25 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Manmohan Singh, Premier ministre indien, notamment sur les relations franco-indiennes, à New Delhi le 25 janvier 2008.
Monsieur le Premier ministre,
Je veux dire d'abord que c'est un grand honneur pour la France que d'être l'invitée du Jour de la République en Inde.
Nous avons constaté avec le Premier ministre une très grande convergence de vue, sur l'ensemble des dossiers internationaux, entre l'Inde et la France. J'ai indiqué au Premier ministre indien combien je souhaitais la transformation du G8 en G13 avec une place pour l'Inde. On ne peut pas considérer que l'Inde, qui représente un milliard d'habitants, il soit normal qu'elle soit invitée pour le déjeuner du troisième jour d'un sommet sensé réunir les 8 grandes puissances du monde à l'exception de la Chine, du Brésil, du Mexique, de l'Afrique du Sud et de l'Inde. Excusez du peu, cela doit faire deux milliards et demi d'habitants. La France milite donc fortement pour que l'Inde soit l'invitée du premier jour, de la première heure dans ces sommets.
La France porte également la demande que l'Inde soit membre permanent du Conseil de sécurité. Il s'agit de savoir si, au 21ème siècle, le monde doit se doter d'une organisation qui corresponde à notre siècle et abandonner celle qui correspond au siècle précédent.
Nous avons également décidé d'amplifier nos coopérations de défense et d'armement. Les armés indiennes connaissent et apprécient le matériel français. Nous avons donc décidé de faire plus en la matière. J'ai également indiqué, s'agissant du nucléaire civil, le souhait d'une coopération. Nous avons d'ailleurs paraphé des premiers accords avec l'Inde. Nous passerons à la phase opérationnelle dès que l'Inde aura conclu un accord avec l'AIEA et que les règles internationales du Groupe des Fournisseurs nucléaires seront modifiées. La France sera l'avocat de l'Inde pour l'accès au nucléaire civil.
J'ajoute que nous avons proposé, avec Jean-Louis BORLOO, d'aider l'Inde à faire le choix du développement durable. Nous avons parfaitement compris l'exigence pour l'Inde de continuer sur le chemin de la croissance, alors qu'elle a le défi de la formation et de la lutte contre la pauvreté. Il nous semble curieux de demander à l'Inde d'organiser une croissance compatible avec les équilibres écologiques et de lui refuser l'accès au nucléaire civil.
Je connais par ailleurs le débat intérieur indien sur ce sujet. Il n'est pas question pour moi naturellement de m'y immiscer.
Nos objectifs sont ambitieux puisque nous souhaitons que nos échanges, entre l'Inde et la France, atteignent au mois 12 milliards d'euros d'ici 2012, c'est-à-dire qu'ils soient doublés. Nous souhaitons que les entreprises françaises investissent au mois 10 milliards d'euros en Inde et qu'au moins 1 000 nouvelles PME françaises se lancent sur le marché indien.
Par ailleurs, nous avons signé des accords en matière universitaire. Nous allons tripler le nombre d'étudiants indiens accueillis en France. C'est l'objet de la création de l'université franco-indienne. Nous allons créer des laboratoires conjoints en matière scientifique, comme celui qui concernera les neurosciences ou des Masters communs, notamment pour les nanosciences.
Nous allons procéder à des échanges culturels pour que l'Inde et la France se comprennent. Cela se traduit dans la création d'un centre culturel indien à Paris, que le gouvernement soutient.
Et enfin, nous avons décidé la création d'une fondation franco-indienne qui s'appuiera sur les entreprises et qui permettra de démultiplier les projets dans tous ces domaines. Effectivement au second trimestre, en tant que Président de l'Union Européenne, j'aurai l'occasion d'accueillir le Premier ministre pour le sommet Union Européenne-Inde.
Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs, il s'agit pour la France et l'Inde d'être des partenaires privilégiés, des partenaires stratégiques et nous allons mettre du concret dans cette volonté stratégique.
QUESTION - J'ai une question qui porte sur votre vision de l'Inde et de sa place dans le monde. Pourquoi est-il important de renforcer la coopération dans la lutte antiterroriste avec l'Inde, sachant que la France et l'Inde sont assez éloignés ? Est-ce que vous pouvez développer sur ce thème ? Est-ce qu'il est envisageable, si on se place dans la perspective du 21ème siècle, que les démocraties occidentales s'appuient sur l'Inde pour éventuellement faire face à certains dangers, certains risques, notamment la montée en puissance militaire de la Chine ?
J'ai aussi une question pour Monsieur SINGH concernant la Birmanie et la position de l'Inde sur la Birmanie. L'Europe et la France ont essayé d'assurer une transition démocratique en Birmanie, est-ce que cette question a été discutée lors de votre entretien avec le Président SARKOZY ? Quelles sont les mesures que l'Inde est prêt à prendre pour pousser la Birmanie vers un dialogue politique ?
LE PRESIDENT - Je voudrais dire que nous sommes ici dans la plus grande démocratie au monde. Je n'ai cessé de développer l'idée de la diversité. Le moins que l'on puisse dire c'est que la société indienne est diverse et que cette diversité est un des éléments forts de la démocratie. Mais nous avons les mêmes adversaires en matière de terrorisme. L'intégrisme, l'extrémisme islamique s'expriment en Inde comme ils s'expriment en Europe et notamment en France.
Par ailleurs, l'Inde est dans une zone où la France a des soldats, je pense à l'Afghanistan et chacun sait également ce qui se passe au Pakistan, pays frontalier de l'Inde. Je ne crois pas que j'ai beaucoup à expliquer sur pourquoi nous renforçons la coopération entre nos services de renseignement. Nous-mêmes, en France, nous surveillons de près ce qui se passe en Afghanistan et dans l'ensemble de la zone. Nous sommes confrontés en matière de terrorisme à un intégrisme, un extrémisme et un fondamentalisme qui s'expriment aussi ici.
C'est l'ensemble des démocraties du monde qui sont confrontées au même adversaire. L'Inde est une démocratie, elle est dans le camp des démocraties. L'Inde lutte contre le fondamentalisme, nous aussi. Nous avons beaucoup à nous apporter, l'un et l'autre.
LE PREMIER MINISTRE - Je pense que nous habitons dans un monde qui est de plus en plus interdépendant et les destins de beaucoup de nations sont liés les unes aux autres, surtout les pays et les sociétés qui sont engagés dans le pluralisme, les règles du droit, le respect de la liberté fondamentale de l'Homme. Ces pays-là sont les plus vulnérables au terrorisme. Pour tout ce qui est lié à l'extrémisme, il est très important que l'Inde et la France partagent une coopération. Elles doivent partager des renseignements. Les services d'intelligence doivent coopérer pour protéger les valeurs qui sont très chères à nos deux pays.
QUESTION - Monsieur le Président, vous êtes un grand partisan de la coopération avec l'Inde en matière d'énergie nucléaire civile, cela date des années 70. Pour l'avenir, quels sont les investissements auxquels on peut s'attendre de la part de la France en Inde en ce qui concerne le nucléaire ? Quels sont les avantages de la société AREVA ?
LE PRESIDENT - Je voudrais d'abord dire que l'Inde n'a jamais contribué à la prolifération, que l'Inde a déclaré vouloir séparer les activités nucléaires civiles et militaires, que l'Inde, à ma connaissance, en 1998, a déclaré un moratoire sur les essais, que l'Inde est prête à satisfaire à toutes les obligations de l'AIEA. Et partant, la France souhaite obtenir le consensus européen et international pour que l'Inde puisse bénéficier d'une exception et se tourner vers le nucléaire civil.
Encore une fois, les besoins de l'Inde en matière d'énergie sont immenses. Si on lui interdit le recours à l'énergie nucléaire civile, elle sera obligée de se tourner vers des énergies qui polluent. Personne ne peut penser que les énergies renouvelables suffiront à assurer le développement d'un pays d'un milliard d'habitants aujourd'hui et sans doute beaucoup plus dans 25 ans.
Quels sont les avantages de l'industrie nucléaire française ? Je pense que la troisième génération, celle de l'EPR, est à un niveau technologique inégalé dans le monde. Par ailleurs, je le dis à la société indienne, la filière technologique nucléaire civile française est la plus sûre au monde. Ce sont des atouts non négligeables lorsque l'on sait qu'il y a un potentiel d'une vingtaine de centrales nucléaires pour produire de l'électricité dans un pays comme l'Inde. Et partant, une fois que la France aura aidé nos amis indiens à obtenir cette dérogation, sans doute, une fois que les débats internes, qu'il ne m'appartient pas de trancher, aurait eu lieu, l'Inde passera à la phase opérationnelle, la France concourra de toutes ses forces. AREVA, l'un de nos fleurons industriels, et l'Etat français, seront mobilisés pour aider nos amis indiens dans une croissance et un développement durable.
QUESTION - Monsieur le Président, la Société Générale a annoncé hier des pertes records dues notamment à une fraude massive. Quelles conséquences cela peut avoir sur l'économie française ? Que comptez-vous faire face à cet événement ?
Monsieur le Premier ministre, craignez-vous que la crise financière et boursière internationale actuelle ait un impact négatif sur l'économie indienne et lequel ?
LE PRESIDENT - Je crois que l'on ne peut pas assimiler le problème interne à la Société générale, qui à ma connaissance est la conséquence d'une fraude interne d'une grande ampleur, à ce qui s'est passé dans le système financier international en provenance des Etats-Unis avec la crise des subprimes.
Dans un cas, c'est un problème de régulation des marchés financiers qui a besoin de davantage de transparence, d'une autre réflexion sur les mesures prudentielles et d'une moralisation du capitalisme financier. Il faut que l'on arrête de faire la part belle aux spéculateurs et de favoriser les entrepreneurs.
Dans l'autre cas, celui de la Société Générale, c'est une fraude interne qui a eu des conséquences sur les résultats de la Société Générale et qui, au dire même du gouverneur de la Banque de France, ne touche pas la solidité et la fiabilité du système financier français.
Pour le reste, je serai mardi prochain à Londres en compagnie de M. Gordon BROWN, de Mme MERKEL et du représentant du gouvernement italien, puisque la présence de M. PRODI était annoncée avant le vote du Sénat italien. J'aurai l'occasion de faire des propositions à mes homologues parce que, naturellement, la crise en provenance des Etats-Unis montre un besoin de transparence et d'élaboration de nouvelles règles. On ne peut pas continuer ainsi.
L'affaire de la Société Générale, de mon point de vue, n'a pas de rapport avec le reste.
LE PREMIER MINISTRE - J'ai dit, il y a quelques moments, nous habitons dans un monde qui est de plus en plus interdépendant et donc une crise financière internationale pourrait avoir un impact sur la croissance d'un pays émergent, y compris l'Inde. Nous espérons sincèrement que les autorités américaines prendront les mesures appropriées pour contenir les dommages causés par la crise des subprimes aux Etats-Unis.
En ce qui concerne l'économie indienne, nous ne sommes pas affectés en ce moment par cette crise. Nos banques ne prêtent pas l'argent de cette manière. C'est cette manière de prêter l'argent qui a en fait mené à cette crise aux Etats-Unis. Les critères sont plus solides ici.
Malgré ce qui se passe dans le monde, nous pouvons soutenir la croissance de l'Inde. La croissance annuelle de 9 % chaque année va pouvoir être maintenue.
QUESTION - Est-ce que c'est vrai que votre gouvernement a convoqué M. Lakshmi MITTAL, industriel dans le domaine de l'acier, à cause de la fermeture d'une usine d'acier en France ? Qu'est-ce qui retarde les discussions au niveau de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique ?
LE PRESIDENT - Qu'est-ce qui retarde les discussions au niveau de l'AIEA ? En tout cas, ce n'est pas la France puisque nous sommes le pays qui demande avec le plus d'insistance l'exception pour l'Inde. A ma connaissance, ce n'est plus qu'une affaire de semaine. L'autorisation devrait être donnée.
S'agissant de M. MITTAL, ce n'est pas l'habitude du gouvernement français de convoquer les industriels. J'ai simplement dit à M. MITTAL, avec qui j'entretiens de bonnes relations, la volonté qui est la mienne de voir ce que l'on peut faire s'agissant de cette usine, de façon à ce que le maximum d'emplois soient préservés, que nous comprenions les raisons qui l'ont conduit à faire ce choix et que nous voyons comment on peut aider, soit au maintien d'une activité, soit à son remplacement par une ré-industrialisation. Il est tout à fait normal, dans une économie comme celle de la France, qu'on puisse discuter avec des agents économiques. Il n'y a là rien qui devrait vous étonner.
Les investisseurs indiens sont les bienvenus en France, les entreprises indiennes aussi. Je suis certain que la réciproque est vraie dans les mêmes conditions.LE PREMIER MINISTRE - En ce qui me concerne, nous devons reconnaître que les négociations internationales prennent du temps et nos discussions avec l'AIEA progressent dans la bonne direction. Nous espérons sincèrement que ces discussions seront conclues de manière réussie sans beaucoup de retard. Merci.
Je veux dire d'abord que c'est un grand honneur pour la France que d'être l'invitée du Jour de la République en Inde.
Nous avons constaté avec le Premier ministre une très grande convergence de vue, sur l'ensemble des dossiers internationaux, entre l'Inde et la France. J'ai indiqué au Premier ministre indien combien je souhaitais la transformation du G8 en G13 avec une place pour l'Inde. On ne peut pas considérer que l'Inde, qui représente un milliard d'habitants, il soit normal qu'elle soit invitée pour le déjeuner du troisième jour d'un sommet sensé réunir les 8 grandes puissances du monde à l'exception de la Chine, du Brésil, du Mexique, de l'Afrique du Sud et de l'Inde. Excusez du peu, cela doit faire deux milliards et demi d'habitants. La France milite donc fortement pour que l'Inde soit l'invitée du premier jour, de la première heure dans ces sommets.
La France porte également la demande que l'Inde soit membre permanent du Conseil de sécurité. Il s'agit de savoir si, au 21ème siècle, le monde doit se doter d'une organisation qui corresponde à notre siècle et abandonner celle qui correspond au siècle précédent.
Nous avons également décidé d'amplifier nos coopérations de défense et d'armement. Les armés indiennes connaissent et apprécient le matériel français. Nous avons donc décidé de faire plus en la matière. J'ai également indiqué, s'agissant du nucléaire civil, le souhait d'une coopération. Nous avons d'ailleurs paraphé des premiers accords avec l'Inde. Nous passerons à la phase opérationnelle dès que l'Inde aura conclu un accord avec l'AIEA et que les règles internationales du Groupe des Fournisseurs nucléaires seront modifiées. La France sera l'avocat de l'Inde pour l'accès au nucléaire civil.
J'ajoute que nous avons proposé, avec Jean-Louis BORLOO, d'aider l'Inde à faire le choix du développement durable. Nous avons parfaitement compris l'exigence pour l'Inde de continuer sur le chemin de la croissance, alors qu'elle a le défi de la formation et de la lutte contre la pauvreté. Il nous semble curieux de demander à l'Inde d'organiser une croissance compatible avec les équilibres écologiques et de lui refuser l'accès au nucléaire civil.
Je connais par ailleurs le débat intérieur indien sur ce sujet. Il n'est pas question pour moi naturellement de m'y immiscer.
Nos objectifs sont ambitieux puisque nous souhaitons que nos échanges, entre l'Inde et la France, atteignent au mois 12 milliards d'euros d'ici 2012, c'est-à-dire qu'ils soient doublés. Nous souhaitons que les entreprises françaises investissent au mois 10 milliards d'euros en Inde et qu'au moins 1 000 nouvelles PME françaises se lancent sur le marché indien.
Par ailleurs, nous avons signé des accords en matière universitaire. Nous allons tripler le nombre d'étudiants indiens accueillis en France. C'est l'objet de la création de l'université franco-indienne. Nous allons créer des laboratoires conjoints en matière scientifique, comme celui qui concernera les neurosciences ou des Masters communs, notamment pour les nanosciences.
Nous allons procéder à des échanges culturels pour que l'Inde et la France se comprennent. Cela se traduit dans la création d'un centre culturel indien à Paris, que le gouvernement soutient.
Et enfin, nous avons décidé la création d'une fondation franco-indienne qui s'appuiera sur les entreprises et qui permettra de démultiplier les projets dans tous ces domaines. Effectivement au second trimestre, en tant que Président de l'Union Européenne, j'aurai l'occasion d'accueillir le Premier ministre pour le sommet Union Européenne-Inde.
Vous l'avez compris, Mesdames et Messieurs, il s'agit pour la France et l'Inde d'être des partenaires privilégiés, des partenaires stratégiques et nous allons mettre du concret dans cette volonté stratégique.
QUESTION - J'ai une question qui porte sur votre vision de l'Inde et de sa place dans le monde. Pourquoi est-il important de renforcer la coopération dans la lutte antiterroriste avec l'Inde, sachant que la France et l'Inde sont assez éloignés ? Est-ce que vous pouvez développer sur ce thème ? Est-ce qu'il est envisageable, si on se place dans la perspective du 21ème siècle, que les démocraties occidentales s'appuient sur l'Inde pour éventuellement faire face à certains dangers, certains risques, notamment la montée en puissance militaire de la Chine ?
J'ai aussi une question pour Monsieur SINGH concernant la Birmanie et la position de l'Inde sur la Birmanie. L'Europe et la France ont essayé d'assurer une transition démocratique en Birmanie, est-ce que cette question a été discutée lors de votre entretien avec le Président SARKOZY ? Quelles sont les mesures que l'Inde est prêt à prendre pour pousser la Birmanie vers un dialogue politique ?
LE PRESIDENT - Je voudrais dire que nous sommes ici dans la plus grande démocratie au monde. Je n'ai cessé de développer l'idée de la diversité. Le moins que l'on puisse dire c'est que la société indienne est diverse et que cette diversité est un des éléments forts de la démocratie. Mais nous avons les mêmes adversaires en matière de terrorisme. L'intégrisme, l'extrémisme islamique s'expriment en Inde comme ils s'expriment en Europe et notamment en France.
Par ailleurs, l'Inde est dans une zone où la France a des soldats, je pense à l'Afghanistan et chacun sait également ce qui se passe au Pakistan, pays frontalier de l'Inde. Je ne crois pas que j'ai beaucoup à expliquer sur pourquoi nous renforçons la coopération entre nos services de renseignement. Nous-mêmes, en France, nous surveillons de près ce qui se passe en Afghanistan et dans l'ensemble de la zone. Nous sommes confrontés en matière de terrorisme à un intégrisme, un extrémisme et un fondamentalisme qui s'expriment aussi ici.
C'est l'ensemble des démocraties du monde qui sont confrontées au même adversaire. L'Inde est une démocratie, elle est dans le camp des démocraties. L'Inde lutte contre le fondamentalisme, nous aussi. Nous avons beaucoup à nous apporter, l'un et l'autre.
LE PREMIER MINISTRE - Je pense que nous habitons dans un monde qui est de plus en plus interdépendant et les destins de beaucoup de nations sont liés les unes aux autres, surtout les pays et les sociétés qui sont engagés dans le pluralisme, les règles du droit, le respect de la liberté fondamentale de l'Homme. Ces pays-là sont les plus vulnérables au terrorisme. Pour tout ce qui est lié à l'extrémisme, il est très important que l'Inde et la France partagent une coopération. Elles doivent partager des renseignements. Les services d'intelligence doivent coopérer pour protéger les valeurs qui sont très chères à nos deux pays.
QUESTION - Monsieur le Président, vous êtes un grand partisan de la coopération avec l'Inde en matière d'énergie nucléaire civile, cela date des années 70. Pour l'avenir, quels sont les investissements auxquels on peut s'attendre de la part de la France en Inde en ce qui concerne le nucléaire ? Quels sont les avantages de la société AREVA ?
LE PRESIDENT - Je voudrais d'abord dire que l'Inde n'a jamais contribué à la prolifération, que l'Inde a déclaré vouloir séparer les activités nucléaires civiles et militaires, que l'Inde, à ma connaissance, en 1998, a déclaré un moratoire sur les essais, que l'Inde est prête à satisfaire à toutes les obligations de l'AIEA. Et partant, la France souhaite obtenir le consensus européen et international pour que l'Inde puisse bénéficier d'une exception et se tourner vers le nucléaire civil.
Encore une fois, les besoins de l'Inde en matière d'énergie sont immenses. Si on lui interdit le recours à l'énergie nucléaire civile, elle sera obligée de se tourner vers des énergies qui polluent. Personne ne peut penser que les énergies renouvelables suffiront à assurer le développement d'un pays d'un milliard d'habitants aujourd'hui et sans doute beaucoup plus dans 25 ans.
Quels sont les avantages de l'industrie nucléaire française ? Je pense que la troisième génération, celle de l'EPR, est à un niveau technologique inégalé dans le monde. Par ailleurs, je le dis à la société indienne, la filière technologique nucléaire civile française est la plus sûre au monde. Ce sont des atouts non négligeables lorsque l'on sait qu'il y a un potentiel d'une vingtaine de centrales nucléaires pour produire de l'électricité dans un pays comme l'Inde. Et partant, une fois que la France aura aidé nos amis indiens à obtenir cette dérogation, sans doute, une fois que les débats internes, qu'il ne m'appartient pas de trancher, aurait eu lieu, l'Inde passera à la phase opérationnelle, la France concourra de toutes ses forces. AREVA, l'un de nos fleurons industriels, et l'Etat français, seront mobilisés pour aider nos amis indiens dans une croissance et un développement durable.
QUESTION - Monsieur le Président, la Société Générale a annoncé hier des pertes records dues notamment à une fraude massive. Quelles conséquences cela peut avoir sur l'économie française ? Que comptez-vous faire face à cet événement ?
Monsieur le Premier ministre, craignez-vous que la crise financière et boursière internationale actuelle ait un impact négatif sur l'économie indienne et lequel ?
LE PRESIDENT - Je crois que l'on ne peut pas assimiler le problème interne à la Société générale, qui à ma connaissance est la conséquence d'une fraude interne d'une grande ampleur, à ce qui s'est passé dans le système financier international en provenance des Etats-Unis avec la crise des subprimes.
Dans un cas, c'est un problème de régulation des marchés financiers qui a besoin de davantage de transparence, d'une autre réflexion sur les mesures prudentielles et d'une moralisation du capitalisme financier. Il faut que l'on arrête de faire la part belle aux spéculateurs et de favoriser les entrepreneurs.
Dans l'autre cas, celui de la Société Générale, c'est une fraude interne qui a eu des conséquences sur les résultats de la Société Générale et qui, au dire même du gouverneur de la Banque de France, ne touche pas la solidité et la fiabilité du système financier français.
Pour le reste, je serai mardi prochain à Londres en compagnie de M. Gordon BROWN, de Mme MERKEL et du représentant du gouvernement italien, puisque la présence de M. PRODI était annoncée avant le vote du Sénat italien. J'aurai l'occasion de faire des propositions à mes homologues parce que, naturellement, la crise en provenance des Etats-Unis montre un besoin de transparence et d'élaboration de nouvelles règles. On ne peut pas continuer ainsi.
L'affaire de la Société Générale, de mon point de vue, n'a pas de rapport avec le reste.
LE PREMIER MINISTRE - J'ai dit, il y a quelques moments, nous habitons dans un monde qui est de plus en plus interdépendant et donc une crise financière internationale pourrait avoir un impact sur la croissance d'un pays émergent, y compris l'Inde. Nous espérons sincèrement que les autorités américaines prendront les mesures appropriées pour contenir les dommages causés par la crise des subprimes aux Etats-Unis.
En ce qui concerne l'économie indienne, nous ne sommes pas affectés en ce moment par cette crise. Nos banques ne prêtent pas l'argent de cette manière. C'est cette manière de prêter l'argent qui a en fait mené à cette crise aux Etats-Unis. Les critères sont plus solides ici.
Malgré ce qui se passe dans le monde, nous pouvons soutenir la croissance de l'Inde. La croissance annuelle de 9 % chaque année va pouvoir être maintenue.
QUESTION - Est-ce que c'est vrai que votre gouvernement a convoqué M. Lakshmi MITTAL, industriel dans le domaine de l'acier, à cause de la fermeture d'une usine d'acier en France ? Qu'est-ce qui retarde les discussions au niveau de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique ?
LE PRESIDENT - Qu'est-ce qui retarde les discussions au niveau de l'AIEA ? En tout cas, ce n'est pas la France puisque nous sommes le pays qui demande avec le plus d'insistance l'exception pour l'Inde. A ma connaissance, ce n'est plus qu'une affaire de semaine. L'autorisation devrait être donnée.
S'agissant de M. MITTAL, ce n'est pas l'habitude du gouvernement français de convoquer les industriels. J'ai simplement dit à M. MITTAL, avec qui j'entretiens de bonnes relations, la volonté qui est la mienne de voir ce que l'on peut faire s'agissant de cette usine, de façon à ce que le maximum d'emplois soient préservés, que nous comprenions les raisons qui l'ont conduit à faire ce choix et que nous voyons comment on peut aider, soit au maintien d'une activité, soit à son remplacement par une ré-industrialisation. Il est tout à fait normal, dans une économie comme celle de la France, qu'on puisse discuter avec des agents économiques. Il n'y a là rien qui devrait vous étonner.
Les investisseurs indiens sont les bienvenus en France, les entreprises indiennes aussi. Je suis certain que la réciproque est vraie dans les mêmes conditions.LE PREMIER MINISTRE - En ce qui me concerne, nous devons reconnaître que les négociations internationales prennent du temps et nos discussions avec l'AIEA progressent dans la bonne direction. Nous espérons sincèrement que ces discussions seront conclues de manière réussie sans beaucoup de retard. Merci.