22 octobre 2007 - Seul le prononcé fait foi
Entretien de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, dans le quotidien marocain "As Saba/L'Economiste" du 22 octobre 2007, notamment sur les relations franco-marocaines et franco-maghrébines.
Q - Le dernier projet français de loi sur l'immigration n'est-il pas un cadeau fait à la droite française ?
R - Tenir ses engagements devant le peuple, est-ce lui faire un cadeau ? Etre président de la République française, est-ce opposer la droite à la gauche ? Je suis le président de tous les Français. Le 6 mai, les Français se sont massivement rendus aux urnes et m'ont accordé leur confiance à une très large majorité. Ils l'ont fait sur la base des engagements que j'avais pris devant eux. Ces engagements, je les tiendrai.
Le projet de loi proposé par Brice Hortefeux et discuté par le Parlement a l'ambition de réformer les conditions du regroupement familial. Il introduit l'exigence d'une connaissance de la langue, d'une connaissance des valeurs de la République et instaure des conditions de ressources. L'esprit de ce projet, c'est que l'immigration peut apporter davantage à la croissance de notre pays, qu'elle peut aussi mieux s'intégrer à notre tissu social, et que cela n'empêche pas le respect de la vie de famille.
Depuis la conférence de Rabat sur les migrations et le développement, les approches du fait migratoire de part et d'autre de la Méditerranée me semblent d'ailleurs converger. Mais il n'y a pas que la lutte contre l'immigration clandestine. L'aménagement des migrations légales et le développement des pays du sud sont, selon moi, des solutions de long terme et de véritables priorités. Entre le Maroc et la France, cela fait partie d'un dialogue ouvert et fructueux. J'aurai à coeur de recueillir les analyses du Roi Mohamed VI sur ces sujets.
Je voudrais enfin rappeler ce qu'est réellement la relation franco-marocaine en termes de visas. Trop d'erreurs sont commises, trop d'approximations sont brandies qui déforment la réalité. Cette réalité, c'est que 150 000 visas ont été délivrés par nos consulats au Maroc en 2006, 84 % des dossiers de demandes de visa présentées ont connu une issue positive. Ce n'est pas rien. Cela montre que la France poursuit avec détermination sa politique de dialogue et d'échange avec le Maroc. Cela justifie aussi que nous luttions ensemble, avec détermination, contre l'immigration clandestine et contre les abus.
Q - Le Maroc s'oriente vers l'achat des F16 au détriment du Rafale. En parlerez-vous au cours de votre visite et que pensez-vous du fait que le Rafale se vende si mal ? Ferez-vous des efforts pour le placer ?
R - Le Rafale est un remarquable avion, de toute dernière génération. L'intérêt que lui porte un certain nombre de pays clients potentiels ne se dément pas. Et je suis personnellement désireux de proposer au Maroc le meilleur de notre savoir-faire, dans ce domaine et dans d'autres secteurs de notre industrie d'armement. Car mon ambition est de construire avec le Maroc une coopération de défense et d'armement qui soit à la hauteur de notre partenariat politique. Ma visite devrait permettre d'avancer dans cette direction.
Q - Pensez-vous que votre gouvernement et celui de M. Abbas El Fassi, le nouveau Premier ministre marocain, vont s'entendre aussi bien que les précédents ?
R - Le Premier ministre, François Fillon a adressé une lettre de félicitations très chaleureuse à M. Abbas El Fassi, avec qui j'aurai moi-même le plaisir de m'entretenir au cours de ma visite au Maroc. Je salue le processus politique qui a conduit le Maroc à tenir des élections législatives remarquables par leur transparence et leur bonne organisation et je forme des voeux de plein succès pour le gouvernement dirigé par M. Al Fassi.
Nos deux gouvernements ont tout pour s'entendre et pour travailler ensemble efficacement. Les gouvernements de nos deux pays ont une excellente tradition de rencontres régulières dont je souhaite la poursuite. Je me fais l'interprète de François Fillon en affirmant qu'il sera très heureux de pouvoir poursuivre cette tradition avec Abbas El Fassi. Le Maroc est, souvenons-nous en, le premier bénéficiaire de l'aide française et la France est le premier partenaire bilatéral du Maroc. Nos deux gouvernements ont ainsi beaucoup de choses à discuter ensemble.
Q - Comment la France aborde-t-elle le défi du terrorisme avec les pays du pourtour de la Méditerranée, surtout le Maroc et l'Algérie ?
R - Le terrorisme est un fléau pour tous et tous, au Nord comme au Sud de la Méditerranée, nous devons nous engager collectivement pour le combattre avec efficacité et pour proposer à nos sociétés des alternatives crédibles. Vous avez raison, il s'agit d'un défi et ce qui intéresse la France, ce sont les réponses à apporter à ces défis. C'est pourquoi nous entendons être présents tout à la fois dans le domaine de la coopération sécuritaire, sur laquelle vous comprendrez que je ne m'étende pas, mais aussi en faveur d'une coopération qui construit la stabilité à long terme. Les pays du dialogue ''5+5'' ont ainsi réalisé d'importants progrès en matière de coopération.
Q - Que contient votre projet d'Union méditerranéenne ?
R - L'Union de la Méditerranée n'est pas mon projet, c'est un projet commun qui appartient à tous ceux que l'avenir de la Méditerranée intéresse et concerne. C'est une idée que j'ai proposée, qui prend forme actuellement entre tous les pays riverains, et sur laquelle je souhaiterais recueillir l'avis du Roi Mohamed VI. Cette Union serait une enceinte méditerranéenne destinée à résoudre les problèmes qui ne peuvent être résolus qu'à l'échelle de la Méditerranée. Elle aurait vocation à traiter des questions de sécurité, mais aussi d'environnement, d'énergie, de dialogue culturel et nous ne nous arrêterons pas là. L'Union Méditerranéenne travaillerait selon une méthode nouvelle, destinée à créer des solidarités, des convergences entre Etats autour de projets concrets, je pense, par exemple, à la dépollution de la Méditerranée.
Quelle autre institution pourrait rendre à la Méditerranée son équilibre écologique, tant les efforts à réaliser nécessitent de solidarité et de persévérance entre tous les Etats riverains ? Nous sommes tous conscients des blocages qui tiennent à certains foyers de crise mais nous voulons aussi reprendre en main le destin méditerranéen que nous a offert notre histoire, celui de la paix, du développement durable et de la dignité.
Q - Quels sont vos projets avec l'Algérie ? Vont-ils inévitablement marginaliser le Maroc ?R - Mes projets avec l'Algérie visent la construction d'une relation apaisée, forte et mutuellement fructueuse. Ils seront au centre de ma prochaine visite d'Etat à Alger. Et une bonne relation entre la France et l'Algérie est à l'évidence dans l'intérêt du Maroc. Parce que tous les grands pays du Maghreb doivent pouvoir intensifier leurs échanges avec le reste du monde et, en premier lieu, avec l'Europe, mais aussi entre eux. Ce que je souhaite, c'est renforcer les liens d'amitié qui unissent la France à chacun des pays du Maghreb et je n'oublie ni la Tunisie, ni la Libye. Et ce que j'appelle de mes voeux, c'est ce qu'on souhaite à ses amis, c'est à dire qu'ils tissent entre eux les mêmes liens d'amitié que ceux qui font notre richesse commune.
R - Tenir ses engagements devant le peuple, est-ce lui faire un cadeau ? Etre président de la République française, est-ce opposer la droite à la gauche ? Je suis le président de tous les Français. Le 6 mai, les Français se sont massivement rendus aux urnes et m'ont accordé leur confiance à une très large majorité. Ils l'ont fait sur la base des engagements que j'avais pris devant eux. Ces engagements, je les tiendrai.
Le projet de loi proposé par Brice Hortefeux et discuté par le Parlement a l'ambition de réformer les conditions du regroupement familial. Il introduit l'exigence d'une connaissance de la langue, d'une connaissance des valeurs de la République et instaure des conditions de ressources. L'esprit de ce projet, c'est que l'immigration peut apporter davantage à la croissance de notre pays, qu'elle peut aussi mieux s'intégrer à notre tissu social, et que cela n'empêche pas le respect de la vie de famille.
Depuis la conférence de Rabat sur les migrations et le développement, les approches du fait migratoire de part et d'autre de la Méditerranée me semblent d'ailleurs converger. Mais il n'y a pas que la lutte contre l'immigration clandestine. L'aménagement des migrations légales et le développement des pays du sud sont, selon moi, des solutions de long terme et de véritables priorités. Entre le Maroc et la France, cela fait partie d'un dialogue ouvert et fructueux. J'aurai à coeur de recueillir les analyses du Roi Mohamed VI sur ces sujets.
Je voudrais enfin rappeler ce qu'est réellement la relation franco-marocaine en termes de visas. Trop d'erreurs sont commises, trop d'approximations sont brandies qui déforment la réalité. Cette réalité, c'est que 150 000 visas ont été délivrés par nos consulats au Maroc en 2006, 84 % des dossiers de demandes de visa présentées ont connu une issue positive. Ce n'est pas rien. Cela montre que la France poursuit avec détermination sa politique de dialogue et d'échange avec le Maroc. Cela justifie aussi que nous luttions ensemble, avec détermination, contre l'immigration clandestine et contre les abus.
Q - Le Maroc s'oriente vers l'achat des F16 au détriment du Rafale. En parlerez-vous au cours de votre visite et que pensez-vous du fait que le Rafale se vende si mal ? Ferez-vous des efforts pour le placer ?
R - Le Rafale est un remarquable avion, de toute dernière génération. L'intérêt que lui porte un certain nombre de pays clients potentiels ne se dément pas. Et je suis personnellement désireux de proposer au Maroc le meilleur de notre savoir-faire, dans ce domaine et dans d'autres secteurs de notre industrie d'armement. Car mon ambition est de construire avec le Maroc une coopération de défense et d'armement qui soit à la hauteur de notre partenariat politique. Ma visite devrait permettre d'avancer dans cette direction.
Q - Pensez-vous que votre gouvernement et celui de M. Abbas El Fassi, le nouveau Premier ministre marocain, vont s'entendre aussi bien que les précédents ?
R - Le Premier ministre, François Fillon a adressé une lettre de félicitations très chaleureuse à M. Abbas El Fassi, avec qui j'aurai moi-même le plaisir de m'entretenir au cours de ma visite au Maroc. Je salue le processus politique qui a conduit le Maroc à tenir des élections législatives remarquables par leur transparence et leur bonne organisation et je forme des voeux de plein succès pour le gouvernement dirigé par M. Al Fassi.
Nos deux gouvernements ont tout pour s'entendre et pour travailler ensemble efficacement. Les gouvernements de nos deux pays ont une excellente tradition de rencontres régulières dont je souhaite la poursuite. Je me fais l'interprète de François Fillon en affirmant qu'il sera très heureux de pouvoir poursuivre cette tradition avec Abbas El Fassi. Le Maroc est, souvenons-nous en, le premier bénéficiaire de l'aide française et la France est le premier partenaire bilatéral du Maroc. Nos deux gouvernements ont ainsi beaucoup de choses à discuter ensemble.
Q - Comment la France aborde-t-elle le défi du terrorisme avec les pays du pourtour de la Méditerranée, surtout le Maroc et l'Algérie ?
R - Le terrorisme est un fléau pour tous et tous, au Nord comme au Sud de la Méditerranée, nous devons nous engager collectivement pour le combattre avec efficacité et pour proposer à nos sociétés des alternatives crédibles. Vous avez raison, il s'agit d'un défi et ce qui intéresse la France, ce sont les réponses à apporter à ces défis. C'est pourquoi nous entendons être présents tout à la fois dans le domaine de la coopération sécuritaire, sur laquelle vous comprendrez que je ne m'étende pas, mais aussi en faveur d'une coopération qui construit la stabilité à long terme. Les pays du dialogue ''5+5'' ont ainsi réalisé d'importants progrès en matière de coopération.
Q - Que contient votre projet d'Union méditerranéenne ?
R - L'Union de la Méditerranée n'est pas mon projet, c'est un projet commun qui appartient à tous ceux que l'avenir de la Méditerranée intéresse et concerne. C'est une idée que j'ai proposée, qui prend forme actuellement entre tous les pays riverains, et sur laquelle je souhaiterais recueillir l'avis du Roi Mohamed VI. Cette Union serait une enceinte méditerranéenne destinée à résoudre les problèmes qui ne peuvent être résolus qu'à l'échelle de la Méditerranée. Elle aurait vocation à traiter des questions de sécurité, mais aussi d'environnement, d'énergie, de dialogue culturel et nous ne nous arrêterons pas là. L'Union Méditerranéenne travaillerait selon une méthode nouvelle, destinée à créer des solidarités, des convergences entre Etats autour de projets concrets, je pense, par exemple, à la dépollution de la Méditerranée.
Quelle autre institution pourrait rendre à la Méditerranée son équilibre écologique, tant les efforts à réaliser nécessitent de solidarité et de persévérance entre tous les Etats riverains ? Nous sommes tous conscients des blocages qui tiennent à certains foyers de crise mais nous voulons aussi reprendre en main le destin méditerranéen que nous a offert notre histoire, celui de la paix, du développement durable et de la dignité.
Q - Quels sont vos projets avec l'Algérie ? Vont-ils inévitablement marginaliser le Maroc ?R - Mes projets avec l'Algérie visent la construction d'une relation apaisée, forte et mutuellement fructueuse. Ils seront au centre de ma prochaine visite d'Etat à Alger. Et une bonne relation entre la France et l'Algérie est à l'évidence dans l'intérêt du Maroc. Parce que tous les grands pays du Maghreb doivent pouvoir intensifier leurs échanges avec le reste du monde et, en premier lieu, avec l'Europe, mais aussi entre eux. Ce que je souhaite, c'est renforcer les liens d'amitié qui unissent la France à chacun des pays du Maghreb et je n'oublie ni la Tunisie, ni la Libye. Et ce que j'appelle de mes voeux, c'est ce qu'on souhaite à ses amis, c'est à dire qu'ils tissent entre eux les mêmes liens d'amitié que ceux qui font notre richesse commune.