8 janvier 2008 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration et conférence de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les réformes nécessaires à la mise en oeuvre d'une "politique de civilisation", annonçant notamment un nouveau chapitre au préambule de la Constitution, un nouveau mode de calcul de la croissance ainsi qu'une réforme du financement de l'audiovisuel public, et décrivant sa politique étrangère comme une « diplomatie de la réconciliation », à Paris le 8 janvier 2008.

Mesdames et messieurs, le soir du 31 décembre, en présentant mes voeux aux Français je leur ai dit mon intention de mettre en oeuvre une politique de civilisation pour que la France soit l'âme de la nouvelle renaissance dont le monde a besoin. Je sais que cette politique de civilisation a suscité chez un grand nombre d'entre vous nombre d'interrogations, et je suis heureux que cette rencontre me donne l'occasion d'y répondre, car il ne s'agit pas pour moi d'une formule de circonstance mais d'une conviction profonde et d'un engagement fort. Cette conviction, je l'ai d'ailleurs exprimée durant la campagne présidentielle, et cet engagement je l'ai pris devant les Français et j'ai bien l'intention de le tenir. J'ai été élu en promettant un changement en profondeur, j'ai été élu en promettant une véritable rupture avec les habitudes de pensées, avec les comportements, avec les idées du passé, qui ont conduit notre pays dans la situation où il se trouve. J'ai été élu au terme d'une campagne dans laquelle les valeurs ont tenu une place centrale alors que depuis des décennies il n'était quasiment plus possible d'évoquer les valeurs dans le débat politique. Dans cette campagne j'ai parlé de la vie, de la morale, de l'autorité, de l'identité, de la culture, de l'intégration, du civisme, mais j'ai aussi parlé de l'amour, de l'ouverture aux autres, de l'humanisme. J'ai parlé du respect, du respect de soi, du respect des autres, du respect de la différence et j'ai parlé de la diversité. J'ai parlé de ce que nous voulons transmettre à nos enfants, j'ai dit la nécessité de leur faire aimer ce qui est grand, ce qui est beau. J'ai voulu remettre l'homme au coeur de la politique.
Alors si la politique n'exprime pas l'idée que nous nous faisons de l'homme, de sa liberté, de sa responsabilité, de sa dignité, qu'exprime-t-elle donc, la politique ? Et comment peut-elle changer le monde, comment peut-elle le rendre meilleur, comment peut-elle contribuer à rendre les hommes un peu plus heureux et leur vie un peu moins dure ? Comment la politique peut-elle faire qu'il y ait un peu moins de violence, un peu moins d'injustice, un peu moins de misère, un peu moins de souffrances, si la politique n'est pas animée par le souci, constant, d'un idéal humain ? Pendant la campagne présidentielle, c'est bien cette question de l'idéal humain qui a été posée par la plupart des candidats, chacun à leur manière. Et si les choses se sont déroulées ainsi, c'est parce que les Français aspiraient à ce que le débat politique change profondément de nature, c'est parce que les Français estimaient que la politique n'allait plus suffisamment au fond des choses, et qu'au fond la politique ne disait plus rien sur l'essentiel, tout sur la technique, tout sur le quantitatif, rien sur l'essentiel. La défiance des Français vis-à-vis de la politique, qui s'était accrue au fil du temps, au point de miner notre démocratie, n'était au fond pas due à autre chose qu'à ce sentiment que la politique était devenue impuissante. Et pourquoi était-elle devenue impuissante ? Pour une raison simple, c'est que la politique ne remontait jamais aux causes réelles des problèmes, puisqu'elle se cantonnait à la gestion et aux conséquences des problèmes. Elle ne s'intéressait pas à ce qui détermine la vie des gens, le sentiment de leur accomplissement personnel.
La politique de civilisation, c'est la politique de la vie, Edgar MORIN a dit que c'était une politique de l'homme. La politique de civilisation c'est la politique qui est nécessaire quand il faut reconstruire des repères, des normes, des règles, des critères. Ce n'est pas la première fois que cette nécessité s'impose dans notre pays. La nécessité de reconstruire des règles, des repères, des normes, s'est imposée dans notre pays à chaque fois qu'un grand choc politique, économique, technologique, scientifique, est venu ébranler les certitudes intellectuelles, morales, les institutions, les modes de vie, et Dieu sait que des certitudes, il y en avait. Ce fut le cas avec la Renaissance, où tout d'un coup, dans un pays miné, les gens se sont dit, eh bien c'est possible. Ce fut le cas à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème avec les Lumières, ce fut le cas avec la révolution industrielle à la fin du XIXème et au début du XXème, ce fut encore le cas dans l'immédiat après-guerre, après la grande crise de civilisation des années 30 et 40. La déclaration des droits de l'homme, qu'est-ce que c'est, si ce n'est le fruit d'une politique de civilisation ? L'école de FERRY, c'est une politique de civilisation. La laïcité, ce fut le fruit d'une politique de civilisation. La Sécurité sociale, le droit du travail, le service public, ce furent les fruits d'une politique de civilisation. A chaque époque les réponses sont différentes, mais le défi est toujours le même : comment réconcilier l'ordre et le mouvement, comment réconcilier l'identité qu'on doit défendre, et la modernité qu'on doit épouser ? Comment aider le monde nouveau à naître et à s'organiser quand l'ancien n'a pas encore fini de se désagréger ? Comment réhumaniser la société ? Comment permettre à l'homme de reprendre le dessus ? Comment mettre le changement, indispensable, au service de cet homme, et comment s'approprier les nouveaux savoirs ? Ce sont des questions éternelles, auxquelles il convient que nous répondions aujourd'hui. Alors aujourd'hui, il nous faut reconstruire notre rapport au temps et à l'espace, notre rapport aux autres et à nous-mêmes, bouleversés par la globalisation, bouleversés par la technique, bouleversés par la science. Nous avons à combattre les dérapages et les excès de notre propre civilisation, dont les principes, les valeurs, les institutions, ne suffisent plus à répondre aux besoins que notre propre civilisation a engendrés. Voici, à mon sens, les questions essentielles. Edgar MORIN, encore lui, a dit que les impératifs aujourd'hui d'une politique de civilisation sont le ressourcement identitaire - savoir qui nous sommes - ce n'est pas anecdotique de réfléchir à qui nous sommes. La moralisation, la solidarité, la convivialité, qu'il oppose aux maux de notre temps, qu'il définit comme l'isolement, le cloisonnement, l'anonymat, la dégradation de la qualité de vie, l'irresponsabilité, ces objectifs je les fais miens. Après des décennies de réformes différées, de réformes manquées, après des décennies de pensée unique qu'il aurait été si confortable de continuer, de conservatisme, de chômage de masse, de relâchement dans le lien social, de recul de la promotion sociale, de stagnation des salaires, de dévalorisation du travail, de déficits et d'endettements, l'urgence est partout, et je m'étonne qu'on puisse se demander si on va trop vite, alors que j'ai tellement conscience de l'impatience des Français. D'ailleurs, les mêmes, qui nous demandent un bilan tout de suite et des résultats tout de suite, sont les mêmes qui nous décrivent comme trop pressés et trop impatients. Il faut savoir. Les Français n'en peuvent plus d'attendre, eh bien c'est avec François FILLON et son gouvernement, avec la majorité, que nous nous efforçons de répondre à cette urgence. Alors, dans la période où nous sommes, si on ne veut plus avoir le sentiment de subir, si on veut en finir avec une société, et c'est grave, où les enfants ont le sentiment qu'ils vont vivre moins bien que leurs parents, ce qui est très exactement le contraire du progrès, et ce qui est nouveau car ce n'est sans doute jamais arrivé dans notre pays, alors il faut inscrire la politique dans la longue durée et dans le profondeur d'un projet de civilisation. C'est ce que je souhaite faire en 2008, non pas pour m'éloigner des problèmes de la vie quotidienne ou pour faire oublier les difficultés qui assaillent les français, qui seraient tellement compliqués à résoudre, mais au contraire je veux y revenir, mais je veux y revenir en nous donnant des chances de gagner, pas en faisant comme les autres, pour échouer, parce que c'est quand même ça. Si les autres ont échoué ce n'est pas parce qu'ils étaient plus mauvais, c'est parce que la stratégie n'était pas la bonne, et nous voulons épouser une autre stratégie, portée par un projet de civilisation, justement parce que nous voulons réussir. Alors, bien sûr, c'est l'environnement, la santé, l'urbanisme, l'architecture, l'école, la protection sociale, la revalorisation du travail, mais regardez, croyons-nous que la maladie d'Alzheimer, la dépendance, la dépression, le malaise des banlieues, l'intégration ou le chômage des jeunes, ne sont pas des problèmes posés à notre civilisation, qui exigent autre chose, pour être résolus, que quelques mesures de gestion ou quelques crédits supplémentaires ? Qui peut penser que si on met 3% de plus ici on va résoudre ces problèmes ? Qui osera le dire comme ça aux Français ? Alors que ça fait 30 ans qu'on fait comme ça, et que ça ne marche pas. Et qui peut me demander de conduire avec le gouvernement de François FILLON la même politique ? « Monsieur le Président, encore quelques crédits supplémentaires », mais pour quels résultats ? Aussi peu que les autres ? Les autres n'ont pas échoué parce qu'ils étaient de gauche ou parce qu'ils étaient de droite, parce qu'ils n'avaient pas de talent, car ils avaient du talent, ils avaient des convictions, et ça n'a pas marché. J'ai été élu pour que ça marche, donc il ne faut pas m'en vouloir de vouloir une autre stratégie, parce que j'essaye, avec cela, de nous donner des marges qui n'existaient pas pour les autres. Alors, croyons-nous que la révolution numérique, ou celle des biotechnologies, n'appelle pas à une transformation de la civilisation ? Croyons-nous que la civilisation peut sortir indemne des dérives du capitalisme financier, ou du réchauffement climatique ? Et qui ne voit que la culture commune ou la morale partagée qui nous permet de nous parler, de nous comprendre, voire, mesdames et messieurs, de nous supporter, ce sont des valeurs de civilisation, qui conditionnent notre vie quotidienne ? Qui ne voit qu'à la violence, l'insécurité, la peur de l'autre, qui engendre le rejet, l'exclusion, le repli sur soi, nous devons opposer la politesse, qui est une forme de respect, l'autorité, qui est l'expression d'une légitimité, l'éducation, qui socialise et qui émancipe ? Qui ne comprend que pour retrouver la foi dans l'avenir, pour retrouver le goût de vivre ensemble, pour créer du mieux être et du mieux vivre, et même pour augmenter le pouvoir d'achat, pour réduire le chômage et la précarité, il ne nous faut pas seulement gérer mieux, mais d'abord changer nos façons de produire, de travailler, d'apprendre et de vivre, c'est le coeur d'un projet de civilisation, sinon on n'y arrivera pas.
En 2008 cette politique de civilisation, elle s'exprimera d'abord dans la volonté de faire de notre démocratie une démocratie irréprochable, grâce à la réforme de nos institutions, que je souhaite ambitieuse, inspirée qu'elle est par les travaux de la commission présidée par Édouard BALLADUR. Il faut cesser de parler d'un meilleur équilibre des pouvoirs et décider de revaloriser le rôle du Parlement. Le rôle du Parlement, il sera revalorisé par les initiatives très importantes que nous prendrons sur l'ordre du jour - on n'a jamais vu un Parlement qui gagne de l'autonomie et du pouvoir sans pouvoir maîtriser une large part de son ordre du jour - et en donnant aux citoyens des libertés nouvelles. Mais s'en tenir à la seule modernisation des règles et des procédures ne sera pas suffisant. Il me semble que le moment est venu d'ajouter aux droits fondamentaux qui forment le socle de notre République les nouveaux droits que notre époque appelle. Après la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, après le préambule de 1946 sur les droits sociaux, auxquels il ne faut pas toucher, parce que ce sont des grands textes universels, je souhaite que le préambule de notre constitution soit complété pour garantir l'égalité de l'homme et de la femme, pour assurer le respect de la diversité, et ses moyens, pour rendre possibles de véritables politiques d'intégration, pour répondre au défi de la bioéthique. J'ai demandé à madame Simone VEIL, dont tout le monde connait la hauteur de vue, de présider la commission qui soit chargée de rédiger un projet de texte. Elle l'a accepté, je lui en suis infiniment reconnaissant, car nul n'était plus qualifié qu'elle pour accomplir une tâche aussi délicate et aussi fondamentale. Il s'agit que sur les problèmes philosophiques, moraux, éthiques, posés par la modernité, notre constitution soit en avance sur notre temps et non pas en retard, et comme ce fut si souvent le cas jadis, que la France, patrie des droits de l'homme, montre la voie à tous les hommes, et peut-être que depuis 60 ans il s'est passé suffisamment de choses pour qu'on écrive ces nouveaux droits et ces nouvelles questions.
C'est avec la même volonté de mettre en oeuvre une politique de civilisation que je souhaite engager une réflexion sur les moyens d'échapper à une approche trop quantitative, trop comptable, de la mesure de nos performances collectives, car si nous restons prisonniers de la vision restrictive du PNB, nous ne pouvons pas espérer changer nos comportements et nos façons de penser. Si les critères, si les indicateurs, de la richesse, restent les mêmes, comment allons-nous changer notre façon de produire et notre façon de réfléchir ? Pour tout changer nous avons besoins d'abord de changer nos critères de jugement, nous avons besoin de prendre en compte la qualité et pas seulement la quantité. Si nous voulons favoriser un autre type de croissance, il faut changer notre instrument de mesure de la croissance. Là encore, la France veut donner l'exemple, en prenant l'initiative de réunir un groupe d'experts internationaux de très haut niveau pour réfléchir aux limites de notre comptabilité nationale et du PNB, et à la meilleure manière de les surmonter pour que la mesure du progrès économique soit plus complète, pour qu'elle prenne mieux en compte les conditions réelles et la qualité de vie des Français, qui n'en peuvent plus de l'écart grandissant entre des statistiques qui affichent un progrès continu et les difficultés croissantes qu'ils éprouvent dans leur vie quotidienne. Ça mine la confiance, car plus personne ne croit dans les statistiques. Deux prix Nobel d'économie qui ont beaucoup travaillé sur ces questions ont accepté de conduire cette réflexion. Amartya SEN a accepté de m'apporter ses conseils, et Joseph STIGLITZ de présider le comité d'experts, je les en remercie, leurs compétences internationales seront extrêmement précieuses pour la définition de ces nouveaux critères.
2008 sera l'année de la mise en oeuvre de ce qui a été décidé lors du Grenelle de l'environnement, ce sera le commencement de la construction d'une autre croissance, d'un autre modèle de développement, ce sera l'amorce d'un changement profond dans notre civilisation, dans son rapport à la nature, dans l'idée qu'elle se fait de sa responsabilité vis-à-vis de la planète, et même vis-à-vis des générations futures. Dans cet esprit, si la Haute autorité qui se prononce demain soulève des doutes sérieux sur les OGM actuellement cultivés en France, je suis disposé à recourir à la clause de sauvegarde jusqu'à ce que la Commission européenne tranche le problème. Je ne souhaite pas, d'ailleurs, que la loi OGM soit discutée dans l'urgence. Il ne faut pas se tromper sur ce que nous avons voulu faire avec François FILLON et Jean-Louis BORLOO : le Grenelle de l'environnement c'est un tournant politique majeur, ce n'est pas une opération de communication. Le Grenelle de l'environnement sera respecté scrupuleusement, il en va de la crédibilité de l'Etat et de la politique.
En 2008 la politique de civilisation s'exprimera dans l'école. L'année dernière, j'ai écrit à tous les éducateurs de France pour leur présenter le projet éducatif que j'avais placé au coeur de ma campagne, eh bien c'est le moment de le mettre en oeuvre. Beaucoup de changements ont été accomplis dans l'école en 2007. Maintenant, il s'agit d'aller au fond des choses, c'est-à-dire de s'occuper de ce que l'on veut enseigner à nos enfants, de ce qu'on veut leur transmettre comme connaissances, comme valeurs, comme cultures, bref, de fixer quel idéal humain nous voulons leur proposer, et d'organiser les études, les programmes, les rythmes, la formation des enseignants, pour y parvenir. La lettre aux éducateurs c'est exactement pour moi l'illustration de ce que peuvent être les objectifs d'une politique de civilisation. Je m'impliquerai dans la mise en oeuvre des orientations que j'ai définies dans cette lettre, pour bâtir une école du savoir, de la civilité, du respect et de la culture, une école où on inculque le goût d'apprendre, la curiosité intellectuelle, l'ouverture d'esprit, le sens de l'effort et du travail, de la pensée, mais aussi le respect de l'autorité du professeur, la politesse, où l'on enseigne le civisme. Nous donnerons avec François FILLON et Xavier DARCOS la priorité à l'école primaire, que l'on a trop longtemps délaissée sans voir que son affaiblissement était la cause principale des difficultés croissantes du collège. S'attaquer aux problèmes du collège, c'est bien, mais si on continue à laisser sortir tant d'enfants du primaire accumulant déjà des échecs, comment voulez-vous que le collège puisse s'en sortir ? Cette politique prendra du temps, du temps pour être mise en oeuvre, du temps pour produire ses effets, mais le rapport de nos enfants à la culture, au savoir, à la pensée, est ce qu'il y a de plus essentiel pour l'avenir. C'est à l'école que se construira la société et la civilisation de demain. Alors, quelles que soient les difficultés, nous n'avons pas le droit de reculer, il y a eu dans le passé trop d'abandons, trop de renoncements, pour reculer encore - d'ailleurs à force de reculer, on va finir par arriver au point de départ - mais ce n'est plus possible, le débat de l'école ne peut pas se réduire à la seule question du statut. Le statut c'est important, mais enfin, quand même, le contenu d'une politique éducative, de ce qu'on enseigne à l'école, de ce qu'on attend pour nos enfants de l'école, ça n'appartient pas aux seuls professionnels, ça appartient à tout le monde. Nous devons prendre des engagements et obtenir des résultats. L'école doit redevenir l'affaire de tous, et pas seulement des spécialistes. L'école doit être remise au coeur de la politique comme elle l'était jadis, au lieu d'en être tenue à l'écart, comme si c'était un sujet trop compliqué ou trop risqué pour que la politique s'en saisisse - « attends, n'en parle pas, s'il te plaît, on va avoir une manifestation » - voilà, très bien, eh bien à force de ne pas en parler, on n'en parle et on a une manifestation, beau résultat, avec un malaise considérable, des enseignants qui sont d'un dévouement remarquable et qui ont un problème identitaire constant, et dont je n'observe pas que les manifestations le règlent, si c'était le cas, avec toutes les manifestations que tous les gouvernements ont eues, ils devraient être au nirvana du bonheur. Donc, il est venu le temps d'aller au fond des problèmes sur cette question.
En 2008 la politique de civilisation s'exprimera dans la profonde rénovation de nos universités, chère Valérie PECRESSE. On a dégagé avec François FILLON des moyens considérables pour combler un retard accumulé depuis des décennies, et qui ont mis nos universités - pardon de le dire comme ça - dans un état de délabrement, et ce n'est faire insulte à personne, les enseignants étant plus victimes que coupables dans cette affaire, mais un état de délabrement... Nous devons refaire des universités où on a envie d'étudier, où on a les moyens d'étudier. Nous devons faire des campus qui soient des lieux de convivialité et d'effervescence intellectuelle. Nous devons offrir à nos étudiants un cadre et des conditions de vie à la hauteur de l'idée que nous nous faisons de la place du savoir dans notre civilisation. Eh bien, en 2008, nous sélectionnerons les 10 premiers grands projets de rénovation universitaire qui témoigneront de l'ambition de notre politique dans ce domaine, parce que j'ai bien conscience qu'il n'y a pas un gouvernement qui dit, « non vraiment, l'université ce n'est pas ma priorité », ils disent tous ça, et à l'arrivée qu'est-ce qu'on voit ? Rien. Eh bien, en 2008, on lancera les 10 premiers grands projets de rénovation, au moins on verra, et on verra des résultats concrets.
La politique de civilisation en 2008 s'exprimera dans une politique de la jeunesse, parce que notre société ne fait pas à sa jeunesse la place qui devrait lui revenir, elle ne lui donne pas les moyens de son autonomie, de son intégration. En traitant si mal sa jeunesse, notre société sacrifie son avenir. Alors on va sortir de l'immobilisme, sortir de la société des avantages acquis et des rentes de situation, « touche pas à mon avantage », « touche pas à ma rente », « touche à rien et change tout ». Comment on fait ?
Je veux que la rupture permette de mettre en oeuvre ce projet de civilisation, que nous exprimons aussi dans la politique, qui prendra à bras le corps le malaise des banlieues. Cette politique, nous en parlerons au début du mois de février. Ce sera une politique d'intégration, une politique qui concernera avant tout les personnes, qui les soutiendra, qui donnera à tous ceux qui veulent s'en sortir les moyens de le faire, à ceux qui subissent des handicaps particuliers de les compenser, à ceux que la vie a éprouvés de surmonter les épreuves qu'ils ont subies. Ce sera une politique de l'égalité des chances, qui aura pour ambition que chaque jeune des quartiers en difficulté reçoive une formation. Chaque jeune à qui l'Etat donnera le droit à une formation devra respecter des devoirs. Pas de droits sans devoirs. On mettra la République non seulement dans les territoires, on les mettra dans les personnes, au service des personnes. Ça sera une politique qui ne sera pas séparable de la rénovation de l'école, de la modernisation du service public, de l'accompagnement des chômeurs, de la sécurisation des parcours professionnels, de la politique du logement, des conséquences du Grenelle de l'Environnement. C'est une politique qui sera concernée par la réponse que notre société apportera à des questions fondamentales, comme celle de savoir comment redonner une chance à celui qui a subi un échec. Elle est fantastique, notre société, qui se méfie du succès, suspect à tous points de vue, et qui est à ce point fascinée par l'échec qu'elle le considère comme insurmontable. Alors voilà, ce n'est pas bien de réussir, parce que c'est suspect, et forcément que dans la réussite, il y a un truc qui est louche. Et en même temps, celui qui échoue, celui-là, on ne lui donne pas une nouvelle chance. Mais comment on fait si on ne peut ni échouer ni s'en sortir ni rebondir ni réussir ? Peut-on d'ailleurs poser le problème du malaise des banlieues sans poser celui de la ville. Le problème de la ville, je veux le poser en 2008, lui aussi, non comme un simple problème de gestion, mais comme une question de civilisation. C'est un problème qui s'est posé à chaque fois que le rapport de l'homme à l'espace et au temps s'est trouvé bouleversé. C'est un problème, la ville, que notre civilisation n'a pas su maîtriser. Quelle ville devons-nous nous efforcer de construire en ce début du 21ème siècle ? C'est un sujet politique majeur. Eh bien, je voudrais que nous apportions à cette question une réponse française. Quelle est la ville dans laquelle nous voulons vivre ? C'est la raison pour laquelle j'ai lancé la réflexion sur « le Grand Paris », je veux dire par là la grande métropole que constitue l'agglomération parisienne, qui doit être considérée dans sa globalité, parce que l'agglomération parisienne forme un tout. Cette réflexion ne doit pas être engagée d'abord sous l'angle des institutions, sous l'angle de la gouvernance - mais pardon peut-être de vous surprendre - mais sous l'angle de l'urbanisme, sous l'angle de l'architecture, de la sociabilité, de la convivialité, de la qualité de vie, de la place de l'homme dans la ville. Je veux faire de ce chantier le laboratoire de la modernité humaine. Je veux qu'il soit l'occasion de remettre la France au premier rang en matière d'urbanisme et d'architecture. L'urbanisme et l'architecture sont des leviers profonds d'une politique de civilisation. On n'en parle jamais. Reprenez les débats des trente dernières années politiques en France, jamais il n'est question d'architecture dans la politique, ou d'urbanisme. Je vais m'impliquer personnellement dans ce chantier. Alors naturellement, tout sera fait en concertation, en association, avec les franciliens, avec leurs élus, avec les maires, avec les conseils généraux, avec le Conseil régional, mais je vais dire une chose, je ne laisserai pas ce projet s'enliser. Je ne laisserai personne le bloquer. La situation de l'agglomération parisienne est devenue inacceptable, la dureté de la vie qu'elle impose à un trop grand nombre de ses habitants, les coûts humains, les coûts écologiques, les coûts sociaux qu'engendrent ces dysfonctionnements ne sont pas supportables. Paris doit retrouver sa vitalité, son rayonnement, son attractivité, sa créativité. Paris doit redevenir pour le monde entier le symbole d'un art de vivre, de la plus belle ville du monde, que de nouveau, elle étonne, elle surprenne, elle fascine, eh bien, la politique de civilisation s'exprimera sur une ambition architecturale majeure en la matière.
Nous mènerons également en 2008 une action contre le cloisonnement à la bureaucratisation de la société, à travers la poursuite de la réforme de l'Etat et la réforme administrative. Mais la politique de civilisation va s'exprimer dans une rénovation sans précédent de l'audiovisuel public, sans précédent. Au moins, il y avait une attente, bon. D'abord, bien sûr, dans la réorganisation de l'audiovisuel extérieur, qui est devenu - Christine ALBANEL et Bernard KOUCHNER ne me démentiront pas - absolument nécessaire. Mais je propose que nous accomplissions en 2008 une véritable révolution culturelle dans le service public de la télévision. Le service public existe parce qu'il a une mission particulière. Si les chaînes publiques fonctionnent selon les mêmes critères, selon les mêmes exigences, selon la même logique que les chaînes privées, alors on ne voit pas très bien - d'ailleurs, on ne voit vraiment pas très bien - pourquoi il y aurait un service public. Pardon, c'est très original ce que je dis, mais je le pense. Le service public, son exigence, son critère, c'est la qualité. Sa vocation, c'est d'offrir au plus grand nombre un accès à la culture, c'est de favoriser la création française. Je ne veux pas dire que la télévision publique doit être élitiste ou ennuyeuse, il y a quand même un gap, mais seulement qu'elle ne peut pas fonctionner selon des critères purement mercantiles. Je souhaite donc que le cahier des charges de la télévision publique soit revu profondément, et que l'on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques, qui pourraient être financées par une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées, et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d'affaires de nouveaux moyens de communication, comme l'accès à l'Internet ou la téléphonie mobile. Voici une révolution qui, en changeant le modèle économique de la télévision publique, changera du tout au tout la donne de la politique culturelle dans la société de communication qui est la nôtre. Il faut savoir ce qu'on veut, on veut changer ou on veut continuer, je veux changer. Et je changerai sans tabou, et nous aurons des résultats, et nous assumerons les conséquences de ces choix stratégiques. Il me plaît beaucoup que la gauche, qui n'a jamais osé faire cela, qui en a toujours parlé sans en tirer aucune conséquence, regarde ce que c'est qu'un gouvernement qui décide d'un certain nombre de priorités.
La politique de civilisation, elle s'exprimera, bien sûr, dans la politique de santé, qui est l'une des valeurs fondamentales, sur laquelle repose notre idée de l'homme. Il y a un sujet particulier qui a été évité depuis trop longtemps, et qui ne peut plus l'être, merci à François FILLON et à Roselyne BACHELOT de s'en occuper, c'est l'hôpital. Personne ne veut toucher à l'hôpital. Mais enfin, l'hôpital, il y a tant d'espoir, il y a tant de dévouement, il y a un million de personnes qui se consacrent à la maladie, à la souffrance, à la misère, et on regarde le problème de l'hôpital s'aggraver chaque jour un peu plus sans qu'on ne fasse rien. Eh bien, de même que j'ai employé un mot fort pour l'université, je veux le dire, malgré le dévouement, la compétence des médecins et des équipes paramédicales, l'hôpital est en déserrance. Et les 35 heures lui ont porté le coup de grâce. Voilà, eh bien en 2008, on va changer la gouvernance de l'hôpital, de fond en comble, parce que l'hôpital n'est plus gouverné, parce que dans l'hôpital aujourd'hui, chacun a suffisamment de pouvoir pour dire non, et personne n'a du pouvoir pour dire oui. Je souhaite que l'on transforme les structures hospitalières sous-utilisées pour accueillir des personnes âgées, qui ont du mal à trouver un hébergement adapté à leurs besoins. Je veux insister sur la nécessité de garantir à tous un égal accès à la qualité des soins, quels que soient les moyens de chacun, quel que soit le territoire ou quel que soit le quartier, il faut qu'un effort soit fait en faveur des services d'urgence, qu'on aide les jeunes médecins à s'installer dans les cantons ruraux et dans les banlieues et qu'on arrête d'avoir les mêmes médecins installés dans les mêmes quartiers.
Bien sûr qu'en 2008, nous poursuivrons la politique de revalorisation du travail, parce que le travail, c'est une valeur essentielle, c'est ce par quoi chacun trouve sa place dans la société, c'est ce qui tisse du lien social, le travail, ce n'est pas un asservissement, le travail, c'est une émancipation. Le travail, c'est un moyen de conquérir sa liberté. J'aurai l'occasion certainement de répondre à vos questions sur le sujet. En 2008, nous introduirons davantage d'équité dans le système économique, et dans la volonté - je pèse mes mots - de faire en sorte que les salariés ne soient pas éternellement privés de la part qui leur revient dans le succès des entreprises. Il y a un problème, quand les entreprises ont du succès, il faut rééquilibrer la répartition des conséquences du succès entre les actionnaires et les salariés. C'est la politique que nous porterons. Que les actionnaires soient récompensés de leur investissement, c'est très bien. Mais ça ne peut pas être l'alpha et l'oméga. Les salariés doivent avoir la juste récompense de leurs efforts. Eh bien, les exonérations de charges seront conditionnées aux négociations salariales. Et j'aimerais que l'on me prenne au sérieux quand je dis cela. Ce n'est pas une pétition de principe. Avec le Premier ministre et le ministre des Finances, nous irons jusqu'au bout, parce qu'il n'est pas légitime, parce qu'il n'est pas acceptable qu'une entreprise, qui fait beaucoup de bénéfices, ne récompense pas ses salariés. On en a parlé en 2007, nous le ferons en 2008. Je ne serai prisonnier d'aucun lobby. Je veux être le président de tous les Français. Et je sais parfaitement qu'on m'attend sur ce rendez-vous. Personne ne sera déçu, les pour comme les contre. En 2008, la politique de civilisation s'exprimera dans notre capacité à mieux partager les rentes et les profits, à partager plus équitablement les résultats des efforts de tous. C'est pourquoi nous allons aller beaucoup plus loin en matière de participation et d'intéressement. Nous allons créer des conditions réglementaires et fiscales pour que la participation et l'intéressement puissent s'étendre à toutes les entreprises, toutes, même à celles qui ont moins de cinquante salariés. Et pour cela, nous sommes prêts, avec le Premier ministre, à avoir un impôt sur les bénéfices différencié pour les entreprises de moins de cinquante salariés qui se lanceraient dans la participation et dans l'intéressement. Je souhaite que les salariés puissent choisir librement entre l'intéressement, qui est versé tout de suite, et la participation, qui reste bloquée un certain temps, en contrepartie d'avantages fiscaux. Je veux que les programmes de stock-options et la distribution d'actions gratuites bénéficient à tous les salariés de l'entreprise et pas seulement à quelques-uns. Si quelques-uns veulent en profiter, pas de problème, tous les autres en profiteront aussi. Je veux que le niveau même de la participation et de l'intéressement aux résultats soit fortement relevé, on verra, mais enfin, un doublement, voire un triplement de la réserve de participation, ce n'est pas quelque chose qui me choquerait. Là aussi, Mesdames et Messieurs, ça fait des années qu'on parle de participation, eh bien, il est venu le temps de la faire, et de la faire de façon significative, lourde, ambitieuse, pour qu'enfin les gens y croient, et que ça ne soit pas un de ces marronniers de la vie politique contre un bal de majorité en majorité, sans prendre la mesure du problème. A force de dire qu'il y a des risques, à force de dire qu'il faut attendre, plus personne n'y croit. Et on a tous les inconvénients sans aucun des avantages. Et en plus, on tue l'idée. Eh bien si l'idée est bonne, on la met en oeuvre. Si l'idée n'est pas bonne, on l'arrête, mais on ne continue pas avec une dose homéopathique, parce qu'avec la dose homéopathique, les Français ont le sentiment d'être grugés. Et nous, nous voulons que les Français aient confiance. Donc on va se donner des marges de manoeuvre, on va aller beaucoup plus loin, et beaucoup plus fort. J'ajoute que j'attends les critiques avec intérêt. Quand nous avons proposé avec François FILLON le déblocage des fonds de participation, on m'a dit : oh, là, là, c'est dramatique, tu empêches les entreprises de se défendre. Ok, maintenant qu'on propose le doublement ou le triplement de la réserve de participation, les mêmes ne vont pas me dire qu'on en fait trop ! Enfin bon, la cohérence est pour tout le monde. Voilà.
Cette volonté d'aller beaucoup plus loin dans le partage des profits va de pair avec celle de promouvoir un capitalisme d'entrepreneurs, et un capitalisme familial, plus enraciné dans les territoires. Alors face à la montée en puissance des fonds spéculatifs extrêmement agressifs et des fonds souverains, qui n'obéissent à aucune logique économique, il n'est pas question que la France reste sans réagir. Il n'est pas question de laisser faire. La France assume le choix politique, stratégique de protéger ses entreprises, de leur donner les moyens de se défendre et de se développer, eh bien, la CAISSE DES DEPÔTS, nous allons en faire un instrument de cette politique de défense et de promotion des intérêts économiques primordiaux de la Nation, et qu'on arrête d'opposer cette volonté industrielle, qui est la nôtre, avec le libéralisme, c'est absurde. Tous les pays, y compris les plus libéraux, lorsqu'il s'agit de défendre leurs intérêts, le font avec acharnement, et ils ont raison. Si les Américains ne défendent pas leurs intérêts, qui le fera ? Personne. Et nous, on aurait l'air parfaitement ridicule d'être moins libéraux que les autres, et de surcroît, de moins défendre nos intérêts. On peut être parfaitement libéral, croire à l'économie de marché et dire : nos entreprises, on va les défendre. On ne va pas soutenir des entreprises qui n'ont aucune chance, mais moi, je me souviens du débat sur ALSTOM, j'en ai entendu qui faisaient des éditoriaux à l'époque, qui ont été plus discrets par la suite, et ALSTOM, c'est aujourd'hui une des plus belles réussites industrielles françaises. Et j'ai encore au travers de la gorge PECHINEY. Oui, ce grand de la chimie qui a disparu sans que personne ne lève le petit doigt. Ce n'est pas ma conception d'une politique industrielle dans un pays comme le nôtre. On ne peut pas défendre toutes les entreprises, on ne peut pas défendre tous les métiers, on ne peut pas défendre toutes les industries, mais on ne peut pas se retrouver avec des fonds spéculatifs qui s'abattent sur une entreprise, qui la dépècent, qui la vendent, et nous, on dit : excusez-nous, c'est la mondialisation, on n'y peut rien. Ce n'est pas vrai. Les autres se défendent, on va se défendre. Et la CAISSE DES DEPÔTS va trouver une véritable stratégie, bien sûr, avec son indépendance, mais enfin, une véritable stratégie. Le capitalisme financier a besoin d'être moralisé. Quand j'ai dit ça la première fois, je me souviens du scepticisme, eh bien maintenant, depuis la crise des subprimes, il y a moins de scepticisme, et nous avons pu adresser une lettre commune, Madame MERKEL, Monsieur BROWN et moi-même, à qui ne voit qu'on ne peut pas continuer comme cela, la France prendra des initiatives. La libre concurrence, je le dis comme je le pense, n'est plus compatible avec les dumpings de toutes sortes. Là aussi, nous prendrons des initiatives. On ne peut pas continuer. La réciprocité doit devenir la règle. A la tribune de l'assemblée générale de l'ONU, j'ai appelé le monde à un new deal économique et écologique.
La France prendra cette année de nouvelles initiatives pour moraliser le capitalisme, et notamment lors de la présidence française de l'Union européenne, qui débutera le 1er juillet. D'ailleurs, cette présidence sera une autre occasion pour la France de pousser une politique de civilisation. Mais qu'est-ce qu'ils veulent les Européens ? Eh bien, les citoyens de toute l'Europe réclament de la protection. L'Europe a été bâtie, imaginée pour protéger, pas pour inquiéter. Et j'affirme qu'on peut être parfaitement européen et mettre l'Europe au service de la protection. Et ceux qui ignorent la préférence communautaire n'ont, me semble-t-il, rien compris à l'idéal européen. Si on a fait l'Europe, c'est justement pour la préférence communautaire, sinon ce n'était pas la peine de faire l'Europe, en tout cas, l'Europe politique, il n'y avait qu'à laisser faire l'Europe anglo-saxonne, celle du grand marché, mais vouloir faire une Europe politique, et s'interdire de prononcer le mot protection, ça n'a aucun sens. Et dans la sagesse, les peuples d'Europe ont parfaitement compris cela. L'Europe doit protéger, l'Europe ne doit pas nous rendre plus vulnérables. L'Europe doit nous permettre d'agir, et l'Europe ne doit pas subir. L'Europe a besoin d'une politique de civilisation, elle a besoin de se débureaucratiser, de s'humaniser, elle a besoin davantage de politique et moins de bureaucratie. C'est ce que nous avons obtenu avec le traité simplifié. Mais j'ai bien conscience que le traité simplifié, à lui seul, ne va pas réduire le fossé entre l'Europe et les citoyens. C'est évident. C'est un moyen. Mais à la fin de la présidence française, je voudrais que l'Europe ait une politique de l'immigration, une politique de la défense, une politique de l'énergie, une politique de l'environnement. Et à partir de ce moment-là, on comprendra ce que signifie l'Europe dans le quotidien des gens. Alors la politique de civilisation, enfin, la France, il faut la promouvoir à l'échelle européenne et à l'échelle mondiale, non pour imposer au monde un modèle de civilisation, mais pour faire rayonner les valeurs universelles qui sont les nôtres. Et nous voulons opposer cette politique de civilisation à la violence, au terrorisme et au fanatisme. Je voudrais dire d'ailleurs à tous ceux qui me demandaient d'annuler mon voyage en Algérie, parce qu'un ministre algérien s'était laissé aller à des propos inacceptables - imaginez que j'aie annulé mon voyage en Algérie quelques jours avant que des barbares fassent sauter un bus, rempli de jeunes étudiants algériens, on aurait eu l'air malin. Et naturellement, après avoir annulé le voyage, je me serais précipité pour dire ma consternation et ma solidarité, avec des gens avec qui je n'aurais pas voulu aller discuter ! J'ai été très heureux de ce voyage en Algérie, qui était pour moi extrêmement important. Et de la même façon, à tous ceux qui se sont étonnés que je dise qu'on resterait en Afghanistan, parce que se jouait là-bas une bataille contre les barbares - j'ai été quelques jours avant l'assassinat de Madame BHUTTO, l'Afghanistan est frontalier du Pakistan, où s'est rendu Bernard KOUCHNER, et je l'en remercie. On aurait eu l'air malin de se retirer de l'Afghanistan quelques jours avant l'assassinat de Madame BHUTTO, où naturellement ceux-là même qui me demandaient de nous retirer de l'Afghanistan auraient versé des larmes de crocodile sur la même BHUTTO. On aurait eu l'air malin. Un peu de cohérence, c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile pour certains.
Enfin, la France mettra tout en oeuvre pour que le G8 devienne le G13. Là aussi, enfin, écoutez, moi, j'étais très étonné à Heiligendamm, je veux le dire en terme diplomatique, mais enfin, qu'est-ce que c'est, on se réunit deux jours et demi, sans la Chine, sans l'Inde, sans le Brésil, sans le Mexique, sans l'Afrique du Sud, simplement, deux milliards et demi de gens qu'on oublie ? Alors, évidemment, on les invite pour le déjeuner du troisième jour. Le plus extraordinaire, c'est qu'ils viennent. Eh bien, la France dit : on ne peut pas organiser le monde du 21ème siècle avec l'organisation du 20ème, ce n'est pas possible £ la Chine, l'Inde, l'Afrique du Sud, pardon, que j'avais oubliée, l'Amérique latine, des continents d'un milliard d'habitants, ça compte, on ne peut pas faire comme si ça ne comptait pas quand même. Alors, je sais bien qu'il y a des difficultés, le Japon est très satisfait que la Chine soit présente, l'Italie se demande si sa place... peu importe, ce sont des problèmes que je peux parfaitement comprendre, mais imaginez-vous qu'on peut régler les grandes affaires du monde à huit, en ignorant la moitié de l'humanité ? Ca me semble étrange. Et pareil d'ailleurs pour le Conseil de sécurité, en tant que membre permanent, la France mettra tout en oeuvre pour que l'Allemagne, le Japon, le Brésil, l'Inde et un grand pays africain deviennent membres permanents du Conseil de sécurité. On dit : tiens, c'est amusant, ça ne marche pas, mais comment voulez-vous que ça marche, on a l'organisation du 20ème pour le 21ème siècle, ça ne peut pas fonctionner. On ne peut pas considérer qu'on va régler les grandes questions de la planète sans demander leur avis à un seul pays africain, un milliard d'habitants, à un seul pays sud-américain, un milliard d'habitants. Ce qui est étonnant, c'est que ça marche si bien avec une organisation aussi déséquilibrée. Donc la France sera l'avocate de ces pays pour demander une organisation qui corresponde au monde d'aujourd'hui, et pas au monde d'hier. Et je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à défendre ses idées. Alors, on me dit : c'est compliqué, il faut attendre, ah ben, si on doit attendre à chaque fois que c'est compliqué, on va attendre longtemps. Et moi, à la fin de mon quinquennat, je dirais : ah ben, c'est compliqué. Eh bien, ce n'est pas la peine de faire de la politique si c'est pour attendre. Il faut prendre les plus gros problèmes et s'y atteler. Et je mettrai tout en oeuvre pour que les missions du FMI et de la Banque mondiale soient repensées, parce que le monde a besoin du FMI et de la Banque mondiale, mais pas avec les mêmes raisonnements, parce que le but, ce n'est pas de faire mourir certains pays guéris, ce n'est quand même pas ça le but. Voilà.
Sur la politique d'immigration, j'ai demandé à Brice HORTEFEUX d'avancer sur deux points extrêmement importants à mes yeux. D'abord, aller jusqu'au bout d'une politique fondée sur des quotas. Ca fait trop longtemps qu'on en parle, tout le monde sait que c'est la seule solution, eh bien, il faut franchir le pas, et arrêter de vouloir protéger les uns, pas choquer les autres, parce qu'avec ça, on n'a que des catastrophes. La politique des quotas, nous devons la mettre en oeuvre, en fonction d'accueil et d'intégration, mais quand même, on accueille des gens qu'on peut accueillir, parce qu'on a envie de les intégrer, si on accueille des gens qu'on ne peut pas intégrer, eh bien, on ne peut pas les accueillir. Eh bien, il faut aller jusqu'au bout de cette logique. Et ça évitera les drames humains. Et puis, je lui ai demandé une deuxième chose en accord avec le Premier ministre, c'est de supprimer cette bizarrerie française, que, s'agissant du droit des étrangers, il y a deux ordres de juridiction, un public, un judiciaire, et, excusez du peu, avec des jurisprudences contradictoires. Eh bien, choisissez celui que vous voulez, mais choisissez-en un ! Qu'il y ait une jurisprudence sur le droit des étrangers, respectueuse des Droits de l'homme, mais qui permette quand même d'avoir une politique de l'immigration, fondée sur des quotas, négociée avec les pays de départ, fondée sur une grande ambition de co-développement, et une juridiction qui s'occupe du droit des étrangers. Moi, je ne sais pas si ça doit être l'administrative ou la judiciaire. Ce que je sais, c'est qu'il faut arrêter qu'il y en ait deux. Dans tous les pays, les grandes démocraties, il y en a un, et voilà comment on résout les problèmes. Et je souhaite d'ailleurs que chaque année, Monsieur le Premier ministre, devant le Parlement, on puisse débattre de la politique d'immigration de l'année suivante. Combien de personnes nous avons accueillies, combien de personnes nous voulons accueillir, pourquoi ce secret, pourquoi cette chape de plomb, pourquoi d'un côté les hystériques de l'immigration zéro, et pourquoi de l'autre les poseurs en générosité absolue ? Ca donne quoi ça ? Ça donne un taux de chômage des étrangers en France qui est entre 20 et 30%, beau résultat, Messieurs les généreux ! Beau résultat ! A force de ne pas débattre, on n'a que les inconvénients. Eh bien, c'est fini. En 2008, on va en débattre. Et les gouvernements seront obligés d'expliquer au pays quelle est leur politique d'immigration, d'assumer leurs choix, de les revendiquer, et de rendre des comptes sur cette politique. Bien sûr, il y aura l'union de la Méditerranée qui - vous le savez - pour moi, est le projet de civilisation par excellence.
Nous oeuvrons pour la reconnaissance mutuelle des droits du peuple palestinien et du peuple israélien, pour l'indépendance du Liban, long chemin, et pour la diversité. Je vais me battre sur cette idée en 2008. La diversité, pourquoi la diversité plus que la démocratie, parce que quand on se bat pour la démocratie, certains pays disent : ah, post-colonial, vous voulez nous imposer le système qui est le vôtre. Quand on se bat pour la diversité, cet argument saute, parce que de tout temps, dans cette région du monde, ils ont vécu ensemble, il y a eu des musulmans, il y a eu des juifs, il y a eu des chrétiens. Et la diversité, ce n'est pas valable pour nous et pas valable pour les autres. Et pourquoi faut-il défendre l'indépendance du Liban ? Parce que le Liban est un symbole de la diversité. Et pourquoi faut-il défendre Israël, outre que c'est un fait politique majeur du 20ème siècle ? Parce que c'est un symbole de la diversité. Et moi, je dis qu'il est parfaitement normal et naturel qu'on reconnaisse aux musulmans français les mêmes droits qu'aux autres, je veux dire en matière de religion. Et j'ai toujours soutenu les projets d'ouverture de mosquées. Mais enfin, que les choses soient parfaitement claires, la diversité ne doit pas avoir lieu chez nous, et les fermetures d'églises ailleurs. La diversité, elle est bonne pour tout le monde. La diversité, c'est un principe universel, qui doit être respecté partout, diversité, réciprocité. Voilà, me semble-t-il, une bonne façon d'envisager les problèmes d'aujourd'hui.
Enfin, ce que veut faire la diplomatie française, c'est une diplomatie de la réconciliation, la France doit parler avec tout le monde. Franchement, le charivari un peu ridicule sur la venue de Monsieur KADHAFI, quand je vois comment il a été reçu en Espagne par le roi d'Espagne et par le Premier ministre socialiste, je me dis qu'elle doit bien mal se porter l'internationale socialiste. Et quand je vois le comportement d'un certain nombre d'Etats et de dirigeants, je me dis : si nous ne recevons pas des gens qui ont renoncé au terrorisme, qui ont indemnisé les victimes, qui ont libéré des otages, si on ne les accompagne pas vers la respectabilité, qu'est-ce qu'on fera avec les autres, et qu'est-ce qu'on leur dira ? Bien sûr qu'il faut partager le nucléaire civil, parce que si, au Sud de la Méditerranée, par rapport à nous, vous avez la misère et le sous-développement, une fois qu'il n'y aura plus de pétrole et plus de gaz, est-ce que vous croyez, à ce moment-là, qu'on aura des gouvernements démocratiques ? Et bien sûr qu'il faut soutenir le gouvernement de monsieur BOUTEFLIKA, parce que personne ne veut d'un gouvernement taliban en Algérie, et bien sûr qu'il faut aider monsieur MOUBARAK en Egypte, un pays de 76 millions d'habitants, parce que, qu'est-ce qu'on veut là-bas, les frères musulmans, et bien sûr qu'il faut accompagner la Libye sur le chemin de la respectabilité, et je ne regrette pas d'avoir essayé avec la Syrie, même si nous n'avons pas obtenu de résultats, parce que la France veut tendre la main. La France veut être honnête, la France veut être de bonne foi. Et quand les Syriens n'ont pas répondu aux appels de la France, j'en ai tiré toutes les conséquences en condamnant l'attitude de la Syrie. La France doit parler avec CHAVEZ, la France doit parler avec un certain nombre de personnes dans le monde, parce que la France porte une diplomatie de la réconciliation. Et j'ai été très fier et très heureux de deux événements, organisés par Bernard KOUCHNER - la conférence sur le Darfour, qui a eu lieu à Paris, qui était un événement sans précédent, et la conférence sur les financeurs pour les Palestiniens, qui a permis de lever sept milliards trois cents millions de dollars - qui montrent bien que la France est de retour.
Voilà mesdames et messieurs, il est temps que je réponde à vos questions. Je suis sûr qu'elles seront passionnantes sur le fond par définition et je m'aperçois que je ne vous ai pas présenté de voeux. Ce n'est pas parce que je ne les pense pas, mais je vous vois si heureux et si épanouis dans les commentaires qui sont les vôtres, je me suis dit, c'est inutile de leur présenter des voeux. Enfin, quand même, à la fin de mon petit propos, je voulais vous dire, malgré tout, ils sont sincères. Alors je ne sais pas si vous voulez qu'on organise les questions... non, on n'organise rien du tout et je vais essayer de m'adapter.
QUESTION - Mireille LEMARESQUIER, France Info. Monsieur le Président, je suis la présidente de l'Association de la presse présidentielle, et auparavant, ce rendez-vous servait, enfin, permettait au président ou à la présidente de la presse présidentielle de présenter ses voeux au chef de l'Etat, donc je vous présente tous mes voeux. Santé, amour et réussite, réussite pour vous et pour les Français. Voilà.
Le PRESIDENT - J'imagine que vous avez réfléchi à l'ordre de présentation...
QUESTION - Ah non, parce que c'est un ordre qui est assez traditionnel dans notre pays, santé d'abord...
Le PRESIDENT - Il me touche, il me touche.
QUESTION - Alors monsieur le président, la presse n'est pas en très bonne santé, elle a des problèmes économiques, elle a des problèmes aussi dans l'exercice de sa profession. 17 journalistes français ont été arrêtés dans le monde l'année dernière. Je veux simplement dire et rappeler à nos confrères que deux journalistes français sont actuellement en prison a Niger et ceci depuis le 17 décembre. Ils ont lancé hier un appel au chef de l'Etat nigérien pour une clémence, mais il y a aussi d'autres problèmes auxquels sont confrontés les journalistes en France. La protection des sources de l'information. Alors il y a eu - et je ne parle pas de votre mandat - mais il y a eu ces derniers mois, ces dernières années, des perquisitions, des gardes à vue, des mises en examens et lors de la campagne électorale, le 12 avril dernier, dans une réponse à un questionnaire que vous avez adressé à Reporters sans Frontières, vous déclariez "je suis prêt à inscrire le droit de tous les journalistes à la protection de leurs sources, dans la loi du 29 juillet 1881, sur la liberté de la presse, et a étendre à leur domicile les garanties prévues dans les locaux d'une Enterprise de presse". Alors ma question, Monsieur le Président, en ma qualité de président d'une Association professionnelle de journalistes, allez-vous prendre dans les semaines qui viennent une décision forte pour le respect de la protection des sources, l'un des piliers de la liberté de la presse et vous savez que la liberté de la presse, c'est l'un des piliers de la démocratie ?
Le PRESIDENT - Madame la présidente, d'abord, s'agissant de la protection des sources, qu'elle soit dans les locaux professionnels ou dans le domicile privé, ma réponse est oui. Un journaliste digne de ce nom ne donne pas ses sources. Chacun doit le comprendre, doit l'accepter. Il m'arrive d'être mitigé sur le respect d'une certaine déontologie professionnelle par certains de vos confrères. Je ne l'ai jamais caché et je l'assume. Mais de la même façon qu'au moment des caricatures du Prophète, j'ai pensé que ce n'était pas très habile, je préfère les excès de caricatures à l'absence de caricatures. Je préfère les excès de la presse à l'absence de la presse. Donc la réponse est très précise : en 2008 on fera ce texte. Deuxième élément : un certain nombre de vos confrères ont été emprisonnés ou sont encore emprisonnés. J'appelle quand même certains d'entres vous à être raisonnables et prudents. Ce n'est pas parce qu'on est journaliste qu'on doit enfreindre la loi. Je ne veux pas compliquer certaines situations d'aujourd'hui mais vous savez parfaitement à quoi je fais allusion et j'ai moi-même été chercher certains de vos confrères notamment à N'Djamena. Ca ne m'en a pas valu une reconnaissance éternelle, mais j'ai été les chercher et on les a ramenés à la maison. Mais par moment j'aimerais que certains soient prudents, parce que nous sommes obligés de prendre des risques pour aller chercher certains de vos confrères qui ont pris des risques qui n'avaient rien à voir avec l'idéal de leur métier, qui étaient simplement dus à certaines légèretés. Enfin, je voudrais vous dire une chose, je ne partage pas l'analyse de nombre d'entre vous sur les problèmes de la presse. Nombre d'entre vous pense que les problèmes de la presse sont dus à une excessive concentration, c'est parfaitement inexact. Les problèmes de la presse sont dus à deux choses : une sous capitalisation qui ne permet pas aux organes de presse d'investir et une deuxième chose qui est la plus importante, c'est une distribution qui ne fonctionne pas. Je suis désolé, je vais me fâcher certainement avec tel ou tel, mais le premier problème de la presse en France, c'est de la distribution. Je pense à la presse écrite. Le journal aujourd'hui n'est plus accessible, il y a de moins en moins de kiosques, le portage coûte une fortune. Lorsque j'étais étudiant, il suffisait de prendre le métro, tendre le bras pour avoir son journal, aujourd'hui des millions d'habitants de nos villes sont obligés de faire un détour pour acheter le journal. Non. Ce qu'il convient de conduire, c'est un plan de modernisation de la distribution de la presse et le gouvernement de Monsieur FILLON est prêt à aller très loin sur le sujet. Ca me paraîtrait beaucoup plus intelligent que les grandes déclarations un peu ridicules auxquelles nous avons assisté récemment sur la propriété de tel ou tel de vos confrères. Enfin je veux dire, sur les journaux, que des gens qui ont des moyens investissent dans un journal, c'est une très bonne nouvelle et on ne peut pas dire la presse est une industrie et refuser d'avoir des actionnaires pour financer cette industrie. Et on ne peut pas demander à des propriétaires de journaux de n'avoir comme seule ambition de perdre de l'argent, c'est absurde, il faut réfléchir un tout petit peu. Et je ne vois pas en quoi ça nuit à l'indépendance. Ce qui nuit à l'indépendance c'est qu'on ne puisse plus acheter son journal parce qu'il n'y a plus d'endroit où on le vend. Ca ça nuit à l'indépendance. Qu'on ne peut pas se faire du portage, parce qu'un grand nombre de vos confrères n'ont pas les moyens de faire le portage, ça, ça nuit. Et vraiment le gouvernement, n'est-ce pas Christine, est tout à fait prêt à engager une concertation avec vous, pour voir comment on peut vous donner les moyens d'avoir une presse distribuée.
QUESTION - Monsieur le Président bonjour, je vous présente mes voeux. Alors il y a la politique, la vie politique, vous nous en avez parlé. Il y a la vie privée et, effectivement, quand on est chef de l'Etat, eh bien les deux se rejoignent. Donc c'est vrai que tous les Français se posent cette question, même le monde entier, on voit l'Inde qui se pose des questions protocolaires, je suis sûre que même vos ministres se posent cette question, donc je vais vous poser cette question de fond : est-ce que vous allez vous marier avec Carla BRUNI et quand ?
Le PRESIDENT - Ce qui est extraordinaire, c'est que vous m'ayez fait la gentillesse d'attendre la deuxième question. Roselyne FEBVRE, « le monde entier est suspendu à cette question extraordinaire ». Non, c'est votre côté sentimental et après tout, je le suis aussi. Ecoutez comment vous répondre ? Vous savez, Président de la République ça ne donne pas le droit au bonheur, on n'a pas plus le droit au bonheur qu'un autre, mais pas moins qu'un autre. J'ai beaucoup réfléchi à cette question, je n'ai pas voulu mentir et je me suis inscrit en rupture avec une tradition déplorable de notre vie politique. Celle de l'hypocrisie, celle du mensonge. Et Roselyne FEBVRE, faut-il que vous-même et vos confrères vous me fassiez confiance pour me poser des questions que vous n'auriez jamais posées à un seul de mes prédécesseurs alors que vous saviez. Quand je dis Roselyne FEBVRE, pas vous, trop jeune bien sûr, votre vie politique a commencé il y a huit mois avec moi, enfin, en tout bien tout honneur, mais enfin quand même et c'est très satisfaisant pour moi, la France évolue. Voilà que ce qui était recouvert d'une chape de plomb pour un de mes prédécesseurs que je ne me permets pas de juger, chacun sa vie - la vie est si difficile et si douloureuse, voilà que son voyage à lui, il est vrai que ce n'était pas Louxor, c'était Assouan, au moins 200 kilomètres de distance, avec avion présidentiel et différentes familles, tout le monde savait, personne ne parlait. Et avec Carla nous avons décidé de ne pas mentir. Nous ne voulons rien instrumentaliser, mais nous ne voulions pas nous cacher. Je ne voulais pas qu'on prenne une photo de moi au petit matin, glauque, je ne voulais pas qu'on prenne une photo de moi le soir et je ne voulais pas que sous le manteau, vous décriviez la même hypocrisie. Vous savez en 2007, j'ai divorcé, ce ne fut pas la période la plus heureuse de ma vie, j'ai vu quantité d'articles, je me suis dis que certains qui écrivaient ces articles n'avaient jamais dû divorcer pour écrire de telles choses, comme que j'avais divorcé pour masquer les grèves sur les régimes spéciaux. Je ne leur en ai pas voulu, j'ai simplement eu honte pour eux d'être si éloignés des réalités de la vie, parce que la vie d'un président, sur ces questions essentielles qui sont celles de l'amour, c'est comme la vie de n'importe qui. Je vais vous faire une confidence : je me lève le matin et je me couche le soir, comme un certain nombre de millions de Français, voilà. Et donc avec Carla nous avons décidé d'assumer et d'assumer quoi ? En décembre, nous avons l'idée originale d'aller avec son fils à Disney, il y a des photos, eh bien très bien, si ces photos sont trop douloureuses, n'envoyez plus de photographes, nous nous ferons une raison et lorsqu'on a été en Egypte en vacances, on a décidé, extraordinaire, de visiter les pyramides, très original. Et si vous avez peur d'être instrumentalisé, n'envoyez pas de photographes, nos vacances seront excellentes quand même. Et puis vous l'avez compris, c'est du sérieux, mais ce n'est pas le JDD qui fixera la date.
QUESTION - (Inaudible)
NICOLAS SARKOZY - J'ai répondu : c'est du sérieux et ce n'est pas le JDD qui fixera la date. Il y de fortes chances que vous l'appreniez quand ça sera déjà fait. C'est une réponse.
QUESTION - C'est déjà fait ?
NICOLAS SARKOZY - Ce n'est pas une menace. Je précise que je réponds à notre nom à tous les deux parce que je m'étais dit que, peut-être, vous me poseriez la question.
QUESTION - Monsieur le Président, lors de vos voeux le 31 décembre, vous avez évoqué des erreurs, terme rare en cette circonstance. Est-ce que vous pouvez développer justement et évoquer plus explicitement les quelques erreurs que vous pensez avoir pu commettre depuis votre élection.
NICOLAS SARKOZY - Honnêtement ce n'est pas le but de la conférence de presse. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Vous me dites : c'est rare que j'évoque les erreurs. Ah bon ? Franchement, je fais de la politique depuis 30 ans, je crois être celui qui a le plus souvent reconnu que j'ai perdu. J'ai reconnu que j'avais fait des erreurs, quand j'ai perdu en 99, en 95. Est-ce que depuis huit mois il y a des choses qu'on a loupé, qu'on raté ? Oui, j'aurais voulu qu'on aille plus vite sur un certain nombre de sujets. Je prends un exemple : je parlais de l'immigration tout à l'heure, c'est moi-même qui avais dit à Brice de ne pas aller jusqu'au bout de la politique des quotas. Eh bien je pense que c'était une erreur. Car une politique, il faut la décliner dans son intégralité. Je pense aussi que sur un certain nombre de choix économiques, c'est toujours une erreur de jouer petit bras. Quand on choisi une stratégie, il faut la choisir vraiment et parfois je me suis laissé impressionner par le Premier ministre, par le poids de l'administration et des habitudes : « il n'y a pas les moyens », « il ne faut pas faire ». Je pense notamment à la question de la déductibilité des intérêts d'emprunt. Voilà, je pense qu'il fallait qu'on aille plus loin, parce que ce n'est pas un calcul économique, un calcul comptable, c'est une volonté qui est la nôtre. Il n'y a aucune raison que vous payiez des impôts sur les intérêts que vous versez à votre banque quand même. Ce n'est pas une affaire comptable. Je pourrais en prendre d'autres, mais enfin c'est déjà pas mal deux exemples spontanément, comme cela.
QUESTION - Monsieur le Président...
NICOLAS SARKOZY - Troisième exemple - excusez-moi Anita HAUSSER - la question de la TVA sociale. Je pense qu'on a fait deux erreurs. La première, c'est d'utiliser ce mot qui est absurde. Cela n'a rien de social, donc on aurait bien mieux fait de parler dès le début de transfert de charges de la production à la consommation. TVA sociale, c'est une erreur, c'est une expression qui ne veut rien dire, qui est fausse en plus. Et deuxièmement, je pense que c'était aussi une erreur d'en parler sans le faire. Soit vous le faites, soit vous ne le faites pas et dans ce cas-là vous allez jusqu'au bout.
QUESTION - Je peux poser ma question ?
NICOLAS SARKOZY - Posez tout ce que vous voulez. Il n'y a que des femmes qui posent des questions...
QUESTION - Vous avez parlé de la situation dans laquelle se trouve notre pays, François FILLON avait parlé de situation de faillite, est-ce que...
NICOLAS SARKOZY - De situation ... ?
QUESTION - De faillite. Est-ce que vous diriez la même chose ? D'autre part, vous avez fixé des objectifs très ambitieux. Est-ce qu'il vous suffira d'un quinquennat pour les réaliser ? Et si ce n'était pas possible, quel choix feriez-vous s'il fallait en faire ?
NICOLAS SARKOZY - Pour le prochain quinquennat ?
QUESTION - Non, actuellement, parce que finalement vous voulez faire une petite révolution, alors il vous faudra faire des choix quand même. Quelles sont vos vraies priorités ?
NICOLAS SARKOZY - En matière économique ?
ANITA HAUSSER - Vous avez abordé tous les sujets.
NICOLAS SARKOZY - C'est le but quand même...
ANITA HAUSSER - Oui, ce n'est pas un reproche.
NICOLAS SARKOZY - Merci. Si vous voulez, je pense profondément que c'est une question de méthode sur laquelle nous avons beaucoup travaillé avec François FILLON. Tout se tient dans la société moderne, tout se tient. Vous ne pouvez pas espérer obtenir des résultats si vous ne changez pas tout en même temps : si vous ne modifiez pas la formation professionnelle, si vous ne changez pas l'éducation, si vous ne changez pas la recherche, si vous ne changez pas l'université, si vous ne changez pas les sanctions pour les chômeurs qui refusent une offre d'emploi valable. Il faut tout changer en même temps et c'est pour cela qu'on a une marge de manoeuvre. C'est parce qu'on développe une dizaine de grands chantiers de réforme en même temps qu'on peut les faire passer. Si nous avions fait la réforme de l'autonomie des universités - qui est considérable - seule, on aurait focalisé tous les conservatismes de gauche et de droite contre elle. On ne l'aurait pas passée. Si nous avions fait la réforme de la fusion ANPE-UNEDIC seule, on aurait mobilisé tous les conservatismes contre et on n'aurait pas réussi. Et si on s'était dit : 2007, on va faire que les régimes spéciaux et rien d'autre, on arriverait en 2008 épuisé. La priorité, c'est de concilier identité et modernité, c'est d'opter pour le changement dans notre pays. C'est cela, la priorité. Sur tous les aspects, il y a besoin de changer. Il y a tant d'immobilismes, tant de conservatismes, tant de lourdeur que vous ne pouvez pas espérer ... Qu'est-ce que vous voulez ? Une réforme la première année, une réforme la deuxième année ? Non ! Nous voulons remettre le pays en mouvements. Nous voulons faire de la France un pays jeune, dynamique et obtenir des résultats. C'est cela qui compte. Bon, "faillite", François avait eu l'occasion d'ailleurs de revenir sur ce terme en disant que ce n'était pas son idée de départ. D'ailleurs, un pays qui a 15% d'épargne par rapport à son PNB, n'est pas en faillite. Ce qui est vrai - et il a eu raison - c'est qu'un pays qui présente depuis 26 ans un budget en déficit, cela pose problème. Donc la différence d'appréciation était uniquement là-dessus. Vous dites : est-ce qu'un autre quinquennat ? Mais si vous saviez comme je ne suis pas dans cet état d'esprit. Oui, ce n'était pas tout à fait votre question, mais c'est tout à fait ma réponse et j'avais envie de vous le dire. Pourquoi je vous le dis ? Parce que les Français doivent le savoir. J'ai la passion d'agir, je veux agir. Et j'ai observé mes prédécesseurs, avec leurs immenses qualités : quand on veut durer, on met son énergie au service de la durée et on ne le met plus au service de l'action. Je veux agir, je veux obtenir des résultats, je veux changer le pays, je veux que notre équipe obtienne ces changements. Et pour cela, je dois absolument m'interdire de réfléchir à quelque perspective que cela soit. J'ai consacré 30 ans de ma vie à être élu Président de la République, eh bien je veux en faire quelque chose. Je veux que mon quinquennat soit utile. Je veux qu'on se dise : "avec toute l'équipe, ils ont changé le pays, ils ont obtenu des résultats". La France ne sera plus la même et pour une fois, cela a changé. Ce n'était pas toujours la même politique avec des gens qui disaient et qui ne faisaient pas. Je veux changer les choses. Et pour cela, on fait un choix. Et le choix, c'est de jouer pleinement, le plus utilement possible, ces cinq années et de m'interdire d'imaginer même la perspective d'un second quinquennat qui a tellement justifié l'inaction des premiers. Et d'ailleurs, si on regarde les choses avec le recul historique, on voit que bien peu de choses ont été faites au moment du deuxième mandat, et cela quelle que soit la qualité des personnes.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé de politique étrangère et la nécessité pour la France de parler avec tous. Néanmoins, est-ce qu'on ne peut pas considérer que c'était une erreur de s'empresser de féliciter Vladimir POUTINE pour une victoire électorale, quand l'Europe entière mettait en doute la régularité du scrutin £ et par ailleurs, concernant la visite du Colonel QADDAFI, parler avec le Colonel QADDAFI nécessitait-il d'avoir un tel faste, d'être reçu deux fois à l'Elysée, d'avoir une chasse présidentielle ? Est-ce que cela n'était pas une erreur, est-ce que cela n'affaiblit pas la voix et l'image de la France à l'international ?
NICOLAS SARKOZY - A partir du moment où vous choisissez de recevoir un chef d'Etat étranger, autant bien le recevoir. Honnêtement. Si en plus, c'est pour en avoir honte et le recevoir par la petite porte, il vaut mieux ne pas le faire. Soit vous assumez le choix de le recevoir... Lorsque j'avais été à Tripoli, au mois de juillet, je lui avais dit : vous avez laissé partir les infirmières, vous avez réglé le contentieux avec les victimes du DC10 d'UTA, la France vous recevra. Donc si je comprends bien : une petite visite médiocre où on lui aurait fait : entrée, plat de résistance et pas de dessert, où il serait rentré par la grille du Coq, cela c'était acceptable ? Il n'y a eu aucun faste, aucun. Il est resté cinq jours parce qu'il voulait rester cinq jours avant de partir en Espagne. Il n'y a eu aucun faste particulier, il n'y a même pas eu un grand dîner d'Etat, c'est-à-dire ces dîners avec 300 ou 400 personnes. Donc le faste, vous pouvez retirer le mot, il n'a pas existé. Mais j'assume : la France l'a reçu, la France reçoit bien ses invités ou alors ce n'est plus la France. Et qui aurait compris qu'on reçoive quelqu'un pour l'humilier ? Dans ce cas là, il valait mieux dire : on ne vous reçoit pas. Il n'y a pas de problème.
Alors sur Monsieur POUTINE, la chose est beaucoup plus intéressante. Je crois que c'est parfaitement ridicule de reprocher à Monsieur POUTINE une élection dont la totalité des observateurs internationaux vous dirons qu'il est l'homme politique le plus populaire de Russie et qu'indépendamment des problèmes qu'il y a eu - incontestables - au moment de cette élection, il aurait de toute façon été élu. Il n'y a pas une personne qui connaisse la Russie qui dise le contraire. Donc vous me proposez de ne pas féliciter quelqu'un pour une élection dont chacun sait que cette élection était incontournable. Je lui ai d'ailleurs dit : mais pourquoi avez-vous fait ça, alors tout le monde sait que vous avez été élu ? Ce qu'il faut reprocher à Monsieur POUTINE, ce n'est pas d'être élu. Il a redonné sa fierté à la Russie, c'est l'homme politique le plus populaire en Russie. Ce qu'il faut lui reprocher, c'est ce qu'il en fait, sur les droits de l'Homme à l'intérieur de la Russie ou sur la Tchétchénie. J'ajoute : quelle étrange conception de la politique internationale que celle qui consiste à reprocher à quelqu'un son élection et le lendemain, à demander à cette même personne à qui vous reprochez son élection de vous aider à régler la crise de l'Iran, de vous aider à régler la crise du Darfour, de vous aider à apaiser les tensions dans le monde. Extraordinaire. Voilà qu'on considère comme normal de blesser POUTINE en considérant son élection comme illégitime et les mêmes demandent au même POUTINE, illégitime, de régler les crises du monde. Quelle est la logique ? Je préfère féliciter POUTINE en lui disant : mais pourquoi avez-vous fait cela, mais bravo quand même d'être élu, plutôt que de me taire lorsque je vais à Moscou, où je vois les ONG, où je parle des droits de l'Homme et où je pose un certain nombre de questions. Ce qu'il faut reprocher à POUTINE ce n'est pas son élection, c'est ce qu'il en fait, si tant est d'ailleurs qu'il y a quelque chose à lui reprocher sur le fond. C'est la position de la France. Mais quelle logique invraisemblable de tous ces donneurs de leçons qui disent : on a besoin de la Russie pour régler les crises du monde - notamment ce qu'a fait Monsieur POUTINE sur l'Iran, qui est positif - et qui dans le même temps disent : il faut le vexer. Voilà quelqu'un dont on a besoin, à qui on demande des choses, qui est suffisamment respectable pour nous aider à convaincre l'Iran d'arrêter de danser au bord du gouffre. Et cette personne, à qui on demande faire cela, on refuse de le féliciter pour une élection dont on sait par ailleurs que cette élection, quelles que soient les critiques qu'on peut en faire, était parfaitement certaine et parfaitement légitime.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez évoqué il y a quelques minutes de manière très précise la réforme de la télévision publique et vous avez parlé de la nécessité d'une réorganisation de l'audiovisuel extérieur français. Vous avez depuis quelques jours sur votre bureau un certain nombre de données assez concrètes sur les contours que pourrait revêtir cette réforme. Est-ce qu'elle sera aussi une révolution ou pas et qui ?quand ? et comment ? s'il vous plaît ?
NICOLAS SARKOZY - Ecoutez, nous avons beaucoup travaillé sur le sujet avec Bernard KOUCHNER et Christine ALBANEL, je souhaite que cela soit le plus rapide possible, en tout cas cette année. L'idée serait de créer un label "France Monde", c'est-à-dire une holding qui regrouperait les moyens de TV5, de France 24 et de RFI, selon des modalités à débattre, qui permettrait à l'ensemble de ces réseaux composés de grands professionnels de porter une présence de la France beaucoup plus massive qu'elle ne l'est aujourd'hui. On peut mutualiser des moyens, on peut s'appuyer sur des réseaux complémentaires de correspondants - d'ailleurs assez remarquables, je pense à RFI - on peut donner une nouvelle identité éditoriale à TV5 et on peut profiter de la réussite de France 24. Le problème, c'est qu'il y en a un qui est bien diffusé et qui a un problème éditorial, l'autre qui n'a pas de problème éditorial mais qui n'est pas assez bien diffusé et le troisième qui a besoin de s'appuyer sur les deux autres parce qu'il n'est que radio et qu'il faut la télévision. Alors il y a d'autres questions dont nous débattons et qui font l'objet de débats entre nous. On n'est pas forcément d'accord sur tout. Moi je pense qu'une chaîne publique, France Monde, qui garderait l'identité de chacun des participants, bien sûr, mais une marque publique ne peut que parler français et qu'avec l'argent du contribuable, je ne suis pas disposé à financer une chaîne qui ne parle pas français. Mais par ailleurs, on peut parfaitement avoir un sous titrage par région : espagnol, arabe, anglais pour porter une vision française. Entre Al Jazira, vision arabe, et CNN, vision anglo-saxonne, nous aimerions porter une vision française. Mais pour porter une vision française, je préfère vraiment qu'on la porte avec la langue française, parce que porter une vision française avec la langue arabe ou avec la langue anglaise, cela peut être intéressant, mais on aura du mal à se faire comprendre.
QUESTION - Monsieur le Président, on sait que vous voulez parler devant le Parlement, alors si cette réforme de la constitution intervient, quand ce discours aura-t-il lieu ? Est-ce que cela aura lieu en 2008 ? Quel sens cela a-t-il ? Quel pourrait être le thème de ce premier discours ? Est-ce que ce n'est pas renforcer ce que certains qualifient déjà d' "hyperprésidence ? Je n'ose, pour finir, vous demander si ce discours, s'il avait lieu en 2008, aurait lieu avant ou après votre mariage, on va trouver ça trop lourd.
NICOLAS SARKOZY - Il n'y aura pas forcément de rapport, honnêtement. Alors d'abord, "hyperprésidence", mais Monsieur GUERRIER, expliquez aux Français quelle est la situation d'aujourd'hui ? Si c'est moi qui avait eu cette idée... Quelle est la situation d'aujourd'hui ? Quand le président de la République veut s'adresser au Parlement, il le peut aujourd'hui et, tenez-vous bien, il délivre un message lu par un tiers devant le Parlement debout et silencieux. Il faut le trouver quand même. Si c'était moi qui avais eu cette idée, j'aurais peut-être suscité quelques moqueries. Voilà la situation d'aujourd'hui. Est-ce cette situation que l'on veut garder ? Interdiction de débattre du texte du président. Ecouter religieusement debout. Le ridicule ne tue plus, fort heureusement. J'ajoute, Monsieur GUERRIER, ce qui est quand même extraordinaire : voici que le Parlement français peut inviter n'importe quel chef d'Etat à s'exprimer devant lui, sauf le chef d'Etat français et voici que le chef d'Etat français peut s'exprimer devant n'importe quel Parlement du monde, sauf le Parlement français. C'est cela la démocratie ? C'est cela la logique ? C'est cela la concurrence ? Mais que le chef d'Etat aille s'exprimer devant le Parlement, c'est mettre fin à l'hypocrisie. Si le chef d'Etat considère qu'il y a quelque chose à dire au Parlement, il va au Parlement, il s'exprime et le Parlement peut en débattre. D'ailleurs, Monsieur GUERRIER, regardez donc aux Etats-Unis : y a-t-il une démocratie dans le monde où le Parlement ait plus d'importance qu'aux Etats-Unis ? Le Congrès américain, il n'y a personne qui pense qu'ils n'ont pas de pouvoir. Eh bien justement, dans cette démocratie qui est un exemple des pouvoirs du Parlement, le Président des Etats-Unis vient s'exprimer chaque année. Allez donc expliquer aux membres du Congrès que parce que le Président vient rendre compte de l'état de l'Union, ils ont moins de pouvoir. Vous savez, un peu de réflexion ne nuit pas, y compris sur les institutions.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez mentionné les mots : diversité, intégration, égalité des chances, mais plus du tout les termes que vous aviez beaucoup aimés, en 2003 notamment, et puis après aussi : discrimination positive. Vous avez dit à un moment donné, "si l'idée n'est pas bonne, on l'arrête". Moi je suis une fille d'Outre-mer, de La Réunion. Chez nous, ces mots là, on ne les a pas vraiment aimés. Discrimination positive. Est-ce que maintenant vous n'aimez plus ces mots-là non plus ?
NICOLAS SARKOZY - Madame HINTERMAN, j'ai porté l'idée de la discrimination positive, je l'ai développée, je me suis battu pour elle, mais ce qui m'intéresse, ce n'est pas le vocabulaire, c'est la réalité. La réalité, c'est quoi ? C'est que, quand on a une couleur qui n'est pas majoritaire, quand on vient d'un quartier, quand on a un nom qui a une connotation qui n'est pas majoritaire, on a plus de difficultés que les autres pour s'en sortir. L'égalité, pour moi, ce n'est pas donner à chacun la même chose, c'est de donner à chacun en fonction de ses difficultés, de son histoire et de son handicap. Donc je retire bien volontiers le mot si on reprend le fond. Et donc dans ce texte - ce troisième texte auquel j'attache, vous l'avez compris, une très grande importance - je voudrais que la commission puisse travailler sur cette idée : comment fait-on la diversité dans notre pays ? Comment la vit-on ? Regardez les magistrats, est-ce que vous voyez la diversité ? Regardez les commissaires de police, les généraux de gendarmerie, regardez les préfets, est-ce que vous voyez la diversité ? La diversité ne s'exprime pas assez dans notre société. Et je suis très fier du gouvernement de François FILLON, parce que plus jamais on ne fera un gouvernement comme on faisait avant le gouvernement de François FILLON, parce que le gouvernement représente la diversité. Alors qu'on ne l'appelle pas discrimination positive, cela m'est tellement indifférent, le vocabulaire n'a pas de sens. Ce que je veux, c'est que chaque Française, chaque Français, d'où qu'il vienne, se dise qu'il a une chance de s'en sortir. Ce que je veux, c'est que la promotion sociale redevienne une réalité. Ce que je veux, c'est que les élites françaises représentent la diversité française. Elles ne la représentent pas aujourd'hui : même costume, même école, même formation, même allure. Un pays marche sur la tête quand sa tête ne ressemble pas à son corps. Je veux cette diversité, et pour la vouloir, il y aura ce texte en préambule de la Constitution. Je ne m'accroche pas sur les mots à partir du moment où on donne une chance aux réalités. Monsieur JOFFRIN ?
QUESTION - Monsieur le Président, Laurent JOFFRIN de Libération.
NICOLAS SARKOZY - Non, c'est d'abord Monsieur JOFFRIN.
QUESTION - Je vous en prie. Merci monsieur le Président, bonjour.
NICOLAS SARKOZY - Bonjour.
QUESTION - Ma question est la suivante : vous occupez de manière fréquente, sinon continue, la scène médiatique, vous êtes à l'origine de la plupart, sinon la totalité, des initiatives gouvernementales, à propos du Premier ministre vous avez employé, je crois, une fois le mot de « collaborateur », et vos ministres, on l'a appris récemment, verront leur action évaluée selon des critères définis par des organismes privés, et une partie d'entre eux - je crois que ce n'est pas un secret - sont en sursis. Est-ce qu'au fond vous n'avez pas déjà changé la Constitution ? Vous êtes le chef d'Etat ou le chef de gouvernement du monde démocratique qui détient le plus de pouvoirs. Au fond est-ce que vous n'avez pas instauré une forme de pouvoir personnel, pour ne pas dire une monarchie élective ?
NICOLAS SARKOZY - Voici une question modérée, qui montre que Monsieur JOFFRIN de Libération est en pleine forme. Bon, il a le droit d'avoir son avis sur la monarchie élective. Mais enfin, monarchie ça veut dire héréditaire. Vous croyez que je suis donc le fils illégitime de Jacques CHIRAC qui m'a mis sur un trône ? Monsieur JOFFRIN, un homme cultivé comme vous, dire une aussi grosse bêtise ! Moi, issu de la monarchie ?
QUESTION - Elective.
NICOLAS SARKOZY - Ok, alors si la monarchie c'est l'élection, ce n'est plus la monarchie, Monsieur JOFFRIN ... Ah non, excusez-moi Monsieur JOFFRIN, les mots ont un sens, ils doivent l'avoir pour vous s'ils l'ont pour moi. Soit c'est une monarchie, donc c'est l'hérédité, dans ce cas-là j'aimerais qu'on m'explique de qui je suis l'héritier ? Qui m'a mis - j'y viens, mais quand ça fait mal, il ne faut pas protester tout de suite, parce que ça se voit - soit c'est l'élection et dans ce cas-là ce n'est pas la monarchie. Je n'ai volé ma responsabilité à personne, Monsieur JOFFRIN, j'ai été élu démocratiquement.
Ensuite le pouvoir. Il y a une constitution, Monsieur JOFFRIN, parce que vous imaginez que le Général de GAULLE ne disait pas à Michel DEBRE ou à ses premiers ministres ce qu'il souhaitait ? Vous pensez que Valéry GISCARD d'ESTAING ne disait pas à ses premiers ministres ce qu'il souhaitait ? Cela a même conduit au départ de Jacques CHIRAC. Et vous pensez, pour prendre un exemple récent, que Monsieur RAFFARIN dictait sa ligne de conduite à Jacques CHIRAC ? C'est moi qui ai inventé la Vème République ? Mais Monsieur JOFFRIN, c'est une obsession, le pouvoir personnel, vous en parliez déjà à propos du Général de GAULLE. C'est du recyclage, Monsieur JOFFRIN. On est dans la société du développement durable, mettez-vous au goût du jour. Vous n'avez donc trouvé que cela ? Quel pouvoir personnel ? J'assume mes responsabilités, je dis : c'est moi qui ai été élu, c'est moi qui porte les échecs et les succès, c'est moi qui prends le maximum de coups. Pouvoir personnel, mais est-ce que vous avez compté le nombre de unes que vous, Libération, vous m'avez consacrées ? C'est vous qui faites mon pouvoir personnel. Et qu'est-ce que c'est que la démocratie si ce n'est qu'on élit quelqu'un pour faire une politique et que cette personne qu'on a élue assume ses choix. C'est la définition même de la responsabilité. L'irresponsabilité - celle qui consiste à dire : « j'ai demandé au Premier ministre, qui ne l'a pas fait, de réduire le chômage, je change de Premier ministre » - cela, ce n'est pas la démocratie. J'ai dit : moi je travaille en équipe avec François FILLON. D'ailleurs, je mets au défi quiconque de trouver le mot "collaborateur" dans un seul de mes écrits ou une seule de mes déclarations. Je serais très intéressé de le retrouver. Vous devez avoir cela dans vos archives Monsieur JOFFRIN ? On fait une équipe et j'assume la part de responsabilité qui est la mienne. Mais vous croyez quoi ? Que les gens m'ont élu pour que je me cache ?
Ensuite le mot sursis sur les ministres. Je ne vous retournerai pas le compliment. Moi, je suis toujours très sensible aux gens en situation fragile. Ils ne sont pas en sursis les ministres, ils doivent travailler. En aucun cas, Monsieur JOFFRIN, je vous apprécie trop pour cela, mais enfin vous devez savoir ce que c'est que de travailler dans des conditions économiques difficiles, vous devez savoir ce que c'est la difficulté de trouver un lectorat, un public, d'avoir la confiance de ceux qui vous élisent ou de ceux qui vous lisent. Les ministres travaillent, assument leurs responsabilités. A force d'annoncer un remaniement, un jour vous aurez raison. Ca c'est sûr qu'un jour il y en aura un, mais pas maintenant. Nous sommes une équipe qui fonctionne parfaitement bien, et je mets au défi quiconque de trouver un Président de la République et un Premier ministre qui acceptent tant de débats au sein du gouvernement, sans aucune crispation et sans aucun problème. C'est quand même un peu fort de dire "pouvoir personnel", "autoritaire". Quand Fadela, quand Rama, quand Bernard, quand les uns ou les autres, à un moment donné, ont exprimé des différences, qu'est-ce que j'ai dit ? Rien. C'est comme cela qu'on mène une équipe, par la tolérance et par l'ouverture. Alors je sais bien que ça vous gêne, parce que l'ouverture vous n'y croyiez pas, vous pensiez que j'allais faire comme la gauche, c'est-à-dire un zest d'ouverture. Moi, j'ai demandé aux ministres de gauche de rester des femmes et des hommes de gauche, et d'être d'accord sur un contrat de gouvernement pour avancer ensemble. Je respecte leurs différences, ils respectent la mienne. C'est bien éloigné de toute conception du pouvoir personnel. Où voyez-vous le pouvoir personnel ? Évidemment cela change : je prends mes responsabilités, je les assume, et quand il y a une erreur, je paye, et je paye "cash", mais c'est cela, la démocratie. Et dans toutes les démocraties au monde, cela existe comme ça. Et de surcroît, on va faire une réforme de la Constitution où le pouvoir de nomination du Président sera encadré, où les pouvoirs du Parlement seront renforcés et où on créera un défenseur des droits fondamentaux de la personne inscrit dans la Constitution, pour que chacun puisse faire valoir ses droits. Vous êtes bien heureux de vivre dans un pays comme cela, Monsieur JOFFRIN. Seulement, évidemment, ce n'est pas la gauche qui le fait, c'est nous. C'est là toute la différence.
QUESTION - J'ai deux questions brèves. Vous avez cité, et vous avez reconnu honnêtement que vous empruntiez votre idée de politique de civilisation à Edgar MORIN. Edgar MORIN vous reconnaissait, hier soir encore à FRANCE INTER et à France CULTURE, un génie, disait que vous étiez un "stratège génial" parce que vous aviez récupéré le Front national, éliminé la gauche, réduit le centre etc. Mais il disait aussi : c'est curieux, il n'y a pas dans la politique de civilisation et la volonté de renaissance et de rupture de Nicolas SARKOZY, il ne suscite pas l'enthousiasme qu'ont suscité Léon BLUM et le Front Populaire en 1936, de GAULLE en 1945 et MITTERRAND en 1981. À votre avis, pourquoi il n'y a pas cet enthousiasme ? Est-ce que c'est de votre faute ou est-ce que c'est de la nôtre ?
NICOLAS SARKOZY - Non, soyons simples, de la vôtre, non. Je recevais Edgar MORIN longuement hier, qui est un homme tout à fait remarquable, et si Edgar MORIN a dit "stratège génial", écoutez, cela fait un bon début d'année 2008 quand même. Lui-même a été plus modéré quand il m'a vu. Il m'a dit : il y a 75% de ce que vous dites qui est bien, ce qui me laisse une marge de progression de 25%. Venu d'un homme comme Edgar MORIN, c'est important. Mais l'enthousiasme, enfin on parle de quoi ? Du BLUM qui a failli se faire lyncher ? En son temps vous croyez que BLUM suscitait l'enthousiasme, quand on l'a sorti de sa voiture ? D'ailleurs, pour moi, le BLUM que j'admire ce n'est pas le BLUM de 1936, c'est le BLUM du congrès de Tours. Voilà, chacun peut avoir sa vision de l'histoire. C'est-à-dire le BLUM qui, proprement génial, alors qu'il n'y a pas la télévision, qu'il n'y a pas les moyens de communication, imagine que le communisme va devenir une dictature absolue. Il est génial, authentiquement, à ce moment-là BLUM. Enfin, pardon, je pense que BLUM est un des grands hommes de notre histoire - nous nous sommes même laissés aller, chez Henri, à en parler - mais il est génial en 1920 parce qu'il voit, il lit ce qui va se passer, alors que tant d'intellectuels dans les années 60 - ne soyons pas cruel Monsieur LEVAI - vont faire une petite visite en Union soviétique et ne voient rien de ce qu'avait décrit précisément BLUM quarante ans avant. Mais décrire le Front populaire comme une longue marche tranquille, avec les gens enthousiastes, c'est une relecture de l'histoire. Et vous savez comme j'aimais fraternellement un très grand intellectuel français qui s'appelle Jean-Michel GAILLARD, qui a écrit un magnifique téléfilm qui s'appelait "Thérèse et Léon". Relisez-le et vous verrez que, sur la route de Léon BLUM, cette route a été marquée par des épreuves, des doutes, des critiques d'une virulence absolue, qui n'étaient d'ailleurs pas simplement les critiques du fait qu'il était juif, mais tout simplement parce qu'on a toujours plus d'enthousiasme quand on regarde a posteriori le bilan d'un homme ou d'une femme. Quant à moi, je ne déclenche pas l'enthousiasme ... Bon eh bien écoutez, ne pas déclencher l'enthousiasme et faire 31,5% au premier tour, qu'est-ce que ça aurait été si je déclenchais l'enthousiasme ? Faire 53% au deuxième tour, qu'est-ce que ça aurait été si en plus on m'aimait ? Honnêtement, cela se discute. Maintenant, que les gens n'aient pas d'enthousiasme, il faut les comprendre monsieur LEVAI. Cela fait 30 ans qu'on leur demande des efforts et qu'ils ne voient pas de résultat. Mais je voudrais quand même vous dire une dernière chose : il y avait un français sur deux qui ne votait pas à la dernière élection, il y a 85% des français qui votent, vous trouvez que ce n'est pas de l'enthousiasme ça ? En tout cas, c'est un enthousiasme dont je me satisfais.
QUESTION - Monsieur le Président, souhaitez-vous que 2008, dans votre esprit, soit l'année de la fin, au moins réelle, des 35 heures ?
NICOLAS SARKOZY - Pour dire les choses comme je les pense, oui.
QUESTION - Monsieur le Président, votre cote de popularité a connu une chute sévère, comme celle de vos prédécesseurs, au bout de 7 mois de règne - je me présente, Christine CLERC, journaliste indépendante...
NICOLAS SARKOZY - C'est aimable pour les autres.
QUESTION - Est-ce que vous avez l'impression de répondre à l'inquiétude des Français qui nous regardent en développant un projet de politique de civilisation plutôt qu'en leur donnant des choses concrètes sur le pouvoir d'achat ? Je crois que c'est cela qu'ils attendent de vous, principalement en ce début d'année.
NICOLAS SARKOZY - Moi j'observe que les sondages, quand ils sont très positifs, sont décrits comme étant parfaitement relatifs, et quand il y en a un qui est moins positif - et encore - il devient la vérité et les prophètes. Très bien, de toute manière le commentaire, personne ne peut l'empêcher, et je voudrais dire à Christine CLERC : quand même, j'ai une certaine expérience de la vie politique et je n'imagine pas passer 5 ans à 70% de popularité. Ce n'est pas le but. Le but, c'est de faire des choses. Evidemment je m'inscris en faux avec ce que vous dites, Christine CLERC, pardon de le dire : le pouvoir d'achat, c'est une attente, mais il n'y a pas que celle-là. Quand vous dites : les préoccupations concrètes des Français, ce qu'on attend de l'école pour ses enfants, c'est une préoccupation concrète des Français. Pouvoir sortir dans la rue tranquillement, chère Michèle ALLIOT-MARIE, c'est une préoccupation concrète des Français. Ne pas avoir peur dans le métro, c'est une préoccupation concrète des Français. Avoir une politique de l'immigration digne de ce nom, vous pensez que ce n'est pas une préoccupation concrète des Français ? Avoir une ville où il fait bon vivre, discuter de l'urbanisme et de l'architecture, ce n'est pas concret ? Parler de l'hôpital, ce n'est pas concret ? Mais comment voyez-vous le concret ? S'agissant d'ailleurs du pouvoir d'achat, qu'est-ce que vous attendez de moi, que je vide des caisses qui sont déjà vides, ou que je donne des ordres à des entreprises à qui je n'ai pas à donner d'ordres ? Si c'est cela votre conception de la politique, on se trompe, on ne parle pas de la même chose. Réduire le débat politique français à la seule question du pouvoir d'achat, c'est absurde, c'est d'autant plus absurde que j'ai été le premier à en parler, et que quand nous avons fait voter, avec François FILLON et Christine LAGARDE, le projet de loi, l'été dernier, que nous avons mis 14 milliards d'euros pour le pouvoir d'achat des français, vous avez été un certain nombre d'observateurs à dire que je faisais une erreur car c'était une stratégie économique de la demande alors qu'il fallait faire une stratégie économique de l'offre. Et voilà que ceux qui au mois de juillet critiquaient la stratégie économique de la demande qui a visé à donner du pouvoir d'achat aux Français sont les mêmes qui me disent : pourquoi vous ne parlez pas du pouvoir d'achat ? Incohérent. Sur les 14 milliards, deux tiers sont pour les heures supplémentaires, mais les heures supplémentaires ont été faites par des ouvriers, par des salariés de très petites entreprises, de petites entreprises, cela marche. Mais cet argent-là, ce n'est pas du pouvoir d'achat ? Simplement, le pouvoir d'achat qu'on donne aux Français, c'est en fonction d'un travail supplémentaire, pas d'un travail en moins. Et quand avec Luc CHATEL nous modifions la loi Galland, nous posons la question du triple net et nous allons vers la négociabilité pour baisser les prix, ce n'est pas du pouvoir d'achat ? Qu'est-ce que c'est ? Enfin écoutez, ne vous laissez pas, quand même, envahir par des mots qui n'ont aucune signification derrière. Alors donc, le seul objet d'un Président de la République serait de dire : voilà de combien va augmenter le SMIC, et de vider des caisses qui ont été vidées par ailleurs. C'est cela la politique pour vous ? Eh bien justement c'est le contraire. Et d'ailleurs s'il suffisait de cela, Christine CLERC... Comme tout le monde l'a fait et que cela n'a rien résolu, pourquoi voudriez-vous que je continue ? S'agissant des augmentations du SMIC, s'il suffisait de l'augmenter pour qu'il n'y ait plus de chômeurs et davantage de pouvoir d'achat... On se demande pourquoi on en parle puisque tout le monde l'a fait et que cela n'a pas marché. Mais vous pourriez aussi me dire : depuis que vous êtes Président de la République et que le gouvernement de François FILLON est en place, le chômage n'a cessé de reculer, c'est du pouvoir d'achat donné aux Français. On est à un niveau historiquement bas. Alors évidemment, cela ne dépend pas de moi parce que ça baisse, mais si ça avait monté, quelqu'un se serait levé en disant : mais vous vous rendez compte, vous êtes président depuis 8 mois et il y a tant de milliers de chômeurs en plus. Qui se lève pour dire : vous êtes président depuis 8 mois et il y a 100 000 chômeurs de moins ? Si je suis celui qui aurait pu perdre la guerre, je peux être aussi celui qui l'a un peu gagnée.
QUESTION - Monsieur le Président, vous nous disiez tout à l'heure que l'urgence est partout, certains de vos ministres et de nos conseillers nous disent que la machine ne répond pas très bien, partagez-vous leur analyse ? Je parle de la machine de l'Etat, l'administration.
NICOLAS SARKOZY - Non, je pense qu'il y a beaucoup de bonne volonté, mais qu'il y a beaucoup de lourdeurs et un certain scepticisme de certaines administrations qui se disent : cela leur passera et ils changeront avant que nous-mêmes nous changions. C'est le coeur de la réforme de l'Etat qu'on met en oeuvre. Je n'ai pas répondu tout à l'heure, je m'en excuse, sur l'histoire de l'évaluation. L'évaluation, elle ne concerne pas simplement les ministres, elle concernera aussi les administrations. Nous mettons en oeuvre une politique, cette politique doit être appliquée. Si elle ne l'est pas, on en tire toutes les conséquences. Ce n'est pas une question de manque de loyauté, c'est plus une question de manque d'enthousiasme. On a le sentiment que, dans certains lieux de l'Etat, ils en ont tellement vu, tellement entendu, tellement de fois été déçus qu'ils n'y croient plus. Eh bien c'est à nous de donner ce surcroît d'enthousiasme qui manque parfois. Mais moi je fais confiance aux fonctionnaires et à leur loyauté, et je n'ai pas d'exemple précis de déloyauté qui soit à mettre au débit de telle ou telle administration.
QUESTION - Monsieur le Président, vous n'avez pas parlé pendant vos voeux 2008, dans votre calendrier, des échéances municipales et cantonales. C'est pourtant le premier baromètre de votre présidence, le premier jugement des Français. Est-ce que vous comptez vous investir dans cette campagne et est-ce que le fait de ne pas en parler est volontaire ?
NICOLAS SARKOZY - Ecoutez, je n'en ai pas parlé parce que je n'ai pas pensé que c'était le sujet de préoccupation des Français. Est-ce que je m'investirai dans la campagne ? Est-ce que François FILLON s'investira dans la campagne ? Oui, parce que ça serait curieux que vous me disiez : c'est un enjeu politique et, pour reprendre votre phraséologie, "vous serez jugé", et qu'il faut en tirer la conclusion que je ne dois pas m'en mêler, donc je dois rester comme le ravi de la crèche, à attendre £ regarder la mobilisation de tous nos contradicteurs, et dire à nos électeurs : restez chez vous. Je m'engagerai parce que le concept même d'élections dépolitisées est absurde, car ce sont les mêmes électeurs, et donc par conséquent je m'engagerai à la place qui est celle du Président de la République. Je peux dire que le Premier ministre s'engagera à la place qui est celle du Premier ministre, comme les ministres, pour mobiliser notre électorat et pour dire que les forces du changement, du mouvement, que les forces de la modernité, se rassemblent et s'expriment. Alors, pour autant, de toute manière cela ne change rien, parce que même si je ne m'engage pas et que les élections ne sont pas bonnes, est-ce qu'une personne ici ne m'en tiendra pas rigueur, au prétexte que je ne me suis pas engagé ? Personne. Chacun sait bien que ce sont toujours des rendez-vous complexes, on verra ce qu'il en sera, mais moi mon vrai juge de paix, c'est à la fin de mon quinquennat. Les Français ne m'ont pas élu pour un an, ils m'ont élu pour cinq ans, donc le rendez-vous c'est au bout de cinq ans, pour que les Français disent : est-ce qu'il a bien fait son travail ou est-ce qu'il l'a mal fait ? Alors naturellement, j'aime mieux qu'on les gagne, mais je le verrai, aussi, en m'engageant et avec du recul. Recul sur l'analyse, engagement sur l'opérationnel.
QUESTION - Monsieur le Président, vous avez souvent déploré le discrédit dont souffraient les hommes politiques, discrédit que vous attribuiez notamment au fait qu'ils n'assumaient pas toujours leurs responsabilités, vous avez souvent affirmé votre volonté de voir réhabilitée la noblesse de l'action politique. En quoi le recours à un cabinet privé pour évaluer l'action des ministres du gouvernement est-elle compatible avec cette volonté que vous avez manifestée ? Je précise bien que ma question porte sur le recours à un cabinet privé et non pas sur le principe même de l'évaluation. Merci.
NICOLAS SARKOZY - Je ne vois pas en quoi le recours à un cabinet privé plutôt que public ajoute ou retire au discrédit des responsables politiques. C'est-à-dire que si nous estimons, à un moment donné, que pour évaluer non pas les ministres mais les politiques publiques il y a un cabinet de spécialistes, il faudrait que nous nous n'en servions pas, Carole BARJON, au prétexte qu'il est privé ? C'est quand même une drôle de conception du discrédit et de la France. On essaye de prendre, avec François FILLON, les meilleurs pour faire quelque chose de très difficile qui est l'évaluation d'une politique publique. Et si dans un cabinet privé il y a des spécialistes qui veulent nous aider, mais pourquoi on ne s'en servirait pas ? C'est quand même curieux. Alors, qu'est-ce qui vous gêne ? Que ce soit privé ou que ce soit évalué ? Ça ne me gêne pas que ce soit privé et c'est mon devoir d'évaluer, voilà ma réponse.
QUESTION - On parle d'évaluation, comment vous évaluez votre propre bilan de ces premiers mois à l'Élysée ?
NICOLAS SARKOZY - Ecoutez, ce n'est vraiment pas à moi, Vanessa SCHNEIDER, de répondre à cette question, ce serait parfaitement déplacé. Je vois que, tous les jours, je suis évalué et je considère que c'est tout à fait normal. Tous les jours, je suis critiqué et si on ne veut pas être critiqué, on fait un autre métier que le mien.
QUESTION - Est-ce que vous, vous êtes satisfait de ces premiers mois à l'Elysée ?
NICOLAS SARKOZY - Je vous donne le sentiment d'être déprimé ? Franchement, je vais vous dire une chose, je suis passionné par ce que je fais, j'essaye de faire le mieux possible, je m'engage de toute mon âme, de toutes mes forces, je ne suis avare d'aucun de mes sentiments, j'essaie d'être à la hauteur des responsabilités que les Français m'ont confiées, je le fais sans aucun état d'âme puisque j'essaye d'être sincère à chaque minute de mes prises de parole. J'ai dit que je ne mentirais pas, c'est quelque chose que j'ai profondément chevillé au corps. Cela veut dire : est-ce que je suis à l'aise avec ce qu'on a fait ? La réponse est oui. Mais d'ailleurs, si je n'étais pas à l'aise avec ce qu'on avait fait, pourquoi l'aurais-je fait ? Pourquoi ? L'authenticité se lit sur mon visage, je ne triche pas, je ne truque pas. Ça fait trente ans que je suis dans la vie politique, personne ne m'a pris le doigt dans le pot de confiture du mensonge. On peut être en désaccord avec ce que je fais, on peut ne pas m'aimer, c'est tout à fait compréhensible, acceptable, normal, c'est la démocratie, mais personne ne peut dire que j'ai menti, que j'ai travesti. Ce que nous mettons en oeuvre avec François FILLON, c'est ce que nous avions dit. Je n'ai pas menti pendant la campagne, je n'ai pas menti depuis la campagne, et j'assume. Alors je comprends que c'est curieux en France parce qu'on n'assume pas quand on fait partie des élites françaises en général, c'est même la marque de fabrique. On se réfugie derrière la pensée unique, tous, comme des moutons, on pense la même chose au même moment. J'essaye d'assumer. Alors je ne suis pas satisfait, Vanessa SCHNEIDER, parce que je vois bien l'immensité de ce qu'il reste à faire, de ce que nous avons à faire, de ce qu'il reste à construire, mais en même temps, je suis à l'aise avec ce qu'on a fait. Ce qu'on a fait, en bien ou en mal, on a voulu le faire, donc si c'est une erreur, elle était volontaire.
QUESTION - Monsieur le Président, l'économie mondiale semble assez grise : on a des prix du pétrole qui augmentent, on a des chiffres de l'économie américaine qui sont assez mauvais, Jacques ATTALI, auquel vous avez confié une mission importante sur la croissance parle même d'une crise de 29 possible, une réédition d'une crise de 29. Est-ce que vous avez le sentiment que l'économie française est à l'abri de ces turbulences ? Ou, au contraire, est-ce que cela va modifier vos plans, vos réformes, et ce qu'attendent les Français ?
NICOLAS SARKOZY - La conjoncture internationale est moins bonne que celle qu'on pouvait espérer, mais à ceux qui me posent la question : est-ce que cela vous gêne ? De toute manière, Ruth ELKRIEF, si ce n'était pas ce problème, c'aurait été un autre. Et qu'est-ce qu'on y peut ? C'est comme cela, il faut assumer. Mais là encore je vous renvoie aux choix que nous avons faits avec François au mois de juillet où tout semblait aller bien, où on ne parlait pas de la crise des subprimes qui est arrivée au mois d'août : quand on disait qu'il fallait remettre de l'argent dans le moteur de l'économie française, les experts disaient : mais il est fou, tout va bien, pourquoi le fait-il ? Et aujourd'hui, si la France réagit plutôt mieux, c'est parce qu'on a fait cela. Et qu'est-ce qu'on veut faire de toute manière, crise des subprime ou pas, conjoncture internationale médiocre ou pas, qu'est-ce qu'on veut faire ? Libérer les forces du travail en France. Le problème français est connu : nous ne travaillons pas assez alors que les autres travaillent plus. Que les vents soient porteurs ou qu'ils soient de face ne change rien au diagnostic. Cela rend la marche un peu plus difficile, mais cela ne change rien à la stratégie. La France va s'en sortir en libérant les forces de travail, en laissant les gens qui veulent travailler plus pouvoir le faire, en laissant les gens construire une retraite à l'âge où ils le veulent - s'ils veulent travailler plus ils doivent pouvoir le faire -, en donnant davantage de souplesse dans notre droit du travail, en renforçant la formation et l'éducation. Mais qu'est-ce que ça vient faire les subprime là-dedans ? Ça ne change rien au diagnostic. Quand bien même il y aurait 18% de croissance mondiale, la France aurait quand même le problème des 35 heures, le problème d'un droit du travail qui ne protège pas les salariés et qui empêche les embauches, le problème d'une formation professionnelle qui laisse 500 000 offres d'emplois non satisfaites. Comprenez-moi, Ruth ELKRIEF, cela nous rend la tâche plus difficile mais sur le diagnostic économique et sur ce qu'il faut faire, cela ne change rien. Le diagnostic reste le même.
QUESTION - Est-ce que vous êtes inquiet ?
NICOLAS SARKOZY - Inquiet ? Mais si j'étais inquiet, je ne ferais pas Président de la République. Ce n'est pas un boulot pour inquiets. Franchement, j'en connais des plus calmes : éditorialiste... C'est difficile, mais l'avantage de l'éditorialiste c'est qu'on ne lui remet pas sans arrêt son éditorial à la figure, le suivant... tandis que nous, qui sommes les acteurs, on a des résultats à fournir. Mais cela ne change rien sur le fond, cela ne change rien du tout. Nous mettons en place une stratégie de changements profonds dans notre pays qui ne tient pas compte des aléas conjoncturels, parce que justement on veut réformer en profondeur la France qui en a besoin. Alors, cela change sur la conception qu'on peut avoir de la moralisation du capitalisme financier, et des réponses qu'on doit lui apporter, cela change dans l'urgence, mais sur la stratégie française... Ecoutez, cela fait 25 ans qu'on dit, quand il y a 5% de croissance mondiale, c'est bien quand la France en a 2, et quand il y a 3% de croissance mondiale, c'est bien quand la France est à 0,5. Eh bien nous on veut autre chose. On veut, quand le monde en a 5, en avoir 5, et un peu plus, on veut prendre à plein la croissance mondiale. Et pour cela ce sont des causes endogènes, françaises. Arrêtons de dire et de penser que les problèmes de la France, c'est uniquement les problèmes de l'international et des autres. C'est aussi, c'est d'abord les problèmes des français, voilà. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? Le diagnostic il est parfaitement connu et c'est sur la base de ce diagnostic qu'avec François FILLON on a mis en place une stratégie économique, Christine LAGARDE, sociale, Xavier BERTRAND, pour obtenir des résultats. Et ces résultats nous les obtiendrons. Et je le dis aux Français : on sera au rendez-vous des résultats, parce qu'on va se battre pour faire les changements qui ont marché partout ailleurs dans le monde. Tous ceux qui ont fait ce que nous sommes en train de faire ont gagné. Nous gagnerons aussi. Et ce n'est pas une question de semaines, ou de mois, ou de subprimes, c'est une question de conviction. Je porte cette conviction et je la mènerai jusqu'au bout parce que je suis sûr qu'on est dans le bon chemin et que tous ceux qui l'ont fait ailleurs ont eu des résultats. Nous aurons ces résultats.
QUESTION - Monsieur le Président, chaque jour il y a des hommes, des femmes, des enfants et voire même des bébés qui sont traités comme des criminels du seul fait qu'ils sont étrangers sans papier, alors est-ce que vous ne pensez pas que la politique du chiffre que vous prônez, c'est-à-dire 25 000 expulsions par an, est la cause de ces dérives qui heurtent de plus en plus les Français, au premier rang desquels, d'ailleurs, Jean-Pierre JOUYET, votre Secrétaire d'Etat aux Affaires européennes qui s'en est un peu indigné ? Et puis je voulais savoir si vous confirmez le fait que Brice HORTEFEUX serait évalué au nombre de reconduites à la frontière ?
NICOLAS SARKOZY - D'abord, traités comme des criminels, c'est insultant pour ces malheureux, parce que les criminels vont en prison, les étrangers en situation irrégulière ne vont pas en prison madame MURACCIOLE, excusez-moi. Je suis désolé, mais les mots ont un sens. Un criminel va en prison, un étranger sans papiers est en centre de rétention. Si vous avez visité une prison et un centre de rétention, vous en ferez très facilement la différence. Et je ne permets pas qu'on dise de la France que nous traitons comme des criminels des gens qui n'ont pas de papiers, ce n'est pas vrai, c'est faux. Deuxièmement, quelle est la solution ? Si vous ne raccompagnez pas chez eux des gens qui n'ont pas d'autorisation de rester sur notre territoire, alors expliquez-moi comment vous faites pour convaincre les gens qui veulent venir de demander des papiers ? C'est extrêmement intéressant Madame MURACCIOLE, expliquez-nous un peu votre stratégie. Si de ne pas avoir de papiers donne le droit de rester en France, parfait, alors pourquoi ceux qui se donnent la peine d'avoir des papiers les demandent-ils, si le résultat est le même ? J'aimerais qu'on me l'explique. Dans un Etat de droit, Madame MURACCIOLE, quand un juge prononce une mesure d'expulsion, la démocratie c'est d'exécuter cette mesure d'expulsion. Quand on est en centre de rétention administrative, on a recours au juge administratif, et, ou, au juge des libertés. Quand le juge administratif ou le juge des libertés confirme la rétention administrative, vous pouvez bien dire tout ce que vous voulez, le devoir de l'Etat c'est d'obéir à la justice et d'expulser, voilà. Et donc, par conséquent, ce n'est pas Brice HORTEFEUX qui sera évalué, c'est la politique de l'immigration qui sera évaluée. J'ajoute un dernier point Madame MURACCIOLE. A force de ne pas avoir expulsé ceux qui devaient être expulsés, on a encouragé la présence en France de réseaux, criminels cette fois-ci, qui exploitent la misère humaine, parce que lorsque vous n'expulsez pas les gens, les réseaux du monde entier amènent ces malheureux dans le pays où on n'expulse pas, justement parce qu'on n'expulse pas, et à ce moment-là on est complice des réseaux criminels. J'ajoute un dernier point, je vois que mes idées progressent, puisque monsieur ZAPATERO, Premier ministre espagnol, a déclaré il y a 1 mois qu'il n'y aurait plus de régularisations massives, parce que Monsieur PRODI, Premier ministre italien socialiste, a déclaré il y a 15 jours, qu'il n'y aurait plus de régularisations massives, et vous savez ce qu'ils m'ont demandé tous les deux ? Que la France, l'Italie et l'Espagne, procèdent à des expulsions collectives. Ce que les socialistes italiens et les socialistes espagnols font, est-ce que vous ne croyez pas que la France doit le faire ? Il ne s'agit pas d'inhumanité, il s'agit d'un Etat de droits. Dans un Etat de droits, on a des papiers, et Madame MURACCIOLE, chez vous vous êtes chez vous, et on ne rentre pas chez vous sans votre autorisation. Eh bien la France c'est un peu comme votre domicile aussi, on ne rentre pas en France sans autorisation, et quand on rentre en France sans autorisation, on est raccompagné dans son pays, on n'en est pas un criminel pour autant, mais ça s'appelle un Etat de droits, ne le répétez pas, avec des règles, des règles qui doivent s'appliquer, et à force de ne pas les appliquer, on a conduit à la catastrophe. Dernier chiffre, il y a 475 millions de jeunes Africains qui ont moins de 17 ans, 475 millions, et le Détroit de Gibraltar c'est 14 kilomètres, voilà.
QUESTION - Monsieur le Président, Francis BROCHET, du Progrès de Lyon. Vous avez parlé tout à l'heure de la promotion de la diversité. Comment comptez-vous l'appliquer aux banlieues, et irez-vous l'expliquer en banlieue, à Vaulx-en-Velin, comme on l'annonce parfois ?
Le PRESIDENT - Pas forcément à Vaulx-en-Velin, mais j'irai en banlieue, j'irai avec Fadela, comme le Premier ministre y a été, et nous présenterons un plan extrêmement ambitieux au début du mois de février. La caractéristique de ce plan, c'est qu'il reposera davantage sur les personnes que sur les territoires.
QUESTION - On a parlé des enquêtes d'opinion dans lesquelles votre cote de confiance semble s'éroder ces dernières semaines, particulièrement dans les couches populaires et chez les ouvriers. Vous avez parlé du pouvoir d'achat, ce ne sont pas les seules critiques qui sont évoquées souvent dans ces enquêtes, je suis désolée de vous en parler, il y a aussi une question de style, Monsieur le président, et un malaise qui semble être provoqué par votre manière d'afficher votre vie privée ou bien de partir en vacances dans le jet d'un ami, monsieur BOLLORE, alors que vous avez fait relever votre salaire de façon conséquente. Est-ce que vous comprenez ce malaise dans ces couches populaires ou alors est-ce que vous pensez qu'on l'exagère, qu'il est inventé ?
Le PRESIDENT - Je voudrais vous dire que sur l'affichage de la vie privée, j'ai bien compris que ça vous gênait, donc que par conséquent, vous n'enverrez plus de reporters de BFM TV pour me suivre partout où je vais, ou telle ou telle télévision, donc on a progressé, donc on a progressé de ce point de vue-là, puisque, à tous ceux qui disent que j'en fais trop de ce point de vue-là, je voudrais rappeler que je n'ai donné aucune instruction à aucune rédaction d'envoyer force de reporters, de caméras, de photos, dans un but naturellement qui était simplement de transparence et qui ne consistait pas à améliorer les ventes de son propre organe de presse. Passons. S'agissant du salaire, les choses sont parfaitement claires, de quoi s'agit-il ? Quand je suis arrivé président de la République, on m'a dit : vous devez fixer votre salaire, ah bon. J'ai dit : pourquoi je fixe mon salaire, non, il doit y avoir une règle. Non, il n'y a aucune règle. Il n'y a aucune règle, vous faites exactement ce que vous voulez, et puis, si vous avez des retraites, vous pouvez, à la différence de tous les Français, cumuler vos retraites et votre salaire. Donc vous le fixez. J'ai dit : non, je ne le fixe pas, parce que ce n'est pas à moi de le fixer. Le seul salaire dans la fonction publique qui n'était pas fixé par le Parlement et par la loi, c'était celui du Président de la République. Est-ce que vous avez eu le courage et l'honnêteté de le dire ? Est-ce qu'on considère que c'est normal ? Est-ce qu'on a demandé à mes prédécesseurs ce qu'ils gagnaient, et comment ils les gagnaient, et comment avaient été fixées leurs rémunérations ? Je suis le seul à avoir décidé que la Cour des comptes contrôlerait le budget de l'Elysée, personne ne l'avait fait avant moi, personne. Je suis le seul à demander au Parlement de fixer mon salaire, personne ne l'avait fait avant moi. Le président le fixait, le Parlement a fixé le salaire, majorité comme opposition, d'accord sur ce point-là. Le Parlement a fixé le salaire du Président de la République au niveau de celui du Premier ministre. Est-ce que quelqu'un s'est avisé de dire : c'est choquant ce que gagne le Premier ministre ? Est-ce que quelqu'un peut dire que c'est choquant que le Président de la République gagne ce que gagne le Premier ministre ? Est-ce que quelqu'un peut dire que c'est choquant que le Président de la République ait son salaire fixé par la majorité et l'opposition dans un vote transparent au Parlement ? Et de surcroît, j'ai moi-même demandé à ce que désormais, le président de la République ne puisse cumuler retraites et salaires. Et si vous voulez une confidence, à l'arrivée, ça me fait un peu moins que ce gagnait mon prédécesseur en cumulant retraites et salaires. Voici ma réponse, parce que je trouve que la malhonnêteté, pas la vôtre, naturellement, mais la malhonnêteté a des limites, ça s'appelle la transparence. Je suis un homme honnête, je n'ai pas eu d'augmentation de mon salaire. Je gagne la même chose que gagnait mon prédécesseur. La différence, c'est que je le gagne après un vote du Parlement, qui me met au même salaire que le Premier ministre. Et permettez-moi de vous dire que ça s'appelle du populisme, que ceux qui ont dit que c'était 140% d'augmentation, on se demande d'ailleurs bien par rapport à quoi, comme si quelqu'un peut s'imaginer qu'un président de la République se contentait de 7.000 euros par mois avant moi. Enfin, s'agissant des déplacements et du fameux avion, qu'est-ce qu'on préfère, que je me déplace aux frais du contribuable français, et que je fasse venir une seconde famille dans un autre avion du contribuable français ? Ca, ça ne vous choquait pas ? Il se trouve qu'il n'y en avait pas, et il se trouve par ailleurs, j'ai vu que Monsieur HUCHON, très sympathique par ailleurs, me disait que, lui, pouvait prendre sans problème l'avion de ligne. C'est vrai. Je ne le conteste pas qu'il y a des problèmes de sécurité pour un chef de l'Etat, qui fait que, par ailleurs, le chef de l'Etat est suivi dans sa sécurité par un médecin, par un aide de camp, qui le tient en liaison avec l'armée française pour la bombe atomique, qu'il est suivi par des transmetteurs, qui installent et qui permettent de savoir qu'il est en permanence joignable, qu'il est suivi par une dizaine de personnes, et que ce n'est pas forcément très simple de mettre ces dix personnes dans un charter pour Charm el-Cheikh. Voilà. Mais... avec vous, pourquoi pas, dans le même charter, pour être sûr que vous puissiez tout contrôler. Voilà. Ça n'a pas coûté un centime aux contribuables français. Et puis, je vais vous dire autre chose, moi, j'assume. Alors, vous me dites qu'il y a un malaise, mais qu'est-ce que ça change quand il n'y a pas de malaise ? Alors, il y a un malaise, mais alors qu'est-ce que vous voudriez dire pour tous ceux qui ont été battus, je dois dire que certains qui ont voulu me donner des leçons de transparence sur la vie privée...
QUESTION - Merci. L'agence de presse allemande de l'ADPA. Monsieur le Président, vous avez dit qu'il faut aider beaucoup de pays qui s'intéressent au nucléaire civil, est-ce que vous êtes conscient que ces pays, inclus dans le monde arabe, sont capables de gérer les déchets atomiques nucléaires, et qu'ils sont capables de protéger les sites contre les attentats terroristes ? Merci.
Le PRESIDENT - Ma réponse est tout à fait oui, et par ailleurs, quelle est l'autre solution, Madame ? Quel est le grand problème du monde ? Eviter un conflit entre l'orient et l'occident. Si vous expliquez aux pays arabes qu'ils n'ont pas le droit au nucléaire civil parce qu'ils sont arabes, vous donnez une prime extraordinaire à l'Iran, dont c'est justement toute la thèse qu'il faut acquérir l'arme nucléaire, parce que justement, l'occident ne veut pas donner l'énergie du futur. Partant, je suis convaincu qu'il faut aider ces pays sur la voie du développement et leur ouvrir l'accès au nucléaire civil. J'ajoute que s'ils ont la sagesse de faire le choix de la technologie française, c'est encore mieux. Et il vaut mieux que ça soit la technologie française qu'une autre technologie. Peut-être une dernière question.
QUESTION - Comment pensez-vous agir pour transformer le G8 en G13, et faire entrer dans le Conseil de sécurité des Nations Unies quelques pays comme le Brésil, l'Inde, l'Afrique du Sud ou Allemagne ? Merci.
Le PRESIDENT - Eh bien, écoutez, je pense y arriver en faisant appel au bon sens, en trouvant des alliés et en faisant évoluer la réflexion sur ce sujet. Je me suis déjà exprimé sur cette question, j'ai écrit à l'ensemble des participants au G8 pour leur demander cela. J'en ai parlé au Premier ministre japonais, j'en ai parlé au président américain. Il faut que nous arrivions au résultat. J'ajoute que j'ai déjeuné récemment avec Monsieur BAN Ki-Moon, je lui ai dit que la réforme du Conseil sécurité de l'ONU ne pouvait plus attendre, car le monde ne pouvait plus attendre. Je serai jugé là aussi sur les résultats.
Mesdames et Messieurs, un mot, je voudrais vous dire que, d'abord, en vous remerciant de votre présence, de votre attention, de vos questions. Je voudrais vous dire que j'aurai l'occasion de refaire des conférences de presse parce que c'est un exercice, me semble-t-il, auquel doit se prêter un Président de la République responsable. Vous vous posez des questions au nom de vos téléspectateurs ou de vos lecteurs. Il est tout à fait normal que je puisse y répondre, quels que soient par ailleurs les sujets. Et vous le savez, ce qui était anormal, c'est de penser que la parole présidentielle est forte, au seul prétexte qu'elle est rare. Parce qu'une parole présidentielle rare, c'est une parole présidentielle qui ne rend pas compte de ses responsabilités, qui, d'une certaine façon, les fuit, qui s'abrite derrière d'autres. Le rythme de la démocratie, c'est le rythme de la réactivité, on doit rendre des comptes. Et quel Président serais-je si je demandais des résultats au gouvernement et si je m'en éloignais moi-même, dans ma propre pratique ? Et partant, je voudrais vraiment que chaque année, nous ayons au moins deux ou trois occasions de nous rencontrer de cette manière, peut-être moins solennelle, de façon à ce que vous puissiez exercer votre métier, et que je puisse assumer mes responsabilités. Je vous remercie.