8 décembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'aide de l'Union européenne au maintien de la paix en Afrique, à Lisbonne le 8 décembre 2007.

Mesdames, Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
La dernière fois que l'Europe et l'Afrique se sont retrouvées, c'était il y a sept ans, au Caire.
Rendez-vous compte ! Sept longues années sans dialogue direct, sans échanges, sans débats. Sept longues années alors que 14 kilomètres seulement nous séparent, alors que nos destins sont liés, alors que nous avons tant à nous dire et à faire ensemble !
Il était temps de nous retrouver. Il était temps de regarder en face les défis immenses qui nous attendent.
J'ai une conviction : l'Europe et l'Afrique réussiront ensemble ou échoueront ensemble. Parce que la paix et la stabilité de l'Afrique, c'est la paix et la stabilité de l'Europe, l'Afrique et l'Europe n'ont pas d'autre choix que d'agir ensemble, main dans la main, solidaires.
Mes chers amis, je ne suis pas de ceux qui croient au cliché d'une Afrique perpétuellement malade, de ceux qui réduisent l'Afrique à une terre de guerre et de violence.
Comme le dit un proverbe africain, « quand un arbre tombe, on l'entend £ quand la forêt pousse, pas un bruit ». Et bien je dis que la forêt a bien poussé ces dernières années !
Certes, nous n'avons pas toujours su prévenir ou arrêter des drames innommables. Je pense au Rwanda et à son génocide qui nous oblige à réfléchir, France comprise, à nos faiblesses ou nos erreurs.
Mais regardons aussi les progrès réalisés.
Regardons la Sierra Leone ou le Burundi qui ont retrouvé la paix après tant d'années de sang.
Regardons le Libéria qui, pour la première fois dans l'histoire de l'Afrique, a porté à sa tête une femme, Mme Johnson-Sirleaf, que je salue.
Regardons la République démocratique du Congo qui a su tenir son pari des élections.
La transition remarquable en Mauritanie est un modèle. Regardons les organisations régionales africaines qui se mobilisent aux quatre coins du continent, en Côte d'Ivoire, en Somalie, en République centrafricaine.
Regardons enfin l'Union africaine qui s'engage et prend des risques, qui s'affirme comme l'acteur premier de la paix et de la sécurité sur le continent. Qui mieux que l'Europe peut comprendre l'aspiration de l'Afrique à s'unir pour mieux préparer son avenir et peser de tout son poids dans un monde où la compétition fait rage ? L'aventure formidable de l'Union africaine, c'est aussi celle de l'Europe.
L'Afrique prend son destin en main. Elle doit le faire parce que l'Afrique n'appartient qu'à elle-même.
Le message que je souhaite vous adresser au nom de l'Europe est simple : notre appui ne vous fera jamais défaut. Nous serons toujours à vos côtés pour soutenir vos ambitions et réaliser vos rêves.
Une Europe forte a besoin d'une Afrique forte.
Oui, l'Europe n'est pas parfaite. L'Europe n'a peut-être pas toujours répondu à toutes vos espérances. L'Europe n'a pas réponse à tout. Mais quand même ! L'Europe a déjà beaucoup fait pour s'adapter aux besoins d'une Afrique qui change.
L'Europe a innové pour mettre à votre disposition des moyens financiers considérables au service des opérations africaines de maintien de la paix. La facilité de paix, c'est 400 millions d'euros depuis 2004, et 300 millions d'euros pour la période 2008-2010.
Ce qu'a fait l'Europe pour l'Afrique depuis 1990, c'est deux fois le plan Marshall des Américains pour l'Europe !
L'Europe a inventé le programme EURO RECAMP pour soutenir la montée en puissance des « forces africaines en attente ».
L'Europe s'est déjà engagée à deux reprises aux côtés des Africains et des Nations Unies en République démocratique du Congo : ce sont les opérations Artémis et EUFOR RD Congo. Et elle s'apprête à le faire une nouvelle fois au Tchad et en Centrafrique pour aider à protéger des populations en souffrance.
Il n'y aura pas de paix en Afrique si nous transigeons avec les droits de l'homme. Ceux qui les violent, qui bafouent la dignité de la personne humaine devront rendre des comptes à la justice, et s'il le faut, à la Cour pénale internationale.
Il n'y aura pas de paix en Afrique sans la justice. La justice, c'est exploiter les ressources naturelles en payant le juste prix. C'est aider ceux qui sont dans le besoin. C'est rendre leurs droits et leur dignité à ceux qui en sont privés.
Il n'y aura pas de paix en Afrique sans le respect de la diversité, des identités des peuples, de leur culture, de leur langue, de leur religion.
Il n'y aura pas de paix en Afrique si l'on ne parvient pas à vaincre le fléau du SIDA et du paludisme.
Et je le dis solennellement : il faut mettre un terme au drame du Darfour et aux douleurs du peuple somalien.
Ce que je veux, c'est que l'on agisse, et que l'on agisse ensemble.
L'Union africaine, avec le soutien de l'Europe, s'est engagée avec courage et détermination au Darfour et en Somalie. Des soldats africains y ont perdu la vie. Je rends hommage à l'Afrique pour tous les sacrifices qu'elle consent et pour le prix du sang qu'elle a déjà payé.
Mais regardons les choses en face : ce n'est pas suffisant. Les souffrances des populations sont toujours là, leur espoir d'une vie en paix n'a toujours pas été honoré.
Notre devoir, c'est de faire plus, de faire mieux. C'est peut-être de faire autrement.
Le 25 septembre au Conseil de sécurité à New York, j'ai entendu le Président Thabo MBEKI dire sa détermination, que je partage, à ce que l'Afrique règle ses problèmes par elle-même. Il a raison. J'ai aussi entendu le Président KONARE et les questions qu'il a posées. Il nous a interpellés avec franchise.
Parce que je suis l'ami de l'Afrique, je n'ai pas le droit de lui dire que tout va bien, notamment au Darfour. Je n'ai pas le droit de me contenter de constater avec elle les difficultés. Je n'ai pas le droit d'être fataliste. Il appartient à cet ami de lui parler avec franchise.
Ce n'est pas manquer de respect envers l'Afrique que d'admettre qu'elle n'a pas encore tous les moyens de ses ambitions si légitimes. L'Europe et la France seront là pour appuyer vos efforts. Mais ne réfléchissons pas seulement en termes de moyens. Réfléchissons aussi en termes de résultats !
Ce n'est pas insulter l'Afrique que de dire que l'Europe est prête, s'il le faut, à s'engager sur son territoire. L'appropriation africaine n'est pas exclusive ! Ce n'est pas l'exclusion des autres ! L'Afrique a vocation à l'universel, elle n'a pas vocation à se replier sur elle-même.
Il est normal que des casques bleus africains, aujourd'hui, soient présents sur le sol européen, au Kosovo, mais aussi au Liban ou en Haïti. De même est-il normal que des casques bleus non-africains puissent oeuvrer à la paix au Darfour ou ailleurs aux côtés des Africains.
La paix est un effort universel. C'est pour cela que l'on a fait l'ONU. Cela ne menace en rien la vocation naturelle et nécessaire de l'Afrique à décider elle-même de son destin. Ne sacrifions pas notre efficacité collective sur l'autel d'un principe, aussi légitime soit-il.
Ce n'est pas manquer de respect envers l'Afrique que de lui demander d'assumer encore davantage les responsabilités qui sont les siennes lorsque les difficultés s'amoncèlent.
Je souhaite que l'Europe fasse plus pour la paix en Afrique. Qu'elle invente de nouveaux mécanismes pour être à la hauteur de sa responsabilité. Le financement des opérations de l'Union africaine est un véritable enjeu. Nous devrons en discuter ensemble, mais sans tabous ni faux-semblants.
Si l'Europe fait plus et mieux, que l'Afrique aussi fasse plus et mieux pour être à la hauteur de son ambition. Qu'elle n'hésite pas à convaincre ceux qui, parmi les siens, ne respectent pas les règles que l'Afrique s'est elle-même fixée.
Je sais bien que ce n'est pas facile. Ce que je dis pour l'Afrique vaut aussi pour l'Europe qui n'a pas toujours eu le courage ou la force d'agir pour éteindre ses propres incendies.
Mesdames, Messieurs,
J'ai proposé à l'ONU en septembre dernier un « new deal » écologique à l'échelle du monde. Je propose aujourd'hui un nouveau contrat entre l'Europe et l'Afrique pour notre paix et notre sécurité à tous.
Ce nouveau contrat, c'est un partenariat transparent, responsable, décomplexé, d'égal à égal. Il n'y a entre nous que des pays souverains.
C'est un partenariat fondé sur la recherche d'une efficacité maximale.
C'est un partenariat qui permette à l'Afrique de réaliser pleinement son ambition, d'être debout, unie et en paix.
C'est un partenariat qui se fixe des objectifs précis et un calendrier clair.
L'Afrique souhaite disposer de forces en attente à l'horizon 2010 ? Que cet objectif soit aussi celui de l'Europe !
L'Afrique a décidé de déployer une force de paix au Darfour au 1er janvier prochain ? Que tout soit fait pour tenir cet objectif !
Ce nouveau contrat, la France y prendra toute sa part. Elle est et restera à l'écoute des Africains. Elle n'a aucun tabou, sur aucun sujet.
La France continuera à faire évoluer son dispositif militaire pour l'adapter pleinement à l'Afrique d'aujourd'hui, et pas à l'Afrique d'hier.
La France n'hésitera pas à bousculer l'ordre hérité du passé pour mieux se tourner vers l'Afrique de demain.
La France est déterminée à prendre toutes les mesures nécessaires, à titre national ou lors de sa future présidence de l'Union européenne, pour réaliser si vous le souhaitez ce nouveau contrat qu'elle vous propose.Je vous remercie.