10 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi
Conférence de presse conjointe de MM. Nicolas Sarkozy, Président de la République, et Jose Luis Rodriguez Zapatero, Président du Gouvernement du Royaume d'Espagne, sur les relations franco-espagnoles, notamment en matière d'immigration clandestine et de terrorisme, à Paris le 10 janvier 2008.
LE PRÉSIDENT SARKOZY - Mesdames et Messieurs, Je voudrais d'abord dire à Jose Luis ZAPATERO, ainsi qu'aux ministres espagnols, combien nous sommes profondément heureux de les recevoir. L'amitié entre la France et l'Espagne est stratégique pour la France. La confiance entre les deux gouvernements est complète sur absolument tous les sujets. Ce sommet franco-espagnol a permis d'avancer sur des décisions qui attendaient depuis de trop nombreuses années.
D'abord, nous avons une vision commune de ce que doit être l'évolution de l'Europe. Nous avons proposé à l'Espagne de travailler main dans la main durant la Présidence française de l'Union Européenne. Nous avons une vision commune de ce que doit être l'organisation de l'Union pour la Méditerranée. Nous avons décidé de procéder à des déplacements communs en Méditerranée, au niveau des ministres des Affaires étrangères comme des Premiers ministres et chefs d'État, pour faire avancer le projet de l'Union pour la Méditerranée et préparer le sommet de Paris.
Nous avons des préoccupations communes sur la question de la croissance en Europe. Il y aura une initiative espagnole soutenue pour la France pour que nous puissions débattre des meilleurs moyens pour conforter la croissance européenne.
Sur les plans politiques les plus sensibles, nous avons décidé de renforcer encore notre collaboration dans la lutte contre le terrorisme. C'est le travail de Michèle ALLIOT-MARIE et de notre ami RUBALCABA. Je veux dire de la façon la plus solennelle, parlant au nom du gouvernement français et du Premier ministre, que la France sera toujours aux cotés de la démocratie espagnole face au cancer du terrorisme, qu'il s'agisse du terrorisme interne ou du terrorisme externe. S'agissant de la lutte contre le terrorisme, de l'ETA, la France a depuis bien longtemps choisi son camp. Son camp, c'est celui de l'Espagne démocratique. Chacun doit bien comprendre que c'est une décision stratégique qui va au-delà des alternances en France, comme en Espagne.
Nous avons décidé de renforcer puissamment nos équipes. Ce ne sont pas les terroristes qui auront le dernier mot, c'est la démocratie et l'État de droit. Sur l'immigration, nous avons décidé de travailler ensemble et de porter ensemble l'espérance d'un pacte européen pour l'immigration. Démontrant ainsi que l'immigration n'est pas un problème de gauche ou de droite, que nous sommes pour l'immigration régulière, notamment l'immigration du travail, mais que nous voulons lutter contre l'immigration irrégulière. Nous avons décidé de travailler ensemble.
Et enfin, sur les interconnections de transport, atlantique comme méditerranée, ou énergétique pour franchir les Pyrénées, nous avons pris des décisions très importantes. Mario MONTI est le coordonnateur européen en la matière. Nous voulons renforcer la présence du ferroviaire pour éviter l'accumulation de millions de poids lourds, et nous voulons permettre à l'Espagne l'approvisionnement énergétique dont elle a besoin. Nous avons décidé de la création d'un organisme commun pour résoudre ces problèmes, qui feront que les grandes villes espagnoles et les grandes villes françaises seront à quelques heures de TGV.
Nous amorçons ensemble, ce qui pourrait être une politique européenne de l'énergie. Ce qui n'est quand même pas rien. Ce sont des engagements que nous avions pris avec François FILLON, dès le mois de mai, qui se trouvent aujourd'hui concrétisés. Nonobstant la réflexion sur la défense, nous avons décidé de réfléchir ensemble à ce que pourrait être le contenu d'une politique de défense commune, espagnole et française, mettant à la disposition de l'Europe le fruit d'une réflexion commune. Nous avons signé également des accords en matière d'éducation nationale. Et, sur l'ensemble des sujets, je crois pouvoir dire que les relations entre l'Espagne et la France sont au beau fixe.
Enfin, dernier point. Je voudrais remercier la délégation espagnole et le Président du Conseil pour la part décisive qu'ils ont prise lorsqu'il a fallu, au sommet de Bruxelles de l'été dernier, décider de l'adoption du traité simplifié. L'Espagne, je parle sous le contrôle de Bernard KOUCHNER et de Jean-Pierre JOUYET, a pris, par l'intermédiaire de notre ami MORATINOS et du Président ZAPATERO, ses responsabilités pour faire avancer le traité simplifié.
Je le dis aux Espagnols : nous sommes un pays qui a voté « non » par référendum, vous êtes un pays qui a voté « oui » par référendum. Je crois que c'était courageux de prendre les positions que vous avez prises et qui ont permis de débloquer la situation.
Mais qu'est-ce que vous voulez que je dise aux journalistes ? Cela va très bien entre l'Espagne et la France. Cela va très bien entre le gouvernement français et le gouvernement espagnol. On peut même dire, qu'à titre personnel, cela va assez bien.
LE PRESIDENT ZAPATERO - Merci beaucoup, Président SARKOZY. Je voudrais exprimer ma satisfaction. Je me trouve ici à l'Elysée, à Paris, à ce sommet bilatéral et c'est pour moi un motif de satisfaction. Une satisfaction qui est toujours la même lorsqu'il y a cette occasion de tenir des sommets entre la France et l'Espagne. Deux pays qui sont frères, qui sont voisins, qui sont des pays qui sont pro-européens, qui sont deux grandes puissances européennes, mondiales aussi. Des pays qui ont énormément de relations sur le plan commercial, culturel et sur le plan social également.
Normalement, les sommets entre la France et l'Espagne ont toujours été des sommets positifs qui se sont tenus dans un cadre de grande cordialité, tout au moins en ce qui me concerne depuis que je suis Président du gouvernement. Mais je dois dire que, maintenant, la cordialité est au maximum avec le Président Nicolas SARKOZY. A l'occasion de ce sommet bilatéral, je peux dire il n'y a pas eu de précédent d'autant de cordialité, d'autant d'excellentes relations, d'autant d'ententes et d'autant envie de faire des choses ensemble.
Comme vous le savez, le Président de la République et un Président du gouvernement ont toujours un agenda très dense, beaucoup de sommets auxquels il faut se rendre. Il faut donc faire des efforts. Mais par contre, pour ces sommets entre la France et l'Espagne, eh bien, je crois que nous deux venons toujours avec beaucoup d'entrain, et ces sommets se tiennent dans une ambiance, dans un climat véritablement privilégié.
L'ambiance entre la France et l'Espagne est une ambiance privilégiée, une ambiance qui est toujours encouragée par le Président SARKOZY. Je vous le souligner car le Président SARKOZY sera toujours présent dans ma plus haute considération. Je veux que les Espagnols le sachent, mais également les Français.
De plus, il s'est agi d'un sommet où nous avons pris des décisions, nous avons fixé des objectifs, des décisions, particulièrement par rapport à deux questions qui, pour l'Espagne, revêtent beaucoup d'importance.
La première de ces deux questions : la France a toujours été engagée depuis très, très longtemps dans la lutte contre le terrorisme, contre le terrorisme de l'ETA. La collaboration de la France est vitale. Nous le savons tous et plus particulièrement les forces de l'ordre de notre pays et également de la France.
Aujourd'hui, nous avons franchi un pas de plus que nous avions déjà commencé à franchir lors du sommet qui a eu lieu à Lisbonne entre l'Union européenne et l'Afrique. Nous venons de signer un accord portant sur la constitution des équipes permanentes d'enquête pour la prévention et la poursuite du terrorisme. Cet accord entre l'Espagne et la France vise, de façon plus particulière, le terrorisme de l'ETA.
Cet accord veut dire que la direction générale de la Police en France et la direction générale de la Police et la Garde civile dans notre pays vont avoir une structure permanente de collaboration, vont pouvoir élargir leur effectif et bien entendu nos forces de l'ordre vont pouvoir agir avec le plein soutien, avec toutes les garanties dans ce travail commun sur le territoire français. Bien entendu, les forces de l'ordre françaises pourront agir de même dans notre pays. Il est très difficile qu'entre deux pays souverains, bien qu'unis par le biais de l'Union Européenne, il existe cette capacité d'entente pour arriver à un accord de cette nature pour partager sur le terrain, un terrain qui est délicat, celui de la sécurité. Il est difficile d'arriver à partager des moyens si efficaces et si bien intégrés.
Aujourd'hui, nous avons avancé de façon décisive. Je voudrais encore une fois remercier le Président SARKOZY, et par son truchement la France pour sa collaboration dans la lutte contre le terrorisme. Je voudrais remercier les efforts déployés par la Police pour la poursuite et l'arrestation de deux des trois terroristes qui ont assassiné deux gardes civils espagnols à Cap Breton.
Nous savons que tous les moyens ont été déployés. Nous savons, bien sûr, que les efforts ne seront pas ménagés pour arrêter le troisième terrorisme coupable de ce dommage irréparable causé à deux jeunes gardes civils espagnols.
Deuxième décision, également d'une porté importante : l'interconnection électrique. Je voudrais d'abord remercier Mario MONTI pour son travail, en tant que coordinateur européen, pour donner un élan définitif à l'interconnevtion électrique, qui revêt une très grande importance pour notre approvisionnement électrique, particulièrement pour la Catalogne, pour Gérone et également pour Barcelone.
Aujourd'hui, nous avons pris des décisions qui, en suivant la feuille de route suggérée par Mario MONTI, consiste à créer une entreprise en participation à 50 % entre les deux entreprises homologues en Espagne et en France, qui vont exécuter le projet et qui ont le soutien d'un groupe intergouvernemental pour mener à bien ce projet.
Je peux vous dire que le tracé définitif est précis. Du point de vue des délais et de l'exécution, tout cela sera communiqué avant le 30 juin. C'est un tracé dont l'étude est déjà très avancée. Nous souhaitons compter avec le plus grand soutien possible, bien sûr, tout le dialogue nécessaire aussi avec les collectivités locales des deux pays qui vont se trouver sur le tracé de cette interconnexion électrique. Nous sommes arrivés à un moment décisif pour l'exécution de cette interconnexion électrique qui va multiplier par deux l'interconnexion électrique de l'Espagne. Cela va nous permettre de l'accroître encore davantage à l'avenir.
Une décision et des objectif partagés dans le domaine de l'immigration ont également été actés. Avec trois idées : tout d'abord, il faut construire une grande politique européenne d'immigration par le biais d'un grand pacte. Cette grande politique européenne d'immigration qui, petit à petit, a démarré, au cours des dernières années, va porter le saut franco-espagnol. Elle va avoir l'élan qui va être donné par la France et par l'Espagne.
Deuxièmement : un engagement décisif, décidé par rapport à l'immigration clandestine. L'immigration irrégulière, clandestine n'a pas sa place dans l'espace de l'Union Européenne et dans des pays comme la France et l'Espagne. Nous devons bien sûr travailler ensemble pour lutter contre l'immigration clandestine et pour garantir que le principe selon lequel l'immigration doit se faire dans le respect des lois, doit être lié au travail et aux dispositions en vigueur dans chaque pays, soit garanti. Tout cela doit être respecté scrupuleusement. Ceux qui ne se trouvent pas dans cette situation ne peuvent pas rester dans nos pays respectifs.
Nous avons également convenu de donner un nouvel élan à la collaboration en matière de rapatriement commun. Nous avons déjà une expérience dans ce domaine. Nous sommes absolument décidés à ce que, dans le cadre de cette politique d'immigration, en tant que troisième principe, nous établissions une coopération de plus en plus claire entre la France et l'Espagne pour ce qui est de la politique de co-développement, la politique de rapprochement diplomatique à l'égard des pays qui sont les principaux pays d'origine de cette immigration irrégulière.
Car, bien sûr, l'immigration régulière et légale a sa place. Elle est possible. Mais, pour que le canal approprié pour cette immigration régulière fonctionne, il faut qu'il y ait une politique de développement, de coopération à l'égard des pays particulièrement du nord de l'Afrique, également les pays sub-sahariens.
Et puis, pour ce qui est des objectifs, le Président SARKOZY en a parlé, je vais terminer très rapidement. Le prochain sommet bilatéral entre la France et l'Espagne doit avoir et aura la politique européenne de défense comme thème fondamental et central.
Deuxièmement, nous travaillons en faveur de l'Union pour la Méditerranée. Il s'agit là de l'une des obligations et des dimensions les plus importantes d'une politique européenne, d'une politique pour la France et pour l'Espagne. Bien entendu, nous allons également nous engager par le biais de cette tournée commune en Méditerranée entre les Français et les Espagnols. Bien sûr, nous sommes très reconnaissants car le Président SARKOZY nous a fait part de son intérêt pour que la Présidence Française de l'Union Européenne trouve une sensibilité particulière en Espagne. Bien sûr, nous en sommes reconnaissants et nous pouvons assurer la France de notre soutien constant, solide et tout à fait loyal vis-à-vis de cette Présidence Française de l'Union Européenne lors du semestre commençant le le` juillet. Comme le Président SARKOZY l'a dit, il y aura également un élément important à l'agenda de cette Présidence, à savoir les attentes en matière de croissance, de croissance économique pour la zone de l'euro et des initiatives que nous allons lancer dans ce domaine, qui pourront être concrétisées. Donc, une hospitalité très, très chaleureuse qui nous a été réservée ici, bien sûr, un privilège que d'avoir cette communication si facile, cette sincérité qui préside aux relations entre la France et l'Espagne, un sommet où des décisions exécutives importantes ont été prises, importantes pour l'Espagne, et des objectifs partagés quant à ce qu'est la vision, le regard que nous portons sur l'Europe. Nous voulons une Europe active, dynamique, attentive au monde, particulièrement dans le domaine de l'immigration et bien sûr dans le domaine de l'Union pour la Méditerranée. Je vous remercie.
QUESTION - Vous avez donc énoncé très clairement des positions communes en matière d'immigration. La France a établi du moins pour la politique actuelle l'objectif des expulsions des étrangers sans papier chiffré comme un axe central. Est-ce que l'Espagne donne son soutien aussi à une politique d'immigration axée sur des objectifs chiffrés d'expulsion ?
LE PRESIDENT SARKOZY - Si José Luis me le permet, je préciserai la politique d'immigration française. Ce n'est pas que je ne vous fasse pas confiance, mais après tout, autant que ce soit moi qui l'explique et puis après on demandera à Monsieur Zapatero s'il est d'accord. L'objectif de la politique française, ce n'est pas d'expulser, la France est un état de droit, l'Espagne est un état de droit, la France est une démocratie, l'Espagne est une démocratie. Monsieur, qu'est-ce-que nous disons ? Ceux qui ont des papiers sont les bienvenus en France. Ceux qui n'ont pas de papier seront raccompagnés chez eux. Si on traite de la même façon ceux qui ont des papiers et ceux qui n'en ont pas, pourquoi, Monsieur, faudrait-il prendre la peine de demander des papiers quand on n'en a pas ? Ce n'est pas un objectif d'expulser les gens Monsieur, c'est la réalité d'un état de droit. Pour rentrer dans nos pays, il faut des papiers, quand on n'en a pas on est raccompagné chez soi, premier point.
Deuxième point, nous considérons que l'immigration est notamment l'immigration du travail. C'est nécessaire, plus nécessaire en Espagne qu'en France, mais c'est nécessaire et nous sommes tellement convaincus de cela que nous voulons faire des quotas, des quotas par métiers, des quotas par régions et débattre chaque année du nombre d'étrangers que nous accueillons. Pourquoi Monsieur ? Parce que nous voulons intégrer les étrangers que nous accueillons donc nous réfléchissons avant de les accueillir sur le nombre de ceux que nous pouvons intégrer.
Troisième élément, nous voulons une grande politique de développement parce qu'il y a 450 millions de jeunes Africains qui ont moins de 17 ans et nous partageons cet objectif.
Dernier élément, comme nous avons fait Schengen, nous avons pris l'engagement de nous concerter avant toute décision concernant l'immigration.
Et enfin dernier point, mais qui existe, nous combattrons l'immigration illégale, parce que ne pas combattre l'immigration illégale, c'est être le complice de gens qui exploitent la misère du monde et en font les esclaves des temps modernes et ça, nous ne l'accepterons jamais. Et bien c'est sur cette base là que nous avons construit un accord avec M. ZAPATERO. Et puis un dernier mot, il y a eu des incompréhensions entre nous. On a dû se parler beaucoup pour se comprendre, ce n'est pas un sujet si facile et je comprends parfaitement la position de M. ZAPATERO qui essaye de trouver des solutions, avec 700 000 clandestins et des besoins pour l'économie espagnole. On a pris le temps de s'asseoir autour d'une table et de se parler pour ce comprendre. On a fait quelque chose de rare, s'écouter et se comprendre, et lui-même, je crois pouvoir le dire, a compris la position de la France qui consistait à dire que comme il y a Schengen, ceux que vous acceptez en Espagne c'est comme si on les acceptait en France, et ceux qu'on accepte en France, c'est comme si on les acceptait en Espagne. Ce n'est pas une lubie qui nous est passé par la tête, ce n'est pas un réflexe partisan, on a essayé de raisonner en homme d'Etat face à un des grands problèmes d'aujourd'hui. L'immigration, comment on peut gérer cela ensemble ? Voilà comment nous en sommes arrivés à une position commune après être parti, je l'admets bien volontiers, de présupposés et peut être même de malentendus, qui n'auraient rien apporté à l'Espagne et rien apporté à la France si ça avait continué.
LE PRESIDENT ZAPATERO - Le Président Sarkozy a très bien expliqué les choses, je me limiterai à ajouter deux petites choses. Tout d'abord, nous sommes tout à fait d'accord sur les principes, à savoir comment doit se faire l'immigration. L'immigration doit être régulière, légale, il ne peut en être autrement parce que l'obligation des Présidents et des Gouvernements et bien c'est que les lois soient respectées. Les lois en Espagne, les lois en France disent qu'on ne peut travailler dans nos pays qu'avec la garantie d'un contrat de travail. A partir de là, chaque pays fait tous les efforts possibles pour éviter qu'il y ait des immigrants clandestins et je peux vous assurer que le gouvernement espagnol le fait et a lutté contre l'immigration clandestine. Il a essayé d'éviter l'entrée et, bien sûr, il a essayé d'appliquer également les délais que nous avons pour rapatrier ceux qui essaient de s'établir chez nous de façon irrégulière, d'ailleurs, presque toujours aidés par des mafias qui en tirent profit. Je crois que c'est hier justement que le Ministre de l'Intérieur a parlé d'une réduction de plus de 50 % de l'arrivée des immigrants irréguliers, grâce à des efforts politiques déployés au cours de la dernière année et grâce également à la capacité de renvoi et de rapatriement que nous avons mise en place. Sur ces questions, nous avons toujours travaillé ensemble car, sans aucun doute, c'est un problème que nous partageons.
Deuxième réflexion, le Président a parlé de différentes opinions à l'origine des processus de régularisation. Il est vrai que lorsque j'ai expliqué au Président Sarkozy quelle était la situation que j'avais trouvée, et bien l'évaluation qu'on pouvait faire était différente. Pourquoi ? Parce que chaque pays est confronté à ses propres circonstances. En ce qui concerné l'immigration, la France est un pays qui a une immigration de dizaines d'années, d'un siècle même. L'immigration en Espagne est, par contre un phénomène plus récent qui remonte à peine à une dizaine d'années et la situation est bien différente. Mais nous sommes d'accord sur les principes. Nous sommes d'accord sur les objectifs, et ce qu'il nous faut faire et bien c'est mettre en commun les moyens, les instruments qui sont à notre disposition pour pouvoir appliquer cette politique d'immigration qui comporte, et ça c'est une tâche fondamentale pour les ministres des affaires étrangères, qui comporte à titre prioritaire le regard que nous devons porter sur l'Afrique. Nous nous sommes engagés avec l'Afrique, dans tous les domaines, pour qu'il y ait des flux migratoires réguliers d'abord, légaux, comme nous l'encourageons depuis l'Espagne avec des accords avec des pays de l'Afrique subsaharienne, avec le Maroc, avec l'Algérie. Il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Et puis, bien sûr, aussi il faut toujours être engagé du point de vue politique, diplomatique aussi, à l'égard de tous ces pays. Tous ces pays, leurs peuples souffrent, ils souffrent je le répète, de cette immigration irrégulière, d'abord parce que cela représente pour beaucoup d'entre eux la seule issue, le seul espoir, même si c'est un espoir un peu vague, d'avoir une vie un peu digne et puis deuxièmement parce qu'ils sont exploités par les mafias.
QUESTION - J'ai une question sur l'accord concernant la lutte contre le terrorisme. Des expressions telles que : « individu susceptible de collaborer avec le terrorisme », « actions préventives », ne pensez pas qu'il faudrait un langage un peu différent pour ce genre de document ? Est-ce qu'il ne va pas s'agir d'un pas franchi dans la lutte contre le terrorisme, et dans quel sens alors ? Et une question concrète pour le Président Zapatero, Président, lorsque vous avez su, lorsque vous étiez à la Chambre des Députés, lorsque vous annonciez que vous aviez donné l'ordre pour entamer un dialogue, la bande de terroristes donnait l'ordre de commettre l'attentat contre le terminal 4 de l'aéroport, avez-vous eu le sentiment d'avoir été berné ?
LE PRESIDENT ZAPATERO - L'accord qui a été signé aujourd'hui est un accord fondamental. Il s'agit de prévenir, et le moyen d'éviter plus efficacement des attentats terroristes et des actions violentes, et bien c'est la prévention. La prévention grâce à l'enquête, c'est ce que l'on a toujours fait et je me permets de vous dire ici que j'ai un peu de mal à comprendre la portée de votre question parce cela s'applique tout-à-fait à ce qui est fait dans le cadre de la lutte contre la délinquance et, par conséquent, contre le terrorisme. Ce que nous avons maintenant, heureusement, c'est davantage de coordination permanente entre nos deux polices pour pouvoir protéger au maximum la liberté, la vie, la sécurité et la sûreté des citoyens.
Quant à votre deuxième question, je l'ai dit à plusieurs reprises. L'ETA a mis un terme au cessez-le-feu. L'ETA, avec cette rupture, a perdu deux fois. La première fois parce que PETA a manqué l'occasion qui lui avait été offerte par la démocratie d'arriver à une fin dialoguée sans violence et deuxièmement, l'ETA a perdu parce qu'elle est plus faible aujourd'hui, et je peux vous assurer qu'elle sera de plus en plus faible. L'Etat de droit sera de plus en plus fort et la démocratie sera de plus en plus forte.
Et deuxièmement, PETA a perdu parce qu'elle est plus faible aujourd'hui, et je peux vous assurer qu'elle sera de plus en plus faible. L'Etat de droit sera de plus en plus fort et la démocratie sera de plus en plus forte. Ceux qui vont perdre, qui ont déjà perdu et qui, compte tenu de leur trajectoire, de leur parcours, ont prouvé une fois encore qu'ils sont incapables, quelle que soit la situation, de laisser de côté la violence, les bombes, l'horreur, les armes, et bien ce sont les membres de la bande terroriste ETA. Mais je peux vous assurer que l'État de droit, lui, n'est jamais remis en cause et certainement pas par la bande terroriste ETA. Le Gouvernement démocratique a exploré comme il l'a expliqué à plusieurs reprises la possibilité, l'éventualité d'une fin dialoguée. L'ETA a prouvé que ses intentions étaient bien différentes, peu importe le moment, peu importe qui a pris la décision et je peux vous assurer que les conséquences vont être évidentes pour le destin de cette bande de terroristes.
LE PRESIDENT SARKOZY - J'ai félicité Michèle ALLIOT-MARIE et la Police française du travail qui a été fait, je l'ai dit au Président ZAPATERO, ces deux jeunes policiers espagnols assassinés sur le territoire de la République française, c'est inacceptable. Et pour nous, ce n'était pas des Espagnols, nous avons agi comme s'ils étaient des Français. Et croyez le bien, les instructions qui ont été données à la police française, elles auront été exactement les mêmes s'agissant d'Espagnols que de Français. Ce sont des êtres humains qui faisaient leur devoir, qui faisaient leur travail qui ont été assassinés, et ceux qui ont fait cela auront à rendre des comptes. Deux des assassins présumés ont été retrouvés, et on va se donner beaucoup de mal pour retrouver le troisième. Et on n'assassinera pas impunément sur le territoire de la République française des fonctionnaires, des policiers ou des militaires d'un Etat démocratique qui s'appelle l'Espagne. Alors, je ne sais pas si vous avez été choqués par le mot que nous avons utilisé dans notre déclaration, moi, ce qui m'a choqué c'est que l'on puisse assassiner de sang-froid, deux jeunes gens. Voilà quel est le parti de la France. C'est une bande d'assassins, une bande d'assassins on ne les laisse pas agir, ni en France, ni ailleurs. Et l'Espagne a payé un suffisamment lourd tribut, le plus lourd d'Europe, au terrorisme. Pour que l'Espagne puisse compter sur le soutien de la France, quel que soit, José-Luis le sait, le Gouvernement espagnol. Ce n'est pas une affaire de politique c'est une affaire d'État, au sens d'État démocratique.
QUESTION - Bonjour, une question sur un dossier économique, le conflit entre SACYRE VALLEHERMOSO et EIFFAGE. Votre conseiller économique, Monsieur ZAPATERO, disait ce matin dans la colonne des Echos, qu'il troublait les relations franco-espagnoles. Je voulais savoir si vous aviez abordé cette question ce matin et surtout si vous aviez avancé sur la voie d'une solution qui satisfasse les deux entreprises et qui soit susceptible de ne pas être remise en cause par la justice dans quelques semaines ?
Le PRESIDENT ZAPATERO - Tout d'abord, je dois vous dire que cela ne trouble pas du tout les relations entre la France et l'Espagne. Deuxièmement c'est une question d'entreprise, il s'agit d'entreprises : une entreprise espagnole et une entreprise française, et dans la mesure où les gouvernements pourraient contribuer à trouver une solution, bien sûr ils s'efforceront de le faire. Mais c'est une question essentiellement d'entreprise, qui ne touche pas du tout les relations brillantes, excellentes entre la France et l'Espagne.
Le PRESIDENT SARKOZY - S'il y a une affaire qui n'est pas franco-espagnole, c'est bien celle-ci. A ma connaissance SACYRE ce n'est pas l'État espagnol et EIFFAGE ce n'est pas l'État français. A ma connaissance également, la position de l'autorité de régulation des marchés, s'agissant de l'OPA que devrait « déclencher » SACYRE, ce n'est pas une décision de l'État français. L'État français ne refuse en rien les investissements espagnols, et l'État espagnol ne refuse en rien des investissements français. Ce sont des affaires privées, la seule chose que nous pouvons souhaiter, nos deux gouvernements, c'est qu'une solution amicale soit trouvée le plus rapidement possible. Et si on peut aider, tant mieux, mais alors croyez bien que ce n'est en rien du protectionnisme ni du côté français ni du côté espagnol. En rien.
QUESTION - Bonjour, une question pour les deux Présidents. Avez-vous fait une conjecture, en quelque sorte, pour que l'on connaisse avant le 30 juin, le tracé de la ligne à haute tension, puisqu'il va y avoir des élections municipales en France et des élections générales en Espagne ? Est-ce qu'on peut s'attendre à un nouveau retard en fonction des résultats de ces élections ? Et puis, une question concrète pour le Président ZAPATERO, le Maire de Barcelone vous a demandé de faire un appel d'offre pour les travaux du train à grande vitesse à la Segrera, allez-vous faire ceci avant la fin de la législature, puisque tous les rapports sont prêts, il ne manque que votre ordre en quelque sorte ?
Le PRESIDENT ZAPATERO - Merci beaucoup, l'accord portant sur l'interconnexion électrique engage à ce que le 30 juin on connaisse le tracé et ce que représente toute la planification du chantier. Je vous ai dit tout à l'heure que le projet de tracé est très avancé, que nous allons mettre à profit les bons conseils et les bons offices de Mario MONTI pour avoir le plus grand soutien possible au niveau des différentes communes au plan local en France et en Espagne. Mais le 30 juin, l'on connaîtra le tracé et bien sûr, nous souhaitons et nous voulons absolument que les travaux soient réalisés le plus tôt possible, indépendamment de l'issue des élections, parce qu'il y a presque toujours des élections. Si ce ne sont pas des municipales, ce sont des générales dans un autre pays, des élections régionales ou autonomiques, nous ne pouvons pas être au dépend des élections. Oui, le projet va faire l'objet d'une adjudication bien sûr, lorsque nous aurons la possibilité de le faire, dès lors que toutes les conditions auront été fixées, ma volonté est que ce soit le plus tôt possible. Ce n'est pas une conjuration, c'est une mobilisation, nous n'avons pas comploté, nous l'avons voulue. Je voudrais dire d'ailleurs à nos amis, à nos compatriotes dont les régions sont traversées que c'est, à ma connaissance, une des premières fois que l'on décide un tel programme d'enfouissement. Ce n'est pas rien. Cela coûte, grosso modo, 50 % de plus. Et comment avons-nous trouvé la solution ? C'est parce que nous avons créé une société à 50-50 avec les Espagnols et que nous avons décidé de partager les coûts et de partager les bénéfices à l'arrivée. Mais oui, la conjuration, c'était plutôt pour ne rien faire. Et de ce côté, si nous ne nous étions pas donné du mal, rassurez-vous, rien ne se serait passé. Nous nous sommes même donné beaucoup de mal et puis, il faut que cela aboutisse. Voilà. C'est une volonté. L'Espagne est à l'extrême sud de l'Europe, elle a besoin d'énergie et il y a les Pyrénées, il faut bien les traverser. Et bien, c'est cela une politique européenne de l'énergie, les mêmes réseaux de distribution, les mêmes besoins, la même ambition, c'est cela l'Europe. On ne va quand même pas nous reprocher de faire l'Europe de l'énergie entre les Espagnols et les Français avant les autres. C'est bien cela qu'il faut faire et c'est cela qui montrera que l'Europe est utile pour la vie quotidienne des gens.
OUESTION - M. le Président, M. le Premier ministre, ma question porte sur les vols collectifs pour les rapatriements des sans-papiers. Je voulais simplement savoir, de votre part à tous les deux, avoir une clarification sur la logistique. Comment fait-on des vols groupés ou des vols collectifs pour rapatrier les immigrants illégaux et sans-papiers ?
LE PRESIDENT ZAPATERO - L'Espagne mène à bien un travail continu de rapatriement de personnes qui essaient de s'établir dans notre pays de façon irrégulière. Différents ministères s'attellent à cette tâche. J'ai affirmé, tout à l'heure, qu'il y a déjà eu des vols collectifs ou groupés, coordonnés entre l'Espagne et la France, pour le rapatriement d'immigrants clandestins. Il y a en eu 6. Je suppose que la logistique, c'est, bien sûr, envisager différentes alternatives de vols, prévoir différentes escales et assumer une responsabilité partagée en ce qui concerne la sécurité, l'itinéraire, le trajet. Ce sont des aspects éminemment techniques, bien sûr. La dimension politique, c'est simplement d'agir ensemble, veillant à ce que le rapatriement de tous ces immigrants se fasse sur la base de dossiers individuels, et que cela puisse se faire de façon groupée en ce qui concerne les vols.
LE PRESIDENT SARKOZY - Je suis d'accord et c'est plutôt rassurant, me semble-t-il pour les journalistes que vous êtes ou les observateurs que vous êtes, que sur une question aussi sensible, aussi humaine, aussi difficile, que l'immigration, des hommes d'Etat de sensibilité politique différente et de pays différents raisonnent, non pas en fonction d'intérêts partisans, mais en fonction de leur devoir vis-à-vis de ces êtres humains scandaleusement exploités et vis-à-vis des obligations qui sont les nôtres par rapport à l'Etat de droit. Et plutôt que de s'en inquiéter, on devrait s'en féliciter. Que l'on soit capable de se hisser au-dessus de nos intérêts partisans pour penser à l'horizon de 20 ans à un sujet aussi structurel, capable de se comprendre, de s'entendre et de travailler ensemble. Cela me semble plus positif que de se reprocher, les uns et les autres, l'attitude qu'a pu avoir chacun de nos pays à des périodes différentes de leur histoire. Donc, cela est vrai, nous travaillons ensemble, cela devrait rassurer tous les démocrates et je suis sûr qu'il y en a beaucoup dans cette salle. Ecoutez, nous avons un calendrier très chargé, M. ZAPATERO et moi, nous devons aller déjeuner.
QUESTION - Sur les OGM, hier, la Haute autorité sur les OGM a rendu un avis négatif sur le Monsanto 810. Allez-vous décider que la France joue la clause de sauvegarde de l'Union européenne, pour interdire la culture de ce maïs en France ?
LE PRESIDENT SARKOZY - C'est le Sommet franco-espagnol. Donc juste une réponse. M. le Premier ministre et moi-même, nous avons déjà commencé à travailler, on peut le dire, tard hier soir sur cette question. J'ai tenu, dans ma conférence de presse, des propos extrêmement précis et nous aurons l'occasion d'annoncer une décision dans les tous prochains jours.Je remercie chacun d'entre vous et notamment les journalistes espagnols qui ont fait le déplacement à moins qu'ils ne soient correspondants mais on les remercie quand même.