'était difficile, c'est sûr, ce n'est pas une raison de ne pas le faire, c'est au contraire une raison pour y aller. Ecoutez, on a fait le Traité simplifié pour remettre l'Europe en marche. J'ai essayé de défendre cette idée. Le Traité simplifié n'est pas une fin en soi. C'est un moyen au service d'une ambition européenne. La pire erreur à faire pour l'Europe, la pire serait de considérer maintenant que l'on a fait le Traité simplifié, qu'il faut s'arrêter. Le Traité simplifié, c'est très important, c'est comme un moyen, ce n'est pas une fin en soi. Le Traité simplifié si l'on n'y met rien, excusez-moi, on n'aura rien fait. Le Traité simplifié n'est que la première étape qui doit nous conduire à mettre du contenu dedans. Avec le Traité simplifié, je voudrais un pacte européen pour l'immigration, une politique d'union pour la Méditerranée, le "paquet climat", et plein d'autres idées parce que je prône l'initiative en matière de santé, de sport, de culture, pour mettre du contenu dedans. Ce n'est pas le Traité simplifié qui va réconcilier les Européens avec l'Europe. S'il n'y a pas le Traité simplifié, on ne peut rien faire. Mais le Traité simplifié, c'était une condition nécessaire absolument pas suffisante, il faut y mettre du contenu maintenant. Et l'un de ces contenus, c'est l'Union pour la Méditerranée.
Q - Monsieur le Président, est-ce que vous avez déjà une proposition pour le siège du secrétariat ou pour le poste de directeur européen ? J'aimerais également savoir comment toutes vos idées seront réalisées si les fonds ne seront pas augmentés par rapport au Processus de Barcelone ?
R - Des fonds il y en a beaucoup, alors là vraiment, s'il y a un problème qui n'est pas un problème, pour une fois ce n'est pas le problème financier. Si vous suivez bien ces questions vous le savez parfaitement. Je crois que ce doit être de l'ordre de 13 ou 14 milliards d'euros. Je vous parle de mémoire, mais le potentiel c'est à peu près cela. Alors vraiment, ce n'est pas une question de fonds.
Sur la localisation du secrétariat, il y a plusieurs idées. Je vous dis les idées sur la table, parce que ce n'est pas du tout tranché, j'ai peut-être tort de vous les dire. Certains ont dit, mais pourquoi on ne mettrait pas le secrétariat au sud ? D'autres ont dit, pourquoi on ne le mettrait pas à Barcelone ? Des troisièmes ont dit, pourquoi on ne le mettrait pas à Marseille ? Ce n'est pas moi d'ailleurs. Et moi j'ai dit : franchement, ce n'est pas le problème d'histoire, on réglera ce problème au fur à mesure. Pour vous dire, jusqu'où on a été, c'est qu'il y plusieurs idées, ce qui prouve la passion qui a autour de cela, c'est assez intéressant.
Q - Monsieur le Président, sur le "paquet climat" et énergie que vous avez évoqué, comment voyez-vous la question de la compétitivité de l'industrie et comment peut-on la résoudre ?
R - D'abord je trouve que la proposition de la Commission est bonne. Evidemment c'est un équilibre, tout cela est compliqué. C'est une bonne proposition dans laquelle il convient de travailler. La principale préoccupation que nous avons, c'est la mise en place d'un mécanisme qui permettrait de frapper les importations de pays qui ne joueraient pas le jeu dans la protection de l'environnement.
Pour moi, c'est vraiment cela le point clé. Parce que cela consiste à prendre des engagements - le paquet climat - très durs pour l'Europe. Cela va très loin : plus de 20% d'énergies renouvelables en 2020, 23% pour la France. C'est quand même extrêmement difficile. Mais en même temps, on ne va pas non plus continuer à importer des produits venant de pays qui ne respectent aucune règle, alors qu'on en impose à nos entreprises. J'ai demandé à la Commission de réfléchir à un mécanisme qui pénaliserait les entreprises venant de pays qui ne jouent pas le jeu. Sinon on a tous les inconvénients et aucun avantage. On ne va pas faire le travail pour tous les autres. Et donc c'est là où il y a encore de la discussion. Mais la discussion a été assez consensuelle. Alors chaque pays dit : c'est trop pour moi, il y a un peu une discussion de marchands de tapis. Mais j'ai bon espoir qu'on arrive sous Présidence française à un accord sur le "paquet climat".
Q - Monsieur le Président, vous vous êtes référé deux, trois fois au Conseil de la Baltique, et cela a un peu titillé ma curiosité. On dirait que vous vous référez à une forme de jurisprudence pour dire que dans cette région il y a des gentils pays qui acceptent d'être observateurs quand ce n'est pas leur région. Est-ce que vous visez quelqu'un, est-ce que vous vous adressez à quelqu'un en particulier ?
R - Non. Ce n'était pas moi qui étais en situation, mais j'observe que la France a mis trois ou quatre ans à être observateur. C'est un clin d'oeil très amical. Voilà, c'est tout. Mais au fond cela ne me choque pas, parce que quand même, les risques de guerre sont quand même moindres dans cette partie du monde que dans la Méditerranée. Et je comprends parfaitement qu'un pays comme l'Allemagne qui a 4 millions de Turcs chez lui, peut considérer qu'il est vraiment concerné par ce qui se passe en Méditerranée, plus que la France est concernée par ce qui se passe en Baltique. La France est très concernée par ce qu'il se passe en Baltique mais enfin, l'urgence si vous le voulez n'est pas la même. Franchement, c'était pour moi intéressant et un moment très heureux d'entendre Angela Merkel défendre comme elle l'a défendue l'Union pour la Méditerranée, honnêtement, c'est vraiment l'axe franco-allemand. On n'a pas caché qu'on avait eu des malentendus, qu'on s'était expliqué, qu'on a trouvé des solutions et qu'on est venu présenter ensemble une belle idée.
Et je vous avais dit à Hanovre que je ne pouvais pas rentrer dans le détail du projet, mais vous voyez bien que je n'avais pas menti, on s'était bel et bien mis d'accord à Hanovre. Si on l'avait annoncé de Hanovre, on braquait inutilement des pays, je pensais notamment à l'Italie et à l'Espagne où j'avais lancé l'appel de Rome avec Romano Prodi et José Luis Zapatero. Je pars à Hanovre et je laissais mes deux partenaires en chemin ? Ce n'était pas possible. Et M. Zapatero, qui était concerné par Barcelone, il l'est par l'histoire et par ses impératifs politiques, a été l'un des plus volontaires pour qu'on prenne une décision dès ce soir. Et d'ailleurs, je dois dire que s'inscrit une collaboration entre l'Espagne et la France, entre M. Zapatero et moi sans nuage. C'est vrai.
Q - Est-ce que vous pouvez nous dire quel est l'état de vos relations avec la chancelière Merkel ?
R - Ecoutez, c'est excellent. Mais vous ne me croyez pas quand je le dis. Alors je ne sais pas quoi répondre. Je pense qu'on ne s'est jamais mieux compris. Et qu'au fil des semaines et des mois, on apprend de mieux en mieux à travailler ensemble. On a fait le Traité simplifié ensemble. On va dire que c'est une idée française qu'elle a reprise et faite passer magnifiquement.
On a fait la modification de la gouvernance de EADS ensemble, ce n'était pas simple. C'est vrai que j'ai un peu poussé au début mais enfin à l'arrivée on était parfaitement d'accord. On fait l'Union de la Méditerranée ensemble. Je dois vraiment vous dire qu'il n'y a pas de problème, c'est quelqu'un d'extrêmement franc, je crois que je suis assez franc. Et quand on a un problème on s'en explique, on ne le nie pas. Et puis on arrive à une solution. Oui, on a vraiment très bien travaillé ensemble, et je crois que pour nos partenaires, mais ils vous le raconteront dans les couloirs, c'est quand même assez rassurant de voir que la France et l'Allemagne défendaient les mêmes idées et on était parfaitement raccord là-dessus.
On a d'autres difficultés sur l'automobile, on essaye d'aboutir à un accord aussi, et je ne désespère pas qu'on ait un accord.
Donc vraiment, comme toujours il faut apprendre à se connaître, à faire des efforts. Mais bon, c'est assez facile. Elle a mon téléphone, on s'envoie des textos !
Q - (Sur la Grande-Bretagne)
R - Les Britanniques, enfin Gordon Brown, n'a pas pris la parole sur le sujet, mais il ne s'y est en rien opposé. Je pars en visite d'Etat en Grande-Bretagne. Vous savez ma position là-dessus : l'Europe a besoin de la Grande-Bretagne, voilà ce que je pense. Et je ne le pense pas d'hier, je le pense depuis très longtemps. Ceux qui me suivent depuis longtemps, j'ai toujours défendu cette idée, que nous avons besoin en Europe de la Grande-Bretagne. C'est une idée que j'ai constamment défendue. Qu'il s'agisse de Tony Blair ou de Gordon Brown. Gordon Brown, je le connais bien, j'ai été ministre des Finances, moins longtemps que lui mais enfin j'ai beaucoup travaillé avec lui. J'ai des rapports personnels avec lui. Je pense que c'est très courageux ce qu'il fait en ce moment pour l'Europe et qu'il le fait bien. Je soutiens ses efforts, parce que s'il arrive à faire ratifier le Traité Simplifié, cela nous arrange tous en Europe parce qu'il faut l'unanimité des pays. Et donc oui on en a besoin, j'ai bien l'intention de développer cette idée à Londres, qu'on a besoin de la Grande-Bretagne.
J'ajoute que sur toutes ces affaires de transparence du capitalisme, de moralisation de capitalisme, de règle sur les fonds souverains, de transparence dans tout cela, on est en total accord. On est d'accord sur le fait qu'il faut faire la réforme des institutions internationales, alors sur le FMI on a encore des points où il faut certainement qu'on discute. Mais honnêtement, je travaille avec Gordon Brown dans un climat de confiance. Je lui avais proposé d'aller à Londres, quand on a fait le dernier sommet et peut-être qu'on prendra d'autres initiatives sous la Présidence française. Et en plus j'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'a fait Gordon Brown pendant dix ans, quand il était ministre des Finances anglais. Il a fait un travail de modernisation assez fort.
Bon j'ai répondu à toutes les questions, peut-être que l'on se verra demain, je ne suis pas sûr.
Bonsoir et merci.
Pardon de vous avoir fait attendre. Nous avons eu un dîner tout à fait intéressant et j'ai le plaisir de vous annoncer que demain matin sera formellement prise la décision de transformer le Processus de Barcelone en Union pour la Méditerranée. La décision a donc été prise ce soir à l'unanimité avec un grand enthousiasme. Elle sera reprise formellement dans le communiqué publié demain. Je me suis mis d'accord d'ailleurs avec le Président du Conseil pour vous rencontrer ce soir. Mme Angela Merkel tient une conférence de presse également.
C'est donc une nouvelle très importante que la relance du Processus de Barcelone, transformé en Union pour la Méditerranée sur la base du papier franco-allemand à la suite de la réunion que nous avions tenue à Hanovre - dont je ne vous avais pas donné à ce moment là le détail préférant rassembler l'ensemble des pays européens autour de cette idée. Je dois d'ailleurs dire que la discussion a été extrêmement facile, que le chancelier autrichien a fortement approuvé cette initiative, que le Premier ministre luxembourgeois a demandé qu'une décision de principe soit prise. Nous avons également demandé au président de la Commission, M. Barroso, de nous faire des propositions sur la gouvernance sur la base du papier franco-allemand.
Par ailleurs a été validée l'idée d'un Sommet à Paris entre l'Europe et la Méditerranée sous Présidence française. Je crois pouvoir dire que c'est la troisième initiative française : après le Traité simplifié, après le groupe des Sages, l'Union pour la Méditerranée, qui rassemble un très large consensus en Europe, c'est une très bonne nouvelle, chacun ayant d'ailleurs convenu que dans cette Méditerranée il fallait apprendre à faire la paix, à se rassembler autour de projets comme l'avait fait en son temps Jean Monnet. C'est une initiative, vous le savez, à laquelle je tenais. J'avais eu l'occasion d'en parler dans le cadre de la campagne présidentielle et pour moi, c'est une grande émotion de voir que cette idée que nous avions défendue à Rome avec Romano Prodi et José Luis Zapatero sur laquelle nous nous sommes expliqués, entendus à Hanovre avec la chancelière voit le jour, puisque la totalité des pays européens l'ont accueillie avec enthousiasme.
Q - Comment cette Union sera-t-elle financée?
R - Ce sont les financements habituels de la Commission, nous en avons tous convenu. Il y avait eu beaucoup d'argent investi autour de la Méditerranée mais la lisibilité politique, le projet politique, lui, était un peu en panne. Il y a plusieurs raisons à cela. L'intuition de Barcelone était la bonne mais qu'est-ce qui n'allait pas dans le cadre du processus de Barcelone ? Pour l'essentiel, d'abord le fait que l'on ne se rassemblait pas sur des projets précis. Là on va faire une feuille de route autour de projets précis, il y a des idées autour de la table. La France propose un système Erasmus pour les étudiants de la Méditerranée, de faire de la Méditerranée la mer la plus propre au monde, d'établir un espace de sécurité, de réfléchir à une politique énergétique entre le Nord de la Méditerranée et le Sud. Premier changement, ce sont des projets concrets. Le deuxième changement c'est surtout, et José Luis Zapatero l'a dit à juste titre, il faut que ce projet pour l'Union de la Méditerranée ne soit pas simplement le projet de l'Europe. C'est le projet aussi de la rive Sud de la Méditerranée. C'est ce qui n'allait pas dans le Processus de Barcelone. Par exemple pour les décisions, on prenait les décisions à 27 et puis après on allait essayer de les expliquer aux autres, non. On veut prendre les décisions ensemble, Nord et Sud, d'où l'idée - et c'est un changement - d'une co-présidence avec un sommet tous les deux ans, avec un président venant des pays européens riverains et un président venant des pays méditerranéens. C'est également la création du secrétariat. M. Barroso va travailler sur la gouvernance et notamment sur la coordination entre ce petit secrétariat que nous voulons avec Mme Merkel avec un secrétaire qui viendrait du Sud, un Secrétaire adjoint du Nord ou vice-versa et comment ils vont travailler avec la Commission. M. Barroso ne voulant naturellement pas être un des 20 membres du secrétariat - ce que je comprends parfaitement - nous lui avons donc confié de réfléchir à la gouvernance. Voilà les éléments qui sont en jeu. Mais l'Union pour la Méditerranée une décision de principe est engagée - je sais bien qu'il y a encore des étapes à construire - mais voilà l'Europe rassemblée autour de cette idée et d'un Sommet à Paris.
Q - Vous venez de dire précisément que ce n'est pas bon dans le Processus de Barcelone de prendre des décisions du côté Nord de la Méditerranée et d'aller après au Sud pour expliquer ce que vous avez accordé. Est-ce que vous avez fait la même chose cette fois-ci ? Que pensent les gens de la rive Sud de la Méditerranée ?
R - Ecoutez, j'ai quand même visité l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Libye, l'Egypte donc on ne peut pas dire que je ne me suis pas rendu du côté Sud. Puis il fallait bien sûr obtenir l'accord de nos 26 partenaires pour transformer le Processus de Barcelone en Union pour la Méditerranée. Si je n'avais pas cet accord, je ne pouvais pas avancer côté Sud et on a fait en deux temps d'abord avec l'Italie et l'Espagne - je veux rendre hommage à José Luis Zapatero et à Romano Prodi -, l'appel de Rome et puis après l'appel de Rome il a fallu trouver un compromis avec les pays européens non riverains de la Méditerranée, dont je comprends parfaitement qu'ils se sentent concernés aussi. Cela a été le Sommet de Hanovre avec Angela Merkel mais j'étais quand même très heureux de voir que des pays européens non méditerranéens sont très engagés dans le processus. M. Balkenende a pris la parole en disant : "il faut y aller tout de suite'". Le chancelier autrichien "il faut y aller tout de suite", le Premier ministre luxembourgeois, "il faut y aller tout de suite".
Cette idée d'Union de la Méditerranée, est aujourd'hui l'idée de toute l'Europe et c'est très bien ainsi. C'est un beau projet, c'est un projet très ambitieux, une vision, car on est tous conscients qu'en Méditerranée on aura la paix ou la guerre et que c'est là que beaucoup de choses se jouent. Vous savez, j'en avais parlé pendant la campagne lors du discours de Toulon qui a été un discours pour moi extrêmement important dans le Zénith de Toulon archi-comble. C'est une étape quand même, c'est vraiment quelque chose qui est extrêmement important, très important. En plus, la chancelière l'a défendu, pas défendu puisque qu'elle n'a pas été attaquée. J'ai expliqué notre projet au Conseil, la chancelière a pris la parole après, l'a expliqué également, c'était une belle image de l'entente franco-allemande.
Q - Et qu'en est-il de la Turquie ?
R - Pour l'instant la Turquie à ma connaissance n'est pas membre de l'Union européenne. Si vous voulez me faire dire que la Turquie est un pays méditerranéen, je l'accepte bien volontiers mais enfin, si vous voulez, j'essaie de procéder par étapes. Il y avait d'abord les pays méditerranéens de l'Europe, cela a été l'objet de toutes les discussions que j'ai eues avec les Grecs, avec l'Italie, avec l'Espagne, avec le Portugal qui n'est pas riverain à proprement parler mais enfin qui a quand même une vocation méditerranéenne, puis cela a été la discussion avec les pays de l'Europe du Nord ou de l'Est -ce qui est quand même important. Maintenant il reste encore du travail, bien sûr, mais formellement la décision est prise. Elle sera prise demain matin, elle a été prise politiquement ce soir.
Q - On estime généralement que le Processus de Barcelone n'a pas pu prospérer parce qu'il y a les conflits, il y a notamment le conflit israélo-palestinien. Est-ce que l'Union pour la Méditerranée peut faire plus et Gaza c'est quand même la rive méditerranéenne aussi ?
R - Tous les problèmes ne sont pas réglés ce soir mais c'est une première étape importante, que toute l'Europe se retrouve derrière cette initiative que j'avais portée depuis des mois. Pour la France c'est une satisfaction, c'est incontestable. J'ajoute que je veille également à ce que le Parlement européen soit associé à cette initiative et bien sûr Hans-Gert Pöttering, le Président du Parlement européen, sera invité au Sommet du 13.
Q - Vous dites que c'est un projet qui vous tient vraiment à coeur, mais on sent quand même que depuis quelques mois, depuis les discours de Toulon, de Tanger, la France a dû beaucoup réduire ses ambitions pour faire accepter ce projet, notamment à ses partenaires allemands. Que va-t-il rester de l'initiative le 13 juillet ?
R - En quoi la France a-t-elle réduit ses ambitions ? Honnêtement je répondrais bien volontiers à votre question, prenez-moi un exemple de réduction de ces ambitions et j'essaierai d'y répondre.
Q - L'idée par exemple au début était de n'ouvrir le projet qu'aux pays riverains de la Méditerranée, avec un statut d'observateur pour les autres.
R - Je n'ai jamais porté l'idée d'exclure quelques pays d'Europe des projets, bien au contraire. Dans le premier projet, dans le premier discours, sur la base du volontariat, tous les pays européens étaient appelés à y participer. Est-ce que ce que je dis est exact ? Je n'ai jamais parlé de statut d'observateur. Le statut d'observateur c'est pour la Baltique où la France a obtenu un statut d'observateur. Pardon de dire que vous n'avez jamais entendu ce mot "observateur" dans ma bouche. J'ai indiqué qu'au début, dans la première proposition, les pays européens riverains de la Méditerranée étaient membres de droit. C'était cela mon expression - pardon de me citer, c'est un peu ridicule mais c'est pour être bien précis - et que les autres pays non riverains de la Méditerranée pouvaient participer sur la base du volontariat à tous les projets sans aucune exception. C'était cela à l'origine. Sur quoi nous nous sommes mis d'accord avec Mme Merkel, sur le fait que tous les pays d'Europe seront membres de l'Union pour la Méditerranée. La seule différence c'est que nous pourrons co-présider l'Union pour la Méditerranée : que les pays européens riverains de la Méditerranée. Voilà très exactement, c'est un compromis, c'est incontestable, mais enfin c'est difficile de faire l'Europe sans faire des compromis. Je ne pense pas que l'on puisse dire que l'on a renoncé à l'ambition du projet qui consistait à partir de l'acquis de Barcelone, cela aussi je crois même que c'est l'expression que j'avais utilisée, pour l'amener vers l'Union pour la Méditerranée.
Deuxième changement, j'avais parlé de l'Union de la Méditerranée et c'est José Luis Zapatero qui a proposé l'Union pour la Méditerranée, il trouvait que c'était plus positif, très bien. J'avais parlé de la coprésidence, j'avais parlé d'un secrétariat qui renforçait l'autonomie en quelque sorte du Conseil. Alors il y a une autre discussion, j'ai déjeuné la semaine dernière à Paris avec M. Barroso et nous avons discuté ensemble de la place de la commission, parce que lui aussi a à rendre compte de l'utilisation des milliards d'euros qui sont investis, donc voilà. Mais franchement, je pense que le projet initial n'est pas éloigné du projet actuel mais peut-être que j'oublie un élément que vous voudriez bien me rappeler sur lequel j'aurais renoncé. Non, mais c'est pour être précis, je ne pense pas avoir renoncé à autre chose. Alors il reste beaucoup de travail, par exemple, on ne s'est pas encore mis d'accord sur le contenu de l'agenda. Moi je pense que pour la dépollution, tout le monde a l'air d'accord, mais enfin on n'est pas rentré dans le détail d'un Erasmus des étudiants de la Méditerranée. On s'était mis d'accord sur un projet Euratom comme il y en a eu, ce qui pourrait être une formule, on ne s'est pas mis d'accord sur ce que veut dire l'espace de sécurité.
Ce qui était important pour moi, c'était un, de rassembler tout le monde sur la priorité méditerranéenne.
Deux, de faire accepter le constat que Barcelone c'était une bonne idée, une bonne intuition mais franchement cela n'avait pas produit tous les fruits qu'on était en droit d'attendre.
Trois, qu'il fallait que l'on passe à une nouvelle étape qui s'appelle l'Union pour la Méditerranée. Cette Union pour la Méditerranée, cela va être un sommet tous les deux ans, une co-présidence et un secrétariat. Mais honnêtement, je ne vois pas à quoi on a renoncé. Alors peut-être, si je veux être très honnête avec vous, que le malentendu venait de la crainte que pouvait avoir certains de nos partenaires, que l'on crée en quelque sorte une Union méditerranéenne concurrente de l'Union européenne. C'est peut être à cela que vous pensez, mais cela n'a jamais été dans mon esprit. Cela a été la crainte d'un certain nombre de nos partenaires, mais je n'ai jamais vu l'Union pour la Méditerranée comme un substitut de l'Union européenne, ou comme un concurrent de l'Union européenne. Je pense que l'essentiel venait de là. Alors c'est compliqué, le Parlement veut naturellement être associé, la société civile veut naturellement être associée, la Commission veut être associée. Mais voyez vous il y a deux façons de voir les choses, je suis plutôt flatté de cela. L'idée doit être très forte pour que tout le monde veuille y participer. Parce qu'au fond quel est le problème que j'ai eu à gérer ? C'est d'agréger toutes les volontés politiques qui voulaient y participer. Or, tellement souvent en Europe, les gens veulent partir et ne pas participer à un projet, là la Commission veut y participer. M. Barroso a raison d'ailleurs, c'est eux qui ont l'argent. Le Parlement veut y participer, M. Pöttering a raison. L'Allemagne veut y participer, comme les autres. Mais c'est quand même difficile de dire que l'idée que j'ai proposée, j'y ai renoncée parce que tout le monde veut y participer. Cela ne doit pas être une trop mauvaise idée pour que tout le monde s'y inscrive.
Q - Comment allez-vous convaincre quand même les Turcs qu'il ne s'agit pas d'une solution de compensation vis-à-vis de l'intégration et les pays belligérants. Comment vont-ils venir à Paris ?
R - C'est la suite de tout cela. C'est une affaire extrêmement compliquée, extrêmement difficile, c'est une première étape, elle est importante quand même. Reconnaissez, d'une idée qui semblait diviser, on fait une idée qui rassemble et je vous assure, comme tout se sait en Europe, vous parlerez avec les uns et les autres, il y a eu un grand consensus. Ce n'est même pas moi qui me suis battu pour que la décision soit prise dès ce soir. Quand des hommes comme Jean-Claude Juncker, José Luis Zapatero disent "on doit prendre la décision ce soir", cette idée elle compte. C'est important ce qui se passe en Méditerranée. Je suis quand même relativement content. On peut interroger Jean-Pierre Jouyet, c'est un travail de rassembler l'Europe autour de cette idée. Alors maintenant il faut aller convaincre. C'est plutôt une bonne nouvelle.
Q - Monsieur le Président ce que l'on a reproché au Processus de Barcelone c'est l'absence de stratégie, il n'avait aucune visée stratégique. Quelle est l'ingrédient qui peut faire que l'Union pour la Méditerranée comble un peu ce déficit ? Quelle est la finalité ? Est-ce que c'est l'intégration ? Comme en plus vous citez Jean Monnet, où voulez-vous en venir avec l'Union pour la Méditerranée à terme ?
R - C'est très simple, à des projets concrets. Au fond c'est de créer un espace de paix, de prospérité et de sécurité. Cela est la vision. Et comment y arriver ? Comment on a créé l'Europe ? En prenant les deux belligérants les plus proches, l'Allemagne et la France et en les rassemblant sur le charbon et l'acier. Qu'est-ce qu'on veut faire avec l'Union pour la Méditerranée ? On prend tout le monde et on va essayer de les rassembler, par exemple sur la dépollution de la mer Méditerranée. C'est quand même difficile de dépolluer la mer Méditerranée en travaillant juste au nord. Par exemple, cette idée moi je ne sais pas si on va la retenir, mais je me battrai pour qu'on la retienne. Qu'Erasmus, qui permet aux étudiants de toute l'Europe d'aller faire leurs études dans toutes les universités européennes, et bien j'aimerais qu'on fasse une forme d'Erasmus de la Méditerranée. Et petit à petit, au fur et à mesure de la construction de ces projets concrets, que l'on fasse de notre Méditerranée un espace de paix, alors que c'est un espace d'affrontement, voilà l'idée que je porte, résumée naturellement, il y aurait tant d'autres choses à dire.
Pour moi c'était assez émouvant de voir tous les pays européens considérer que là se joue une carte absolument majeure. J'ai utilisé cet argument, regardez après l'intervention de M. Barroso qui a montré le nombre de milliards d'euros investi. Je dis, mais attendez, est-ce qu'avec tout cet argent investi vous trouvez que l'Europe a pris toute sa part politique. C'est en vérité le réinvestissement de l'Europe politique dans les conflits du Proche-Orient, cela est incontestable. Tout le monde dit : l'Europe paie mais l'Europe n'existe pas assez politiquement dans cette partie du monde. C'est l'occasion, l'Union pour la Méditerranée, de porter la vision d'une Europe politique engagée, c'est aussi cela qui est derrière. On va me dire, est-ce que tout est résolu ? Non c'est sûr. Mais il y a une nouvelle volonté, une même analyse, que ce qui se passe en Méditerranée est capital, une même volonté d'attaquer le Processus de Barcelone d'une autre façon, de mettre de la politique dans tout cela, de traiter les deux rives à égalité, d'où la co-présidence, c'est une nouveauté la co-présidence, ce n'est pas tout à fait la même chose. Parce qu'à Barcelone qui y était du Sud ? Vous voulez que je vous le rappelle ? C'était assez facile de faire la liste des chefs de gouvernement qui y étaient. Je crois qu'il n'y en avait pas beaucoup. Et le Secrétariat et les projets concrets ?
Q - Un peu plus au sud sur le Soudan et le Tchad, vous n'en avez peut être pas parlé autour de la table, mais dans les couloirs. Quelle est votre dernière analyse d'une éventuelle négociation de paix entre le Soudan et le Tchad et des dernières évolutions au Tchad?
R - L'EUFOR se déploie et j'ai parfaitement conscience que la période difficile, c'est la période entre la mi-mars et le mois de juin, puisque vous savez comme moi que le mois de juin c'est la saison des pluies, et dans la saison des pluies les pick-ups ne passent pas et donc on est tranquille. Donc l'objectif c'est que l'EUFOR se déploie le plus rapidement possible. Je n'ai pas de jugement à porter sur ce qui se passe ou ce qui ne se passe pas à Dakar en ce moment. Je n'y suis pas.
Q - Dans quelle mesure êtes-vous inquiet de la hausse du cours de l'euro que nous avons constaté récemment ? Pouvons-nous y faire quelque chose ? Croyez-vous que la BCE doit agir? Et à propos des fonds souverains, croyez-vous que l'Europe a besoin d'une réglementation similaire à celle des Etats-Unis quant à la protection de son industrie contre les risques de rachat par des groupes étrangers ?
R - C'est un sujet dont nous n'avons pas parlé ce soir, dont j'ai parlé en bilatéral avec Gordon Brown. Vous savez qu'avec le Premier ministre britannique nous partageons le même point de vue, qu'il faut prendre des initiatives, que le monde a besoin de règles, de transparence. Vous savez ce que je pense du niveau de l'euro, j'en ai parlé à d'innombrables reprises. Nous devions effectivement parler de cette question au dîner et comme on avait beaucoup parlé d'énergie et d'Union de la Méditerranée, on a décidé que Jean-Claude Juncker ferait son intervention demain matin. Et c'est la raison pour laquelle je ne veux pas anticiper et je préfère répondre à cette question demain après notre réunion.
Q - Avez-vous parlé de l'énergie au niveau européen ?
R - Sur l'énergie, on a beaucoup discuté de la création d'un marché de l'énergie européen, d'une stratégie commune d'achat, notamment sur la question du gaz. Du projet NABUCCO, de ses avantages et de ses inconvénients, de l'indépendance énergétique européenne, du nucléaire, de l'énergie renouvelable. Il y a eu un vaste débat, je crois qu'il y a une grande prise de conscience, que l'énergie c'est le sujet de demain et ce que j'appelle le "paquet climat" progresse et j'espère que, sous Présidence française, on pourra conclure un accord.
Je ne peux rien dire sur le sujet et les deux entreprises, je ne sais pas où elles en sont dans leur discussion.
Q - Je voudrais revenir sur la question de la Méditerranée. On a entendu quand même des doutes émanant d'un partenaire européen concernant l'utilisation du budget communautaire relatif au Processus de Barcelone. La chancelière a mis l'accent sur le fait que les fonds devraient être bien utilisés. On sent qu'il y a toujours des inquiétudes de la part des Etats membres sur la gestion des fonds qui seront alloués au Processus de Barcelone. De quelle manière pensez-vous rassurer vos partenaires sur ce sujet ?
R - Ce n'est pas à moi de les rassurer, honnêtement. Le reproche ne s'adressait pas à moi. Je crois que l'idée de la chancelière, c'est qu'elle est d'accord, enfin, nous sommes d'accord sur le fait que c'est la Commission qui doit gérer les fonds. D'ailleurs, c'est la Commission qui, par exemple, rend des comptes à la Cour des comptes européenne. Mais ce qu'elle veut, c'est que le Conseil co-présidé, Europe-Méditerranée, soit en capacité de dire à la Commission : cela, c'est le projet que nous voulons, plutôt que tel autre. C'est comme cela que nous voulons construire les choses. C'est cela l'articulation.
Q - Je reviens sur l'Union pour la Méditerranée. Vous nous dites souvent que c'est parce que les choses sont difficiles, qu'elles méritent que l'on s'y attèle. Quand on voit cette semaine à Paris que les pays arabes et les éditeurs arabes ont boycotté le salon du Livre, comment arriver à convaincre tous ces pays ? Encore une fois je sais bien parce que c'est difficile, vous le dites souvent, mais est-ce que l'on peut avancer dans ces conditions ?
R - Je suis désolé de me répéter. Vous avez parlé tout à l'heure du discours que j'avais fait à Tanger, à ma connaissance, c'est un pays arabe, du discours que j'ai fait à Constantine, à ma connaissance, c'est un pays arabe. Dans tous les pays arabes, où vous avez bien voulu m'accompagner, j'ai défendu la nécessité d'une Union pour la Méditerranée. Un homme comme le Roi du Maroc, est totalement mobilisé autour de cet objectif. M. Kadhafi est totalement mobilisé autour de cet objectif. Le président Ben Ali est totalement mobilisé autour de cet objectif. Je crois même pouvoir dire que le président Bouteflika n'est plus opposé à cet objectif. J'en ai parlé avec le président Moubarak qui, lui, est très volontaire au service de cet objectif.
Laissez-moi franchir les étapes, les unes après les autres. Cette étape, de ce soir, est une étape très importante et manifeste une volonté de l'Europe de ne plus tourner le dos à la Méditerranée. C'est une grande nouvelle. Ce n'était pas si facile d'arriver à ce résultat, quand même.
Q - Est-ce que vous avez parlé ce soir à M. Balkenende qui a soulevé la question du film contre le....
R - ...Oui.
Q - Quelle est votre opinion ?
R - Je laisse le président de l'Union s'exprimer sur le sujet. M. Balkenende m'en avait parlé lorsqu'il était venu déjeuner à Paris. Il m'avait dit sa préoccupation et il nous a informés de ses problèmes et surtout du souci qui était le sien pour qu'il n'y ait pas d'amalgame entre extrémisme et islam, entre les extrémistes et les musulmans qui vivent dans son pays.
Q - Avec l'Union pour la Méditerranée, est-ce que vous considérez que la politique du voisinage n'a plus de sens ? La politique du voisinage qui a été créée pour équilibrer les rapports entre l'Est et la Méditerranée...
R -... Non. Au contraire, cela peut donner des idées, puisque le Premier ministre polonais a saisi au bond la proposition de l'Union pour la Méditerranée, pour lui-même dire qu'il ferait une proposition sur une politique de voisinage du côté du Nord. Voyez, ce n'est pas contre. Moi-même, un moment, j'avais caressé l'idée de m'inspirer de la Baltique qui est aussi une politique de voisinage, puisque sur la Baltique, si je ne vous dis pas de bêtises, il y a la Russie qui n'est pas un pays de l'Union européenne, il y a l'Islande, aussi, il y a la Norvège également.
Q - Monsieur le Président, quand vous avez lancé votre projet en automne dans le discours à Tanger, l'un des arguments qui était valable à Bruxelles, c'est que cette Union méditerranéenne est un peu une dimension du Sud, comme la dimension nordique, près de l'Union européenne où il y a l'Islande, il y aura là, la Libye. Et puis, nous avons entendu alors que les arguments ont évolué et j'ai l'impression, ce soir, que votre idée d'Union méditerranéenne a été un peu noyée dans des eaux européennes, parce que les projets aussi concrets et fondamentaux pour la région : la mer Méditerranéenne, la dépollution, l'énergie, la sécurité, sont des projets fondamentaux. Mais, personnellement, j'ai du mal à savoir pourquoi ils ne peuvent pas être intégrés dans le Processus de Barcelone ou Barcelone Plus et qu'il faut créer absolument une union.
R -... parce que Barcelone n'a pas marché. Que voulez-vous que je vous dise ? Je veux bien passer mon temps à critiquer mais on ne va pas tourner en rond ! Si Barcelone avait marché, cela se saurait. Cela n'a pas marché. Cela n'a pas marché pour une raison assez simple, c'est que l'on donnait l'impression qu'il y avait les seniors qui étaient les Européens et les juniors qui étaient les Méditerranéens du Sud. Cela ne peut pas marcher comme cela. Donc l'Union pour la Méditerranée, il y a une différence, c'est que les pays méditerranéens du Sud seront traités à égalité politiquement que les pays méditerranéens du Nord, ou les pays européens. C'est quand même un changement considérable, d'où la co-présidence. Je ne peux pas vous réexpliquer la même chose, pour moi, cela paraît évident. C'est exactement le projet que j'ai défendu et qui est retenu par l'Union européenne.
Franchement, après le Traité simplifié et le groupe des Sages, cela fait une troisième initiative de la France qui, il faut bien le dire, occupe toute sa place en Europe.
Q - Monsieur le Président, vous aviez dit à Lisbonne, je crois, où vous aviez évoqué les noms de Tony Blair et de Jean-Claude Juncker pour la future Présidence de l'Union européenne. Depuis, Tony Blair, son nom a été très critiqué, y compris au sein de l'UMP, je crois. Est-ce que vous estimez qu'il ferait toujours un bon candidat et est-ce que vous avez d'autres idées de candidats possibles et si oui, lesquelles ?
R - Ce n'est pas au sein de l'UMP que se prendra la décision, quand même. C'est un sujet sur lequel je ne peux pas m'exprimer puisque je serai le Président de l'Union au moment où nous choisirons la personne. Donc, ce serait bien mal commencer la Présidence française que de prendre parti.
Deuxièmement, ce serait une erreur de traiter la question du Président de l'Union indépendamment du Président de la Commission, indépendamment du poste de Haut-Représentant. C'est un ensemble. J'aurai à conduire, le moment venu, un certain nombre de contacts mais comprenez que je ne prenne pas position et que je m'en tienne à la réserve de bon aloi d'un futur Président de l'Union.
Q - Que répondez-vous à ceux qui ont peur, comme les Polonais, que plus d'attention aux Méditerranéens, veuille dire moins d'attention aux voisins de l'Est ?
R - Non. Je vous l'ai dit. M. Donald Tusk a dit : moi, je prendrai une initiative de voisinage au Nord et à l'Est. Eh bien, très bien. Non, il n'y a pas de problème. On pourrait plutôt avoir la crainte que toute l'attention portée à l'Est avait fait oublier le Sud. Je ne crois pas que l'on puisse dire que l'on a oublié l'Est. Je ne le pense pas et s'il y avait vraiment un problème en Europe, pour ceux qui suivent cela avec attention, cela a été plutôt le tropisme Est que le tropisme Sud. C'est le moins que l'on puisse dire. Je suis très heureux d'ailleurs de contribuer au rééquilibrage de cela. La meilleure preuve, c'est que les pays du Nord de l'Europe veulent absolument participer à cette Union pour la Méditerranée.
Q - Quels sont les pays qui viendront le 13 à Paris ? Je parle du pourtour.
R - Non, je ne sais pas encore et, par ailleurs, il va falloir travailler maintenant sur un sommet avec un certain nombre d'astuces pour que tout le monde se sente à l'aise. Il y a des étapes, c'était vraiment impossible de commencer tant que l'on n'était pas tous d'accord. En plus, moi je vais être Président de l'Union, je dois m'assurer que tout le monde suit bien, que tout le monde est d'accord là-dessus. C'est une étape, elle n'est pas de soie ! Cela ne veut pas dire que ce n'est pas difficile. Comment voulez-vous qu'un endroit du monde où, depuis deux mille ans, grosso modo, on se fait la guerre, on s'entretue, on se déteste, on se déchire, je ne prétends pas que cela se règle en une réunion mais je suis quand même heureux que toute l'Europe considère que c'est une priorité. Franchement, c'est plutôt une bonne nouvelle, non ? Pour vous qui vous vous passionnez pour l'Europe, ce n'était pas si évident que l'on obtiendrait ce soir comme cela, et surtout avec vraiment un très bon climat, un très bon esprit. Je veux dire que l'on n'est pas passé en force. Vraiment, je vous le dis, l'intervention du chancelier autrichien, c'était très émouvant, d'ailleurs.
Q - Ne craignez-vous pas que certains pays se replient sur leurs frontières ?
R - Si, bien sûr. Il n'y a pas que cela, il y a des tas de craintes. Vous prenez la Méditerranée et vous pouvez aligner les frontières : entre l'Algérie et le Maroc elles sont fermées, la Turquie, le Liban, la Syrie, Israël, les Palestiniens. Cela, honnêtement, on peut y passer la nuit. Vous me dites : vous ne craignez pas. Si, bien sûr, c'est extrêmement difficile. C'est parfaitement exact et comme le Traité simplifié, c'était une autre difficulté, mais c'était difficile, c'est sûr, ce n'est pas une raison de ne pas le faire, c'est au contraire une raison pour y aller. Ecoutez, on a fait le Traité simplifié pour remettre l'Europe en marche. J'ai essayé de défendre cette idée. Le Traité simplifié n'est pas une fin en soi. C'est un moyen au service d'une ambition européenne. La pire erreur à faire pour l'Europe, la pire serait de considérer maintenant que l'on a fait le Traité simplifié, qu'il faut s'arrêter. Le Traité simplifié, c'est très important, c'est comme un moyen, ce n'est pas une fin en soi. Le Traité simplifié si l'on n'y met rien, excusez-moi, on n'aura rien fait. Le Traité simplifié n'est que la première étape qui doit nous conduire à mettre du contenu dedans. Avec le Traité simplifié, je voudrais un pacte européen pour l'immigration, une politique d'union pour la Méditerranée, le "paquet climat", et plein d'autres idées parce que je prône l'initiative en matière de santé, de sport, de culture, pour mettre du contenu dedans. Ce n'est pas le Traité simplifié qui va réconcilier les Européens avec l'Europe. S'il n'y a pas le Traité simplifié, on ne peut rien faire. Mais le Traité simplifié, c'était une condition nécessaire absolument pas suffisante, il faut y mettre du contenu maintenant. Et l'un de ces contenus, c'est l'Union pour la Méditerranée.
Q - Monsieur le Président, est-ce que vous avez déjà une proposition pour le siège du secrétariat ou pour le poste de directeur européen ? J'aimerais également savoir comment toutes vos idées seront réalisées si les fonds ne seront pas augmentés par rapport au Processus de Barcelone ?
R - Des fonds il y en a beaucoup, alors là vraiment, s'il y a un problème qui n'est pas un problème, pour une fois ce n'est pas le problème financier. Si vous suivez bien ces questions vous le savez parfaitement. Je crois que ce doit être de l'ordre de 13 ou 14 milliards d'euros. Je vous parle de mémoire, mais le potentiel c'est à peu près cela. Alors vraiment, ce n'est pas une question de fonds.
Sur la localisation du secrétariat, il y a plusieurs idées. Je vous dis les idées sur la table, parce que ce n'est pas du tout tranché, j'ai peut-être tort de vous les dire. Certains ont dit, mais pourquoi on ne mettrait pas le secrétariat au sud ? D'autres ont dit, pourquoi on ne le mettrait pas à Barcelone ? Des troisièmes ont dit, pourquoi on ne le mettrait pas à Marseille ? Ce n'est pas moi d'ailleurs. Et moi j'ai dit : franchement, ce n'est pas le problème d'histoire, on réglera ce problème au fur à mesure. Pour vous dire, jusqu'où on a été, c'est qu'il y plusieurs idées, ce qui prouve la passion qui a autour de cela, c'est assez intéressant.
Q - Monsieur le Président, sur le "paquet climat" et énergie que vous avez évoqué, comment voyez-vous la question de la compétitivité de l'industrie et comment peut-on la résoudre ?
R - D'abord je trouve que la proposition de la Commission est bonne. Evidemment c'est un équilibre, tout cela est compliqué. C'est une bonne proposition dans laquelle il convient de travailler. La principale préoccupation que nous avons, c'est la mise en place d'un mécanisme qui permettrait de frapper les importations de pays qui ne joueraient pas le jeu dans la protection de l'environnement.
Pour moi, c'est vraiment cela le point clé. Parce que cela consiste à prendre des engagements - le paquet climat - très durs pour l'Europe. Cela va très loin : plus de 20% d'énergies renouvelables en 2020, 23% pour la France. C'est quand même extrêmement difficile. Mais en même temps, on ne va pas non plus continuer à importer des produits venant de pays qui ne respectent aucune règle, alors qu'on en impose à nos entreprises. J'ai demandé à la Commission de réfléchir à un mécanisme qui pénaliserait les entreprises venant de pays qui ne jouent pas le jeu. Sinon on a tous les inconvénients et aucun avantage. On ne va pas faire le travail pour tous les autres. Et donc c'est là où il y a encore de la discussion. Mais la discussion a été assez consensuelle. Alors chaque pays dit : c'est trop pour moi, il y a un peu une discussion de marchands de tapis. Mais j'ai bon espoir qu'on arrive sous Présidence française à un accord sur le "paquet climat".
Q - Monsieur le Président, vous vous êtes référé deux, trois fois au Conseil de la Baltique, et cela a un peu titillé ma curiosité. On dirait que vous vous référez à une forme de jurisprudence pour dire que dans cette région il y a des gentils pays qui acceptent d'être observateurs quand ce n'est pas leur région. Est-ce que vous visez quelqu'un, est-ce que vous vous adressez à quelqu'un en particulier ?
R - Non. Ce n'était pas moi qui étais en situation, mais j'observe que la France a mis trois ou quatre ans à être observateur. C'est un clin d'oeil très amical. Voilà, c'est tout. Mais au fond cela ne me choque pas, parce que quand même, les risques de guerre sont quand même moindres dans cette partie du monde que dans la Méditerranée. Et je comprends parfaitement qu'un pays comme l'Allemagne qui a 4 millions de Turcs chez lui, peut considérer qu'il est vraiment concerné par ce qui se passe en Méditerranée, plus que la France est concernée par ce qui se passe en Baltique. La France est très concernée par ce qu'il se passe en Baltique mais enfin, l'urgence si vous le voulez n'est pas la même. Franchement, c'était pour moi intéressant et un moment très heureux d'entendre Angela Merkel défendre comme elle l'a défendue l'Union pour la Méditerranée, honnêtement, c'est vraiment l'axe franco-allemand. On n'a pas caché qu'on avait eu des malentendus, qu'on s'était expliqué, qu'on a trouvé des solutions et qu'on est venu présenter ensemble une belle idée.
Et je vous avais dit à Hanovre que je ne pouvais pas rentrer dans le détail du projet, mais vous voyez bien que je n'avais pas menti, on s'était bel et bien mis d'accord à Hanovre. Si on l'avait annoncé de Hanovre, on braquait inutilement des pays, je pensais notamment à l'Italie et à l'Espagne où j'avais lancé l'appel de Rome avec Romano Prodi et José Luis Zapatero. Je pars à Hanovre et je laissais mes deux partenaires en chemin ? Ce n'était pas possible. Et M. Zapatero, qui était concerné par Barcelone, il l'est par l'histoire et par ses impératifs politiques, a été l'un des plus volontaires pour qu'on prenne une décision dès ce soir. Et d'ailleurs, je dois dire que s'inscrit une collaboration entre l'Espagne et la France, entre M. Zapatero et moi sans nuage. C'est vrai.
Q - Est-ce que vous pouvez nous dire quel est l'état de vos relations avec la chancelière Merkel ?
R - Ecoutez, c'est excellent. Mais vous ne me croyez pas quand je le dis. Alors je ne sais pas quoi répondre. Je pense qu'on ne s'est jamais mieux compris. Et qu'au fil des semaines et des mois, on apprend de mieux en mieux à travailler ensemble. On a fait le Traité simplifié ensemble. On va dire que c'est une idée française qu'elle a reprise et faite passer magnifiquement.
On a fait la modification de la gouvernance de EADS ensemble, ce n'était pas simple. C'est vrai que j'ai un peu poussé au début mais enfin à l'arrivée on était parfaitement d'accord. On fait l'Union de la Méditerranée ensemble. Je dois vraiment vous dire qu'il n'y a pas de problème, c'est quelqu'un d'extrêmement franc, je crois que je suis assez franc. Et quand on a un problème on s'en explique, on ne le nie pas. Et puis on arrive à une solution. Oui, on a vraiment très bien travaillé ensemble, et je crois que pour nos partenaires, mais ils vous le raconteront dans les couloirs, c'est quand même assez rassurant de voir que la France et l'Allemagne défendaient les mêmes idées et on était parfaitement raccord là-dessus.
On a d'autres difficultés sur l'automobile, on essaye d'aboutir à un accord aussi, et je ne désespère pas qu'on ait un accord.
Donc vraiment, comme toujours il faut apprendre à se connaître, à faire des efforts. Mais bon, c'est assez facile. Elle a mon téléphone, on s'envoie des textos !
Q - (Sur la Grande-Bretagne)
R - Les Britanniques, enfin Gordon Brown, n'a pas pris la parole sur le sujet, mais il ne s'y est en rien opposé. Je pars en visite d'Etat en Grande-Bretagne. Vous savez ma position là-dessus : l'Europe a besoin de la Grande-Bretagne, voilà ce que je pense. Et je ne le pense pas d'hier, je le pense depuis très longtemps. Ceux qui me suivent depuis longtemps, j'ai toujours défendu cette idée, que nous avons besoin en Europe de la Grande-Bretagne. C'est une idée que j'ai constamment défendue. Qu'il s'agisse de Tony Blair ou de Gordon Brown. Gordon Brown, je le connais bien, j'ai été ministre des Finances, moins longtemps que lui mais enfin j'ai beaucoup travaillé avec lui. J'ai des rapports personnels avec lui. Je pense que c'est très courageux ce qu'il fait en ce moment pour l'Europe et qu'il le fait bien. Je soutiens ses efforts, parce que s'il arrive à faire ratifier le Traité Simplifié, cela nous arrange tous en Europe parce qu'il faut l'unanimité des pays. Et donc oui on en a besoin, j'ai bien l'intention de développer cette idée à Londres, qu'on a besoin de la Grande-Bretagne.
J'ajoute que sur toutes ces affaires de transparence du capitalisme, de moralisation de capitalisme, de règle sur les fonds souverains, de transparence dans tout cela, on est en total accord. On est d'accord sur le fait qu'il faut faire la réforme des institutions internationales, alors sur le FMI on a encore des points où il faut certainement qu'on discute. Mais honnêtement, je travaille avec Gordon Brown dans un climat de confiance. Je lui avais proposé d'aller à Londres, quand on a fait le dernier sommet et peut-être qu'on prendra d'autres initiatives sous la Présidence française. Et en plus j'ai beaucoup d'admiration pour ce qu'a fait Gordon Brown pendant dix ans, quand il était ministre des Finances anglais. Il a fait un travail de modernisation assez fort.
Bon j'ai répondu à toutes les questions, peut-être que l'on se verra demain, je ne suis pas sûr.
Bonsoir et merci.