9 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la mise en oeuvre de réformes, notamment en matière d'institutions et de pouvoir d'achat, à Paris le 9 janvier 2008.

Messieurs les Présidents des Assemblées,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Maire de Paris,
Mesdames et Messieurs les Conseillers de Paris,
Je suis heureux de pouvoir vous présenter mes voeux pour cette nouvelle année. Ce sont d'abord des voeux pour chacun d'entre vous, pour vos familles, pour vos proches. Ce sont aussi des voeux aux institutions que tous ensemble vous incarnez.
Je souhaite que cette année 2008 marque le début d'une ère de renouveau pour nos assemblées.
Je souhaite, qu'unissant nos efforts, nous fassions de notre démocratie une démocratie irréprochable.
Aux députés et aux sénateurs, je veux dire d'abord merci pour l'énorme tâche qu'ils ont accomplie depuis les élections législatives.
L'urgence des problèmes à résoudre et l'attente des Français qui s'est exprimée lors de l'élection présidentielle, ont imposé au gouvernement et au parlement un rythme de travail très exigeant. Ce rythme n'est hélas pas prêt de se ralentir en 2008.
Les Français m'ont élu et ils vous ont élus pour que les choses changent, pour qu'elles changent en profondeur et pour qu'elles changent vite. Alors si nous voulons les uns et les autres être fidèles à nos engagements, nous n'avons pas le choix, nous ne pouvons pas perdre de temps, nous sommes obligés d'aller vite, nous sommes obligés d'entreprendre beaucoup de réformes simultanément. Si nous ne le faisions pas, rien ne bougerait, car dans notre société tout se tient et l'on ne peut sortir du statu quo qu'en créant une dynamique nouvelle où tous les changements s'entraînent les uns les autres.
Il faut ouvrir le plus grand nombre de chantiers en même temps si l'on veut avoir une chance de réussir à remettre notre société en mouvement, à remettre partout dans la société de la vie, du dynamisme, de la créativité et si nous voulons changer notre modèle de développement en valorisant la qualité et plus seulement la quantité.
On me dit parfois d'attendre. Mais attendre quoi ? N'a-t-on pas assez attendu depuis si longtemps ? Ce n'est pas en prenant notre temps mais au contraire en agissant partout et tout de suite que nous créerons les conditions pour que s'accomplissent les révolutions culturelles, sociales, économiques, éducatives dont notre pays a besoin pour relever les défis de la modernité pour se projeter dans le XXIe siècle.
Alors oui, nous avons tous eu beaucoup de travail au cours des derniers mois et nous allons tous en avoir beaucoup dans les mois qui viennent. Mais si nous parvenons à accomplir ce que les Français attendent de nous, nous pourrons être fiers.
Et quand je dis « nous », je ne veux pas parler seulement de ceux qui partagent mes convictions depuis toujours, je ne parle pas seulement de la majorité qui a été élue pour mettre en oeuvre le projet sur lequel je me suis engagé tout au long de la campagne et pour lequel les Français m'ont accordé leur confiance.
Quand je dis « nous », je veux dire toute la classe politique, y compris ceux parmi vous qui ont d'autres idées, ceux qui parmi vous se rangent dans l'opposition. Car le problème n'est pas que nous soyons tous d'accord, le problème n'est pas que nous n'ayons pas de débat, pas de confrontation, pas de polémique, le problème c'est que le débat soit digne, la confrontation utile, la polémique respectueuse de la vérité et des personnes.
Car pour moi, la politique dans la démocratie, ce n'est pas la guerre, ce n'est pas le sectarisme, ce n'est pas l'invective, ce n'est pas l'attaque personnelle, ce n'est pas la haine de celui qui n'est pas d'accord, c'est l'amour des gens et l'amour de son pays.
Nous avons tous à répondre à une exigence morale, celle de donner le sentiment aux Français que nous travaillons, que nous débattons, que nous nous opposons ou que nous nous accordons non pour des raisons d'intérêt personnel ou d'intérêt partisan mais parce que nous cherchons tous la meilleure façon de résoudre leurs problèmes, de répondre à leurs attentes, de contribuer à les rendre plus heureux.
S'occuper des Français et non de nous, offrir une image digne de la politique, tel est notre devoir à tous.
C'est pourquoi je veux que l'opposition ait des droits, c'est pourquoi je veux sortir les nominations du système des connivences, c'est pourquoi je veux que le Parlement ait une meilleure maîtrise de son ordre du jour. La rénovation de nos institutions, elle est nécessaire. Elle doit être ambitieuse. Là comme ailleurs, les Français ne nous reprocherons pas d'être trop ambitieux dans le changement mais plutôt de ne pas l'être assez.
Je veux aussi continuer l'ouverture parce que je veux que la tolérance, l'ouverture d'esprit deviennent les valeurs cardinales de notre démocratie. Il ne s'agit pas de débauchage, il ne s'agit pas de je ne sais quelles combinaisons d'appareils. Il s'agit de s'ouvrir à tous ceux qui veulent servir leur pays sans se renier, sans renoncer à leurs engagements, à leurs convictions.
C'est en sachant nous écouter les uns, les autres, en sachant nous ouvrir aux idées des autres que nous parviendrons le mieux à réconcilier les Français avec la politique et avec la démocratie.
La première règle me semble-t-il, c'est de respecter ceux qui ont accepté de jouer le jeu de l'ouverture et ne pas mettre en doute la sincérité et la noblesse de leurs sentiments.
La deuxième règle, c'est que l'on s'efforce de débattre des idées et des propositions de l'autre sans les caricaturer délibérément.
Je ne crois pas exemple qu'il soit de bonne politique pour quiconque de prétendre que le gouvernement veut supprimer la durée légale du travail alors que c'est totalement faux.
Oui, en 2008, je veux que l'on aille plus loin dans la réforme des 35 heures. Je veux qu'on libère les entreprises du carcan des règles qui freinent ou empêchent le recours aux heures supplémentaires. Je veux que l'on déplafonne le recours aux heures supplémentaires qui empêchent ceux qui veulent travailler plus de le faire. Mais il n'est dans l'intention de personne de supprimer la durée légale du travail qui est le point de départ du calcul des heures supplémentaires et à laquelle aucune entreprise ne doit pouvoir déroger sauf dans le cas où un accord majoritaire garantit l'amélioration de la situation des salariés. Il ne s'agit pas de diminuer le nombre des heures supplémentaires mais de l'augmenter. Il n'est pas non plus dans l'intention du gouvernement de revenir sur le dispositif d'exonération des heures supplémentaires qui commence à produire tous ses effets.
A la suite de la réunion sur l'agenda social que j'ai tenue le 19 décembre dernier avec l'ensemble des partenaires sociaux, le Premier ministre a saisi du sujet les organisations patronales et syndicales en mettant toutes les options sur la table afin de ne pas brider le dialogue social. Mais notre intention est claire : oui à plus d'heures supplémentaires, non à ce qui en limite le nombre, et pas de remise en cause du principe de la durée légale. Fin mars, nous examinerons l'accord des partenaires sociaux s'il est conclu, ou à défaut leurs positions respectives et nous soumettrons, après concertation, un projet de loi au Parlement.
Voilà la vérité. On peut être en désaccord avec cette politique. Mais pour exprimer ce désaccord, on n'est pas obligé de caricaturer. On n'est pas obligé de mentir.
Un deuxième exemple me vient à l'esprit qui est celui du pouvoir d'achat. On peut être en désaccord avec nos propositions. On peut les critiquer. On peut les combattre. On peut les trouver insuffisantes, mais prétendre que je me désintéresse du pouvoir d'achat et que je n'en ai pas dis un mot dans ma conférence de presse d'hier est un mensonge qui abaisse le débat politique sans servir en rien ceux qui s'y laissent aller.
Les 35 heures ont évidemment un rapport avec le pouvoir d'achat puisqu'elles ont freiné l'augmentation des salaires.
J'ai proposé par ailleurs une véritable révolution de la participation et de l'intéressement. L'objectif de les étendre à toutes les entreprises, de laisser la liberté du choix pour le salarié entre l'intéressement qui est distribué tout de suite et la participation qui reste bloquée plusieurs années dans l'entreprise, et surtout j'ai proposé le doublement voire le triplement de la réserve de participation. C'est une mesure forte en faveur du pouvoir d'achat des salariés.
Dire que le partage des profits cela n'a rien à voir avec le pouvoir d'achat, dire qu'une révolution aussi profonde que celle que j'ai proposée en matière de partage des résultats ce n'est pas important pour le pouvoir d'achat, c'est se moquer du monde. Qui peut croire que cela fait grandir la politique aux yeux des Français ? Il faut être bien peu sûr de ses propres convictions pour se laisser aller à se comporter de la sorte.
Mon voeu pour 2008 c'est que nos institutions soient rénovées pour s'adapter aux réalités d'aujourd'hui et pour que le Parlement puisse jouer plus pleinement son rôle. Il vous appartiendra le moment venu, Mesdames et Messieurs les Sénateurs et les Députés, de vous prononcer en toute conscience, loin des tactiques partisanes sur la réforme de notre Constitution au nom de l'idée que chacun d'entre vous se fait d'une démocratie irréprochable.
Il vous appartiendra aussi de faire que les lois soient les meilleures possibles dans le respect du choix que les Français ont fait en 2007.
Il vous appartiendra de contrôler au mieux l'action du gouvernement et de l'administration.
La réhabilitation du rôle du Parlement sera cette année plus que jamais entre vos mains.
Je forme le voeu qu'il en soit de cette réhabilitation comme il en fut il y a quelques années de la réforme de notre procédure budgétaire : l'oeuvre de tous, parce que la démocratie et la République sont les biens de tous au-delà des idéologies et des partis.
Aux parlementaires européens, je veux dire qu'eux aussi ont une lourde responsabilité qui pèse sur leurs épaules en cette année de Présidence française de l'Europe.
En 2007 la France a joué un rôle décisif dans le déblocage de l'Union paralysée par les « non » néerlandais et français. Le Traité simplifié était une proposition française et la France n'a pas ménagé ses efforts pour qu'il soit adopté.
Je forme le voeu qu'en 2008 la Présidence française contribue à donner un contenu au cadre institutionnel de l'Union enfin rénové par le Traité simplifié.
Mon voeu le plus cher pour l'Europe est que lorsque la Présidence française s'achèvera, l'Union européenne soit dotée d'une politique commune de la défense, d'une politique commune de l'immigration, d'une politique commune de l'énergie et d'une politique commune de l'environnement. Là encore, je crois, les enjeux dépassent les clivages habituels.
Il faut que nous travaillions tous ensemble pour faire avancer l'Europe, car l'Europe ce n'est pas le problème de la droite ou le problème de la gauche, c'est le problème de tous les Français. Elle ne doit pas être un motif d'affrontements partisans, pas plus que l'Union pour la Méditerranée qui est un grand projet de civilisation qui va bien au-delà de nos petites querelles de politique politicienne.
Le 13 juillet, nous organiserons à Paris le premier sommet des pays méditerranéens. Le 14, nous tiendrons un sommet commun entre les pays riverains de la Méditerranée et les pays membres de l'Union européenne. Il faut que ce rendez-vous mobilise toutes les forces politiques, économiques, sociales, culturelles de notre pays, car notre avenir se joue là, dans ce monde méditerranéen déchiré par tant de drames, meurtri par tant de tragédies mais dont la mémoire reste marquée par un très vieux rêve d'unité.
Vous aurez au Parlement européen à porter ce projet d'Union pour la Méditerranée, à le faire comprendre, à le faire accepter.
Aux membres du Conseil de Paris, je veux dire que leur tâche n'est pas moins importante. Certes, il y a cette année les élections municipales, mais au-delà, il y a l'avenir de notre capitale.
Je forme le voeu que 2008 soit l'année de l'ouverture du chantier du grand Paris qui concernera toute l'agglomération francilienne. Vous en serez naturellement partie prenante.
Monsieur le Maire de Paris, rien ne se fera sans vous, rien ne se fera contre Paris, contre ses élus. Je souhaite au contraire que ce chantier, le plus ambitieux depuis Haussmann puisqu'il s'agit de dessiner la ville du XXIe siècle, soit le chantier de tous, qu'il soit exemplaire d'une réflexion partagée, d'une créativité collective, d'une action commune.
Mais je ferai tout pour que ce projet avance, pour qu'il ne s'enlise pas dans les rivalités, dans les querelles, qu'il ne soit pas paralysé par tous les obstacles qui se dressent toujours devant tous les grands projets novateurs qui bousculent les routines, les habitudes de pensée, les rentes de situation.
Je veux que ce soit l'occasion pour la France de revenir au premier rang mondial en matière d'architecture, d'urbanisme, de qualité de la vie. Je veux que ce soit l'occasion pour la France de montrer l'exemple d'une politique de la ville durable. Là encore, ce n'est pas un problème de droite ou de gauche, ce n'est pas un problème politique, c'est un problème de civilisation.
Voilà, vous l'avez compris, je souhaite qu'en 2008, les Français se remettent à éprouver du respect pour la politique et pour ceux qui la font.
Je souhaite qu'en 2008, nous arrivions tous ensemble à les convaincre que la politique est quelque chose de grand et de noble, que c'est un engagement qui appelle beaucoup de convictions, de travail, de sacrifices, de don de soi.Je souhaite que nous puissions leur montrer que notre démocratie est une démocratie apaisée dans laquelle au-delà de nos désaccords, de nos oppositions, nous sommes capables de travailler ensemble dans l'intérêt de tous et que nous ne sommes tous animés que par une seule pensée, celle de l'intérêt général.