25 octobre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors de la restitution des conclusions du Grenelle de l'environnement, sur les engagements de la France pour le développement durable, Paris le 25 octobre 2007.

Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Président Al GORE,
Monsieur le Président BARROSO,
Ma première pensée va à tous ceux qui ont oeuvré à la réussite de ce Grenelle de l'Environnement qui restera comme un moment important dans la prise de conscience par notre société qu'elle ne peut plus vivre dans le gaspillage, qu'elle ne peut plus négliger les conséquences sur l'avenir de la planète de sa façon de vivre, de produire et de consommer.
Je veux saluer José Manuel Barroso, Président de la Commission Européenne, qui témoigne ici de l'engagement de l'Europe pour le développement durable. Je sais que grâce à lui nous pouvons compter sur le soutien de la Commission pour mener à bien la véritable révolution que nous voulons entreprendre. Car c'est bien à une révolution que nous invite ce Grenelle de l'Environnement qui achève aujourd'hui le premier temps de ses travaux.
Une révolution dans nos façons de penser et dans nos façons de décider. Une révolution dans nos comportements, dans nos politiques, dans nos objectifs et dans nos critères.
Je veux dire à José Manuel Barroso le soutien total de la France et, s'il me le permet, mon amitié personnelle.
Je veux également saluer la présence de Monsieur le Vice Président Al Gore, de Madame Wangari MAATHAI, tous deux Prix Nobel de la Paix. Ils sont de ceux qui incarnent cette révolution, qui l'ont voulue avant tout le monde, qui ont annoncé sa nécessité avant tous, qui n'ont pas hésité notamment vous, Monsieur le Président Al Gore, à braver le scepticisme dans votre propre pays, à bousculer les préjugés et à vous attaquer aux conservatismes.
Vous faites partie de ceux qui nous ont appris à regarder loin devant nous et à ne pas rester prisonniers de calculs à courte vue.
Vous nous avez appelé nos responsabilités. Vous nous avez forcés à nous interroger sur le monde que nous allons laisser à nos enfants.
Et vous nous avez fait comprendre que nous avions dépassé les limites de ce que notre planète peut supporter.
La France n'a pas à rougir de ce qu'elle a fait jusqu'à présent.
Nos émissions de gaz à effet de serre sont inférieures de 21 % par habitant par rapport à la moyenne européenne, et même 30 à 40 % par rapport à nos grands voisins. Ce n'est pas une raison. La France est le 2ème producteur européen d'énergie renouvelable. La France a une richesse naturelle inestimable.
La France n'est pas en retard. Mais la France veut maintenant être en avance. Et c'est tout le changement, José Manuel, que nous voulons proposer aujourd'hui en France. Notre ambition n'est pas d'être aussi médiocre que les autres sur les objectifs, ce n'est pas d'être dans la moyenne. Notre ambition c'est d'être en avance, d'être exemplaire. La France a plaidé à l'ONU en faveur d'un New Deal économique et écologique planétaire. La France ne peut pas espérer que son appel sera entendu si elle ne s'impose pas à elle-même l'exigence la plus forte. Comment devenir un exemple, si on n'est pas capable de s'appliquer à soit les règles qu'on voudrait voir retenues par les autres ?
C'est dans cet esprit que j'ai voulu ce Grenelle.
Le Grenelle, c'est la réflexion et la proposition partagées. C'est un succès. C'est un succès que nous devons aux organisations non gouvernementales de l'écologie qui ont su être à la hauteur de ce rôle inédit.
Je suis persuadé que si on avait dit à un certain nombre d'entre eux « bientôt vous travaillerez avec lui »... Ce n'était pas acquis !
C'est un succès que nous devons aux syndicats qui ont su se saisir de ce sujet , dont je n'ignore nullement qu'il est nouveau pour un certain nombre d'entre eux. C'est un succès que nous devons à l'ensemble du monde agricole qui a eu le courage de revenir sur des positions anciennes. C'est un succès que nous devons aux entreprises qui ont su elles-aussi être au rendez-vous. C'est un succès que nous devons aux élus qui ont compris les exigences de la population..
Et puis, bien sûr, c'est un succès, je veux lui rendre hommage, que nous devons à Jean-Louis BORLOO, que je veux saluer tout particulièrement, à Nathalie KOSCIUSKO-MORIZET, à Dominique BUSSEREAU et à toutes leurs équipes. Jean- Louis, tu as su relever le défi que je t'avais fixé. Je crois que l'on peut t'applaudir.
Alors maintenant que c'est le succès de tout le monde, il revient au Premier Ministre et à moi de prendre les décisions.
Le Grenelle est un événement sans précédent. Vous êtes tous restés jusqu'au bout, en tout cas jusqu'à l'instant où je parle, à la table des négociations. Des compromis ont été trouvés sur des sujets auparavant tabous. Et, cher François Fillon, une très lourde responsabilité nous attend désormais. Elle est simple : ne pas décevoir. Ce que j'ai à vous dire est simple : en tant que Chef de l'Etat, vos propositions, je les fais miennes, je les porterai et je les mettrai en oeuvre.
Je voudrais que cette politique soit d'abord une politique d'adhésion.
Il faut avoir le courage de décider autrement, de changer les méthodes, de préférer
la décision issue de la négociation plutôt que la décision issue de l'administration. Et
bien reconnaissons que le « dialogue à cinq » - syndicats, entreprises, ONG, élus et
administration - c'est un succès sans précédent.
Le Grenelle n'est pas une fin, c'est un commencement. Et nous allons confier « aux cinq » le suivi de ce qui a été décidé en commun. Nous allons constituer plusieurs groupes de travail, « logement », « transport » etc.
Mais je vous propose que, pour tous les grands projets, tous, par exemple ceux soumis à enquête publique, la décision négociée « à cinq » se substitue à la décision administrative.
C'est un changement complet dans la logique de décision gouvernementale. C'est une révolution dans la méthode dont on mesurera les implications dans quelques années, et je vous propose de donner aux organisations non gouvernementales environnementales leur place dans nos institutions, et notamment au Conseil économique et social.
Il faut avoir le courage de reconnaître que nous ne pouvons plus définir des politiques en ignorant le défi climatique, en ignorant que nous détruisons les conditions de notre survie.
Premier principe : tous les grands projets publics, toutes les décisions publiques seront désormais arbitrées en intégrant leur coût pour le climat, leur « coût en carbone ». Toutes les décisions publiques seront arbitrées en intégrant leur coût pour la biodiversité. Très clairement, un projet dont le coût environnemental est trop lourd sera refusé.
Deuxième principe, nous allons renverser la charge de la preuve. Ce ne sera plus aux solutions écologiques de prouver leur intérêt. Ce sera aux projets non écologiques de prouver qu'il n'était pas possible de faire autrement. Les décisions dites non écologiques devront être motivées et justifiées comme ultime et dernier recours. C'est une révolution dans la méthode de gouvernance de notre pays totale et nous allons appliquer immédiatement ce principe à la politique des transports. Le Grenelle propose une rupture et bien, je propose de la faire mienne. La priorité ne sera plus au rattrapage routier mais au rattrapage des autres modes de transports.
Nous allons également l'appliquer à la politique de gestion des déchets. La priorité ne sera plus au seul traitement des déchets mais à leur prévention. Nous retiendrons toutes les propositions qui permettent d'interdire ou de taxer les déchets inutiles comme le « suremballage ». La priorité ne sera plus à l'incinération mais au recyclage des déchets. Il faudra prouver pour tout nouveau projet d'incinérateur qu'il s'agit bien de l'ultime recours. Il n'y aura plus de d'incinérateur sans contrôle permanent et transparent des pollutions émises. Il n'y aura plus de projet d'incinérateur sans que la destruction des déchets ne serve à produire de l'énergie. Ces principes posés, je sais que vous n'avez pas conclu sur ce point et que les travaux du Grenelle doivent se poursuivre. Le Gouvernement attend vos conclusions.
Nous voulons une politique de vérité. Wangari MAATHAI et le Vice-Président Al GORE ont eu le courage de la proclamer : notre modèle de croissance est condamné. Pire encore, le maintien de la paix dans le monde est condamné si nous ne faisons rien.
Les changements climatiques, nos concitoyens ne doivent pas les réduire à la fonte des neiges sur les pistes de ski. Les changements climatiques, ce sont des centaines de millions de réfugiés climatiques. Les changements climatiques, c'est une accélération des grandes catastrophes, des sécheresses, des inondations, des cyclones, d'une certaine façon, c'est le Darfour où des millions de pauvres gens sont poussés par la faim et la soif vers d'autres régions où ils entrent en conflit avec des populations qui étaient installées de façon séculaire. Les changements climatiques, ce sont des épidémies nouvelles. Ce sont des conflits exacerbés pour accéder à l'eau et à la nourriture.
Il faut donc avoir le courage de dire que la hausse des prix des hydrocarbures sera permanente. Il faut avoir le courage de dire qu'il n'y aura plus de pétrole avant la fin du siècle. Il faut avoir le courage de reconnaître que nous ne connaissons pas tous les effets à long terme des 100 000 substances chimiques commercialisées. Il faut avoir le courage de reconnaître que nous n'avons pas toujours été exemplaires.
Les Français ont le droit de savoir. Ils ont le droit de connaître la vérité sur les menaces d'aujourd'hui et de demain. Ils ont le droit de se faire leur propre opinion. C'est une demande forte du Grenelle. Nous allons donc créer un droit à la transparence totale des informations environnementales et de l'expertise. Toutes les données, sans exception, seront désormais communicables, y compris sur le nucléaire et les OGM. Les seules limites seront le secret de la vie privée, beaucoup à faire en la matière, la sécurité nationale et les secrets industriels.
Cette politique de vérité est une politique de responsabilité. Plus personne ne doit pouvoir dire qu'il ne savait pas. Nous sommes tous comptables de nos actes.Ce qui me permet de revenir sur la question du principe de précaution. Proposer sa suppression au motif qu'il briderait l'action repose, à mes yeux, sur une grande incompréhension. Le principe de précaution n'est pas un principe d'inaction. C'est un principe d'action. C'est un principe d'action et d'expertise pour réduire l'incertitude. Le principe de précaution n'est pas un principe d'interdiction. C'est un principe de vigilance et de transparence. Il doit donc être interprété comme un principe de responsabilité. La responsabilité fait partie des valeurs que j'ai voulu porter dans la campagne électorale.
Je veux d'ailleurs rouvrir le débat de la responsabilité et prendre les miennes. Celui qui pollue des rivières pendant des années, celui qui conçoit et vend un produit chimique, celui qui créé un nouvel génétique, celui-ci doit être comptable de ses actes même des années après si un drame survient. Et bien nous allons faire sauter, avec l'Europe, les barrières juridiques pour aller chercher les pollueurs là où ils se trouvent. Il n'est pas admissible qu'une maison-mère ne soit pas tenue pour responsable des atteintes portées à l'environnement par ses filiales. Il n'est pas acceptable que le principe de la responsabilité limitée devienne un prétexte à une irresponsabilité illimitée. Quand on contrôle une filiale, on doit se sentir responsable des catastrophes écologiques qu'elle peut causer. On ne peut pas être responsable le matin et irresponsable l'après-midi. Ce n'est pas en tout cas la politique qui sera celle de la France.
Je veux revenir sur le dossier des OGM : la vérité est que nous avons des doutes sur l'intérêt actuel des OGM pesticides £ la vérité est que nous avons des doutes sur le contrôle de la dissémination des OGM £ la vérité est que nous avons des doutes sur les bénéfices sanitaires et environnementaux des OGM.
Je ne veux pas me mettre en contradiction, José Emmanuel avec l'Union européenne. Mais, je dois faire des choix. Et bien, dans le respect du principe de précaution, je souhaite que la culture commerciale des OGM pesticides soit suspendue. Ceci en attendant les conclusions d'une expertise à conduire par une nouvelle instance créée avant la fin de l'année en concertation étroite avec vous, Grenelle de l'environnement, et avec la Commission européenne. Je prends mes responsabilités là-aussi. Nous respecterons nos engagements.
Et, la preuve de cette volonté, José Emmanuel, c'est que je m'engage à ce que la France transpose au Printemps 2008 la directive sur le sujet. Mais je ne peux pas être pris en flagrant délit de contradiction, il y a un principe de précaution. Il y a des OGM pesticides, je veux suspendre parce que c'est au nom du principe de précaution. En même temps, la France joue son rôle en Europe. La France n'ignore nullement ses obligations. Nous transcrirons la directive et nous en parlerons ensemble. Le Grenelle pose de nouveaux principes pour encadrer la recherche et la culture des OGM. Je pense au principe de transparence. Je pense au droit à cultiver avec ou sans OGM. Je pense à l'obligation de prouver l'intérêt sanitaire et environnemental des OGM. Ces principes, Jean-Louis les inscrira dans le projet de loi de transposition. Et, au moins, il y aura une règle, la transparence. Chacun prendra ses responsabilités.
Alors cette suspension de la culture commerciale des OGM pesticides ne signifie pas, là aussi, je veux être clair, que nous devons condamner tous les OGM, et notamment les OGM d'avenir.. Nous devons accélérer la recherche. Je n'accepte pas qu'on détruise des parcelles de recherche. Ce que nous proposons, en vérité, c'est le retour de la démocratie : le débat, la transparence, la décision exclusivement pour des motifs d'intérêt général et non seulement commercial, la responsabilité £ la contrepartie, ce sera le retour de chacun dans le champ de la démocratie et de l'Etat de droit : le débat et la controverse, pas les abus et la violence. Et personne ne me fera accepter et penser que c'est normal de violer la propriété privée. Je veux dire que je respecte l'avis de ceux qui n'ont pas le même avis que moi, mais je veux avoir l'honnêteté de leur dire que dans l'engagement sincère qui est celui du gouvernement, il y a aussi des principes auxquels nous tenons.
Dans le même esprit, je veux dire un mot du nucléaire. Pour bien montrer qu'on peut vouloir une politique de vérité et évacuer les problèmes. Il est illusoire en France de vouloir relever le défi du climat, notre premier défi, sans l'énergie nucléaire. Aujourd'hui, nous n'avons pas d'autre choix, sauf à renoncer à la croissance. Cette réalité, je l'ai toujours défendue avant les élections et après.
Mais ça ne signifie nullement que le nucléaire doit être la solution unique au défi climatique. Nullement. Notre première priorité, et c'est l'une des conclusions du Grenelle, notre première priorité c'est de réduire notre besoin d'énergie. L'objectif est d'améliorer de 20 % notre efficacité énergétique d'ici à 2020. Et notre deuxième priorité de viser un objectif de plus de 95 % d'énergie électrique sans effet sur le climat, c'est-à-dire sans carbone. C'est à mes yeux, le seul objectif pertinent pour lutter contre les défis climatiques.
Nous avons l'énergie nucléaire. Même si je ne veux pas créer de nouveaux sites nucléaires, je sais que nous ne devons pas renoncer à cette énergie. Mais je reprendrai les principes que vous proposez, notamment celui de la transparence.
De la même façon que nous avons le programme national nucléaire, qui a été lancé en 1974, pour réduire notre dépendance énergétique, je veux engager un programme national des énergies renouvelables, avec la même ambition. Pourquoi opposer le renouvelable et le nucléaire, alors que chacun sent bien que nous avons besoin des deux? Nous voulons faire de la France le leader des énergies renouvelables, au-delà même, José-Manuel, de l'objectif européen de 20 % de notre
consommation d'énergie en 2020.
Pour autant, je suis contre une forme de précipitation qui se traduit finalement par la dégradation de l'environnement. Les éoliennes oui, mais d'abord sur les friches industrielles, et loin des sites emblématiques. Et, franchement, quand je survole certains pays européens cela ne donne pas envie. Nous devons également revoir la politique de soutien aux biocarburants pour l'avenir et sans remettre en cause les engagements pris. Je souhaite que la priorité soit donnée au développement des biocarburants de deuxième génération plus pertinents face au défi environnemental
et au défi alimentaire.
Et nous allons donner la priorité aux territoires où la notion d'indépendance énergétique a du sens. Je pense à la Corse qui doit pouvoir être indépendante d'un point de vue énergétique. (Il y avait une bêtise à dire, il faut que Monsieur JACOBI vous la suggériez !) C'est très important l'indépendance énergétique. Et imaginez ce qu'on peut faire pour la Corse comme pour nos départements et collectivités ultramarines. Et je vous annonce que dès 2008, nous engagerons le Programme Réunion 2030. On peut véritablement, Madame la Ministre de l'intérieur, donner à ces territoires, la possibilité d'être des laboratoires de recherche au service des énergies renouvelables.
Dans le même esprit d'efficacité, le Gouvernement engagera avec Michel Barnier un grand plan pour l'autonomie énergétique des exploitations agricoles.
Il y aura donc bien une réduction de la part du nucléaire dans notre consommation d'énergie, et il y aura une réduction de la part des énergies « carbonées », néfastes pour le climat. On va continuer à chercher sur le nucléaire et on va lancer un plan de développement des énergies renouvelables. Pourquoi choisir alors que nous avons besoin des deux ?
Je voudrais dire que la politique de l'environnement, c'est une politique d'investissement.
Assimiler la politique écologique à un « retour en arrière », c'est une imposture. Les plus grandes pollutions s'observent au moins autant dans les pays riches que dans les pays pauvres. Les plus grands agresseurs du climat sont des pays riches et des pays pauvres. Et soyons réalistes. Il est peine perdue de tenter de convaincre les pays en développement qu'ils doivent rester durablement pauvres parce que la croissance leur serait interdite. Et il est peine perdue de tenter de convaincre les Français qu'ils doivent vivre dans la pénurie pour le bien-être des générations futures.
L'enjeu, c'est d'investir massivement pour créer les conditions de la croissance de demain. Nous allons donc décider d'un grand programme national de développement durable.
Je reprends les propos du Vice-président Al GORE. Il veut un « plan Marshall » pour la France comme pour la planète. Cela a réussi en 1947, ça doit réussir aujourd'hui. Sir Nicholas Stern a estimé l'investissement nécessaire à 1 % du PIB. Je rappelle que le plan Marshall à l'époque représentait 2 % du PIB. Qui, aujourd'hui, peut contester qu'à l'époque le plan Marshall a rendu possible les Trente Glorieuses. La solution n'est pas dans l'accumulation des dépenses publiques et des taxations. Nous allons réussir par l'investissement. D'abord l'investissement dans la recherche, dans les progrès technologiques, dans le progrès comportemental. Innovation, inventivité. Nous allons engager un milliard d'euros sur 4 ans pour les énergies et les moteurs du futur, la biodiversité, la santé environnementale. Là où nous dépensons un euro pour la recherche nucléaire, nous dépenserons le même euro pour la recherche sur les technologies propres et sur la prévention des atteintes à l'environnement. Nous voulons être exemplaires des deux côtés.
Nous allons investir massivement dans les transports.
Je le dis, l'Etat a eu tort de se désengager du développement des transports urbains. L'enjeu d'aujourd'hui est bien la congestion des centres villes. Je rétablirai une participation de l'Etat pour la construction des voies de bus, des voies pour vélos ou des tramways. Ce sont plus de 1500 kilomètres qui seront construits hors de l'Ile-de- France.
Le TGV est un immense progrès. Nous allons construire 2000 kilomètres de lignes nouvelles. Et je vous propose de poser le principe que les voies ferroviaires dégagées soient affectées au fret. Ce sont 2 millions de camions qui ne traverseront plus la France du Nord au Sud en 2020.
Nous allons réhabiliter le transport fluvial et maritime. La France dispose d'atouts formidables. Je vous propose un plan d'investissement dans les liaisons fluviales qui retirera des routes un million de camions en plus d'ici à 2020. Et je m'engage à redresser nos ports pour que les marchandises entrent enfin par les ports et non plus simplement par les routes. Nous aurons à en discuter avec certaines organisations syndicales.
Et puis une politique massive d'investissement dans le bâtiment.
C'est une priorité et c'est une urgence. Nous voulons la réduction de la consommation d'énergie par les bâtiments.
Je vous propose de retenir deux règles. Dès avant 2012, tous les bâtiments neufs construits en France répondront aux normes dites de « basse consommation » £ et dès 2020, tous les bâtiments neufs seront à énergie positive, c'est-à-dire qu'ils produiront davantage d'énergie qu'ils n'en consomment. Pourquoi 2020 ? Parce que nous n'avons pas à ce jour les entreprises et la main d'oeuvre nécessaires, qu'il faut un travail de formation considérable.
L'enjeu majeur se situe dans les 30 millions de logements et de bâtiments anciens. Nous allons doubler le nombre de bâtiments anciens rénovés chaque année et porter à 400 000 par an le nombre de logements anciens rénovés. Ce programme commencera par les 800 000 logements HLM aujourd'hui dégradés.
Enfin, je retiens une règle simple pour tous les appareils ménagers, téléviseurs, chaînes haute fidélité et autres équipements qui sont à l'origine de l'explosion du budget énergie des ménages. Dès qu'une alternative existe à un prix raisonnable, les appareils les plus consommateurs d'énergie seront interdits. Nous le ferons dès 2010 pour les ampoules à incandescence ou les fenêtres à simple vitrage.
Politique d'investissement massif dans l'agriculture.
Une agriculture durable, il y a 800 millions de personnes qui meurent de faim. Et d'ici à 2050, il y aura trois milliards d'êtres humains en plus. On ne va pas nous expliquer qu'on n'a pas besoin de l'agriculture ! L'agriculture est un enjeu majeur. Alors nous ne voulons pas d'une agriculture qui épuise nos sols, d'une agriculture qui utilise de façon croissante des produits chimiques dangereux. Ce message, José-Manuel, je le porterai dès le début de la présidence française de l'Union européenne, pour le second semestre 2008, à l'occasion d'un grand débat d'orientation sur les principes fondateurs de la politique agricole commune de 2013.
Les débats du Grenelle ont montré que de grands progrès sont possibles pour développer une agriculture et une pêche de haute qualité environnementale.
D'ores et déjà, toutes les cantines publiques proposeront au moins une fois par semaine un repas issu de l'agriculture biologique. C'est un minimum. Nous fixerons avec le Premier ministre des objectifs beaucoup plus importants dans les mois et les années qui viennent.
Et je m'engage à ce que les cahiers des charges de la restauration collective imposent des produits labellisés ou issus d'exploitations certifiées. Il y a des producteurs de qualité, c'est à l'Etat, au cahier des charges public de les aider. Non pas par des discours mais par des décisions. Ce que l'on ne fera pas par la volonté et bien nous on va y inciter par l'obligation.
Et l'Etat sera précurseur dès 2008, tous les ministères et toutes les administrations feront leur bilan carbone et engageront un plan pour améliorer de 20 % leur efficacité énergétique.
Dès 2008, le code des marchés publics sera réformé pour que les clauses environnementales ne soient plus une faculté mais une obligation. Dès 2008, tous les projets de bâtiments publics respecteront les meilleures normes de performance énergétique.
Et dès 2009, tous les nouveaux véhicules des administrations devront être propres.
Ce grand programme n'est pas une dépense, c'est un investissement. C'est l'investissement le plus rentable que nous pouvons faire aujourd'hui.
Pour le seul secteur du bâtiment, nous allons créer 100 000 emplois et de nouvelles filières de formation.
Dans le seul secteur des nouvelles énergies, 50 000 emplois seront créés.
L'indépendance énergétique de la France va s'améliorer et nous parviendrons à réduire les factures énergétiques des ménages de presque 40% d'ici 2020.
Nous voulons une politique d'incitation.
Le Grenelle a été un formidable révélateur. Les Français attendent une grande ambition écologique. Alors bien sûr, il y a des suspicions. Mais le principal défi, il n'est plus de convaincre. Le principal défi, il est de décider.
Je vous propose de créer un droit à l'alternative pour tous. Les décisions environnementales ne doivent laisser personne face à un mur ou à une situation insoutenable. Si interdire l'accès d'un centre ville aux voitures empêche quelqu'un d'aller travailler, alors la collectivité doit lui proposer une solution de transport alternative. On ne peut pas punir les gens. Il faut les inciter.
On m'oppose que cette politique coûte cher et qu'il faut créer une nouvelle fiscalité pour la financer.
Ce sont les mêmes qui contestent la politique environnementale et qui sont convaincus que nous ne pouvons rien faire de plus.
La pollution est un coût pour la société. La pollution est une dette que nous léguons à nos enfants.
Moi je pense que la rénovation des bâtiments, on peut la rentabiliser en moins de 10
ans grâce à la réduction de la facture énergétique.
Quant aux transports, je relève que personne ne s'inquiétait auparavant du coût des
routes. Ne peut-on financer les transports alternatifs en réduisant les crédits affectés
à la construction des routes ?
Il faut aussi cesser de concevoir la fiscalité écologique comme un instrument pour financer les dépenses supplémentaires de l'Etat.
Alors je prends un engagement : les prélèvements du Grenelle iront au financement du Grenelle.
Je propose que l'on taxe les camions qui traversent la France et utilisent notre réseau routier. José Manuel, il n'y a aucune raison pour que la France accueille tous les camions qui évitent les routes de nos voisins. Cette taxe servira au financement des transports collectifs.
Le Grenelle propose une taxe écologique annuelle sur les véhicules neufs les plus
polluants. Je souhaite que cette taxe permette de financer le retrait des vieilles
voitures polluantes grâce à une prime à la casse progressive et durable pour aider au
rachat d'un véhicule propre.
Et pour être incité à changer de comportement, on n'a rien trouvé de mieux que le système des prix. Aujourd'hui, les prix ne reflètent pas la réalité des pollutions et des raretés. Vous proposez l'étiquetage des produits de consommation courante pour indiquer leur coût en carbone. C'est un premier pas.
Je veux aller plus loin. Je veux poser la question du prix du carbone. Et avec José Manuel BARROSO, nous avons l'inventeur de ce système. Il n'est pas normal qu'un produit qui traverse le monde coûte moins cher qu'un produit local parce que le prix de son transport et de sa production n'intègre pas ses émissions de gaz à effet de serre.
J'ai posé cette question à l'Union européenne. Nous avons été les premiers à soumettre nos principales entreprises à un système de quotas pour limiter leurs émissions néfastes au climat. Il n'est pas normal que les concurrents qui importent en Europe les mêmes produits ne soient soumis à aucune obligation.
Je ne veux pas refermer ce dossier au prétexte qu'il serait compliqué. Il faut le traiter au niveau communautaire. Il faut, Monsieur le Président, étudier la possibilité de taxer les produits importés de pays qui ne respectent pas le Protocole de Kyoto. Nous avons imposé des normes environnementales à nos producteurs. Il n'est pas normal que leurs concurrents puissent en être totalement exemptés. Et bien, je vous propose que, dans les six mois, l'Union européenne débatte de ce que signifie une concurrence loyale. Le dumping environnemental, ce n'est pas la loyauté, c'est un problème européen que nous devons poser.
Le Grenelle a conclu à la nécessité d'étudier la création d'une taxe « climaténergie », c'est-à-dire une taxe sur les énergies fossiles.
Je veux poser les principes suivants :
Je suis contre toute fiscalité supplémentaire qui pèserait sur les ménages et les entreprises. Il n'est pas question d'augmenter le taux de prélèvements obligatoires. Et le gouvernement est contre tout prélèvement sur le pouvoir d'achat des ménages. Tout impôt nouveau doit être strictement compensé.
La fiscalité écologique n'a de sens que si elle permet de modifier les comportements. Elle n'a de sens que si elle favorise de nouveaux modes de production, de nouvelles innovations. Elle n'a pas de sens si elle sanctionne injustement nos concitoyens et inutilement nos entreprises.
Lorsqu'un produit propre existe, il doit être moins cher qu'un produit polluant. Je demande, José Manuel, la création d'une TVA à taux réduire sur tous les produits écologiques qui respectent le climat et la biodiversité. Je me battrai pour cela.
Je suis d'accord pour aller plus loin dans la réflexion. La fiscalité écologique ne doit pas se résumer à une compilation de petites taxes. Il faut une profonde révision. L'objectif est de taxer plus les pollutions, notamment les énergies fossiles et de taxer moins le travail.
Je m'engage à ce que la révision générale des prélèvements obligatoires se penche sur la création d'une taxe « climat-énergie » en contrepartie d'un allégement de la taxation du travail la compétitivité, Mme la ministre des Finances et pour préserver le pouvoir d'achat, M. le responsable syndical.
Enfin, une nouvelle démocratie, c'est une démocratie irréprochable.
Nous allons demander que le Parlement, chaque année, contrôle la mise en oeuvre par le gouvernement d'une politique de développement durable.
Le développement durable ne peut plus être une politique qui ignore la biodiversité. Gérer la nature n'est pas un luxe de pays riche. C'est une exigence.
Nous allons engager un programme national de lutte contre l'artificialisation des sols. Les documents d'urbanisme et de planification respectent le principe du maintien de la biodiversité, y compris en permettant des mesures de compensation.
Les sciences de la nature retrouvent leur place dans l'enseignement et dans les plus hautes assemblées de scientifiques. Et nous créerons la « trame verte » en France, et pourquoi pas en Europe, qui permettra aux espèces de se développer, de migrer et de survivre aux changements climatiques.
Une politique de développement durable ne peut plus être une politique qui ignore l'enjeu de santé environnementale. Les asthmes et les allergies explosent. Les cancers des enfants touchent de plus en plus de familles.
Nous allons multiplier par cinq les crédits consacrés à la veille environnementale.
Il est grand temps de prendre au sérieux l'usage croissant de produits pesticides, dont nos agriculteurs sont les premières victimes.
Je demande à Michel Barnier de me proposer avant un an, un plan pour réduire de 50 % l'usage des pesticides, dont la dangerosité est connue, si possible dans les dix ans qui viennent. Vous voyez que j'ai suivi la force de vos travaux jusqu'à ces dernières minutes. Il s'agit pour nous d'engager toutes les institutions au service de cette politique.
Il appartiendra donc au Parlement d'adopter une loi de programme qui fixera les principes et les objectifs de la politique française de développement durable à long terme,
Il appartiendra au Parlement de contrôler les engagements pris.
Il appartiendra au Parlement de décider de la création de Commissions de l'environnement au sein des deux assemblées. Comment dire que l'environnement et le développement durable sont une priorité s'il n'existe pas de commission, de lieu pour en débattre justement ? Et nous donnerons plus de liberté aux collectivités locales pour décider de leur propre politique environnementale. Il appartiendra, par exemple de librement décider de la possibilité de créer des péages urbains ...Et celles qui voudraient aller plus loin pourront demander une loi d'expérimentation. Ecoutez, sortons de ces débats absurdes entre les partisans du péage urbain et les adversaires. Mais cela sert à quoi d'avoir donné l'autonomie de gestion aux collectivités si on ne leur permet pas de décider en toute responsabilité d'un financement de grands équipements qui permettront de désengorger leurs centres villes ?
C'est donc un choix et c'est le choix de la responsabilité et la confiance.
Nous voulons une démocratie irréprochable face à l'expert, expert trop souvent absent ou contesté. Nous voulons refonder le processus de la décision publique en insufflant une véritable culture de l'évaluation. Il est tant de regrouper les 45 instances, 45 instances et organismes d'expertises concernés. Je veux profondément réformer les fondements de la décision publique pour rétablir la confiance.
Ce « New Deal » écologique, la France ne le portera pas seule. Elle veut le porter avec l'Europe. A la tête de la politique environnementale européenne, avec la Commission, avec le Parlement.
Monsieur le Président, toutes les initiatives de la Commission pour accroître les normes, la France les soutiendra. Et je pense aux normes d'émission des véhicules. Il faut la norme la plus exigeante pour tous.
Les propositions de la Commission européenne pour l'énergie et le climat seront stratégiques pour l'avenir de l'Europe. Je souhaite que les travaux soient accélérés et que nous parvenions à définir notre politique sous la Présidence française.
L'Europe a toujours eu un temps d'avance. L'Europe, grâce à vous, a créé le « marché du carbone » pour contraindre les grandes entreprises à limiter leurs pollutions. La France n'a pas été parfaitement exemplaire et pas toujours ambitieuse sur ce point. Et bien, nous allons nous placer à la tête de ce combat.
Monsieur le Président BARROSO, je soutiendrai vos propositions les plus ambitieuses. Je demanderai que les quotas soient fixés par secteur et non pas par Etat afin d'éviter les luttes d'influence. Je demanderai que les droits à polluer soient attribués aux enchères, jusqu'à 100 % si le secteur le permet.
Et puis, je vous demanderai de nous doter d'une véritable politique de lutte contre le dumping environnemental, d'imposer aux producteurs en dehors de nos frontières le respect de nos exigences. Je pense à la taxe carbone comme à l'obligation de contrôler l'impact des substances chimiques commercialisées en Europe.
Et puis, cela suffit, on impose à nos agriculteurs des règles qu'ils acceptent, nous ne devons pas accepter que l'on importe en Europe des produits qui ne respectent aucune des règles que l'on impose à nos propres producteurs. Cela n'est pas juste.
Voilà, vous l'avez compris, le temps de l'action est venu. Nous avons trop attendu. Nous ne pouvons plus attendre. Notre responsabilité est d'abord morale et elle est individuelle.
Je ne crois pas, comme le Président Al GORE, que l'on puisse s'exonérer de ses propres fautes au nom des fautes des autres.
Vous savez, M. le Président BARROSO, M. le Vice-Président Al GORE, pour en arriver où nous en sommes aujourd'hui, pour qu'un homme comme moi puisse tenir un discours qui propose tant de changements, pour que nos familles politiques soient capables d'accepter d'entendre ce discours, et peut être même de le soutenir, pour qu'un gouvernement de la République, n'est-ce pas M. le Premier ministre, soit prêt, à prendre des engagements publics, il faut de la conviction... Comment voulez-vous que nous ne les tenions pas ?
Assumer la complexité, la difficulté, les épreuves, les décisions que je viens d'annoncer.
Pour que dans cette salle il se trouve des ONG ou des organisations syndicales qui s'imaginaient à mille lieux de notre propre opinion, de notre système de raisonnement, et que personne jusqu'à présent n'a quitté la salle, c'est que la France est en train de changer, Messieurs les Présidents.
Mais ce changement de la France, nous voulons le mettre au service de l'Europe et au service du monde. Si la France a compris que son devoir était d'agir, c'est que l'Europe doit agir et que le monde doit réagir.
J'aimerais que vous compreniez une chose, c'est que ce que nous avons décidé de faire, nous l'avons fait à la fois au nom du sentiment et au nom de la raison. Nous l'avons fait au milieu de difficultés de tout ordre et je n'ignore nullement qu'avec le gouvernement et le Premier ministre, nous allons tomber sur des inerties, des routines, des égoïsmes, des aveuglements, des idéologies..
Mais je vous dis une chose : ce que j'ai dit ce soir, nous le ferons et nous le ferons ensemble.Je vous remercie de l'avoir compris.