1 février 2008 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la lutte contre la maladie d'Alzheimer, à Sophia Antipolis le 1er février 2008.
Mesdames les Ministres,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
L'honneur se mêle au plaisir d'être parmi vous aujourd'hui pour lancer le Plan Alzheimer. C'est un moment attendu par tous, je le sais. De l'impatience s'est exprimée ici et là. Je la comprends. Comment d'ailleurs pourrait-il en être autrement ? Quand la souffrance d'un être cher retentit sur toute une famille, je sais bien qu'on ne peut plus attendre et que chaque jour compte. Aujourd'hui, il y aura donc un Plan Alzheimer, pour cinq ans. C'est un engagement durable de l'Etat dans une lutte implacable que nous allons mener contre cette maladie. C'est un engagement personnel auquel je veillerai.
Je suis particulièrement heureux d'être à Sophia-Antipolis, haut lieu de l'excellence de l'enseignement et de la recherche de notre pays, dans un département, cher Christian ESTROSI, qui n'a pas attendu le Plan Alzheimer pour être à la pointe du combat contre la maladie. Face à la souffrance, à une certaine forme de fatalité, il y a des actions exceptionnelles sur le terrain, il y a des trésors d'humanité, il y a d'innombrables dévouements pour nos aînés les plus fragiles. Mais ce n'est pas suffisant. Le Plan Alzheimer rend hommage à l'action de tous, mais doit démultiplier les efforts de la France contre cette maladie.
En septembre dernier, j'ai installé la Commission présidée par le Professeur Joël MENARD, dont je salue le travail et la présence. Les membres de la Commission et les groupes techniques ont travaillé à marche forcée pendant deux mois et le 8 novembre, le Professeur MENARD m'a remis son rapport, travail remarquable, Roselyne BACHELOT ne me démentira pas. Le rapport de la Commission est exceptionnellement riche et précis. Il a parfaitement saisi la nécessité d'une prise en charge globale de la personne et des aidants. Il a très bien montré que le système de prise en charge doit s'organiser autour du malade et de sa famille. Hélas, c'est bien souvent le contraire qui se passe : le patient et ses proches cherchent, tâtonnent, errent et, pendant ce temps, la maladie fait des ravages.
Le Plan Alzheimer que nous présentons, est très fortement inspiré du rapport de la Commission présidée par le Professeur MENARD. Dès la remise de ce rapport, les administrations concernées ont oeuvré à l'élaboration du Plan. Je veux en remercier Roselyne BACHELOT, Valérie PECRESSE, Valérie LETARD qui ont travaillé, elles aussi, d'arrache-pied. Nous avons procédé à une analyse exhaustive du rapport MENARD et nous l'avons menée dans la concertation. Cela aurait été facile d'annoncer un Plan à la va-vite, sans chiffrage, sans calendrier, mais j'aime bien que l'on me reproche six jours sur sept d'aller trop vite, et le dernier de ne pas aller assez vite. J'ai essayé d'aller à la vitesse qui était nécessaire pour annoncer un plan crédible. J'ai voulu que ce Plan Alzheimer soit fait avec méthode. Le travail d'élaboration du Plan est désormais achevé.
C'est maintenant que tout commence. Le temps de l'action est venu. J'ai décidé qu'un chargé de mission interministériel animerait et coordonnerait la mise en oeuvre du Plan. Je remercie Florence LUSTMAN, Inspecteur général des Finances, d'avoir accepté cette mission. Celle-ci est essentielle. Elle sera la garante de la réalisation complète des mesures prévues dans le Plan Alzheimer que je vais présenter. Elle sera la garante des résultats. Elle sera le relais de l'action des Ministres. Elle aura un rôle moteur vis-à-vis des administrations et des grands opérateurs. Avec les Ministres, vous porterez donc l'étendard de la lutte contre la maladie d'Alzheimer, en particulier lors de la présidence française de l'Union européenne car notre attention, Roselyne, c'est de faire de la lutte contre cette maladie un enjeu européen. Tous les pays sont touchés, on ne peut pas se contenter de se retrancher derrière ses frontières, ignorant les progrès ou les difficultés des autres.
Vous veillerez, Madame, à ce que ce plan améliore concrètement la vie des malades et de leurs proches. Vous serez également attentive à la montée en puissance du Plan jusqu'en 2012. C'est un Plan quinquennal, nous mettrons en place les indicateurs qui permettront de suivre l'exécution du Plan pas à pas. Nous évaluerons l'ensemble du Plan à partir de 2011. Je n'ignore nullement que beaucoup d'espoirs sont placés dans l'action des ministres, dans votre action, Madame, et dans la mienne.
Nous devons faire face à une maladie qui est bien davantage qu'un dysfonctionnement. La maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées sont une fracture dans l'existence humaine.
Fracture parce que la maladie d'Alzheimer, c'est l'altérité que nous ne voulons pas voir telle qu'elle est. Il est plus confortable de vivre dans l'individualisme ignorant de l'autre. La maladie d'Alzheimer exige de la solidarité et non de la résignation.
Fracture parce que la maladie d'Alzheimer joue avec le temps. Elle rend le passé insupportable au malade et le présent insupportable aux aidants. Quand cette maladie viendra-t-elle à bout de ma femme, de mon mari, de ma mère, de mon père ? Cette question, chaque famille se la pose tous les jours.
Fracture parce que la maladie d'Alzheimer semble résister à notre rêve de toute-puissance. Cette maladie joue à cache-cache avec les chercheurs. Les pistes les plus prometteuses aujourd'hui seront peut-être demain des impasses.
Quel est l'esprit du Plan Alzheimer, face à toutes ces difficultés ?
Nous avons d'abord voulu que cela soit un effort partagé entre la préparation de l'avenir, pour les diagnostics et les traitements, et la prise en compte des personnes malades, chaque jour plus nombreuses. On a un double défi, de plus en plus de malades à prendre en charge tout de suite, et de plus en plus de moyens à dégager pour qu'il y ait de moins en moins de malades dans l'avenir. On est exactement dans l'effet de ciseaux. Nous ne devons pas et nous ne pouvons pas délaisser le présent au motif qu'il faut préparer l'avenir. Et la France doit tenir le rang qui est le sien dans l'innovation diagnostique et thérapeutique. La France doit contribuer à faire basculer Alzheimer, en 10 ou 15 ans, dans le monde des maladies dont il sera possible de stabiliser l'évolution. Dans quelques années, j'espère, on ne souffrira plus comme aujourd'hui - peut-être même on ne mourra plus - de la maladie d'Alzheimer.
La marque de fabrique du Plan Alzheimer, c'est l'intégration de la recherche, Valérie, de la santé, Roselyne, de la solidarité, l'autre Valérie. C'est qu'on est au confluent de l'action de plusieurs ministères qui doivent travailler ensemble. C'est d'ailleurs ainsi que le Plan Alzheimer a été conçu. La recherche doit améliorer les soins et l'accompagnement. Les soins doivent être organisés de façon cohérente avec l'aide à domicile ou la prise en charge en établissement, Christian. Aider la personne malade, c'est un tout, ce n'est pas une série d'actes techniques successifs.
Le Plan Alzheimer, c'est le primat de l'humain. Nous avons voulu mettre la personne malade au coeur du Plan. C'est l'honneur d'une civilisation d'apporter aide et protection à ceux qui sont devenus au fil des jours de véritables « emmurés vivants ». C'est l'honneur d'une civilisation de nouer sans relâche les liens entre générations. En regardant les malades que j'ai vus, je me disais : un jour cela peut être nous, cela peut être moi. C'est pour cela que j'ai décidé, et je l'assume, de créer les franchises médicales. Ce n'était pas la décision la plus facile. Mais à tous ceux qui me réclament davantage de moyens, j'aimerais leur dire, je vous réclame davantage de solidarité pour comprendre que les moyens, je ne peux pas les fabriquer si je ne prends pas des décisions courageuses. Les franchises médicales sont l'expression de la responsabilité et de la solidarité : responsabilité, parce que ce n'est jamais facile de dégager des marges de manoeuvre nouvelles. Où trouver l'argent ? Solidarité, parce que ces marges de manoeuvre vont permettent de financer les nouveaux besoins nés de l'accroissement de la longévité humaine. On va avoir besoin de davantage de moyens. Et, présenter un plan sans présenter les moyens, je ne vois pas comment l'on peut faire ? A tous ceux qui n'ont pas le courage d'assumer le choix que nous avons fait de nouvelles recettes, je dis : dites donc aux Français, puisque vous ne voulez pas de cette recette supplémentaire, comment vous trouvez l'argent ? C'est cela la crédibilité du Plan aussi.
Je remercie d'ailleurs les parlementaires qui ont voté cette mesure. C'est si facile de demander de dépenser de l'argent en plus : mais ici tout le monde est responsable - alors qu'il n'y en a déjà pas assez et que l'assurance maladie est en déficit. Sans ressources supplémentaires, comment fait-on ? Grâce à ce que nous avons assumé, ce n'est peut-être pas la décision la plus facile, nous mobilisons 300 millions d'Euros de dépenses nouvelles dès 2008 pour le Plan Alzheimer, et cela sera 500 millions d'Euros en 2012. Au total, c'est un milliard six cents millions d'Euros qui seront dépensés en plus pour la lutte contre la maladie d'Alzheimer. Qui peut me dire que ce n'est pas nécessaire ? Sans les franchises, c'eut été un déficit supplémentaire. C'est cela la vérité. Il faut la regarder en face et je le dis en pesant mes mots : j'ai voulu cette priorité.
Cette somme est considérable, un milliard six cents millions d'Euros. C'est un engagement financier majeur qui ne devait pas se faire au détriment des comptes de l'assurance maladie, qui sont déjà déficitaires. Est-ce que l'on peut continuer à mettre des dépenses supplémentaires, nécessaires, sans prévoir des ressources supplémentaires ? C'est pour cette raison que les franchises médicales ont été mises en place le 1er janvier dernier. Alors pourquoi parler des franchises ? Je parle des franchises parce que si j'ai voulu des recettes supplémentaires et je l'assume, c'est pour pouvoir vous présenter, de façon crédible, des dépenses supplémentaires. Comment venir présenter des dépenses supplémentaires sans les recettes supplémentaires ? Je le sais bien, mes amis me disent : "ne parle pas trop des franchises, parle donc des dépenses". Et bien si, j'en parle ! Parce qu'à ceux qui ne veulent pas des franchises, qu'ils viennent dire aux Français comment on paie les dépenses supplémentaires. C'est un débat incontournable. Je n'ai pas voulu qu'on laisse les familles seules face à ce drame. Je n'ai pas voulu qu'on dise à la recherche : "débrouillez-vous à moyens constants" parce que vous savez bien que ce n'est pas possible.
En plus de la maladie d'Alzheimer, nous financerons d'autres priorités de santé : la lutte contre le cancer, parce que l'on ne va pas abandonner la lutte contre le cancer - parce ce qu'on lutte contre Alzheimer naturellement - et puis quelque chose, Roselyne, le sait très bien, qui me touche très précisément au coeur, c'est le développement des soins palliatifs. Je n'accepte pas l'idée que des compatriotes si gravement malades ne puissent pas mourir avec un minimum de respect et de dignité. C'est cela les centres de soins palliatifs. Il n'y en a pas assez. Il en faut donc davantage.
J'aurai l'occasion de préciser les orientations que j'entends donner à l'action du Gouvernement dans ces deux domaines, le cancer et les soins palliatifs. Ma priorité sera la même que pour la maladie d'Alzheimer : au-delà des moyens, des techniques, des ressources, des structures, des chiffres, il y a la personne qui souffre et qui n'en peut plus, et qu'on doit mettre au coeur de ces différents plans.
Le 21 septembre 2007, pour la journée mondiale, je suis venu à la rencontre de l'association France Alzheimer dont je salue la présidente, Mme Arlette MEYRIEUX. A cette occasion, j'avais tracé les principales orientations de la lutte contre la maladie. Je dois aujourd'hui en préciser le contenu au travers des quatre objectifs du Plan Alzheimer.
Le Plan a pour premier objectif de mieux connaître la maladie, parce que si on ne la connaît pas mieux, on ne peut pas agir. La France va faire un effort sans précédent en matière de recherche. J'ai parfaitement conscience que nous avons du retard à rattraper. La part de la France dans les publications scientifiques d'excellence sur la maladie d'Alzheimer est à peine supérieure à 3 % alors que la part de la France dans la recherche biomédicale au plan mondial est de 6%. On va combler ce retard.
Une fondation de coopération scientifique sera créée pour donner un nouvel élan à la recherche sur la maladie d'Alzheimer. Adossée à l'INSERM, cette fondation aura pour mission d'attirer les meilleurs chercheurs français et étrangers et de soutenir les meilleures équipes. Elle devra développer des partenariats avec des acteurs privés. Je pense aux industriels de santé. Les premiers contacts qui ont été pris indiquent que les perspectives de coopération public-privé sont prometteuses. Je m'en réjouis. Compte tenu de l'ampleur du défi, on ne peut pas se permettre de travailler en chapelle.
La fondation financera les équipements coûteux dont la recherche a besoin pour avancer. Elle renforcera les liens entre la recherche fondamentale et la recherche clinique, dans cette logique d'intégration qui fonde le Plan Alzheimer. Elle sera une des premières concrétisations de la politique d'excellence que je souhaite pour la recherche de notre pays. Entre 2008 et 2012, ce sont 200 millions d'Euros pour Alzheimer qui seront consentis pour la recherche. J'attends de la fondation qu'elle nous permette d'atteindre l'objectif que j'ai fixé en installant la Commission présidée par le Professeur MENARD : la découverte ou la validation d'un diagnostic et d'un traitement en France. Voilà l'objectif. J'attends de la fondation qu'elle fasse jouer à plein les synergies entre les organismes de recherche, les universités, les hôpitaux et le monde de l'entreprise. On se met tous ensemble pour trouver, et l'on trouve.
Le Plan Alzheimer renforcera aussi la recherche en sciences sociales. C'est bien l'ensemble des modes de prise en charge, médicaux et sociaux, qu'il faut faire progresser et évaluer.
L'action de la Fondation de coopération scientifique devra toujours s'inscrire dans le principe du respect de la personne malade. Je souhaite que les patients et leurs familles soient associés à la définition des orientations de la politique de recherche. Le consentement des patients aux études cliniques doit faire l'objet d'une attention particulière, compte tenu de l'état de conscience desdits patients.
Deuxième objectif du plan : mieux prendre en charge les malades et leurs familles autour de la survenue de la maladie. Je veux que le Plan permette au patient et à sa famille d'amortir le choc de la connaissance de la maladie.
Les structures de diagnostic vont être développées. 38 consultations mémoire et 3 centres mémoire de ressources et de recherche seront créés d'ici 2012. Le Plan Alzheimer doit permettre de réduire les délais pour obtenir un rendez-vous et obtenir un diagnostic.
Par ailleurs, un dispositif d'annonce de la maladie sera mis en place. Cette annonce ne doit pas être un assommoir. Elle ne doit pas être un coup de feu tiré à bout portant, comme c'est le cas : « Madame, Monsieur, vous avez Alzheimer ». Pour se comprendre et par simple humanité, il faut prendre son temps. L'annonce est un processus qui doit s'inscrire dans la durée, qui exige une concertation entre les professionnels. L'annonce doit s'accompagner d'une information précise sur la prise en charge de la maladie. L'essentiel est de ne pas laisser le malade seul face au diagnostic et de se garder de confondre le diagnostic avec le pronostic. Ce que je dis d'ailleurs pour Alzheimer vaut pour les cancers et tout le reste. Il n'y aurait rien de pire. Face à une maladie sans traitement véritable, c'est un devoir impérieux d'expliquer, de rassurer et de guider le patient et son entourage.
L'annonce doit ouvrir sur l'accompagnement. Là encore, le Plan Alzheimer veut intégrer les démarches. L'annonce et l'information sur l'accompagnement du malade doivent aller de pair. C'est pourquoi nous créerons des maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer. Ces dernières seront la porte d'entrée unique des familles dans le dispositif de prise en charge. Elles reposeront sur l'expérience acquise par les départements. Le Plan Alzheimer a pour ambition de construire, sur la base du savoir-faire des départements, un lieu d'information et de coordination de la prise en charge des personnes malades. En pratique, les familles pourront rencontrer des médecins et des assistants sociaux pour les conseiller et les orienter. Les maisons pour l'autonomie et l'intégration des malades d'Alzheimer ne seront pas une strate administrative de plus. Elles valoriseront ce qui marche bien sur le terrain grâce aux départements et à la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Au fond, ces maisons seront un point d'ancrage pour les familles. Il faudra que les départements et leurs partenaires communiquent fortement sur ce dispositif. Les premières expérimentations seront menées dès 2008. Nous n'avons pas le temps d'attendre.
Je souhaite que les premières expérimentations soient couplées avec le déploiement d'un numéro de téléphone national pour informer les familles et les orienter vers les maisons de l'autonomie.
Je souhaite que les premières expérimentations soient couplées avec le déploiement d'un numéro de téléphone national pour informer les familles et les orienter vers les maisons de l'autonomie. Il faut un numéro de téléphone national qui oriente les familles vers les structures de terrain. Informer et orienter, tout doit être intégré pour améliorer la qualité de vie des malades et des aidants.
L'annonce de la maladie aux personnes jeunes fera l'objet d'un accompagnement spécifique. Un centre national de référence pour les malades jeunes, conçu sur le modèle des centres dédiés aux maladies rares, sera créé. Il devra permettra le repérage précoce des personnes atteintes pour leur éviter une errance qui ne fait qu'aggraver la maladie. Tout démontre que plus tôt on pose le diagnostic, plus on a de chance de maintenir le patient autonome. Nous devons aux malades jeunes une prise en charge spécifique. Pour ces patients, il faut passer du chaos qu'ils connaissent aujourd'hui à une offre de soins organisée. J'ai parfaitement conscience que le défi est immense. Je veux le relever. Ce n'est pas la même chose quand on a 60 ans et qu'on vous annonce la maladie, que quand on est octogénaire.
Le troisième objectif du Plan, c'est d'améliorer la qualité de vie des malades et des aidants dans la durée une fois le diagnostic établi. Je sais que c'est là que sont les attentes les plus fortes. Je mesure que les besoins sont infinis. Ces besoins illimités requièrent une réponse humaine, organisée.
La priorité est d'adapter le domicile ou l'établissement d'hébergement à la spécificité des malades d'Alzheimer. Le Plan favorisera l'intervention d'ergothérapeutes et de psychomotriciens pour aménager le domicile. On doit faire le maximum pour permettre aux malades de vivre chez eux, puisque c'est leur souhait. En établissement, 30 000 places feront l'objet d'un renforcement en personnel pour offrir aux patients des soins et des activités adaptés. Il faut mieux prendre en compte la singularité des patients qui déambulent ou qui ont des comportements déroutants. Une prise en charge adaptée réduit leurs troubles du comportement et le recours aux médicaments. Ce n'est pas non plus une solution de les assommer comme une camisole chimique. Il y va de leur qualité de vie. La solution, ce n'est certainement pas la contention ou l'isolement. La solution, c'est une prise en charge adaptée et intelligente.
Des crises peuvent survenir qui nécessitent une prise en charge encore plus spécialisée. Car on s'aperçoit qu'à l'intérieur de la maladie d'Alzheimer, il y a quantité de situations différentes, et c'est bien toute la difficulté du plan, c'est qu'il faut répondre à toutes ces situations différentes. Aujourd'hui, les personnes atteintes de la maladie qui traversent un épisode de crise arrivent où ? Aux urgences de l'hôpital. C'est inacceptable. Inacceptable pour elles et inacceptable pour l'hôpital qui est déjà débordé. Nous allons prévoir. Le Plan prévoit de créer des unités spécialisées Alzheimer dans les établissements de moyen séjour pour mieux gérer les ruptures.
Ces renforcements de moyens ne seront pas suffisants, nous le savons tous déjà. On pourrait en prévoir dix fois plus. Certains, peut être à juste raison, estimeraient encore que ce n'est pas assez. Mais je veux et je dois sortir de la logique du « toujours plus ». Un Plan, ce n'est pas « toujours plus ». Le Plan Alzheimer, je veux qu'il permette de rendre plus performant ce qui existe, qu'il valorise ce que les acteurs du terrain ont élaboré. Les renforcements de moyens ne seront suffisants - et on les a prévus, 1 milliard 600 millions d'euros - que s'ils sont mis en oeuvre de façon cohérente. C'est bien l'un des premiers problèmes qu'a montré la commission présidée par le Professeur MENARD, l'absence de cohérence. Il faut les mettre de façon cohérente pour le bien du malade. Une des innovations principales sera la mise en place du métier de coordinateur. Ce dernier sera le chef d'orchestre de la prise en charge globale de la personne. Il devra organisera autour du malade l'intervention des médecins et des professionnels médico-sociaux. Cette mesure est innovante parce qu'elle intègre les différents métiers au service de celle ou de celui qui souffre. Une fois de plus, C'est le système qui doit s'adapter que nous devons adapter à l'individu, et pas à l'inverse l'individu qui soit s'adapter au système. Les départements volontaires pourront mettre en place les premiers coordinateurs dès cette année.
Pour aider les malades dans la durée à domicile, il faut soutenir les aidants. Le développement des structures de répit sera accompagné en réglant la question du transport du patient vers ces institutions. Par ailleurs, le médecin en charge de la personne malade devra prêter une attention toute particulière aux capacités d'endurance des aidants. La force d'une chaîne tient à son maillon le plus faible. Il ne sert à rien de prendre en charge la personne malade si les capacités de résistance de l'aidant s'érodent en silence. C'est toujours la même logique qui doit prévaloir, celle de l'approche globale.
Le Plan Alzheimer, enfin, a un quatrième objectif, c'est son exigence éthique. L'éthique, ce n'est pas un accessoire pour faire bien. La préoccupation éthique et le respect dû à la personne doivent être omniprésents dans la pratique des professionnels et les lieux de vie des malades. Je souhaite que la réflexion éthique vive, se diffuse. Des moyens spécifiques seront dédiés à cet effet.
Du questionnement éthique émergeront de nombreuses questions juridiques. Le Plan Alzheimer doit permettre d'apporter des réponses justes à la question si sensible du consentement de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer, particulièrement au moment de son entrée en institution. On ne peut pas vouloir mettre la personne au coeur de l'action et se permettre d'éluder cette question qui est essentielle. Nous avons une occasion unique de la traiter, cette question, dans la concertation.
D'autres mesures figurent dans le Plan Alzheimer. Je ne veux pas toutes les mentionner ici. Mais les quelques actions que j'ai évoquées me semblent emblématiques de notre volonté.
La maladie d'Alzheimer est un outrage à notre dignité d'humains ? Et bien, ripostons collectivement par un sursaut d'humanité.
La maladie d'Alzheimer résiste à la science ? Et bien battons nous et aidons les chercheurs à combattre cette maladie.
La maladie d'Alzheimer est un mal dévastateur. Et bien comme tous les autres fléaux, nous allons vaincre celui-ci. Puisse le Plan Alzheimer nous en fournir l'énergie, et rendre à nos anciens justice et dignité. J'ajoute que je présiderai tous les six mois, une réunion avec les ministres concernés pour évaluer les résultats du Plan Alzheimer, si on s'est trompé, on changera. Si on n'a pas mis suffisamment, on remettra. S'il y a des choses à modifier, on modifiera. Mais je veux que la France soit exemplaire dans la recherche sur cette maladie et dans le traitement des malades atteints par cette maladie.
Mesdames et Messieurs, j'ai parfaitement conscience que c'est un défi sans précédent comme rarement un défi de santé s'est proposé à un pays comme le notre. J'ajoute que dans le cadre de la nécessaire réorganisation de la carte hospitalière, avec Roselyne BACHELOT, nous mettrons cette réorganisation en liaison avec le Plan Alzheimer. Un certain nombre d'hôpitaux devront évoluer vers les moyens et longs séjours. Et à l'intérieur des moyens séjours notamment, nous voulons développer des unités pour prendre en charge Alzheimer. L'affaire est cohérente, et de ce point de vue, je sais parfaitement qu'on attend de nous davantage de places. Donc, voyez-vous, j'ai essayé de présenter avec les ministres un plan global qui n'oppose pas le patient et les aidants, le présent et l'avenir, la recherche et l'accompagnement, mais qui mobilise tout le monde dans un seul objectif : trouver les moyens de stopper cette maladie. Faire en sorte que ceux qui l'ont aujourd'hui vivent le mieux possible en ne laissant personne tomber, en ne laissant personne tout seul, qu'il soit aidant ou malade. Vous le voyez, Madame, la tâche qui vous attend est particulièrement lourde mais vous aurez le soutien de Roselyne BACHELOT, de Valérie PECRESSE, de Valérie LETARD et, si vous le voulez bien, mon soutien. Je sais parfaitement que vous atteindrez des résultats.
Mesdames et Messieurs, je crois vous avoir démontré que la France a pris la mesure du défi qui nous attend. Je sais très bien que le combat ne fait que commencer et je dis aux chercheurs, aux médecins, à tous ceux qui parmi les premiers notamment en France, ont compris que c'était grave, voire très grave, que nous allons les accompagner par un effort de recherche sans précédent. Et vous avez compris aussi, qu'il me tenait à coeur de vous apporter ces réponses. J'ai le sentiment que votre impatience a été réelle et objectivement, en huit mois, mobiliser ce que nous avons mobilisé, trouver la logique d'un plan cohérent alors que les défis à l'intérieur de cette maladie sont absolument multiples parce que les situations sont toutes différentes, au moins soyez assurés que votre pays est mobilisé pour vous aider, que pas un seul d'entre vous ne restera seul. Encore une fois, ce plan, j'y crois, mais je n'hésiterai pas à le changer si l'évaluation montrait que nous avons omis tel ou tel élément qui s'avérerait nécessaire pour l'efficacité de l'action sanitaire que nous avons à mener. Et croyez bien que mon objectif c'est que dans cinq ans, on se dise que des progrès considérables ait été accomplis dans la recherche et dans l'accompagnement.Je vous remercie.