12 décembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, annonçant plusieurs mesures concrètes concernant la réforme de l'Etat et fixant les prochaines étapes de la Révision générale des politiques publiques (RGPP), à Paris le 12 décembre 2007.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
La réforme de l'État, je l'ai promise, je la ferai.
Je la ferai parce que nos finances publiques doivent être redressées. Je la ferai parce que les impôts, taxes et cotisations de toute sorte pèsent sur le pouvoir d'achat des Français, sur la compétitivité de nos entreprises et qu'il n'est plus possible de continuer à augmenter les prélèvements. Je la ferai parce que nous avons besoin d'investir et d'investir massivement dans l'avenir. Je la ferai parce qu'investir dans l'éducation nationale et dans les universités c'est capital, investir dans le logement c'est capital, investir dans les infrastructures de transport, investir dans la recherche et dans l'innovation c'est capital. Il nous faut donc pour cela des marges de manoeuvre supplémentaires. La réforme de l'État, je la ferai parce que les Français sont en droit d'attendre que chaque euro public soit dépensé au plus juste, sans gaspillage, pour que leur soit rendu un service de qualité.
La réforme de l'État, il faut donc cesser d'en parler. Il faut la faire.
Pour cela, il faut accepter de changer les habitudes. Les administrations publiques dépensent chaque année plus de 1 000 milliards d'euros. Si le taux de dépense publique dans la richesse nationale était le même qu'en Allemagne, nous dépenserions 850 milliards d'euros. Et je n'ai pas le sentiment, Monsieur le Premier ministre, que l'Allemagne est sous-administrée. Ceci donne une idée du problème auquel nous sommes confrontés. Et pourtant l'Allemagne n'a pas fait de choix fondamentalement différents des nôtres en matière de protection sociale. Et pourtant l'Allemagne au cours des 15 dernières années a financé sa réunification. Et nous, nous dépensons 150 milliards d'euros de plus que les Allemands. On ne peut pas continuer ainsi.
Celui qui me dirait que sur ces 1 000 milliards d'euros, on ne peut pas faire d'économies sans porter atteinte au service public, celui-là nierait toute idée de progrès.
Sans réduction du poids de nos dépenses publiques, nous n'irons pas chercher le point de croissance qui nous manque. Sans réduction du poids de nos dépenses publiques, nous ne saurons pas maintenir nos systèmes de solidarité. Sans réduction du poids de nos dépenses publiques, nous ne saurons pas financer les investissements dans l'avenir.
Pour autant, je ne suis pas un adepte du rationnement comptable, ni de l'austérité budgétaire. Le rationnement, cela ne fait pas des économies, cela fait simplement des trous dans les budgets. On ne fera pas d'économies sans faire de réformes. Et ce sont les réformes qui permettent de faire des économies. Ne pas remplacer des départs de fonctionnaires à la retraite, ce n'est pas laisser des chaises vides à organisation inchangée. Ce qu'il faut, c'est changer l'organisation de l'administration pour rendre un meilleur service aux Français.
Pour toutes ces raisons, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui, pour ce premier Conseil de modernisation des politiques publiques, avec François Fillon et tous les Ministres concernés du Gouvernement.
Je suis également heureux de retrouver les membres du comité de suivi qui ont accepté de donner chaque semaine plusieurs heures de leur temps, en plus de leurs activités habituelles, à préparer ce Conseil. Merci à Gilles Carrez, merci à Philippe Marini, rapporteurs généraux des commissions des finances de l'Assemblée Nationale et du Sénat, merci à Philippe Parini que je retrouve après quelques années de collaboration et merci à Michel Pébereau dont chacun apprécie l'expertise, la fidélité et, pour ma part, l'amitié.
La réforme de l'Etat, c'est aujourd'hui un chantier présidentiel, piloté directement par l'Elysée et Matignon, par François Fillon et moi-même. Et nous avons demandé tous les deux à nos plus proches collaborateurs, le secrétaire général de l'Elysée, Claude GUEANT, le directeur de cabinet du Premier Ministre, Jean-Paul FAUGERE que je remercie tous les deux du travail exceptionnel qu'ils ont engagé, de suivre les travaux pour notre compte. Cette révision générale des politiques publiques, je le dis, est sans précédent par son ampleur. Depuis le 20 juin, sous la coordination d'Eric Woerth, que je remercie, 200 auditeurs, issus des corps d'inspection de l'administration et de cabinets privés, réunis au sein de 26 équipes d'audit, passent au crible les missions et les dépenses des administrations. Depuis le 20 juin, les ministres, leurs cabinets, les directions d'administration centrale, les préfets, les services territoriaux travaillent avec les auditeurs pour analyser, élaborer, proposer des réformes dans tous les domaines de l'action publique sans aucune exception, avec un seul objectif : faire que demain, chaque euro public soit effectivement dépensé au service des Français, sans gaspillage, pour que soit rendu à nos concitoyens un service public plus efficace.
La réforme de l'Etat, c'est un chantier qui concerne chacun des Ministres. J'ai donc demandé à chacun de s'engager personnellement dans cet exercice. Les Ministres doivent être les patrons de leur administration. Je leur redis aujourd'hui, ils ne seront pas jugés sur les crédits qui leur sont alloués, mais sur leurs résultats dans la conduite des réformes.
La réforme de l'Etat, c'est un chantier de longue haleine. Cette première réunion du Conseil de modernisation en appelle, Monsieur le Premier ministre, beaucoup d'autres. La réforme de l'Etat a beaucoup attendu, c'est le moins que l'on puisse dire. De nombreuses évolutions sont souhaitables, mais sont souhaitables pour les usagers du service public comme pour les fonctionnaires. Tout ne pouvait pas être traité en six mois et il y aura donc bien d'autres chantiers qui seront ouverts.
La réforme de l'Etat, enfin, doit sortir des sujets de colloques, pour se traduire par des décisions. Dès mon élection, dès l'installation du Gouvernement, nous avons lancé des réformes très importantes, souvent évoquées auparavant, jamais mises en oeuvre : la mise en place d'une administration unique pour calculer l'impôt et le recouvrer £ la mise en place d'un interlocuteur unique pour l'indemnisation et le placement des chômeurs £ l'adaptation de l'organisation judiciaire à son temps, le lancement d'un vaste plan contre la fraude.
La structure même du Gouvernement est une réforme de l'Etat : 15 ministres, une plus grande collégialité, une meilleure prise de décision. Les réformes qui nous sont aujourd'hui présentées sur le ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables n'auraient pas été possibles avec les anciennes structures ministérielles.
Nous allons donc examiner aujourd'hui plusieurs dizaines de propositions concrètes qui nous sont soumises par le comité de suivi. Je voudrais en retenir d'ores et déjà trois.
La première est l'exemple même de la décision qui simplifie la vie des usagers et qui fait faire des économies en même temps : la fabrication et la délivrance des cartes d'identité, des passeports, des permis de conduire seront donc rationalisées. Le processus de fabrication garantira une meilleure qualité et des délais plus courts. La délivrance sera effectuée au plus près des citoyens, qui n'auront plus à aller jusqu'à leur préfecture ou leur sous-préfecture. Un meilleur service pour moins cher, c'est ce que les Français demandent aux entreprises, les administrations le leur doivent également. On va donc mettre les mairies dans le circuit. C'est quand même extraordinaire que les mairies qui sont le lieu par définition du service public de proximité, ne pouvaient pas donner de permis de conduire, de carte d'identité ou de passeport. Ce ne sont pas les préfectures et les sous-préfectures qui sont adaptées pour cela.
Le deuxième exemple c'est une petite révolution dans l'organisation de l'État. Mais croyez-moi, cette révolution est capitale. Madame la Ministre de l'Intérieur, les préfets de région auront désormais autorité sur les préfets de département, dans le cadre d'une ambitieuse évolution des services de l'État dans les territoires. Le niveau régional deviendra donc le niveau de pilotage des politiques de l'État, et je souhaite qu'un mouvement inédit de déconcentration au profit de cet échelon régional permette de réduire le format des administrations centrales. C'est le sens de la révision à la baisse des structures d'administration centrale que j'avais annoncé, et qui devient concrète dès aujourd'hui pour certains ministères.
Le troisième exemple va nous mettre au standard des pays européens : nous mettrons en place pour 2009 à 2011 un budget pluriannuel, cohérent avec notre trajectoire de finances publiques. Il s'agit d'une révolution dans notre fonctionnement administratif.
La réforme de l'État ne se fera pas contre les fonctionnaires. J'ai fixé à Nantes une grande ambition pour la fonction publique. Je constate que, loin des stéréotypes, elle correspond aux attentes des fonctionnaires. Je veux dire aux fonctionnaires qu'ils peuvent avoir confiance dans la réforme de l'État. Ils seront les grands bénéficiaires de cette réforme : ils seront moins nombreux, mieux rémunérés, leurs conditions de travail seront améliorées, et leurs perspectives de carrière plus riches.
La réforme de l'État ne se fera pas non plus contre les territoires. Je demande au Premier Ministre et à tous les Ministres de veiller tout particulièrement à ce que les évolutions des différents ministères ne concentrent pas leurs effets sur les mêmes territoires. Il faut même aller plus loin. Je leur demande de rechercher toutes les fonctions aujourd'hui exercées à Paris et qui pourront demain être exercées en Province. Je prends un premier exemple : le comité de suivi confirme l'intérêt de la création d'un opérateur national de paye, qui permettra des gains de productivité et une meilleure qualité de la paye. Il faudra veiller à ce que son implantation apporte de l'activité économique à un territoire qui en a besoin.
Je n'insiste pas plus, mettons-nous au travail. Je souhaite également que lors du prochain conseil de modernisation, nous ayons encore plus de réformes à décider, et qu'elles permettent encore de plus vastes économies. Le champ non couvert est encore vaste. II reste beaucoup à proposer, je sais que vous en êtes conscients.Nous allons examiner maintenant vos propositions.