13 décembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations entre l'Etat et les religions en France, notamment le catholicisme, à Paris le 13 décembre 2007.

Monseigneur,
Mesdames les Ministres,
Madame la Ministre des Cultes,
Monsieur le Ministre,
Chers Amis,
Cher Patrick,
Je voudrais vous dire d'abord combien je suis heureux d'être ici, parce que je conçois mon rôle de Président de la République comme devant être aux côtés de l'église de France, dans les mauvais moments comme dans les bons. Les mauvais, les tristes, c'est lorsque nous avons tous ensemble accompagné Monseigneur LUSTIGER dans cette magnifique cérémonie du mois d'août où tant de parisiens s'étaient retrouvés autour d'un homme qui avait profondément marqué les Parisiens, les Français, bien au-delà des sols chrétiens de France. Vous qui avez travaillé si près à ses côtés, je suis sûr, Monseigneur, que vous ne serez pas choqué que j'évoque la mémoire de celui qui fut votre ami, d'une certaine façon votre guide, et avec lequel vous avez tant partagé. Et puis les bons moments, pour retrouver, pour vous retrouver Monseigneur VINGT-TROIS. Vous voici donc Président, vous aussi ! C'est cela notre conception de la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Bon, je ne vais pas le compromettre, Monseigneur VINGT-TROIS est quelqu'un que j'apprécie énormément, à titre personnel, un homme de grande dimension, ses pairs ne s'y sont pas trompés. Le Saint-Père ne s'y est pas trompé, naturellement, mais vos pairs non plus. Vous voilà avec des responsabilités éminentes. Vous savez que pour moi cette visite, parlant sous le contrôle de Madame Michèle ALLIOT-MARIE, est importante parce que j'ai professé, je l'admets bien volontiers, une certaine singularité dans la classe politique française. J'ai toujours une vision positive de la laïcité. Je me suis toujours détourné d'une vision agressive et sectaire de la laïcité. Car enfin, si l'on veut bien réfléchir, ce qui n'est pas le commun de nos sociétés, pourquoi la laïcité si ce n'est pour reconnaître un droit ? La laïcité, c'est d'abord un droit. Ce n'est pas une interdiction la laïcité, c'est d'abord un droit. Le droit de ne pas croire et le droit de croire. Et c'est un double droit, non seulement le droit de croire est reconnu mais il garantit l'équilibre, l'égalité entre les différentes grandes religions révélées de France, de façon à ce que chacun puisse vivre sa foi et la transmettre à ses enfants. Si la question spirituelle n'était pas si importante, je me demande bien pourquoi on aurait inventé la laïcité pour garantir le droit de croire dans les mêmes conditions, quelle que soit la religion qui est la sienne. Et tous ceux qui voient la laïcité comme quelque chose de sectaire se trompent profondément sur la signification qu'il convient de lui donner. Comme vous le savez Monseigneur, c'est un engagement lointain pour moi. J'ai même pris le risque d'écrire sur le sujet, alors que j'étais Ministre des Finances, et certains se sont demandés alors mais de quoi se mêle-t-il ? Ecoutez, je suis de ceux qui pensent qu'il est important dans une société laïque que des grandes voix portant un engagement spirituel se prononcent sur tout un ensemble de questions où ces voix peuvent être utiles. Ecoutez, nous sommes dans une société de la communication où tout le monde dit tout, en général sur n'importe quoi et souvent n'importe comment. Il n'y a aucune raison que ceux qui portent un engagement spirituel profond soient les seuls à qui on contesterait le droit de donner une opinion. J'ajoute que je vois assez peu de risque que l'Etat soit mis sous la domination de telle ou telle religion, fusse t-elle la première. J'ai d'ailleurs récidivé en pensant que la deuxième religion de France, de nos amis Musulmans, devait être organisée pour que les pouvoirs publics locaux, régionaux, cher Jean-Paul, ou nationaux puissent avoir un dialogue. Je me demande vraiment comment on peut porter un dialogue - ce fut un fameux débat avec Monseigneur LUSTIGER, l'amitié n'empêchait pas une certaine vivacité dans nos échanges - comment peut-on avoir ce dialogue si on n'a personne avec qui discuter, dialoguer ? C'était pour moi extrêmement important, enfin, je me suis toujours demandé quelle pouvait être la contradiction entre la République et les religions. Ceux qui portent la foi, quelles sont leurs caractéristiques quelle que soit leur religion ? C'est l'espérance. Celui qui croit, c'est celui qui espère. En quoi le fait d'espérer serait-il contradictoire avec les règles républicaines ? Et au nom de quoi, donner un sens à la vie serait-il contradictoire avec la République qui a justement pour responsabilité d'organiser la vie, pas forcément de lui donner un sens ? Au fond se dessine une complémentarité avec les grands courants religieux et on douterait de la véracité de ce que je dis qu'il suffirait de voir ce long manteau d'églises et de cathédrales qui recouvre notre pays pour comprendre que les valeurs chrétiennes ont du quand même y jouer un rôle. Je m'étais même laissé dire, pendant la campagne électorale, que 2 000 ans de chrétienté, cela a compté. Je ne l'ai absolument pas dit d'ailleurs d'une façon agressive, voire offensive, mais enfin, nous n'avons non plus à vous demander de vous en excuser. C'est une réalité cultuelle mais je vais plus loin, c'est une réalité culturelle. Et après tout, défendre nos valeurs, porter notre culture, accepter de reconnaître que, dans ce qu'est la France d'aujourd'hui, il y avait cette rencontre entre les valeurs laïques, chrétiennes, qu'aujourd'hui - c'était l'un de mes débats avec Monseigneur LUSTIGER - la France est majoritairement catholique, chrétienne, mais elle n'est pas que cela, parce qu'il y a ceux qui ne croient pas, il y a ceux qui vivent d'autres religions, c'est porter cette idée de la diversité. Et pour en terminer, à tous ceux qui défendent - à juste titre - la diversité, je voudrais rappeler cette phrase admirable du plus grand anthropologue français, LEVI STRAUSS : « l'identité n'est pas une pathologie ». Car enfin, si l'on veut bien être raisonnable, comment défendre la diversité s'il n'y a plus d'identité et qu'est-ce que la diversité si ce n'est l'addition d'identités qui se complète plutôt que de s'annihiler ? Et chacun de reconnaître que la diversité c'est important. Mais s'il n'y a plus d'identité, quelle diversité subsistera, dans un monde qui n'est pas condamné à s'aplatir ? Et donc, par conséquent, je considère profondément que le rôle du Président de la République dans le pays qu'il préside, mais comme d'un Maire dans la commune qu'il administre, d'un Président de région dans la région qui est la sienne, c'est d'honorer chaque fois qu'il le peut les grandes dates des religions reconnues, révélées comme un témoignage de respect à l'endroit de nos compatriotes qui portent ces convictions. Certains ont une vision : « non, non, je ne rentre pas dans une église, je ne rentre pas dans une mosquée, je ne rentre pas dans une synagogue et je ne mets pas les pieds dans un temple ». Honnêtement, en termes d'emploi du temps, cela fait gagner du temps et si c'est l'objectif, on peut le discuter, mais en termes de responsabilité, je pense qu'il faut aller, au moment des fêtes juives dans une synagogue, il faut aller, au moment des grands fêtes catholiques, à la rencontre de ceux qui représentent cette religion si importante dans l'histoire de notre pays. Il m'est arrivé d'aller dans des mosquées parce que j'ai voulu dire à nos compatriotes musulmans qu'il ne fallait pas confondre l'Islam avec l'extrémiste et l'intégrisme. C'est notre devoir que de parler de cela.
Bon, toutes ces raisons réunies font me dire qu'arrivant de Lisbonne, je me suis donc précipité auprès de Monseigneur VINGT-TROIS pour lui dire au nom de tous puisque j'ai le privilège de prendre la parole, notre joie, notre amitié et puis notre admiration parce qu'il va falloir qu'il prenne encore plus de travail sur ses épaules. N'oubliez pas, Monseigneur, la rupture, cela peut être positif dans tous les domaines !Merci