4 février 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Traian Basescu, Président de la Roumanie, sur les relations franco-roumaines, le Traité de Lisbonne, la situation politique au Tchad et la perspective de l'indépendance du Kosovo, à Bucarest le 4 février 2008.

LE PRESIDENT BASESCU - Les Roumains ont suivi attentivement cette visite qui a eu de la substance du point de vue politique. Il y a eu un déjeuner et une réunion officielle pendant lesquelles nous avons discuté de la mise en oeuvre de la relation stratégique entre la France et la Roumanie. Le contexte de cette visite a des rapports avec la tradition des relations franco-roumaines et, en même temps, elle est en rapport avec la future Présidence française. Je voudrais vous remercier, M. le Président SARKOZY, pour les informations que vous nous avez présentées sur les objectifs, les priorités de la France et je peux vous dire également que la France bénéficiera du soutien de la Roumanie pour mettre en oeuvre intégralement les objectifs de la Présidence, à compter du 1er Juillet. Le partenariat stratégique couvre des données prioritaires de la relation bilatérale, à savoir le dialogue politique, le partenariat dans le développement économique. Notre relation stratégique comprendra également la mobilité universitaire et scientifique, la libre circulation des personnes, la défense et la sécurité au niveau européen. Ce sont les sujets principaux du partenariat stratégique dans les grandes lignes. Je vous assure que la Roumanie sera un partenaire d'exception dans la relation avec la France et nous ferons en sorte que ce partenariat, qui durera cinq ans, soit une réalité en fonction de la feuille de route à convenir par les deux gouvernements. Je vous remercie.
LE PRESIDENT - Merci, M. le Président. Je suis heureux d'être le premier Président de la République française à me rendre dans une Roumanie désormais membre à part entière de l'Union européenne et quarante ans après la visite historique du Général de Gaulle et sa vision d'une Europe libérée de l'oppression, ayant surmonté les divisions héritées de la guerre froide, je suis très heureux de dire au peuple roumain l'amitié, la considération, je dirais même la fraternité du peuple français. Ma visite en Roumanie est d'autant plus symbolique que c'est le même jour que le Parlement roumain et le Parlement français s'engagent dans la ratification du Traité de Lisbonne. Je dois dire que j'ai été très sensible à l'honneur qui m'est fait par le Parlement roumain de pouvoir m'adresser à l'ensemble des deux Chambres et que, juste après mon discours, soit engagé le processus de ratification parlementaire par la Roumanie. La Roumanie est un pays qui compte en Europe. C'est le 7ème pays par sa population, et la France en est, le 3ème partenaire commercial. J'ai dit au Président roumain que ce n'est pas parce que la Roumanie n'est membre de l'Union que depuis un an, qu'elle a moins le droit à la parole que les autres. Je souhaite que la Roumanie prenne toute sa place dans le débat politique européen. Nous avons besoin d'une Roumanie qui ait une voix forte à l'intérieur de cet ensemble européen auquel elle appartient pleinement. C'est le sens du partenariat stratégique que nous avons signé avec le Président roumain qui va nous permettre de collaborer très activement sur le plan de l'énergie, notamment nucléaire, sur le plan du gaz, sur le plan des industries d'armement. La discussion sur des accords en matière militaire va commencer dans le cadre de la feuille de route qui suivra le partenariat stratégique. La France souhaite être plus présente aux côtés de ses amis roumains et, par ailleurs, nous avons convenu avec le Président roumain que nous procéderions systématiquement à un large échange de vues sur l'ensemble des questions qui occupent l'Europe et des grandes questions internationales pour harmoniser les positions. J'associerai le Président roumain à la Présidence française de la même façon que le ministre Jean-Pierre JOUYET veillera à ce que la Roumanie soit un élément décisif qui assure le succès de la Présidence française. Je dois d'ailleurs à la vérité de dire que, sur la quasi-totalité des sujets, il y a une très grande harmonie de vue avec la Roumanie. Je m'en réjouis, c'est un élément décisif pour la France, dans cette Europe de l'Est qu'elle avait, à mon sens, trop négligée toutes ces dernières années et au sein de laquelle la France souhaite prendre toute sa place.
LE PRESIDENT BASESCU - Je vous remercie, M. le Président. Comme vous le savez, nous nous sommes mis d'accord d'avoir deux questions pour chaque Président. Mais avant d'avoir les questions, je voudrais vous dire que nous nous sommes mis d'accord pour que la société d'Etat, Gaz de France soit associée au projet NABUCCO. La Roumanie sera le pays qui soutiendra la participation de Gaz de France.
LE PRESIDENT - Merci, M. le Président, la France y est extrêmement sensible et c'est très important pour Gaz de France.
QUESTION - M. SARKOZY, une question sur le Tchad, si vous le voulez bien. L'attaque qui vient d'avoir lieu contre la capitale, N'Djamena, s'apparente de toute évidence, à un avertissement sans frais contre l'EUFOR, dont le déploiement a été repoussé de quelques jours. Pouvez-vous nous dire, M. le Président de la République, quand ce déploiement pourra avoir lieu ? Une question pour le Président BASESCU, lorsque ce déploiement sera effectif, la Roumanie sera-t-elle présente au sein de ce contingent avec les 120 soldats qui ont été annoncés ?
LE PRESIDENT - La situation au Tchad est d'abord préoccupante parce que le Tchad a un gouvernement légitime, qui est le gouvernement de Monsieur Idriss DEBY, qui est sorti des urnes, si mon souvenir est exact en 2004. C'est un gouvernement légitime qui doit donc être soutenu. Je me suis entretenu deux fois samedi avec le Président DEBY, trois fois dimanche, la dernière fois tard, dans la soirée de dimanche, c'est-à-dire hier soir. La France a été à l'initiative du dépôt d'une résolution du Conseil de Sécurité et en accord avec les membres africains du Conseil de Sécurité, je pense à la Libye, au Burkina-Faso et à l'Afrique du Sud. Cette résolution devrait être adoptée. Je le dis au conditionnel mais les Russes ayant, semble-t-il, donné leur accord, j'ai toutes les raisons de penser qu'elle va être adoptée. Cette résolution condamne l'action des rebelles, soutient le gouvernement de Monsieur DEBY et appelle chaque état qui le peut, à soutenir par les moyens appropriés le gouvernement légitime du Tchad. J'ai, par ailleurs, eu l'occasion d'avoir, hier, le Président du Sénégal, le Président du Gabon, le Président libyen qui, tous, partagent le point de vue de la France. Car la première question est d'éviter une guerre civile au Tchad, de soutenir le gouvernement légitime et de condamner fermement l'action des rebelles. On ne prend pas le pouvoir, dans aucune région du monde, par les armes. Par ailleurs, la France a fait tout son possible pour éviter le pire et pour soutenir le gouvernement légitime. Information, évacuation des blessés, discussions très approfondies et très régulières avec le gouvernement tchadien. Il va de soi que si le Conseil de Sécurité prend la résolution dont je vous ai parlé, la France sera disposée à être encore davantage aux côtés de ses amis tchadiens. Par ailleurs, nous avions la préoccupation des ressortissants français. J'ai pris la décision dans la nuit de vendredi à samedi, de regrouper les ressortissants sur trois secteurs contrôlés par l'armée et par ailleurs, avec l'accord du Président DEBY, de demander à nos forces de se déployer sur l'aéroport de N'Djamena, pour que celui-ci reste accessible à nos avions. J'ai pris, par ailleurs, une autre décision, celle de faire venir un avion réquisitionné auprès de la Compagnie Air France, pour évacuer nos compatriotes. Il se trouve, qu'entre temps, il a fallu répondre aux demandes de nos alliés, de nos amis - je pense aux Russes, aux Américains, aux Allemands, aux Suisses, aux Libyens -. Tous nous ont demandé d'évacuer leurs ressortissants. Je rappelle que dans la journée de dimanche, les combats à N'Djamena ont été extrêmement violents puisqu'on tirait à l'obus, au char et à la roquette. Voilà ce que nous avons fait jusqu'à présent. Je n'ai pas voulu que nous allions plus loin parce qu'il est bien clair que si la France devait intervenir, elle ne pourrait le faire que dans le cadre d'une résolution de l'ONU et dans ce cadre seulement. On ne combat pas les rebelles en se mettant en dehors d'un processus juridique international. Vous comprenez bien que quant au déploiement des forces de l'EUFOR, il ne pourra se faire que lorsqu'un minimum de paix sera revenu au Tchad. Et qu'il me soit permis de vous dire que si l'attaque a eu lieu, elle a eu lieu par les rebelles préventivement, craignant l'installation d'une force européenne - vous l'avez dit vous-même - à l'est du Tchad, à la frontière avec le Soudan, ce qui marquait bien l'utilité de cette présence. Et, en ce qui me concerne, et, en ce qui concerne la France surtout, nous aurions souhaité qu'elle se déploie avant et si tous les pays avaient fait preuve du même allant que la France, elle aurait été déployée avant. Tous les observateurs le savent. Par ailleurs, j'ai demandé à l'aviation française de survoler la frontière côté Tchad avec le Soudan pour vérifier qu'il n'y ait pas d'incursion étrangère. J'ajoute que la Libye a donc la même position que la France. Quant à l'union Africaine, j'observe, qu'y compris le Soudan - puisque la résolution a été prise à l'unanimité -, elle a condamné - est-ce que cela est sincère ou pas, nous le verrons bien - mais elle a condamné l'intervention des rebelles. Voilà, au point où nous en sommes, la situation telle qu'elle est, j'en ai parlé avec le Président roumain. Je le remercie d'ailleurs de sa très grande compréhension et de sa très grande solidarité Avant qu'il ne réponde lui-même, je crois pouvoir dire, pour avoir eu une discussion approfondie avec lui, que nous avons la même analyse de la situation. Voilà, j'en ai profité pour faire un point précis. Je vous demande de bien vouloir m'excuser de la longueur de ma réponse mais je n'avais pas eu l'occasion de m'exprimer sur cette affaire tchadienne, je précise que sitôt rentré à Paris ce soir, j'aurai le Président DEBY pour faire un point très approfondi de la situation.
LE PRESIDENT BASESCU - Afin de compléter la réponse sur la position de la Roumanie, notre pays participera à la Force européenne au Tchad dans les conditions définies par le Conseil de l'ONU et en partenariat avec l'Europe mais surtout avec un partenariat avec la France qui est le pays dirigeant de cette mobilisation européenne.
QUESTION - Pourquoi est-ce que la France a choisi de signer un partenariat stratégique avec la Roumanie ? On a dit que l'on ne pouvait pas faire des contrats commerciaux parce qu'il y a de la corruption en Roumanie. Pour les deux Présidents, quel commentaire faites-vous du résultat des élections en Serbie et que va-t-il se passer ensuite ?
LE PRESIDENT BASESCU - Je crois d'abord qu'il s'agit d'une spéculation de la presse roumaine pour ce qui est des contrats commerciaux. Le Président roumain, par la constitution, ne peut pas signer des contrats commerciaux et je suis convaincu que le Président français ne peut le faire non plus. Donc, de ce point de vue, les spéculations de la presse roumaine ont abouti à des erreurs constitutionnelles de la part de ceux qui ont rédigé les articles. Nous, nous avons la mission de stimuler des zones de développement économique mais nous n'avons pas signé de contrats commerciaux. Deuxièmement, les contrats commerciaux sont fondés, tant pour la Roumanie que pour la France sur la législation spécifique à l'Union européenne, donc, je ne crois pas que vous ayez entendu parler d'une hésitation qui était organisé par le Palais ou l'Elysée. Mais la déclaration d'aujourd'hui fait preuve de notre volonté d'élargir notre coopération à l'intérieur du cadre législatif européen dans beaucoup de domaines : énergie, agriculture, transport, environnement, commerce international et beaucoup d'autres domaines. Donc ce que les Présidents auraient dû faire pour consolider la relation stratégique a été fait. Ensuite les ministères vont développer, vont établir les feuilles de route pour que cette collaboration, même au niveau scientifique et militaire, puisse être mise en oeuvre.
LE PRESIDENT - Pourquoi la Roumanie ? Parce que la Roumanie est un pays francophone et que la France a toujours été aux côtés de la Roumanie, pour l'adhésion de la Roumanie à l'Union européenne. Parce que la Roumanie, c'est un pays extrêmement important par sa population et par sa croissance économique - plus de 6 % cette année - et, pour nous, c'est un grand honneur d'avoir la confiance des entrepreneurs roumains, du gouvernement roumain, du Président roumain et je ne vois pas pourquoi nous n'aurions pas signé ce partenariat stratégique. J'ajoute que l'on ne va tout de même pas reprocher aux Roumains d'être les premiers prêts à signer un partenariat stratégique avec la France. il faudrait plutôt les en féliciter. S'agissant de la Serbie, la France se réjouit et souhaite que l'on envoie un signal apaisant à nos amis serbes qui ont vocation à intégrer l'Union européenne une fois l'ensemble des aménagements de leur économie et de leur société réalisé. Quant au Kosovo, vous connaissez notre position. Nous considérons que l'indépendance du Kosovo est inéluctable, qu'elle doit se faire dans les meilleures conditions, que l'Europe doit surtout rester unie. Tout ceci d'ailleurs renforce ma conviction que l'ensemble des pays des Balkans auxquels s'ajoute la Moldavie a vocation, à terme, à intégrer l'Union européenne.
LE PRESIDENT BASESCU - Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelques renseignements, pour ne pas avoir de doute. Je voudrais rajouter que la Roumanie sera un partenaire très loyal par rapport aux décisions de l'Union mais qu'elle ne reconnaîtra pas l'indépendance du Kosovo qui a été unilatéralement déclaré.
QUESTION - La question s'adresse au Président Nicolas SARKOZY. M. le Président, à quel facteur - au pluriel comme au singulier - attribuez-vous la baisse dont vous êtes l'objet dans les sondages ?
LE PRESIDENT - Je vais donner l'occasion d'une deuxième question plus intéressante, puisqu'il y en a que deux. Vous-même, avez tant de fois indiqué que les sondages ne voulaient rien dire, que cela me ferait de la peine de répondre à cette question et s'il y avait une deuxième question de fond, je préférerais consacrer le temps qui est imparti pour y répondre.
QUESTION - Pourquoi n'avez-vous pas parlé de la francophonie ?LE PRESIDENT - Je crois avoir moi-même prononcé le mot « francophonie » pour justifier le partenariat stratégique avec la Roumanie, qui est un élément essentiel de la francophonie. J'ajoute que dans ma réponse sur la Moldavie, j'aurais pu préciser que la Moldavie fait partie également de la francophonie. Peut-être n'en a-t-on pas assez parlé, vous avez raison. En tout cas, croyez bien que cela était présent dans nos pensées et le fait que ce premier partenariat stratégique soit signé avec un pays francophone a, quand même, une signification lourde.