27 novembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur l'action de la France et de la Chine face au défi climatique et environnemental, à Pékin le 27 novembre 2007.

Mesdames, Messieurs,
C'est une grande joie pour moi de m'exprimer devant vous, à l'intérieur de cette prestigieuse université, vous qui êtes l'avenir de la Chine. Vous avez la chance d'étudier, dans cette université qui est le creuset de la formation de tant de grands savants et de grands intellectuels chinois.
Je mesure ce que cela représente pour chacun d'entre vous d'être ici, d'avoir mérité cette chance et d'avoir surmonté toutes les épreuves de la compétition, que j'imagine rude, dans un pays dont le ministère de l'Education nationale a la responsabilité de deux cent cinquante millions d'élèves et d'étudiants. A celles et ceux qui feront la Chine de demain, je veux parler en responsable d'une nation millénaire européenne, fière de ses traditions comme de sa modernité. Je veux vous parler en ami, respectueux de nos différences et désireux de renforcer nos liens.
Je veux vous parler de l'état de notre planète, de notre bien commun, de la lutte que Chinois et Français comme tous les êtres humains de la planète, nous devons mener contre les changements climatiques sans perdre une seconde. Je suis venu vous dire que nous avons dépassé les limites de ce que notre planète peut supporter.
Je sais le dynamisme qui est le vôtre, qui est celui de votre pays tout entier et la fierté légitime que vous pouvez tirer de ce dynamisme. Je connais la passion d'entreprendre aussi. Chaque jour, le monde entier s'étonne de voir la Chine changer.
En m'adressant à la jeunesse chinoise, je voudrais donc parler à tous ceux qui croient aux vertus, à l'audace, à la volonté et qui sont soucieux de transmettre aux générations futures les chances de mener une vie meilleure. Un jour, ce seront vos enfants qui seront assis à votre place.
Je suis venu vous dire que le défi que nous avons à relever pour limiter le réchauffement climatique et ses conséquences dramatiques sur la planète, engage l'avenir de l'humanité. Ce n'est pas simplement la question des Chinois, de l'Europe ou des Français, c'est la question de l'avenir de l'être humain sur la planète. La réponse que nous apporterons ensemble nous permettra de faire du monde de demain, un monde d'opportunités. La croissance, le développement, doivent aller de pair avec la protection de la nature. Nous ne pouvons plus opposer développement et protection de la nature. Pour que le monde de demain soit sûr et juste, nous avons besoin d'une vision partagée des réponses que nous allons apporter ensemble à ce défi absolument gigantesque.
La Chine et la France doivent montrer le chemin au monde. C'est le sens de ma visite ici.
Que savons-nous aujourd'hui avec certitude ? 2.500 meilleurs scientifiques mondiaux se sont réunis au sein d'un Groupe intergouvernemental, 2.500 scientifiques de tous les pays du monde et que nous ont-ils dit ? Ils nous ont dit que la sécurité du monde est profondément menacée par les changements climatiques. Ils nous ont dit que la concentration des gaz à effet de serre provoquera un réchauffement de la planète jamais vu dans l'histoire de l'humanité.
Ces scientifiques ont mis en évidence qu'au-delà d'un seuil de 2 degrés de réchauffement par rapport à l'ère que nous connaissons, il n'y aura plus de retour possible. Les changements seront irréversibles, tant pour les populations que pour la biodiversité.
Le défi climatique et environnemental nous impose d'agir pour garantir, non pas l'avenir des générations qui vont vous suivre mais le vôtre : votre santé, votre pays, notre planète.
Je tiens à rendre hommage aux experts du GIEC, qui ont travaillé depuis l'anonymat des débuts jusqu'à aujourd'hui. Ils ont affronté l'incrédulité mais, aujourd'hui, plus personne ne peut dire qu'on ne savait pas. Nous savons.
Le GIEC a reçu le Prix Nobel de la Paix, en compagnie d'Al Gore, qui a beaucoup contribué à sortir ces questions primordiales du ghetto scientifique et de l'affrontement idéologique. Ce n'est plus une question d'experts, cela devient une question pour chacun d'entre vous.
Le consensus est aujourd'hui total. Le Secrétaire général des Nations unies a consacré une réunion aux changements climatiques au mois de septembre dernier à New York. Tous les pays, toutes les idéologies, toutes les religions sont aujourd'hui d'accord : on ne peut plus attendre.
Ces changements climatiques menacent durablement notre développement. La croissance des pays comme la Chine, au-delà du strict court terme, risque d'en être profondément affectée. Non seulement l'action doit être urgente, mais elle doit être collective, pas les uns contre les autres, ensemble et elle doit être ambitieuse.
La menace est sans précédent. Les frontières ne serviront à rien, car aucune frontière ne peut arrêter le réchauffement climatique. Les opinions publiques, y compris en Chine, demandent que nous agissions ensemble pour que cesse le scandale des cancers dus à la pollution, des atteintes à la santé et de la destruction de notre planète.
Il nous faut donc définir un cadre d'action et, pour moi, je vous le dis, le cadre d'action légitime c'est celui des Nations unies. Le changement climatique est un problème global, la réponse doit être globale. Il ne peut pas y avoir une réponse de l'Europe et une réponse de l'Asie. Il ne peut pas y avoir une réponse des pays du Nord et une réponse des pays du Sud. La réponse doit être globale et ce sont les Nations unies qui portent cette globalité. La prochaine Conférence de Bali, dans quelques jours, doit nous permettre d'adopter une feuille de route ambitieuse pour aboutir à ce cadre global avant la fin 2009.
Le point central de la politique ambitieuse que nous devons nous donner, c'est la diminution drastique des émissions de gaz à effet de serre. Ce point ne peut plus faire débat. Ne pas agir, je pèse mes mots, serait criminel.
J'ai conscience que nous sommes encore loin du consensus sur les moyens et la méthode pour atteindre cet objectif. Certains souhaitent que nous nous donnions une obligation de résultats pour réduire les émissions de gaz à effet de serre £ d'autres préfèrent une obligation de moyens.
Il faut que nous soyons à la hauteur de l'enjeu. D'après les scientifiques, nous avons une fenêtre d'action de 40 ans. Nous pouvons encore agir, si nous agissons ensemble avant 2050 environ. Dans cette fenêtre de 40 ans, si nous ne nous appuyons que sur les ruptures technologiques à moyen et long terme, le risque est grand de repousser devant nous, devant vous, les efforts qui seront de ce fait toujours plus importants compte tenu des dégâts déjà occasionnés.
C'est pourquoi je crois et je veux en convaincre mes amis chinois que nous devons définir un objectif chiffré et collectif de stabilisation des concentrations de gaz à effet de serre et de maîtrise du réchauffement climatique sous un seuil tolérable. Si nous ne nous fixons pas d'objectif, nous n'arriverons pas à éviter la catastrophe.
L'Union européenne propose de réduire au niveau mondial les émissions de 50 % d'ici à 2050 par rapport à 1990. La France a décidé d'aller encore plus loin. Elle a décidé de diviser par quatre ses émissions d'ici à 2050. Mes chers amis, je ne viens pas dire aux Chinois, faites ce que la France est incapable de faire. Je viens dire aux Chinois, la France veut montrer l'exemple, nous allons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre, mais la France seule ne peut rien. La France le fait parce que la France veut être entendue dans l'ensemble du monde et vous, l'opinion publique chinoise, vous, la jeunesse chinoise, vous devez nous aider à convaincre tous les responsables d'éviter la catastrophe.
La France approuve le principe de responsabilité différenciée entre pays dans les changements climatiques en cours. Alors, je le sais, mon pays a historiquement pollué davantage par tête d'habitant que le vôtre et c'est la raison pour laquelle mon pays doit prendre des engagements plus importants que le vôtre.
J'ai voulu, dès après mon élection, rassembler l'ensemble des partenaires de l'Etat, les collectivités locales, les entreprises, les syndicats et les organisations non gouvernementales, pour inventer un nouveau modèle de croissance, parce que la mobilisation de toute la population est nécessaire et les organisations non gouvernementales, y compris en Chine, ont un rôle utile à jouer.
Mes chers Amis, vous avez besoin de croissance, parce que chaque année, vous avez 25 millions de Chinois qui ont besoin d'un emploi. Mais cette croissance ne peut pas se faire au détriment de la protection de votre environnement.
L'enjeu est bien celui-ci : réconcilier croissance et environnement, alors que jusqu'à présent, on a toujours opposé croissance et environnement. Eh bien, nous sommes aux limites du supportable.
La France vient de décider un investissement sans précédent destiné à "décarboner" la croissance pour produire moins de gaz à effet de serre. La Chine va faire le même investissement à son échelle. Car la Chine est déjà confrontée à des phénomènes qui mettent en danger son développement et la santé du peuple chinois. Pollution de l'air, pollution de l'eau et accélération de la désertification, montée des eaux sont déjà des phénomènes que la Chine connaît dans des proportions jamais imaginées dans le passé récent.
Je perçois les preuves de la volonté chinoise d'agir dans le XIe plan quinquennal, qui mise sur un développement durable préservant les ressources naturelles, dans la décision d'améliorer l'efficacité énergétique de 20 % d'ici 2010, ou encore dans celle de réduire de 50 % la consommation d'énergie des bâtiments.
S'il y a un pays dont la tradition est proche de celle de la France pour le rapport de l'homme et de la nature, c'est bien la Chine.
Depuis plus de 4 000 ans, fidèle à sa tradition, la Chine s'est attachée à préserver les grands équilibres de la nature.
La Chine peut une nouvelle fois démontrer son savoir-faire, et même sa capacité à être un modèle.
Je pense à l'Exposition universelle que vous allez accueillir à Shanghai en 2010, exposition dont le thème est le développement durable en milieu urbain. Cette exposition sera l'occasion d'afficher votre ambition. La France sera présente £ la France a d'ailleurs été la première à annoncer sa volonté de participer à cet événement majeur que sera l'Exposition universelle de Shanghai.
Je me réjouis que nous ayons la perspective de resserrer la coopération franco-chinoise dans les multiples domaines liés à la lutte contre les changements climatiques. Avec Jean-Louis Borloo, nous avons proposé au gouvernement chinois de créer un comité franco-chinois pour mettre en commun toutes nos technologies pour préserver l'environnement et favoriser le développement durable.
Et les résultats sont là. La France est aujourd'hui le grand pays européen qui a le taux d'émission de gaz à effet de serre le plus faible. Grâce au nucléaire, grâce aux énergies renouvelables, 90 % de la production d'électricité en France se fait sans émission de carbone.
Si la France émet 35 % de gaz à effet de serre par habitant de moins que la moyenne de l'OCDE, elle le doit aux transports économes en carbone comme le train à grande vitesse ou les voitures de technologie française, qui sont plus propres que la moyenne des voitures fabriquées dans le monde.
La France va relever le défi écologique. La France demande à la Chine de travailler avec elle pour que ce défi soit un défi mondial.
Je souhaite que nos entreprises, Veolia, Suez, EDF, Areva, Alstom, Saint-Gobain, Total, Bouygues, Peugeot-PSA, Renault, parmi tant d'autres, ainsi que les institutions bancaires françaises, très impliquées dans la lutte contre les changements climatiques, nouent des partenariats en Chine et construisent dans la durée des relations fortes entre nos deux pays. Je sais qu'elles pourront s'appuyer sur des compétences chinoises extraordinaires, dont votre université est l'une des plus brillantes illustrations.
Nous allons engager dans cet esprit de grands projets de recherche et développement, sur la captation-séquestration de carbone, sur le "charbon propre", qui concerne ô combien la Chine qui a tant de mines, sur la production d'énergie à partir des déchets, sur les véhicules électriques.
Je propose l'établissement d'un groupe de travail réunissant des responsables et des experts de nos deux pays, pour déterminer les conditions et les meilleures solutions pour faciliter le développement et la diffusion de technologies propres. Je souhaite que ce groupe puisse faire très vite des propositions concrètes. Nous mettrons les moyens financiers au service de ce groupe.
Mais puisque nous renforçons notre partenariat, je veux sans détour vous dire que je défendrai le principe d'un mécanisme de compensation carbone aux frontières de l'Union européenne, à l'égard des pays qui ne se doteraient pas de règles contraignantes de réduction des gaz à effet de serre. Je prends mes responsabilités. Je ne suis pas l'homme du double langage. Je vais être franc : le marché mondial ne peut fonctionner que s'il est juste. Et Chers Amis de Chine, ce ne serait pas juste que les producteurs européens soient sanctionnés, que le travail en Europe soit pénalisé et découragé, uniquement parce que les engagements pris par l'Union européenne pour lutter contre les changements climatiques resteraient unilatéraux. C'est ensemble que nous allons préserver la planète. C'est ensemble que nous allons porter le poids de la réduction des gaz à effet de serre.
C'est une exigence de justice, elle est facile à annoncer dans mon pays en France. Elle est plus complexe à dire ici et pourtant, je le dis ici par respect et par amitié, le monde a besoin que la Chine s'engage dans la réduction de production des gaz à effet de serre.
Cette exigence de justice, je l'applique aussi naturellement à votre souci légitime de poursuivre votre développement. Nous ne disons pas à la Chine : ayez moins de croissance. Nous disons à la Chine : ayez davantage de croissance, mais une croissance propre.
Je ferai des propositions pour prendre en compte l'adaptation des pays en développement au changement climatique, en particulier ceux qui sont les plus exposés. Le récent cyclone au Bangladesh, les menaces pesant sur les petits Etats insulaires de l'Océan indien, la désertification croissante en Afrique, tout doit nous pousser à nous réveiller et à être solidaires. La France et la Chine pourraient d'ailleurs réfléchir ensemble aux modalités de leur aide à l'Afrique, en particulier pour rendre cette aide systématiquement compatible avec cette nécessité d'agir en faveur de l'adaptation.
La lutte contre la déforestation doit également être abordée sous l'angle de la justice et de la solidarité avec les pays forestiers. Nous devons être auprès d'eux pour faire face à un chantier considérable, car la déforestation est responsable d'un cinquième des émissions de gaz à effet de serre. On ne peut pas laisser les pays avec des forêts aussi importantes seuls face à la responsabilité de les entretenir. Je pense notamment à la deuxième forêt du monde. La première c'est celle de l'Amazonie, la seconde est celle du bassin du Congo en Afrique. Qui peut penser que les pays du bassin du Congo peuvent entretenir la deuxième forêt du monde ? Les pays qui accepteront de lutter contre la déforestation rendront service à l'humanité. Il faudra en tenir compte dans notre soutien et trouver le moyen de rémunérer cet effort. Pour entretenir la forêt du Congo, il faut que ces pays acceptent de prélever un arbre par hectare tous les vingt-cinq ans. Ils ne peuvent pas faire face à ce défi sans précédent.
Je voudrais conclure ces propos en revenant sur la nécessité d'une réponse globale au phénomène du réchauffement climatique.
Il faut que nous arrivions à diviser par deux les émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050.
La Chine doit continuer son développement, mais la Chine doit s'engager dans le développement durable.
Je propose à la Chine de se joindre à un nouveau contrat mondial, à un véritable New Deal écologique et économique. Je propose que la Chine influe immédiatement, profondément et durablement, à la mesure de sa dimension et de sa force, sur les modes de production et de consommation énergétique.
La Chine peut prendre cette décision stratégique. La Chine le peut, parce que la Chine a des atouts formidables : la valeur de sa formation, notamment scientifique, sa capacité, sans égale dans le monde, à planifier, son dynamisme économique, son influence et son prestige dans le monde. La Chine peut prendre cette décision stratégique. Je souhaite qu'elle soit à la hauteur de son histoire en la prenant. La Chine le peut, la Chine doit le vouloir.
J'ai mesuré en septembre dernier à New York lors du Sommet organisé par le Secrétaire général des Nations unies qu'une grande majorité de pays appelait de leurs voeux un accord global où chacun s'engagerait à contribuer à la lutte contre le changement climatique, selon ses responsabilités, sa puissance, ses moyens.
La Chine est une grande puissance respectée. Elle peut montrer le chemin, en matière de protection de l'environnement.
Je vous remercie.
Si vous avez des questions, c'est bien volontiers que j'y répondrais.
Q - Merci de votre venue, Monsieur le Président. Comment pensez-vous que nos deux pays peuvent faire des efforts pour coopérer sur les questions d'environnement et de développement durable ?
R - D'abord, je vous félicite pour ce français remarquable et cette affiche que vous avez trouvée dans vos archives lointaines, qui me rappellent de bons souvenirs. Il y a 3.000 étudiants français en Chine et beaucoup plus d'étudiants chinois, puisque je pense que l'on doit être aux alentours de 25 ou 30.000. Je voudrais vous dire que la France considère qu'il n'y a pas encore assez d'étudiants chinois dans ses universités. Les étudiants chinois sont les bienvenus en France, ils sont sérieux, travailleurs, ils apportent beaucoup à nos universités. Je souhaite que davantage de jeunes étudiants français viennent se former dans vos universités. Il y a en a une centaine dans votre université ici, 3.000 sur toute la Chine.
Vous avez bien compris que je ne suis pas venu ici pour donner une leçon. Je ne vois d'ailleurs pas au nom de quoi on pourrait donner une leçon à la Chine qui a plusieurs millénaires d'histoire. Je suis venu pour dire à la Chine : vous êtes plus forts encore que vous ne l'imaginez, mais mettez cette force au service de la paix dans le monde et au service de l'équilibre dans le monde. C'est un défi formidable pour vous. Vous avez les atouts et les compétences pour l'atteindre. Vous devez vous soucier de l'état de la planète. Vous devez vous préoccuper de ce qui se passe de l'autre côté de vos frontières, parce que ce qui se passe de l'autre côté de vos frontières c'est aussi l'air que vous respirez. Si c'est la catastrophe dans les pays voisins du vôtre, ce sera la catastrophe dans le vôtre. Si la pollution fait des ravages sur la santé des autres, la pollution fera des ravages sur la santé de vos familles. Ne pensez pas que le fait d'être un habitant de la Grande Chine suffise pour ne pas subir les conséquences du réchauffement climatique. Vous êtes concernés autant que les autres. Mais comme vous êtes plus nombreux que les autres et plus puissants que les autres, vous devez prendre davantage de responsabilités que les autres. Un milliard 300 millions, un développement sans précédent dans l'histoire de l'humanité, vous ne pouvez pas ne pas être dans ce combat de la préservation de la planète, parce que cette planète est la vôtre. Elle n'est pas plus la vôtre que la mienne, mais elle ne l'est pas moins.
Mon pays, comme les pays industrialisés, ont fait des erreurs dans leur développement il y a un siècle, c'est vrai. Ce n'est pas une raison pour que vous commettiez les mêmes erreurs que celles que nous avons commises à votre place, de notre temps. Parce que la facture, c'est vous qui la paierez. Tel est le message que je suis venu tenir, non seulement aux dirigeants chinois mais à l'opinion publique. Il faut se réveiller. Le monde a besoin de vous. N'ayez pas peur, le monde n'a pas peur de vous, mais prenez ces responsabilités. Assumez-les.
Nous ne vous demandons pas de renoncer à votre développement, nous vous demandons d'y réfléchir. Développez-vous, ayez la croissance extraordinaire que le monde vous envie, mais soyez un modèle du développement durable. Ne soyez pas une caricature du développement. La Chine doit montrer l'exemple. La Chine a souvent montré le chemin, ce défi-là, c'est peut être le plus important de l'histoire de l'humanité. C'est la planète qui est en jeu, c'est l'avenir de notre espèce qui est en jeu. Nous avons besoin de la Chine.
Q - Monsieur le Président, je suis étudiant en chimie. Quel conseil pourriez-vous donner pour former davantage d'étudiants en chimie. On dit en Chine que si on donne un poisson à un homme, il mangera un jour, si on lui apprend à pêcher, il mangera toute sa vie. Que proposez-vous ?
R - Vous savez, dans toutes les discussions que j'ai eues avec la délégation qui m'accompagne, je n'ai pas dit aux Chinois : "achetez-nous nos produits", je leur ai proposé que nous nous associions ensemble. Sur le nucléaire, nous allons faire une société commune.
Quant aux transferts de technologie, ils ne me font pas peur. Nous ne voyons pas la Chine comme une immense banque où l'on viendrait se servir parce qu'il y a des moyens considérables. Nous voulons accompagner votre développement. Nous ne vous demandons pas simplement d'acheter nos produits, nous sommes prêts, comme pour l'Airbus 350 à construire une partie de cet avion chez vous. Pour que les ingénieurs chinois puissent apprendre à construire les meilleurs avions du monde et qu'en conséquence, les compagnies d'aviations chinoises achètent Airbus plutôt que Boeing. C'est un accord gagnant-gagnant que nous vous proposons. Nous vous disons : "nos meilleures technologies, nous allons les partager avec vous". Mettez vos moyens au service de ce développement et choisissez la France comme partenaire parce que la France veut travailler avec vous. La France ne veut pas seulement être un client ou un fournisseur, la France veut être un partenaire, un associé, un ami, un partenaire stratégique. Nous avons beaucoup à apprendre des Chinois, et vous avez peut-être à apprendre de nos entrepreneurs.
C'est une association que je suis venu proposer. Je ne suis pas un banquier, je ne suis pas un chef d'entreprise, je suis un chef d'Etat, donc je dois proposer une alliance stratégique. Nous formerons vos hommes, nous créerons des entreprises en France, mais nous demandons la réciprocité. Nous ouvrons nos marchés, nous voulons que vous ouvriez le vôtre. Nous sommes prêts à nous associer à vous, soyez prêts à vous associer à nous. Voilà, ce que je suis venu proposer, c'est-à-dire un accord équilibré. Un accord sur le long terme. Pas simplement un accord entre deux présidents, un accord entre deux pays. Parce que nous avons une responsabilité historique.
Je suis venu dans le pays qui a le plus fort développement au monde, pour lui dire "faites de ce développement-là un exemple pour le reste du monde". La France sera là pour vous y aider, avec ses ingénieurs, avec ses chimistes, avec ses techniciens. Nous voulons bâtir l'avenir avec vous. Je ne suis pas venu seulement pour signer des contrats et puis repartir chez moi. Je suis venu pour poser les bases de cet accord stratégique qui nous permettra, dans la durée, Chine et France, de construire l'avenir pour l'humanité. C'est cela que je suis venu faire et si je suis venu vous rencontrer, ce n'est pas pour vous proposer un contrat, c'est pour vous convaincre que l'on a besoin de vous.
Q - Monsieur le Président, accepteriez-vous que je vous donne ce journal où l'on parle de vous ?
R - Merci de m'avoir donné ce journal, je vous promets de regarder les images. Je ne suis pas sûr de pouvoir le lire dans le texte, mais enfin, je me le ferai traduire. En tout cas, je n'oublierai pas ce joli sourire et ce merveilleux journal.
Q - Monsieur le Président, je suis étudiante en médecine. Chacun sait que les problèmes de l'environnement sont devenus des gros problèmes, que tout le monde y travaille, mais soit ces politiques ne sont pas très efficaces, soit ce sont des politiques incompatibles avec les politiques de développement économique. Pourriez-vous nous dire, en France, quelles politiques sont utilisées pour combiner protection de l'environnement et développement économique ?
R - Nous avons décidé un changement capital en France qui n'a pas été facile à prendre. C'est que, désormais, avant tout choix d'un investissement majeur, nous intégrerons le coût écologique d'un investissement qui ne correspondrait pas au développement durable. Jusqu'à présent, lorsque l'on décidait d'une route, d'un train, d'une réalisation, d'un service public, on comparait le coût de cet investissement et on n'intégrait pas son impact sur la pollution. Désormais, nous intégrerons l'impact sur la pollution et nous choisirons systématiquement l'équipement qui respectera le développement durable. Pourquoi, Madame, vous qui êtes étudiante en médecine, parce que je suis le chef d'un Etat démocratique, où les responsables doivent rendre des comptes. Je ne veux pas qu'un jour, on vienne me dire : "par la faute d'une décision que vous avez prise, mon enfant a le cancer".
Nous avons en France à gérer les conséquences d'un véritable scandale sanitaire qui est celui de la présence de l'amiante dans un certain nombre de bâtiments, puisqu'au lendemain de la guerre, tous les bâtiments étaient construits avec de l'amiante. Lequel d'entre vous accepterait pour lui ou pour sa famille de travailler dans un bâtiment où il sait qu'il y a de l'amiante et que l'amiante provoque le cancer ? Lequel l'accepterait ? Personne. Eh bien, nous avons décidé une véritable révolution, celle d'intégrer ce coût écologique pour prendre la bonne décision. Dans le gouvernement que j'ai constitué autour du Premier ministre, François Fillon, le numéro deux du gouvernement et seul ministre d'Etat, c'est le ministre du Développement durable. Jusqu'à présent, le ministre en charge du Développement durable était l'un des derniers du gouvernement, simplement une petite touche de couleur verte, pour faire bien. Désormais, il est, dans l'ordre protocolaire, le premier des ministres.
Quand nous avions une décision à prendre en matière industrielle, on tenait compte des impératifs économiques. Désormais, nous tenons compte du développement durable. Comprenez-moi bien, il y a trop de chômage dans mon pays. Nous avons, comme vous, besoin de croissance, mais nous voulons une croissance propre, nous ne voulons pas d'une croissance sale. Nous voulons une croissance qui protège notre pays et l'avenir de la planète. Nous ne voulons pas d'une croissance qui détruise la planète, car si la planète est détruite, que restera-t-il pour vous et pour vos enfants ? Et dans 30 ou 40 ans, vos enfants se tourneront vers vous et vous diront : "qu'avez-vous fait ?". Vous ne pourrez pas répondre : "je savais et je n'ai rien fait". Vous savez maintenant, vous devez faire et ce ne sont pas vos enfants qui doivent faire, c'est vous qui devez prendre la décision. C'est nous qui devons agir tout de suite, maintenant, parce que demain il sera trop tard. Le regard des générations qui nous suivront, sur vous, sur nous, sera très cruel si nous les mettons dans une situation irréversible. Et croyez bien que je n'exagère pas. Tout ce que je dis, les 2.500 scientifiques mondiaux l'ont affirmé. Maintenant, vous savez vous aussi, en Chine. Vous pouvez et vous savez. La question, maintenant, c'est : est-ce que vous voulez ? Vous pouvez et vous savez. Dites au monde que vous voulez. Voilà ce que le monde attend de la Grande Chine éternelle.
Q - Bonjour Monsieur Sarkozy, je suis étudiant à l'Ecole centrale de Pékin. Je suis très content de vous voir et lorsque vous reviendrez en Chine, pourriez-vous venir à l'Ecole centrale de Pékin car tous les professeurs et mes camarades voudraient vous y accueillir ? Bienvenue en Chine.
R - Je vais revenir en Chine cette année parce qu'avec le ministre des Sports qui m'accompagne, Bernard Laporte, il y a un évènement planétaire chez vous. Je vais vous dire une chose, nous, en France, les Jeux Olympiques, on adore. C'est une fête et vous avez beaucoup de chance d'avoir les Jeux Olympiques à Pékin. Je souhaite pour la Chine que cela soit un succès extraordinaire et je peux vous dire qu'il y aura une grande délégation du gouvernement français. Cela va être la bagarre pour savoir qui vient et qui ne vient pas, mais rendez-vous au mois d'août. S'il y a des étudiants à l'Ecole centrale au mois d'août, je vous promets que je viendrai vous dire bonjour.
Merci à tous, je dois partir maintenant à Shanghai et je voudrais vous dire que c'est extrêmement émouvant pour moi de parler à des représentants de la jeunesse du plus grand pays au monde. J'espère que vous avez compris que j'ai parlé avec amitié, avec considération et surtout avec espoir. Le monde compte sur vous, jeunes Chinois.