24 octobre 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, notamment sur les relations économiques franco-marocaines, à Marrakech le 24 octobre 2007.
Madame la Présidente,
Messieurs les Présidents,
On m'avait préparé un discours et je suis sûr qu'avec ce discours, je ne serais fâché avec personne, mais je ne suis pas persuadé que je vous aurais totalement passionné. Alors, sans désavouer le discours, je vais vous dire ce que je pense et qui n'est pas tout a fait ce qu'il y avait dans le discours.
En venant au Maroc, j'ai voulu changer l'état d'esprit et je ne vais pas prendre des chemins de traverse, je vais aller directement aux choses.
J'ai voulu dire d'abord aux Marocains que nous avons confiance. Jean-René FOURTOU, il n'y a pas d'investissements possibles sans la confiance. Investir au Maroc, c'est d'abord faire confiance au Royaume du Maroc pour se développer. Nous avons confiance et c'est cela le premier engagement politique. Vous n'avez pas besoin d'amis pour les bons jours, qui vous laisseront tomber dans les mauvais jours. Envoyer nos meilleures entreprises, envoyer nos meilleurs cadres, investir notre argent, c'est d'abord le pari de l'avenir du Maroc.
Nous avons besoin, nous la France, d'un Maroc stable, d'un Maroc en développement, d'un Maroc démocratique, d'un Maroc pluriel, d'un Maroc qui ne renie pas son passé mais qui accepte que l'avenir se décline avec la pluralité. C'est ce qu'il y a de plus important pour nous. Il y en a beaucoup qui m'interrogent et ne nous voilons pas, ne soyons pas hypocrite : « est-ce que tu crois, est-ce que l'on peut ? » Oui, vous pouvez parce qu'il n'y a pas d'autres choix. Parce que l'échec du Maroc demain, ce sera l'échec de la France et ce sera l'échec de l'Europe.
Parce que si la frontière sud de la Méditerranée sombre dans la misère, le sous-développement et le terrorisme, comment voulez-vous que la frontière Nord de la Méditerranée puisse vivre dans la sécurité ? Nous n'avons pas d'autre choix que de faire le pari de la réussite du Maroc. Créer des emplois au Maroc, investir au Maroc, c'est investir pour la stabilité de l'Europe et de la France, pas simplement du Maroc. C'est la première chose que j'ai voulu dire. J'ai voulu le dire sans calcul. Je n'ai pas à me mêler de la politique dans le Royaume, bien sûr, mais j'ai voulu dire à Sa Majesté, la considération que j'avais pour le courage qui avait été le sien.
Revisiter l'histoire marocaine, cela paraît simple, peut-être évident vis-à-vis de la France, mais quand vous êtes au Maroc, et quand l'histoire du Maroc est aussi intimement liée à votre propre famille, revisiter les années de plomb, indemniser les victimes, évoquer ces sujets, c'est le fait d'un souverain
courageux et d'un grand Chef d'Etat. Voilà ce que je pense et ce que j'ai voulu dire.
C'est parfaitement lié à l'investissement, car vous, les chefs d'entreprise, vous avez d'abord besoin de stabilité et investir dans un cadre apaisé, c'est choisir la stabilité. Et puis ce qu'a fait le souverain avec la réforme du code de la famille...Evidemment, vu de France, parfois pour certains donneurs de leçons, c'est évident le droit des femmes à être libres, à assumer leur vie de femme, l'égalité. Mais ici, nous sommes dans un pays qui montre l'exemple et quand je vais au Parlement, quand je vois le gouvernement, quand je vois la réforme du code de la famille, c'est le choix d'un homme audacieux qui a parfaitement compris que le pire risque, c'est celui qui consistait à ne pas en prendre. Et la France veut accompagner le Maroc dans ce chemin vers la modernité. Je vois tant de pays qui refusent de regarder leur passé. Nous-mêmes, qui avons mis si longtemps à assumer notre passé. Je n'aime pas la repentance pour nous et je ne vais pas l'imposer pour les autres. Mais regarder son passé sans repentance, simplement pour en tirer les conclusions, cela c'est un gage d'avenir. J'ai voulu donc faire cet acte de confiance.
J'ai voulu dire autre chose, et je le dis cette fois-ci aux chefs d'entreprise français, comme aux chefs d'entreprise marocains, nous n'avons aucun droit acquis ici. Je ne viens pas ici dans un pays qui a été un protectorat, nous partons à égalité avec les autres et nous gagnerons parce que nous sommes les meilleurs et que nous voulons être les meilleurs. Nous ne demandons pas de privilèges. Nous n'avons pas de part de marché qui doit nous être réservée, nous avons une histoire commune. Les Français aiment les Marocains, les Marocains aiment les Français. Mais trop souvent, j'entends : « le Maroc devrait faire ceci ». Non, le Maroc est un pays libre, indépendant, qui décide librement et nous respectons cette décision. Et quand c'est une décision qui ne nous plait pas, nous devons nous interroger sur la part de responsabilité que nous avons dans cet échec, et non pas la repousser exclusivement sur nos partenaires. Ce n'est pas un comportement acceptable, ce n'est pas un comportement moderne. Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
Dans les affaires des grands contrats d'armement, la France a une part de responsabilité dans cet échec et je veux l'assumer parce que c'est comme cela qu'on crée les conditions de l'amitié dans un dialogue franc, un dialogue où on assume sa part de responsabilité où on ne la met pas sur les autres.
J'en parlé hier avec Sa Majesté qui me disait le dynamisme des entrepreneurs espagnols, des intérêts américains, je te le dis Laurence PARISOT, il faut doper les nôtres. Il faut qu'ils viennent ici comme des combattants. Ils sont les meilleurs, qu'ils le prouvent. J'aimerais retrouver aussi cet esprit offensif. Et je l'ai dit à notre réseau diplomatique : dans un pays indépendant, et s'ils sont amis, c'est parce que l'amitié cela se mérite, ce n'est pas simplement une affaire d'histoire, c'est une affaire de présent et d'avenir.
Parlons au Maroc nouveau, ne parlons pas au Maroc d'hier. Parlons au Maroc qui est en train de se construire, qui est en mouvement. Arrêtez avec la nostalgie, l'histoire c'est très important, la nostalgie ce n'est pas un projet. Je veux aussi qu'il y ait cela par moment, qu'une certaine suffisance, qu'une certaine arrogance soient totalement déconnectées de l'image de la France.
La France est un pays généreux, la France est un pays fort. La France n'est pas un pays arrogant, la France n'a pas de leçons à donner.
Je le disais, parce que je le crois au plus profond de moi-même. Je ne vais pas venir devant le Parlement marocain pour vanter la diversité et être incapable de mettre cette diversité au sein du propre gouvernement que j'ai nommé. Et c'est pour cela que je suis fier qu'il y ait Rachida DATI, Rama YADE, Bernard KOUCHNER, l'ensemble de l'équipe qui m'entoure. Parce qu'à quoi revient de dire : bravo la diversité pour les autres et pas la diversité pour nous. La France n'a pas de leçons à donner. La France a aussi à apprendre de vous et je voulais dire que, pour nous aussi, c'est extrêmement important, parce que l'amitié on la sent dans le respect qu'on a pour les autres.
Vous savez, depuis deux jours et demi que nous sommes là, je vois cette réception magnifique, je me disais en moi-même, c'est une grande civilisation le Maroc, une longue histoire, avec des traditions, avec une culture. Et j'imagine que si j'étais Marocain, j'aimerais que l'on me parle comme l'héritier d'un grand pays, d'une grande histoire, d'une grande civilisation et d'une grande culture et non pas comme un pays en voie de développement.
Vos élites n'ont rien à envier aux nôtres, c'est le deuxième message que je voulais donner.
Un troisième message, c'est que bien sûr, il n'y a pas de contradiction, il y a pour un certain nombre de contrats, de grands dossiers, des décisions politiques qui doivent être prises, au vrai sens du terme. Mais Laurence le sait bien, Jean-René aussi, j'assume mes choix. Quand la totalité de la pensée unique m'expliquait qu'ALSTOM, c'était fichu en 2004, moi, j'ai dit : « ce n'est pas fichu ». Parce qu'une entreprise qui fait des transports et de l'énergie, c'est une entreprise qui a de l'avenir. Quand je vois que j'ai eu tant de mal à réunir quelques banquiers pour ALSTOM qui, à l'époque, valait 15 euros et qui en vaut maintenant 150, je me dis que quand j'aurai fini d'être Président, prenez-moi comme conseiller ! Et en plus, on leur a fait gagner de l'argent.
Le politique n'est pas l'ennemi de l'économique et je suis pour l'économie de marché, pour la concurrence, pour la mondialisation, pour la liberté, mais cela ne veut pas dire que je suis pour la démission des politiques. Moi, je n'étais pas d'accord pour que l'on démantèle ALSTOM et cela m'est égal que la totalité du ministère des Finances ait été pour que l'on démantèle ALSTOM, et cela m'est indifférent que la totalité m'ait poussé à vendre ALSTOM à SIEMENS. Moi j'avais des convictions. Le rôle d'un homme politique, fut-il libéral, n'est pas de laisser passer les trains et je ne m'en suis pas remis de la disparition de PECHINEY. C'était un choix, mais assumez-le. Pas comme cela, au détour d'une vente, sans que même personne ne s'en rende compte. Ce n'est pas acceptable.
Je n'ai pas été élu pour ne pas défendre les intérêts de la France. Je respecte les intérêts des autres et naturellement ceux de mes amis marocains, mais je suis là pour défendre les intérêts de la France et quand j'étais Ministre des Finances, cher Christine LAGARDE, je me suis battu pour défendre les
intérêts de la France et je n'ai pas accepté ALSTOM et je n'ai pas accepté qu'AVENTIS s'en aille chez NOVARTIS. Ce n'est pas pour cela que je suis moins libéral, mais le politique a un rôle à jouer pour créer les conditions du développement.
Si le Général de GAULLE ne s'était pas engagé dans l'énergie nucléaire, EDF ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est. Le marché ne peut pas tout dire, le marché ne peut pas tout prévoir, le marché ne peut pas tout organiser, il faut aussi une volonté de stratégie et cette volonté de stratégie nous l'avons au service du Maroc et de la France.
Bien sûr que le TGV du monde arabe ne pourrait pas se faire sans un engagement politique du Souverain et un engagement total de ma part, c'est parfaitement normal. Demain, je souhaite que le Maroc fasse le choix de l'énergie nucléaire civile française. Qui peut imaginer ici que cela peut se faire sans un engagement total du Souverain et un engagement total du Chef de l'Etat ? C'est évident, mais c'est un choix politique économique majeur pour les chefs d'entreprises que vous êtes. Imaginez demain le Maroc, premier pays arabe à accéder à l'énergie nucléaire civile. Je n'ignore aucun des débats que vous pouvez avoir entre vous. Il y en a bien en France, pourquoi n'y en aurait-il pas au Maroc ? Mais imaginez ce que peut représenter pour le monde entier l'idée que le Maroc se dote d'une usine de dessalement de l'eau de mer avec un réacteur nucléaire ? Imaginez ce que peut représenter pour la stabilité, pour les investissements qui viendront du monde entier dans un pays, le Maroc, qui se dotera d'une centrale nucléaire pour produire l'électricité dont vous aurez besoin pour accompagner cette croissance exceptionnelle qui est la vôtre ! La France sera votre partenaire, la France fait ce choix politique, la France vous accompagnera sur cette route. Donc, vous voyez que c'est à la fois une demande des chefs d'entreprise français. Allez-y, allez-y totalement, sans réserve. Allez-y également sans aucune idée préconçue et sans droit - acquis. Mais nous, les autorités politiques, allons y aller aussi. Et derrière, il y a toute la question du financement. Extraordinaire ! Je ne veux pas entrer dans les détails, mais Christine peut en porter témoignage alors que je réfléchissais à des questions d'armement, la COFACE, les financements, je vois arriver une note dont j'ai oublié le signataire, heureusement pour lui ! Il disait : « vous n'y pensez pas, faire ces crédits au Maroc, ils ne rembourseront pas. » Comme je suis têtu, je regarde l'histoire. Jamais le Maroc n'a refusé de rembourser une seule de ses dettes. Qu'est-ce qui a permis à un technocrate absurde d'aller dire au Chef de l'Etat une chose pareille qui est aussi insultante pour un pays et aussi inutile pour le nôtre ? Voilà comment on construit des malentendus et des défaites entre deux pays. C'est la vérité.
Je ne dois pas faire n'importe quoi, bien sûr, parce que c'est le Maroc mais il faut que vous compreniez cela. Et puis je voudrais dire une dernière chose à nos amis marocains : avec le gouvernement, le Premier ministre, François FILLON, les parlementaires qui nous soutiennent, le Président du Groupe UMP à l'Assemblée Nationale, nous sommes en train de transformer profondément la France. Parce que la France en avait besoin. La France veut être exemplaire, alors qu'elle donne l'exemple. La France sera beaucoup plus forte pour dire aux autres : organisez les changements que nous, nous avons organisés £ plutôt que de dire aux autres : faites surtout ce que nous n'avons pas eu le courage de faire.
Et depuis cinq mois, nous avons mis la France en marche. Ce n'est pas simple, ce n'est pas facile, mais je veux que nos amis marocains le sachent, la France deviendra le pays le plus moderne d'Europe. La France aura la meilleure croissance, la France obtiendra le plus bas taux de chômage, la France fera les changements qu'elle a refusés de faire depuis si longtemps. Mais ce n'est pas la France qui a refusé, ce sont les élites françaises qui ont failli. Ce n'est pas le peuple français qui a refusé, ce sont les élites qui ont parlé au nom du peuple français. J'ai été élu pour conduire un mouvement sans précédent de réformes dans mon pays. Je le ferai. Je le ferai parce qu'il n'y a pas d'autre choix possible.
Et puis, mes chers amis, un dernier mot. Vous savez, on aime bien mettre des images alors on a dit « les Américains ». Et voilà que le procès est ouvert, je serai un ami des Américains. Eh bien oui, c'est vrai, ne me torturez plus, j'avoue. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi je devrais être un ennemi des Américains. Quelle drôle d'idée ? Voici un pays, un des seuls à travers le monde avec la Pologne, avec qui nous n'avons jamais été en guerre. Ce n'est pas une raison pour se détester. Alors je préfère que le Maroc achète des avions français plutôt que des avions américains. Mais quand les Américains arrivent à donner leurs avions, je me dis, je vais regarder comment ils vont faire plutôt que de leur en vouloir et la prochaine fois, ils ne le referont pas.
Quand on arrive deuxième d'une course, il ne faut pas détester le premier, il faut essayer de le copier pour le dépasser la prochaine fois. Je ne comprends pas cette vision agressive, rétrécie, fermée, frileuse des relations internationales. Le peuple américain est un grand peuple qui est venu à deux reprises nous aider et c'est un grand peuple que nous avons accompagné à l'époque où ils étaient quatre millions d'Américains et où nous étions dix-huit millions de Français. La France était là, La Fayette, Rochambeau. Mais ce n'est pas parce que je suis ami des Américains que je dois accepter la politique des Américains sur tous les sujets. Ce n'est pas parce que je suis intransigeant avec le droit à la sécurité d'Israël que je ne suis pas attentif aux droits des Palestiniens à avoir un état indépendant pour eux et que je ne veux en aucun cas un affrontement entre l'Occident et l'Orient. Je l'ai dit, hier, parce que je voulais le dire, cela était important pour moi.
Ici, au Maroc, on n'a jamais poursuivi de juifs. Quand les juifs étaient poursuivis en Europe, ils étaient protégés au Maroc. Cela est un bel exemple. Qu'on en parle plus souvent !
La France veut être l'amie des pays arabes. La France n'est pas l'ennemie des musulmans. La France n'est pas l'adversaire de l'islam. La France dit que quand on construit une mosquée à Lyon, c'est un acte d'ouverture et de diversité. Mais alors, on veut que cette diversité que nous vivons dans notre société, de l'autre côté de la Méditerranée, les sociétés respectent la même diversité. C'est ce que nous voulons, parce que la diversité crée la tolérance. La tolérance assure la démocratie. C'est cela le message de la France. Et vous, mes chers amis, nous voulons être des amis exemplaires pour vous, nous voulons vous accompagner. Nous voulons vous aider. Nous voulons vous aimer. Et, d'une certaine façon, nous voulons vous admirer. Et croyez bien que le million et demi de touristes français qui viennent chaque année, et j'espère qu'ils seront de plus en plus nombreux, reviennent avec l'idée que le Maroc est un pays où il y a de la douceur de vivre, où l'on aime la vie, où l'on connaît le prix de la vie, où l'on a su faire le mariage entre la tradition et la modernité.
Croyez bien que pour moi, ces trois jours passés ici étaient trois jours extrêmement importants et je suis très sensible, Jean-René et Laurence, à la qualité de la délégation. J'aurais voulu vous voir plus mais je n'ai pas chômé depuis que je suis arrivé. Mais je suis très sensible parce que le Roi m'a parlé, et je le dis aux chefs d'entreprise ici, vous n'imaginez pas ce que cela peut représenter, vu du Maroc, que des gens à l'agenda aussi chargé que le vôtre puissent venir, venir ici, parler et rencontrer les autres. C'est extrêmement important et ce que vous avez fait, c'est très utile.
Et puis je voudrais dire : multipliez les initiatives culturelles parce que cela est important aussi. Deux pays à la culture aussi ancestrale doivent continuer à marier cette culture. Ne faites pas l'erreur que nous avons faite en Europe. Nous avons beaucoup parlé politique, beaucoup parlé économie, mais pas assez parlé formation et parlé culture. Dans ce bassin de la Méditerranée où on a tout inventé, où tout a commencé, il faut mettre la culture et la formation au premier rang.
Je suis arrivé un peu fatigué, je repars en pleine forme, il faut vraiment que je revienne !Merci.
Messieurs les Présidents,
On m'avait préparé un discours et je suis sûr qu'avec ce discours, je ne serais fâché avec personne, mais je ne suis pas persuadé que je vous aurais totalement passionné. Alors, sans désavouer le discours, je vais vous dire ce que je pense et qui n'est pas tout a fait ce qu'il y avait dans le discours.
En venant au Maroc, j'ai voulu changer l'état d'esprit et je ne vais pas prendre des chemins de traverse, je vais aller directement aux choses.
J'ai voulu dire d'abord aux Marocains que nous avons confiance. Jean-René FOURTOU, il n'y a pas d'investissements possibles sans la confiance. Investir au Maroc, c'est d'abord faire confiance au Royaume du Maroc pour se développer. Nous avons confiance et c'est cela le premier engagement politique. Vous n'avez pas besoin d'amis pour les bons jours, qui vous laisseront tomber dans les mauvais jours. Envoyer nos meilleures entreprises, envoyer nos meilleurs cadres, investir notre argent, c'est d'abord le pari de l'avenir du Maroc.
Nous avons besoin, nous la France, d'un Maroc stable, d'un Maroc en développement, d'un Maroc démocratique, d'un Maroc pluriel, d'un Maroc qui ne renie pas son passé mais qui accepte que l'avenir se décline avec la pluralité. C'est ce qu'il y a de plus important pour nous. Il y en a beaucoup qui m'interrogent et ne nous voilons pas, ne soyons pas hypocrite : « est-ce que tu crois, est-ce que l'on peut ? » Oui, vous pouvez parce qu'il n'y a pas d'autres choix. Parce que l'échec du Maroc demain, ce sera l'échec de la France et ce sera l'échec de l'Europe.
Parce que si la frontière sud de la Méditerranée sombre dans la misère, le sous-développement et le terrorisme, comment voulez-vous que la frontière Nord de la Méditerranée puisse vivre dans la sécurité ? Nous n'avons pas d'autre choix que de faire le pari de la réussite du Maroc. Créer des emplois au Maroc, investir au Maroc, c'est investir pour la stabilité de l'Europe et de la France, pas simplement du Maroc. C'est la première chose que j'ai voulu dire. J'ai voulu le dire sans calcul. Je n'ai pas à me mêler de la politique dans le Royaume, bien sûr, mais j'ai voulu dire à Sa Majesté, la considération que j'avais pour le courage qui avait été le sien.
Revisiter l'histoire marocaine, cela paraît simple, peut-être évident vis-à-vis de la France, mais quand vous êtes au Maroc, et quand l'histoire du Maroc est aussi intimement liée à votre propre famille, revisiter les années de plomb, indemniser les victimes, évoquer ces sujets, c'est le fait d'un souverain
courageux et d'un grand Chef d'Etat. Voilà ce que je pense et ce que j'ai voulu dire.
C'est parfaitement lié à l'investissement, car vous, les chefs d'entreprise, vous avez d'abord besoin de stabilité et investir dans un cadre apaisé, c'est choisir la stabilité. Et puis ce qu'a fait le souverain avec la réforme du code de la famille...Evidemment, vu de France, parfois pour certains donneurs de leçons, c'est évident le droit des femmes à être libres, à assumer leur vie de femme, l'égalité. Mais ici, nous sommes dans un pays qui montre l'exemple et quand je vais au Parlement, quand je vois le gouvernement, quand je vois la réforme du code de la famille, c'est le choix d'un homme audacieux qui a parfaitement compris que le pire risque, c'est celui qui consistait à ne pas en prendre. Et la France veut accompagner le Maroc dans ce chemin vers la modernité. Je vois tant de pays qui refusent de regarder leur passé. Nous-mêmes, qui avons mis si longtemps à assumer notre passé. Je n'aime pas la repentance pour nous et je ne vais pas l'imposer pour les autres. Mais regarder son passé sans repentance, simplement pour en tirer les conclusions, cela c'est un gage d'avenir. J'ai voulu donc faire cet acte de confiance.
J'ai voulu dire autre chose, et je le dis cette fois-ci aux chefs d'entreprise français, comme aux chefs d'entreprise marocains, nous n'avons aucun droit acquis ici. Je ne viens pas ici dans un pays qui a été un protectorat, nous partons à égalité avec les autres et nous gagnerons parce que nous sommes les meilleurs et que nous voulons être les meilleurs. Nous ne demandons pas de privilèges. Nous n'avons pas de part de marché qui doit nous être réservée, nous avons une histoire commune. Les Français aiment les Marocains, les Marocains aiment les Français. Mais trop souvent, j'entends : « le Maroc devrait faire ceci ». Non, le Maroc est un pays libre, indépendant, qui décide librement et nous respectons cette décision. Et quand c'est une décision qui ne nous plait pas, nous devons nous interroger sur la part de responsabilité que nous avons dans cet échec, et non pas la repousser exclusivement sur nos partenaires. Ce n'est pas un comportement acceptable, ce n'est pas un comportement moderne. Il faut dire les choses telles qu'elles sont.
Dans les affaires des grands contrats d'armement, la France a une part de responsabilité dans cet échec et je veux l'assumer parce que c'est comme cela qu'on crée les conditions de l'amitié dans un dialogue franc, un dialogue où on assume sa part de responsabilité où on ne la met pas sur les autres.
J'en parlé hier avec Sa Majesté qui me disait le dynamisme des entrepreneurs espagnols, des intérêts américains, je te le dis Laurence PARISOT, il faut doper les nôtres. Il faut qu'ils viennent ici comme des combattants. Ils sont les meilleurs, qu'ils le prouvent. J'aimerais retrouver aussi cet esprit offensif. Et je l'ai dit à notre réseau diplomatique : dans un pays indépendant, et s'ils sont amis, c'est parce que l'amitié cela se mérite, ce n'est pas simplement une affaire d'histoire, c'est une affaire de présent et d'avenir.
Parlons au Maroc nouveau, ne parlons pas au Maroc d'hier. Parlons au Maroc qui est en train de se construire, qui est en mouvement. Arrêtez avec la nostalgie, l'histoire c'est très important, la nostalgie ce n'est pas un projet. Je veux aussi qu'il y ait cela par moment, qu'une certaine suffisance, qu'une certaine arrogance soient totalement déconnectées de l'image de la France.
La France est un pays généreux, la France est un pays fort. La France n'est pas un pays arrogant, la France n'a pas de leçons à donner.
Je le disais, parce que je le crois au plus profond de moi-même. Je ne vais pas venir devant le Parlement marocain pour vanter la diversité et être incapable de mettre cette diversité au sein du propre gouvernement que j'ai nommé. Et c'est pour cela que je suis fier qu'il y ait Rachida DATI, Rama YADE, Bernard KOUCHNER, l'ensemble de l'équipe qui m'entoure. Parce qu'à quoi revient de dire : bravo la diversité pour les autres et pas la diversité pour nous. La France n'a pas de leçons à donner. La France a aussi à apprendre de vous et je voulais dire que, pour nous aussi, c'est extrêmement important, parce que l'amitié on la sent dans le respect qu'on a pour les autres.
Vous savez, depuis deux jours et demi que nous sommes là, je vois cette réception magnifique, je me disais en moi-même, c'est une grande civilisation le Maroc, une longue histoire, avec des traditions, avec une culture. Et j'imagine que si j'étais Marocain, j'aimerais que l'on me parle comme l'héritier d'un grand pays, d'une grande histoire, d'une grande civilisation et d'une grande culture et non pas comme un pays en voie de développement.
Vos élites n'ont rien à envier aux nôtres, c'est le deuxième message que je voulais donner.
Un troisième message, c'est que bien sûr, il n'y a pas de contradiction, il y a pour un certain nombre de contrats, de grands dossiers, des décisions politiques qui doivent être prises, au vrai sens du terme. Mais Laurence le sait bien, Jean-René aussi, j'assume mes choix. Quand la totalité de la pensée unique m'expliquait qu'ALSTOM, c'était fichu en 2004, moi, j'ai dit : « ce n'est pas fichu ». Parce qu'une entreprise qui fait des transports et de l'énergie, c'est une entreprise qui a de l'avenir. Quand je vois que j'ai eu tant de mal à réunir quelques banquiers pour ALSTOM qui, à l'époque, valait 15 euros et qui en vaut maintenant 150, je me dis que quand j'aurai fini d'être Président, prenez-moi comme conseiller ! Et en plus, on leur a fait gagner de l'argent.
Le politique n'est pas l'ennemi de l'économique et je suis pour l'économie de marché, pour la concurrence, pour la mondialisation, pour la liberté, mais cela ne veut pas dire que je suis pour la démission des politiques. Moi, je n'étais pas d'accord pour que l'on démantèle ALSTOM et cela m'est égal que la totalité du ministère des Finances ait été pour que l'on démantèle ALSTOM, et cela m'est indifférent que la totalité m'ait poussé à vendre ALSTOM à SIEMENS. Moi j'avais des convictions. Le rôle d'un homme politique, fut-il libéral, n'est pas de laisser passer les trains et je ne m'en suis pas remis de la disparition de PECHINEY. C'était un choix, mais assumez-le. Pas comme cela, au détour d'une vente, sans que même personne ne s'en rende compte. Ce n'est pas acceptable.
Je n'ai pas été élu pour ne pas défendre les intérêts de la France. Je respecte les intérêts des autres et naturellement ceux de mes amis marocains, mais je suis là pour défendre les intérêts de la France et quand j'étais Ministre des Finances, cher Christine LAGARDE, je me suis battu pour défendre les
intérêts de la France et je n'ai pas accepté ALSTOM et je n'ai pas accepté qu'AVENTIS s'en aille chez NOVARTIS. Ce n'est pas pour cela que je suis moins libéral, mais le politique a un rôle à jouer pour créer les conditions du développement.
Si le Général de GAULLE ne s'était pas engagé dans l'énergie nucléaire, EDF ne serait pas aujourd'hui ce qu'elle est. Le marché ne peut pas tout dire, le marché ne peut pas tout prévoir, le marché ne peut pas tout organiser, il faut aussi une volonté de stratégie et cette volonté de stratégie nous l'avons au service du Maroc et de la France.
Bien sûr que le TGV du monde arabe ne pourrait pas se faire sans un engagement politique du Souverain et un engagement total de ma part, c'est parfaitement normal. Demain, je souhaite que le Maroc fasse le choix de l'énergie nucléaire civile française. Qui peut imaginer ici que cela peut se faire sans un engagement total du Souverain et un engagement total du Chef de l'Etat ? C'est évident, mais c'est un choix politique économique majeur pour les chefs d'entreprises que vous êtes. Imaginez demain le Maroc, premier pays arabe à accéder à l'énergie nucléaire civile. Je n'ignore aucun des débats que vous pouvez avoir entre vous. Il y en a bien en France, pourquoi n'y en aurait-il pas au Maroc ? Mais imaginez ce que peut représenter pour le monde entier l'idée que le Maroc se dote d'une usine de dessalement de l'eau de mer avec un réacteur nucléaire ? Imaginez ce que peut représenter pour la stabilité, pour les investissements qui viendront du monde entier dans un pays, le Maroc, qui se dotera d'une centrale nucléaire pour produire l'électricité dont vous aurez besoin pour accompagner cette croissance exceptionnelle qui est la vôtre ! La France sera votre partenaire, la France fait ce choix politique, la France vous accompagnera sur cette route. Donc, vous voyez que c'est à la fois une demande des chefs d'entreprise français. Allez-y, allez-y totalement, sans réserve. Allez-y également sans aucune idée préconçue et sans droit - acquis. Mais nous, les autorités politiques, allons y aller aussi. Et derrière, il y a toute la question du financement. Extraordinaire ! Je ne veux pas entrer dans les détails, mais Christine peut en porter témoignage alors que je réfléchissais à des questions d'armement, la COFACE, les financements, je vois arriver une note dont j'ai oublié le signataire, heureusement pour lui ! Il disait : « vous n'y pensez pas, faire ces crédits au Maroc, ils ne rembourseront pas. » Comme je suis têtu, je regarde l'histoire. Jamais le Maroc n'a refusé de rembourser une seule de ses dettes. Qu'est-ce qui a permis à un technocrate absurde d'aller dire au Chef de l'Etat une chose pareille qui est aussi insultante pour un pays et aussi inutile pour le nôtre ? Voilà comment on construit des malentendus et des défaites entre deux pays. C'est la vérité.
Je ne dois pas faire n'importe quoi, bien sûr, parce que c'est le Maroc mais il faut que vous compreniez cela. Et puis je voudrais dire une dernière chose à nos amis marocains : avec le gouvernement, le Premier ministre, François FILLON, les parlementaires qui nous soutiennent, le Président du Groupe UMP à l'Assemblée Nationale, nous sommes en train de transformer profondément la France. Parce que la France en avait besoin. La France veut être exemplaire, alors qu'elle donne l'exemple. La France sera beaucoup plus forte pour dire aux autres : organisez les changements que nous, nous avons organisés £ plutôt que de dire aux autres : faites surtout ce que nous n'avons pas eu le courage de faire.
Et depuis cinq mois, nous avons mis la France en marche. Ce n'est pas simple, ce n'est pas facile, mais je veux que nos amis marocains le sachent, la France deviendra le pays le plus moderne d'Europe. La France aura la meilleure croissance, la France obtiendra le plus bas taux de chômage, la France fera les changements qu'elle a refusés de faire depuis si longtemps. Mais ce n'est pas la France qui a refusé, ce sont les élites françaises qui ont failli. Ce n'est pas le peuple français qui a refusé, ce sont les élites qui ont parlé au nom du peuple français. J'ai été élu pour conduire un mouvement sans précédent de réformes dans mon pays. Je le ferai. Je le ferai parce qu'il n'y a pas d'autre choix possible.
Et puis, mes chers amis, un dernier mot. Vous savez, on aime bien mettre des images alors on a dit « les Américains ». Et voilà que le procès est ouvert, je serai un ami des Américains. Eh bien oui, c'est vrai, ne me torturez plus, j'avoue. Je ne vois d'ailleurs pas pourquoi je devrais être un ennemi des Américains. Quelle drôle d'idée ? Voici un pays, un des seuls à travers le monde avec la Pologne, avec qui nous n'avons jamais été en guerre. Ce n'est pas une raison pour se détester. Alors je préfère que le Maroc achète des avions français plutôt que des avions américains. Mais quand les Américains arrivent à donner leurs avions, je me dis, je vais regarder comment ils vont faire plutôt que de leur en vouloir et la prochaine fois, ils ne le referont pas.
Quand on arrive deuxième d'une course, il ne faut pas détester le premier, il faut essayer de le copier pour le dépasser la prochaine fois. Je ne comprends pas cette vision agressive, rétrécie, fermée, frileuse des relations internationales. Le peuple américain est un grand peuple qui est venu à deux reprises nous aider et c'est un grand peuple que nous avons accompagné à l'époque où ils étaient quatre millions d'Américains et où nous étions dix-huit millions de Français. La France était là, La Fayette, Rochambeau. Mais ce n'est pas parce que je suis ami des Américains que je dois accepter la politique des Américains sur tous les sujets. Ce n'est pas parce que je suis intransigeant avec le droit à la sécurité d'Israël que je ne suis pas attentif aux droits des Palestiniens à avoir un état indépendant pour eux et que je ne veux en aucun cas un affrontement entre l'Occident et l'Orient. Je l'ai dit, hier, parce que je voulais le dire, cela était important pour moi.
Ici, au Maroc, on n'a jamais poursuivi de juifs. Quand les juifs étaient poursuivis en Europe, ils étaient protégés au Maroc. Cela est un bel exemple. Qu'on en parle plus souvent !
La France veut être l'amie des pays arabes. La France n'est pas l'ennemie des musulmans. La France n'est pas l'adversaire de l'islam. La France dit que quand on construit une mosquée à Lyon, c'est un acte d'ouverture et de diversité. Mais alors, on veut que cette diversité que nous vivons dans notre société, de l'autre côté de la Méditerranée, les sociétés respectent la même diversité. C'est ce que nous voulons, parce que la diversité crée la tolérance. La tolérance assure la démocratie. C'est cela le message de la France. Et vous, mes chers amis, nous voulons être des amis exemplaires pour vous, nous voulons vous accompagner. Nous voulons vous aider. Nous voulons vous aimer. Et, d'une certaine façon, nous voulons vous admirer. Et croyez bien que le million et demi de touristes français qui viennent chaque année, et j'espère qu'ils seront de plus en plus nombreux, reviennent avec l'idée que le Maroc est un pays où il y a de la douceur de vivre, où l'on aime la vie, où l'on connaît le prix de la vie, où l'on a su faire le mariage entre la tradition et la modernité.
Croyez bien que pour moi, ces trois jours passés ici étaient trois jours extrêmement importants et je suis très sensible, Jean-René et Laurence, à la qualité de la délégation. J'aurais voulu vous voir plus mais je n'ai pas chômé depuis que je suis arrivé. Mais je suis très sensible parce que le Roi m'a parlé, et je le dis aux chefs d'entreprise ici, vous n'imaginez pas ce que cela peut représenter, vu du Maroc, que des gens à l'agenda aussi chargé que le vôtre puissent venir, venir ici, parler et rencontrer les autres. C'est extrêmement important et ce que vous avez fait, c'est très utile.
Et puis je voudrais dire : multipliez les initiatives culturelles parce que cela est important aussi. Deux pays à la culture aussi ancestrale doivent continuer à marier cette culture. Ne faites pas l'erreur que nous avons faite en Europe. Nous avons beaucoup parlé politique, beaucoup parlé économie, mais pas assez parlé formation et parlé culture. Dans ce bassin de la Méditerranée où on a tout inventé, où tout a commencé, il faut mettre la culture et la formation au premier rang.
Je suis arrivé un peu fatigué, je repars en pleine forme, il faut vraiment que je revienne !Merci.