19 décembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'agenda social de 2008, notamment les salaires, le fonctionnement du marché du travail, la formation professionnelle, le service public de l'emploi, la réduction de la pauvreté et le système de négociation collective, à Paris le 19 décembre 2007.

J'ai tenu à réunir ici à la Présidence l'ensemble des organisations patronales et syndicales les plus représentatives au plan national, en présence du Premier ministre et des ministres concernés. Le but de cette réunion est d'élaborer en commun l'agenda social des mois à venir. C'est la première fois qu'une telle procédure est utilisée et qu'un Président de la République vous réunit tous à cette fin. Notre conférence portera sur les sujets, qui sont dans le domaine du travail - c'est-à-dire, du pouvoir d'achat et de l'emploi - et dans celui des relations sociales.
Vous connaissez mes objectifs. Pour les Français, je veux le plein emploi, je veux plus de pouvoir d'achat et je veux des entreprises plus compétitives. Je veux donner au travail toute sa place dans nos politiques économiques et sociales. Ces objectifs sont simples et se renforcent l'un l'autre : c'est parce qu'il y aura plus de travail, qu'il y aura aussi plus de pouvoir d'achat et plus d'emploi. Je souhaite une meilleure répartition des richesses pour qu'une plus juste part en soit donnée aux salariés. Je souhaite aussi qu'au cours des prochaines années notre système de relations sociales soit rénové, de manière à créer les conditions d'un dialogue social constructif.
Vous le savez, ma volonté de changement est sans failles parce que notre pays a besoin de changement, l' tend avec impatience, conscient du retard pris au cours des décennies passées.
Cette impatience, nous devons, Etat comme partenaires sociaux, en tenir compte. N'oublions pas que nos concitoyens nous jugeront aux résultats que nous atteindrons et à la rapidité de notre action.
Vous savez aussi l'importance que j' tache au dialogue social. Je suis profondément convaincu qu'on ne trouve de bonnes solutions aux attentes des salariés et des entreprises que dans un cadre concerté avec ceux qui les représentent.
Ce n'est pas simple car le tempo du changement n'est pas toujours compatible avec celui du dialogue social.
Le temps de la négociation entre patronat et syndicats, et c'est normal, est un temps long : il faut d'abord tomber d'accord sur le principe même d'une négociation £ une fois cette étape franchie, il faut construire un diagnostic partagé, qui transcende les clivages traditionnels £ il faut trouver des solutions de compromis en en pesant chaque terme parce que la signature apposée au bas de l'accord négocié engage vos organisations. Le temps du dialogue social est un temps long mais c'est un temps utile car il permet la maturation des réformes et il favorise le consensus.
Notre défi est donc de conjuguer les nécessités et le rythme de l'action avec la pratique du dialogue social. Ce que je vous propose est très simple : sur chaque thème de réforme, qu'il soit à l'initiative du gouvernement ou des partenaires sociaux, nous allons décider ensemble la voie la plus efficace et le calendrier le meilleur pour le traiter.
Deux options sont possibles : la première est celle de la négociation entre les partenaires sociaux avec des délais précis pour qu'elle ne s'enlise pas mais avec un calendrier qui ne bouscule personne £ la seconde voie est celle où l'Etat prend ses responsabilités, après concertation, naturellement, avec les organisations patronales et syndicales.
Ce choix, je vous l'ai déjà proposé de manière informelle cet été, lorsque j'ai demandé à chacun d'entre vous quels étaient les chantiers dont vous souhaitiez vous saisir. Chaque fois que vous m'avez répondu que vous vouliez négocier, vous en avez eu la possibilité. Je compte faire la même chose aujourd'hui. Mais en retour, il ne nous faut mettre dans le champ de la négociation que les sujets sur lesquels vous pensez avoir des chances sérieuses d'aboutir dans des délais raisonnables. Je sais qu'il est difficile de mener de front plusieurs négociations importantes. Ainsi vous m'avez dit que vous n'aviez pas encore eu la possibilité de lancer vos travaux sur la représentativité en parallèle de ceux que vous menez sur l'emploi.
Quels sont les thèmes proposés à l'agenda social des mois à venir ?
Le premier est essentiel pour le pouvoir d'achat car il concerne les salaires. Les gouvernements successifs ont beaucoup baissé le coût du travail au niveau des bas salaires. Cela représente aujourd'hui plus de 20 milliards d'euros d'allègements de cotisations sociales. Ces allègements sont justifiés pour améliorer l'emploi et la compétitivité du pays. M ais je constate que cet effort n'a porté que peu de fruits en termes de revenus nets pour les salariés.
Il me semble juste que ces allègements aient des contreparties salariales. Il n'est pas normal qu'ils restent inchangés pour des entreprises et des branches qui refuseraient de négocier les salaires ou maintiendraient trop longtemps leurs minima en-dessous du SMIC.
Il faut que les entreprises se soucient des salaires de tous et pas seulement des stocks options de quelques uns. Il faut que les entreprises qui font plus de profits distribuent aussi plus de salaires.
Ce thème, vous l'avez déjà évoqué lors de la conférence tripartite du 23 octobre dernier. Tout à l'heure,nous vous proposerons que le scénario élaboré par Christine LAGARDE et Xavier BERTRAND soittransmis dès demain pour avis au conseil d'orientation pour l'emploi puis à la commission nationale de la négociation collective, afin que le gouvernement puisse proposer au Parlement des dispositions législatives dès le printemps.
Le deuxième sujet est le fonctionnement du marché du travail. Il s'agit d'offrir aux entreprises comme aux salariés à la fois des sécurités nouvelles et plus de mobilité. C'est un thème sur lequel vous m'avez indiqué cet été vouloir négocier entre vous et je sais que vous menez depuis le début du mois de septembre vos discussions avec beaucoup de rigueur et à un rythme soutenu. Je vous propose donc de faire le point sur l' état d'avancement de vos négociations sur le contrat de travail, 'assurance chômage et la sécurisation des parcours professionnels.
L'échéance initialement fixée était la fin de l'année. Plusieurs d'entre vous m'ont indiqué vouloir prolonger les négociations pendant les 15 premiers jours de janvier. Je n'y vois pas d'inconvénient et invite les organisations signataires à rencontrer autour du 15 janvier le ministre du Travail afin de faire part au gouvernement du résultat de vos travaux. Si vous n'êtes pas parvenu à un accord, le gouvernement entreprendra une concertation rapide avant d'élaborer un projet de loi dont il aura la responsabilité. Pour l'assurance chômage, je sais que vous avez l'attention d'aborder le sujet en 2008. Dans le document d'orientation que le gouvernement vous avait adressé le 18 juin dernier, il était indiqué que "la répartition et l'articulation des rôles entre le régime de solidarité financé par l'Etat et le régime d'assurance financé par les entreprises et les salariés devait être précisé". Il est évident qu'avant d'aborder cet aspect du sujet, conviendra d'organiser une rencontre avec le gouvernement.
Le troisième thème concerne la formation professionnelle. J'y suis particulièrement attaché car il ne peut y avoir ni mobilité, ni sécurité sur le marché du travail sans formation tout au long de la vie. Et malheureusement à cet égard, notre système est à bout de souffle, dans son organisation comme dans son financement. Il n'est pas centré sur ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les chômeurs et les salariés les moins qualifiés. Il est éclaté entre de trop nombreux commanditaires et financeurs et n'a pas de cohérence territoriale.
Dès lors que ce sujet implique plusieurs catégories d'acteurs (l'Etat, les partenaires sociaux et les régions), il me paraîtrait raisonnable de mener d'abord un travail en commun dans un groupe, qui réunirait ces différentes parties prenantes. Ce groupe devrait nous remettre pour la fin mars ses conclusions en matière d'objectifs prioritaires et de méthode pour les atteindre. Il pourra s'appuyer sur les travaux en cours au sein du conseil d'orientation pour l'emploi. Après la remise de ces conclusions, nous déterminerons ensemble qui fait quoi et quand sur ces sujets. Il me semble utile d'établir des priorités dans ce chantier complexe et pour ma part je souhaiterais que soit examinée en premier lieu une meilleure orientation des financements et des dispositifs de formation vers ceux qui en ont le plus besoin, en particulier les demandeurs d'emploi et les salariés les moins qualifiés.
Parce que le plein emploi est ma priorité, je veux un service public de l'emploi performant, capable de réorienter rapidement les chômeurs, de valoriser leurs compétences et de les suivre de manière intensive et plus personnalisée dans leur recherche d'emploi. C'est la raison pour laquelle je suis heureux que nous ayons avancé rapidement vers la fusion des réseaux de l'ANPE et de l'UNEDIC. Le projet de loi permettant cette fusion a été approuvé en Conseil des ministres le 6 décembre dernier et sera très prochainement débattu au Parlement. Nous aurons enfin, comme c'est le cas chez nos principaux partenaires, un opérateur unique pour l'accueil le placement, le service des prestations d'indemnisation et l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Christine LAGARDE nous rappellera tout à l'heure le calendrier prévu pour la mise en oeuvre des différentes étapes de cette fusion.
Vous le savez, nous nous sommes également fixé un objectif ambitieux de réduction de la pauvreté d'un tiers sur la durée du quinquennat. Pendant trop longtemps, on a considéré la pauvreté comme un statut dans lequel les gens devaient vivre le moins mal possible. C'est inacceptable. Pour lutter contre l'exclusion et la pauvreté, je veux qu'on s'attaque enfin à leurs causes. Sur ces dossiers portés par Martin HIRSCH, nous ferons un point tout à l'heure pour vous proposer comment atteindre l'objectif gouvernemental de réduction d'un tiers du taux de la pauvreté sur le quinquennat. Nous vous présenterons également le calendrier retenu pour le Grenelle de l'insertion et la réforme du revenu de solidarité active. Cette réforme est importante car elle doit garantir à toute personne qui reprend un travail que ses ressources vont augmenter, et cela dès la première heure travaillée. Ce chantier aboutira dès 2008, et permettra de réformer en profondeur le RMI 20 années après sa création.
Enfin, nous avons besoin d'un système de négociation collective renforcé et efficace aux niveaux interprofessionnel de branche et d'entreprise, permettant d'apporter des solutions négociées aux problèmes des salariés comme des entreprises.
Pour cela, il faut des organisations fortes. Aujourd'hui, la représentation sociale est éclatée, fondée sur des critères obsolètes et un mode de financement inadapté. Je veux donc que soient examinés les
critères de la représentativité et la question du financement.
Ma conviction, c'est aussi que la loi et le règlement ne doivent pas limiter indûment le champ du contrat. Notre droit du travail est tellement complexe et étoffé, qu'il bride le libre jeu de la négociation. A côté de la norme législative et réglementaire, qui fixe les principes généraux, il faut une vraie place pour des conventions, qui engagent les partenaires sociaux à tous les niveaux, interprofessionnel branche, territorial ou entreprise.
Mais si on veut donner plus de place au dialogue social il faut que chacun prenne ses responsabilités. Nous avons besoin d'accords qui aient une plus grande légitimité qu'aujourd'hui, surtout s'ils aboutissent à des règles innovantes. Il faut donc qu'on réfléchisse aux conditions de validité de l'ensemble des accords.
Dans le domaine particulier du temps de travail,e souhaite qu'on fasse confiance aux salariés et aux partenaires sociaux pour qu'ils aient plus de choix en la matière. Je ne veux plus que la loi ou des accords de branche verrouillent toute possibilité pour ceux qui le souhaitent de travailler plus pour gagner plus. Cette discussion doit avoir lieu dans l'entreprise et lorsqu'il y aura allongement du temps de travail il devra y avoir des contreparties sonnantes et trébuchantes. Cette réforme aura naturellement pour conséquence de simplifier notre réglementation sur le temps de travail, devenue aujourd'hui la plus complexe du monde. Nous sommes arrivés au bout d'un système.
Sur une partie de ces chantiers essentiels (représentativité, condition de validité des accords et dialogue social dans les PM E), le gouvernement vous a déjà saisis au mois de juin dernier par un document d'orientation. Je propose que son contenu, dont les objectifs d'ensemble demeurent à mes yeux entièrement valables, soit complété sur deux points : la négociation sur le temps de travail et le financement des organisations. Vous me direz si vous êtes prêts à négocier sur tout ou partie de ces sujets ou si vous préférez que le gouvernement s'en saisisse après concertation avec vous. Dans l'hypothèse d'une négociation, étant donné que la première saisine du gouvernement est intervenue il y a sept mois, je crois raisonnable de se fixer pour échéance le mois de mars prochain.
Par ailleurs, le gouvernement demandera au Parlement d'adopter des dispositions législatives réglementant la publication et la certification des comptes des organisations. Nous sommes tous conscients que les règles applicables aujourd'hui, qui datent de 1884, sont obsolètes. Il est de la responsabilité du gouvernement de les faire évoluer.
Je vous propose maintenant que nous procédions à un tour de table sur ces cinq chantiers, en commençant par un premier "bloc" de sujets - emploi, service public de l'emploi, formation professionnelle, lutte contre la pauvreté et insertion. Dans un deuxième temps, nous pourrons évoquer, à l'occasion d'un second tour de table, les négociations salariales et la conditionnalité des allègements, la représentativité et le dialogue social notamment en matière de temps de travail dans l'entreprise.
Je demande au Premier ministre d'introduire la discussion sur chacun de ces groupes de thèmes. Bien entendu, j'attends de vous que vous nous indiquiez si les schémas présentés et les calendriers vous conviennent. De même, je serais heureux de connaître toutes vos propositions pour compléter l'agenda social. Certains d'entre vous m'ont déjà dit qu'ils souhaiteraient évoquer le développement de la participation, l'insertion professionnelle des jeunes dans les quartiers défavorisés et la préparation de la présidence française de l'Union européenne. Le Premier ministre et les ministres concernés vous diront à la fin de la réunion de quelle manière le gouvernement compte les intégrer dans l'agenda social.
Je vous précise également que nous n'évoquons aujourd'hui que les réformes qui concernent l'emploi, le pouvoir d'achat et le dialogue social mais que j'ai l'attention de vous proposer de tenir une réunion similaire d'agenda consacrée à la protection sociale début 2008.