26 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-indiennes, les Français à l'étranger, la moralisation des marchés financiers et sur les réformes en France, à New Delhi le 26 janvier 2008.

Mesdames et Messieurs,
Mes chers Compatriotes,
Je suis heureux de vous rencontrer ce soir, au terme d'une visite particulièrement dense et, je l'espère, fructueuse pour la France.
Vous venez des quatre coins de ce pays-continent où la France veut et doit se déployer. Vous êtes à Delhi, à Bangalore et à Bombay. Vous êtes fonctionnaires, hommes d'affaires, enseignants et chercheurs.
Vous êtes à Pondichéry, Tamouls dont les pères ont choisi la France au moment du transfert, vous êtes membres de l'Institut français ou de l'Ecole française d'Extrême Orient.
Vous êtes à Calcutta, parce que vous aimez l'Inde, parce que vous croyez à une solidarité active entre les peuples du monde, parce que la civilisation indienne vous apporte un regard sur le monde qui répond à vos questionnements. Vous avez vu comment je présente cela ! Vous pouvez tout mettre là-dedans !
Enfin, vous tous qui avez fait le choix de l'Inde, je vous comprends, je vous approuve et je vous en remercie.
L'Inde est une grande civilisation que les Européens ne finissent pas d'interroger depuis l'Antiquité. Du dialogue entre la raison et l'intuition, entre les religions du Livre et les religions des Dieux sont nées certaines des percées les plus remarquables de l'esprit humain. C'est pourquoi il est si capital que la France garde vivante sa tradition orientaliste, en perpétuant la connaissance des cultures classiques, mais aussi en développant celle de l'Inde moderne et de l'Inde en devenir.
Je voudrais d'ailleurs remercier notre ambassadeur pour l'excellence de son travail. Applaudissez-le, cela fait plaisir.
J'ai pris un engagement devant les autorités indiennes, celle durant mon quinquennat de venir au moins une fois par an en Inde, parce que le pays le mérite, parce qu'il faut qu'à l'image de ce que vous faites, nous puissions développer sérieusement notre présence. Je souhaite davantage d'étudiants français dans les universités indiennes et davantage d'étudiants indiens dans nos propres universités. Nous allons multiplier par trois le nombre de visas que nous donnons aux étudiants indiens.
Je souhaite que les laboratoires, les universités françaises pensent systématiquement à l'Inde lorsqu'ils se tournent vers l'étranger. Qu'ils se fixent pour priorité d'accueillir beaucoup plus d'étudiants indiens. Ecoutez, ce n'est quand même pas normal, nous avons 1.500 étudiants indiens alors que nous avons 17.000 Chinois. Je pensais d'ailleurs que c'est bien peu rapporté à l'importance de la Chine. Je ne veux pas que dans les prochaines années se reproduise ce que nous avons connu sur les vingt-cinq dernières années, où nous avons grosso modo loupé l'opportunité de l'immigration asiatique que les Américains ont par ailleurs accueillie à bras ouverts et qui font aujourd'hui l'essentiel de leur prix Nobel et de leurs meilleurs chercheurs et ingénieurs dans leurs universités. Il n'y a aucune raison qu'on passe à côté de cette immigration asiatique. Valérie Pécresse est là pour signer un certain nombre d'accords avec ses homologues. Pour nous, c'est une absolue nécessité.
Nous avons beaucoup parlé d'économie avec les dirigeants indiens. L'objectif que je nous fixe, c'est de doubler nos exportations et nos échanges. L'objectif, c'est 12 milliards d'euros d'échanges commerciaux d'ici à 2012. Nous sommes à un peu moins de 6. Cela progresse mais pas assez. Alors il est vrai, et je l'ai dit aux dirigeants indiens, que nous avons nos propres faiblesses. De ce point de vue, nous ne nous sommes pas très honorés dans les conditions que nous avons mises à l'accueil de certains investisseurs indiens. Ces problèmes sont derrière nous. Mais de la même façon, j'ai demandé pour les entreprises françaises non pas des avantages mais que nous n'ayons pas des handicaps.
Je le répète, parce que je le pense profondément, quand on gagne un appel d'offres, cela nous agace qu'on l'annule. Je peux comprendre d'ailleurs le problème, les sensibilités, les difficultés mais la réciprocité, cela existe et je sais que vous vous battez, parfois au milieu de très grandes difficultés. Nous allons notamment aider les PME à se développer. Laurence Parisot ne m'en voudra pas parce qu'elle parle pour toutes les entreprises, bien sûr. Mais notre objectif, c'est mille PME qui exercent leurs talents en Inde. Nous allons également développer notre appui aux entreprises, moderniser l'école française de Delhi.
Je vous annonce l'ouverture de deux nouveaux consultas généraux à Calcutta et à Bangalore. On me parle des difficultés du réseau consulaire français. Ici, en Inde, j'ai demandé l'ouverture de deux consulats généraux.
Je vais par ailleurs augmenter les crédits pour l'Alliance française et pour les lycées français. Je vous confirme un engagement auquel je tiens beaucoup. J'ai toujours pensé que c'était parfaitement injuste que lorsque l'on met son enfant à l'école publique dans l'hexagone, cela soit gratuit, et lorsque l'on met son enfant dans l'école publique en dehors de l'hexagone, cela soit payant. Ce n'est pas normal. Je précise, chère Laurence, que ce n'est pas aux entreprises de payer la scolarité de leurs salariés. Nous sommes pour l'allégement des charges et non pas le renforcement des charges. Donc, cette année, je parle sous le contrôle de Rama, nous avons rendu gratuite l'année de terminale. L'année prochaine, on passera à la première, l'année suivant à la seconde. C'est un débat qui nous a d'ailleurs occupé. Nous n'allons pas faire tout en même temps. Vous préférez que je commence par la maternelle ? Manque de pot, on a commencé par la terminale, mais ils grandiront un jour vos enfants. Réfléchissez, ce n'est pas grave. Il fallait bien commencer par un endroit !
C'était un débat et je le dis devant vous. Certains voulaient qu'on augmente les bourses, le nombre de boursiers. Je voulais la gratuité pour tout le monde, parce que je ne veux plus d'un système où ce sont toujours les mêmes qui disent vous êtes trop riches pour bénéficier de la bourse et qui sont en vérité trop pauvres pour pouvoir payer la scolarité. La classe moyenne existe. J'ai été élu aussi par les classes moyennes et j'ai bien l'intention de mettre en oeuvre une politique qui n'exclut pas les classes moyennes de tout, celles qui sont suffisamment riches pour payer toutes les augmentations et jamais assez pauvres pour bénéficier d'un quelconque service. Donc, à terme, l'école de vos enfants sera gratuite et je souhaite qu'on développe les alliances françaises, les lycées français. On ne peut pas vouloir défendre le français, la culture française, l'image universelle, et fermer des lycées, avoir des lycées qui n'ont pas les moyens de se développer. On va investir massivement dans ce domaine.
Enfin, puisque je suis là, il y a une autre injustice avec laquelle je voudrais en finir. J'ai toujours pensé qu'il était très étonnant que les Français de l'étranger - vous êtes quand même deux millions - aient le droit de voter pour un sénateur et n'aient pas de député. Dans la réforme de la Constitution que je vais présenter, il y aura des députés qui représenteront les Français de l'étranger. Certes les circonscriptions seront un peu plus larges mais il n'y a aucune raison, alors que vous portez les valeurs de la France, la culture de la France, la langue française, les intérêts de la France, que vous n'ayez pas une représentation à la hauteur de ce que vous en attendez.
J'en profite pour dire un mot plus particulier aux fonctionnaires qui sont ici. Je souhaite que vos administrations et vos entreprises aient la sagesse de faire une place au retour, à ceux qu'on appelle, les expatriés. Parce que, sinon, l'expérience des expatriés ne sert à rien. Très bien, vous avez été en Inde et bien vous partirez maintenant en Norvège. Non ! Ça y est, je tombe sur une qui en revient justement ! Bon, ce n'était pas vexant, c'était juste un exemple. C'est que l'on peut vouloir vivre l'expérience de l'étranger et vouloir revenir dans son pays pour faire bénéficier son administration ou son entreprise de son expérience. Ce que je veux dire par là, c'est que ce n'est pas toujours les mêmes qui doivent s'y coller et partir à l'étranger vivre cette expérience. Cela ne doit pas être un handicap pour vivre sa carrière dans son entreprise ou dans son administration. C'est extrêmement important ou alors on n'aura pas de volontaires, ou alors pire, on ne bénéficiera pas de l'expérience de ceux qui vivent à l'étranger.
Puisque j'y suis, je voudrais vous demander quelque chose. Vous vivez le monde. Vous le voyez se développer sous vos yeux. N'hésitez pas à raconter à vos familles, à vos amis, ce que vous avez vu. Dites leur bien - ce n'est pas de la politique, c'est juste une ou deux remarques comme cela - que les 35 heures cela n'existe nulle part ailleurs ! Ce n'est pas un jugement. C'est juste une description. Dites-le bien. Dites que partout dans le monde, ils travaillent plus. Dites que partout dans le monde, ils construisent des universités autonomes. Dites que partout dans le monde, ils investissent dans l'innovation, dans la recherche, dans la formation, que l'on essaie de tirer les gens vers le haut. Dites que partout dans le monde, on cherche une entreprise qui gagne de l'argent, des gens qui réussissent, que la réussite ce n'est pas un drame, que cela peut arriver à tout le monde, que le but de la vie c'est d'aller vers le bonheur et non pas de parler toujours du malheur, de ce qui ne va pas, de tirer les choses vers le bas, d'être jaloux, de critiquer, d'être mal embouché, que ce qui compte, c'est aussi de vivre et d'essayer de vivre le mieux possible et de faire que notre pays rayonne dans le monde entier.
C'est pour cela qu'on a été élu. Et vous, quelles que soient par ailleurs vos sensibilités, vous pouvez porter ce message. Enfin, un mot, on vous aidera le plus possible, chefs d'entreprises, à développer vos affaires parce qu'on sait parfaitement que créer de l'activité ici, cela retombe en activité dans notre pays.
De la même façon, j'ai dit aux hommes d'affaires indiens qu'ils étaient les bienvenus en France, mais que c'est sur la base de la réciprocité que nous voulons les accueillir. Ils doivent accueillir les nôtres aussi, que nous voulons ouvrir nos marchés mais qu'ils doivent ouvrir le leur. C'est cela la politique commerciale de la France : l'ouverture sur la base d'une concurrence loyale où les règles du jeu sont connues par tout le monde et où chacun a le sentiment de pouvoir se développer à égal. C'est la vision que nous avons développée.
Je voudrais également dire que j'essaie de rassembler, en France, toutes les énergies, parce je veux profondément transformer notre pays, pas pour des raisons idéologiques mais pour que la France se classe parmi les pays du monde exemplaires. S'il y a le plein emploi dans douze pays d'Europe, il n'y a aucune raison que la France n'ait pas le plein emploi. Si dans le monde on va chercher la croissance, il n'y a aucune raison qu'en France, on ne la trouve pas si on prend les mêmes recettes que les autres en libérant les possibilités de travailler.
Je souhaite - mardi, car je serai à Londres avec Mme Merkel -, qu'on tourne le dos à un capitalisme qui a besoin de se moraliser et d'avoir de la transparence. Je crois à l'économie de marché. Je crois à la liberté du commerce. Mais je veux un capitalisme qui a des règles, un capitalisme où il y ait une place pour l'entrepreneur davantage que pour le spéculateur, parce qu'à force de favoriser la spéculation, les salles de marché, les cours au jour le jour, on se retrouve avec le problème des subprimes, qui risque de pénaliser la croissance du monde, c'est-à-dire que le travail des gens qui créent de la richesse, et la spéculation ne créé pas de la richesse.
Il est temps maintenant de mettre de la transparence, de nouvelles règles prudentielles dans le système financier mondial - et d'ailleurs national -, et de préférer prêter de l'argent à celui qui entreprend et créé de la richesse, plutôt qu'à celui qui veut acheter pour dépecer et spéculer.
La France a connu, ces vingt dernières années, deux bulles spéculatives : une bulle spéculative sur l'immobilier et une bulle spéculative sur ce qu'on appelait la nouvelle économie. Vous faites de nouvelles économies, cela a mis par terre l'économie. Il n'y en a qu'une seule parce que de l'innovation il y en a à toutes les époques et dans tous les métiers. Rappelez-vous ce moment où on plaçait les gens entre ceux qui avaient des clients, un métier, un savoir-faire, c'était la vielle économie et ceux qui levaient, - à l'époque l'expression? c'est on levait des crédits - ils n'avaient pas de métier, pas de savoir-faire mais ils trouvaient des banquiers pour prêter de l'argent. A un moment donné, - je n'ai rien contre les banquiers, surtout ceux qui sont dans la salle -, on est en droit de dire qu'il faut arrêter avec un système financier qui marche sur la tête et qui perd de vue sa finalité. La finalité d'un système financier, c'est de prêter de l'argent pour des activités économiques qui à terme génèreront du profit, c'est de savoir avant les autres pourquoi il faut investir pour créer des richesses et développer ces richesses. Ce n'est pas d'aller spéculer sur différentes activités qui font des flux énormes, des profits en quelques heures. Seulement, si on peut faire des profits en quelques heures, on peut faire des pertes gigantesques en quelques heures aussi. Il serait temps de se rendre compte qu'il faut mettre un peu de sagesse dans tous ces systèmes.
Je voudrais vous dire que je suis entouré d'une équipe vraiment formidable. Si j'ai voulu un gouvernement élargi, c'est parce que j'ai conscience que de ce quinquennat que les Français m'ont confié, il faut que je fasse les grandes réformes qui doivent être portées par une grande majorité. On ne peut pas construire une grande majorité qu'en se tournant vers ses amis. Pour faire une grande majorité, il faut adhérer autour de soi des femmes et des hommes de talent, qui, à un moment donné, veulent servir leur pays. Et peu importe qu'on n'ait pas partagé les mêmes convictions, on appelle cela l'ouverture. Je pense que c'est le rassemblement le plus large pour faire bouger la France.
Ce que je veux, c'est que la France bouge dans le monde, dans le bon sens, parce que, pendant trop d'années, on a été endormi. Le résultat de tout cela, c'est que l'on a perdu du terrain et qu'il faut le regagner. L'idée que je me fais de la France, c'est l'idée d'un rôle spécifique dans le monde d'aujourd'hui, qui recèle plein d'opportunités. C'est cela que je voulais faire, arriver à faire, au bout de cinq ans, qu'on se dise : "il a fait les réformes qu'on attendait en France". Elles sont possibles. Rendez vous compte.
Les régimes spéciaux, vingt ans qu'on en parle, j'ai signé les décrets la semaine dernière. Plus personne n'en parle, c'est fait. On disait que c'était impossible, c'est fait ! C'est accepté.
L'autonomie des universités, on en parlait, c'est fait. C'est accepté.
La fusion entre l'ANPE et l'UNEDIC, c'est fait. C'est accepté.
La fusion entre la direction générale des impôts et la comptabilité publique, qui a mis par terre deux ministres socialistes, c'est fait. C'est accepté.
Le bouclier fiscal à 50%, c'est fait. C'est accepté.
La possibilité de déduire son ISF quand on investit dans une entreprise, c'est fait. C'est accepté.
La réforme de la carte judiciaire, chère Rachida, c'est fait. C'est accepté.
Les peines planchers - oui, cela a protesté un peu, mais, écoutez, vous connaissez des moments où l'on ne proteste pas en France, mais cela a changé quoi à la protestation, rien du tout - dont on disait qu'elles ne correspondaient pas à la tradition française, vous savez, que les multirécidivistes soient plus fortement condamnés. Cela a été voté. 4 500 applications, peines prononcées, peines planchers. Les résultats remarquables que nous avons en matière de sécurité en ce moment, c'est du au fait que les multirécidivistes dans notre pays, maintenant, sont punis et punis sévèrement. Il n'était que temps.
Je dis, d'ailleurs, à Rachida, que le texte qu'elle défend au Sénat sur la peine de sûreté sur les "serial killer" ou les "serial violeurs", qu'ils ne ressortent pas une fois la peine effectuée parce qu'ils sont dangereux, je me battrai pour faire passer ce texte. Je ne laisserai pas des monstres en liberté dans notre pays. Chacun choisira son camp, plaidera pour ses idées, mais je le dis comme je le pense, nous créerons des hôpitaux psychiatriques prisons pour que les gens dangereux ne puissent pas sortir parce que le principe de précaution s'applique d'abord aux victimes. J'ai été élu, d'abord, pour penser aux victimes. Les délinquants ont des droits, c'est parfaitement entendu, mais on n'a pas à laisser des gens en liberté alors que l'on sait que le risque de récidive est considérable.
Vous le voyez, notre pays est en train de changer.
Mesdames et Messieurs, c'est la fin du mois de janvier. C'est donc encore une date pour vous présenter tous mes voeux. Vous pensiez que j'allais parler de mon anniversaire, eh bien c'est raté. Mais si en plus, vous voulez me souhaiter un anniversaire, pensez à moi lundi !
Bonne année à vous tous.