26 novembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les relations franco-chinoises, à Pékin le 26 novembre 2007.

Mesdames et Messieurs,
Mes Chers Amis,
En remerciant notre Ambassadeur,
Mes Chers Compatriotes,
Lorsque je suis venu en Chine pour la première fois il y a quinze ans, j'avais été frappé par l'ambition de cette grande nation de retrouver son rang dans la communauté internationale.
En vous voyant aussi nombreux aujourd'hui, en découvrant ce lieu magnifique consacré à la création artistique contemporaine, je me dis que, décidément, la Chine qui avait déjà rendez-vous avec le siècle dernier, a choisi d'avoir rendez-vous avec le XXIème. Chaque jour, la Chine s'engage dans une aventure sans précédent dans l'histoire de l'humanité : conduire une immense nation sur le chemin du progrès en simplement quelques décennies. La Chine se transforme et la transformation de la Chine, c'est la transformation du monde.
J'ai souhaité effectuer ici mon premier déplacement officiel en Asie : de la façon dont nous saurons, Français et Chinois, travailler ensemble, dépendra largement notre prospérité commune et notre capacité collective à contrer, à solutionner les menaces et les crises qui pèsent sur le monde.
La France a fait le pari de la Chine : dynamisme économique exceptionnel, foisonnements de talents, la Chine est à l'évidence un choix de raison pour la France comme pour la plupart de nos partenaires. Mais pour notre pays, elle est bien davantage que cela. La Chine, pour la France, c'est une affaire de coeur. J'ai appartenu au gouvernement d'Edouard Balladur qui a scellé en 1994 la réconciliation franco-chinoise.
Je suis venu, accompagné de Jean-Pierre Raffarin, qui a fait un célèbre voyage dans les conditions que l'on connaît, je crois que c'était en 2003. Je suis venu à Pékin pour dire à nos amis chinois que l'émergence de leur pays comme puissance peut être une chance pour le monde entier. Parce que cette nouvelle puissance de la Chine, c'est ce que j'ai essayé de leur expliquer, fait peser sur leurs épaules des responsabilités nouvelles. Nous avons besoin de la Chine pour préserver l'environnement et pour lutter contre le changement climatique. La Chine peut conserver la même croissance mais pas de la même façon. Il faut une croissance avec moins de carbone. Les entreprises françaises aideront la Chine, mais la Chine doit s'engager dans ce combat pour la protection de l'environnement. La Chine doit faire le choix du développement de relations économiques harmonieuses, fondées sur un mot qui va maintenant rythmer nos relations : la réciprocité. Des normes communes, des taux de change justes.
La sécurité internationale et la résolution des crises qui menacent le monde, de la Corée du Nord à l'Iran, de la Birmanie au Darfour, en passant par le Pakistan. Nous avons besoin de la Chine. Nous avons besoin de la Chine pour convaincre le Soudan que la tragédie du Darfour ne peut pas continuer. Nous avons eu besoin de la Chine pour convaincre la Corée du Nord que la prolifération d'armements nucléaires est un risque majeur pour l'humanité. Et nous avons besoin de la Chine pour ouvrir la Birmanie et ne pas laisser la junte mettre ce pays dans l'état où il se trouve.
Enfin, l'avenir, ce sont bien sûr les relations qui vous concernent entre l'Europe et la Chine, une Europe qui, avec le traité simplifié, retrouve enfin une capacité à agir, mais une Europe qui va conduire avec la Chine un dialogue amical, franc, loyal sur les taux de change. On ne peut pas continuer avec les déséquilibres monétaires que nous connaissons. Et, dès demain, le sommet Union européenne/Chine permettra de mettre l'ensemble de ces sujets sur la table des négociations. Alors, la délégation qui m'accompagne reflète les priorités que nous allons donner au nouvel élan des relations franco-chinoises.
Jean-Louis Borloo a engagé avec la Chine un dialogue bilatéral sur l'environnement, c'est la première fois que les Chinois signent une déclaration commune sur ce sujet avec un pays partenaire, c'est extrêmement symbolique. Christine Lagarde est venue ici plusieurs fois ces deux dernières années, Hervé Novelli et Eric Besson témoignent de notre volonté de soutenir votre action, commerciale, financière, industrielle. Rachida Dati est venue parce que nous avons voulu avec elle mettre en valeur une dimension trop souvent méconnue de nos relations : la France est le pays européen où sont formés le plus grand nombre d'avocats chinois £ ainsi la Chine doit continuer à progresser vers l'Etat de droit. Dix jeunes scientifiques de haut niveau montrent que c'est avec la France que se développeront dans les années à venir des coopérations parmi les plus avancées en matière de recherche et d'innovation. Et puis, Bernard Laporte est là pour préparer le grand rendez-vous de l'été prochain que seront les Jeux olympiques de Pékin où je me rendrai en tant que président de la République française et président de l'Union européenne.
La Chine attend beaucoup de la France. Sur le plan politique, nous avons pris nos responsabilités mais la France attend beaucoup de la Chine. Les accords et contrats qui ont été signés ce matin témoignent d'une ambition partagée, près de 20 milliards d'euros de contrats. Je souhaite que la France soit au premier rang de la coopération industrielle et intellectuelle avec la Chine, que la Chine accorde sa confiance à nos entreprises et à nos ingénieurs. Je mesure, comme chacun de vous, l'incroyable chemin que la Chine a parcouru depuis la fin de la révolution culturelle, il y a trente ans. On a l'impression que ce n'est pas le même pays. Je ne doute pas que les trente prochaines années nous ouvrent encore davantage de coopérations et d'aventures communes.
Votre communauté continuera de croître, à la mesure de cette ambition.
Je veux aussi que les Français de Chine, et de Pékin, soient fiers de nos implantations publiques, car elles sont le symbole de la France. Je veux que vous trouviez l'accueil et l'aide dont vous avez besoin. Ce sera le cas avec notre nouvelle ambassade, qui sera livrée au printemps 2010 et appelée à devenir l'une des toutes premières représentations diplomatiques de la France dans le monde.
Ce sera le cas, également, avec le développement du Lycée français international de Pékin. Naturellement, il y a des contraintes, mais s'il n'y avait pas de contraintes on n'en parlerait pas. D'ailleurs, il y a des contraintes dans tous les pays : contraintes de calendrier, de montage financier et d'environnement juridique. Mais, je le dis, je fais du Lycée français international de Pékin et de son développement une priorité. Parce que cela sert à quoi de dire aux entrepreneurs français, allez, venez en Chine, développez-vous, et de ne pas accroître au prorata les équipements pour que vous puissiez venir avec vos familles et avec vos enfants. Parce sans vos familles et sans vos enfants, il n'y aura pas d'installation durable en Chine. Je souhaite d'ailleurs vous dire combien je suis heureux que, désormais, les études en terminale soient gratuites parce que j'ai toujours pensé qu'il n'y avait aucune raison que les Français de l'étranger doivent financer une part trop grande des études de leurs enfants alors que les Français qui restent dans l'hexagone ont droit à des études gratuites pour leurs enfants.
Dans un pays où l'égalité est inscrite au frontispice de tous nos équipements publics, ce n'était pas juste. Alors, à peine avais-je dit cela, que la totalité de la technostructure s'était mobilisée, pour dire que c'était une idée beaucoup trop simple, que c'était bien une idée politique et qu'eux, ils avaient trouvé une meilleure idée : on allait développer les bourses. Je connais le raisonnement : avec les bourses, c'est parfait, on est toujours trop pauvre pour être riche et trop riche pour être pauvre, et donc les critères, c'est pour les autres. Eh bien, chaque année, il y aura une année de scolarité de plus qui sera entièrement gratuite pour les Français de l'étranger. On a commencé par la terminale, on poursuivra par la première, et par la seconde. Cela s'appelle l'égalité entre nos compatriotes qui font le choix de l'aventure de l'expatriation et ceux qui restent sur le territoire national.
Nous allons ouvrir un sixième consulat général de France à Shenyang, responsable des trois provinces du nord-est. Le développement d'un réseau de centres de visas va témoigner également de la modernisation de notre dispositif.
Je voudrais également dire à tous ceux qui ont fait le choix de l'entreprise, que j'ai bien l'intention que nous continuions à moderniser notre pays.
Alors ce n'est pas le lieu pour parler politique, encore que...
Je sais parfaitement la confiance qui s'est portée sur ma candidature parmi les Français de Chine lors des dernières élections. Cette confiance m'oblige bien sûr à ne pas vous trahir. Vous savez, vous avez un rôle capital à jouer pour nous. Vous êtes les Français aux avant-postes de l'évolution du monde, pour regarder de près l'évolution du monde d'ici et vous voyez que le monde bouge. Vous voyez que le monde n'attend pas les sociétés immobiles. Vous voyez que, partout dans le monde, on a fait le choix du travail, de l'initiative, de la formation, de la recherche, de l'avenir et que l'on peut, spécialement en Chine, faire ce choix sans renier ses traditions et son identité.
J'ai souhaité avec le gouvernement, les ministres qui m'entourent, la majorité, que nous modernisions la France, que nous la fassions bouger. Parce que la France ne peut pas demeurer immobile dans un monde qui évolue à cette vitesse et vous, les Français de Chine, vous devez dire à vos familles, vous devez dire à vos amis, vous devez dire à tous ceux qui sont restés en France mais qui sont en contact avec vous, que l'on a raison, que si l'on ne bouge pas, on sera condamné. Que si on ne se modernise pas, les emplois seront pour les autres. Que si on n'investit pas dans l'innovation, la recherche et l'éducation, ce sont les autres qui gagneront. Et nous, nous voulons le meilleur pour la France. Et je souhaite une France qui soit entendue dans le monde. Une France qui soit entendue, non pas parce qu'elle donne des leçons, parce que la France n'a pas de leçon à donner, et je ne vois d'ailleurs pas ce que l'on peut donner comme leçon à un pays à la civilisation si ancienne, mais je veux que la France soit entendue parce que les peuples du monde se diront que ce que la France dit pour les autres, elle se l'applique pour elle-même.
Trop souvent dans le passé, j'ai vu que nous demandions aux autres de faire ce que nous, nous n'avions pas pris le temps ou nous n'avions pas eu le courage de mettre en oeuvre. Alors, vous avez vu que des grandes réformes sont engagées en France. Ces grandes réformes, elles ne s'arrêteront pas. Pour une raison très simple, c'est que la France n'a pas d'autre choix que celui d'avancer et de rattraper un retard accumulé par rapport aux autres pays, y compris en Europe, qui ont fait des choix et qui ont pris des décisions avant nous et plus fortement que nous. Ce n'est pas un choix idéologique, ce n'est pas un choix de gauche ou de droite, c'est simplement que nous voulons pour notre pays le plein emploi, la création de richesses. Nous voulons pour notre pays qu'il soit en tête des pays qui incarnent, dans le monde, la réussite.
Je voudrais vous dire une chose, c'est que le mot réussite n'est pas un mot tabou en France. Et puis, un dernier message : je veux que ceux qui sont là, dans leurs administrations ou dans leurs entreprises, sachent que la France les attend quand vous voudrez revenir. Je ne veux pas que ceux qui ont fait le choix de l'expatriation en soient punis lorsqu'ils reviennent dans leurs administrations ou dans leurs entreprises. Il faut qu'on leur fasse une place, pour profiter de leur expérience, et que l'on cesse cette détestable habitude qui consiste à envoyer celui qui est parti une fois, toujours ailleurs. S'il y en a qui se sentent concernés, mon message est clair : ce ne sont pas toujours les mêmes qui doivent s'y coller. Cela doit tourner et cela ne sert à rien d'avoir des compatriotes qui partent à l'étranger, s'ils ne peuvent revenir dans notre pays, pour mettre au service de notre pays ce qu'ils ont appris dans leur expérience à l'étranger. Et cela vaut pour les entreprises comme cela vaut pour les administrations. "Tu as été à Pékin, donc l'Irak ce sera pour toi forcément". Je dis l'Irak, cela peut être autre chose !
Et puis, j'ai bien conscience que, si la France est un grand pays, c'est parce que nous avons des compatriotes comme vous qui un jour ont dit non à la routine du quotidien, ce n'est pas pour nous, on va aller voir en Chine, à Pékin et ailleurs, comment cela se passe. Croyez bien que notre reconnaissance à nous tous vous est acquise. Pas question pour moi de venir ici sans prendre le temps de vous rencontrer. Et puis, quand on est confronté parfois à certaines épreuves, cela fait du bien aussi de se dire qu'à 9 000 km de la France, il y a des Français qui espèrent qu'on tiendra. Et bien c'est fait, on a tenu.Je vous remercie pour votre accueil.