5 octobre 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les projets du gouvernement en matière de politique de l'enseignement, à Issy-les-Moulineaux le 5 octobre 2007.
.... Il faut savoir que, lorsque Claude Mandel, qui vit toujours du côté de Nîmes, écrit cette lettre, elle a 14 ans et quelques jours auparavant, elle a découvert le cadavre de son père à la morgue de Versailles, où le médecin légiste a cru le reconnaître, le corps criblé de balles. Cette jeune fille écrit à Lavalle et un beau texte où elle dit aussi : "Je plains vos filles car votre nom restera dans l'histoire, il sera celui d'un bourreau, quant au mien, il restera dans l'histoire, il sera celui d'un héros".
Voilà la personne dont votre collège porte le nom. C'est un honneur pour chacun d'entre vous. Vous avez très bien lu ce texte.
Il ne suffit pas d'être âgée pour faire des grandes choses, puisque Claude Georges Mandel, la fille, avait 14 ans, lorsqu'elle a eu le courage d'écrire cette lettre et Guy Môquet avait 17 ans quand il a écrit sa dernière lettre à ses parents.
Moi, je pense que c'est très important que des collégiens et des lycéens sachent que dans l'histoire de notre pays, il y a des jeunes de leur âge, ou un tout petit peu plus âgés, qui ont été des braves, qui ont été courageux, qui se sont hissés au-dessus de leurs conditions, pour porter le message de la France éternelle.
Etre les citoyens d'un vieux pays, d'un grand pays, c'est connaître son histoire. L'histoire d'un pays et la façon dont on la respecte, c'est la façon dont on se prépare à l'avenir de ce pays. Au moins, je voudrais que vous sachiez que Georges Mandel, c'est quelqu'un qui a compté dans l'histoire de France.
J'étais très ému de vous écouter, tous les deux.
Il y aurait tant d'autres histoires, d'ailleurs, à raconter car vos professeurs d'histoire vous en parleront, la félonie de Pétain, c'est qu'il a accepté qu'en 1942, des prisonniers politiques français, gardés par la police française, soient gardés par les Allemands et il y avait dedans des gens avec qui il avait été au gouvernement, ils s'appelaient Daladier, Paul Reynaud, Jean Zay. Le propre frère de Clémenceau va voir Pétain pour lui dire : vous ne pouvez pas faire cela, et il le fait.
Cela n'a aucun rapport avec ce que je suis venu vous dire, mais enfin, cela m'a fait très plaisir de vous le dire, parce que, moi je pense, que c'est extrêmement important de connaître l'histoire de son pays. Vous venez de quelque part. Vous êtes nés dans un pays qui a connu de grandes joies et de grandes souffrances, qui a eu de grands succès et traversé de grandes épreuves. Aimer son pays, c'est connaître son histoire. Après vous pourrez, devenus adultes, citoyens, porter le jugement que vous voudrez. Mais il faut connaître, parce que l'ignorant n'est pas libre. C'est cela qui est très important de savoir, c'est qu'il faut savoir pour être libre. C'est pour cela qu'il faut venir au collège.
Je pars du principe que ce qui m'a passionné, ce qui m'a ému, peut passionner et émouvoir des millions de gens. Il suffit d'avoir le goût de la lecture. Il suffit de comprendre que ce que l'on lit ce sont des événements. Ce n'est pas quelque chose de désincarné.
J'étais hier en Bulgarie. Le grand Victor Hugo a écrit : "on assassine en Europe". Où ça ? En Bulgarie". Les Bulgares s'en souviennent. C'est cela la France aussi. La France, c'est ce pays, à nul autre pareil, qui a donné au monde un Victor Hugo qui écrit : "on assassine en Europe" et les Bulgares s'en souviennent, eux qui ont connu l'occupation ottomane, pendant cinq siècles, qui ont connu tant d'épreuves.
C'est pour cela qu'il faut que la culture générale devienne un élément essentiel, essentiel de notre éducation. C'est pour cela, je le dis aux enseignants, d'ailleurs sont ici, qu'ils ont un rôle si important et qu'il n'est pas anormal que l'on débatte de ce qu'ils doivent enseigner. Ce sont des choses qui comptent énormément.
Monsieur le Président du Conseil général, mon cher Patrick,
Monsieur le Maire, mon cher André,
Madame la Vice-Présidente du Conseil général en charge des affaires scolaires, chère Isabelle,
Mesdames et Messieurs les élus, cher Frédéric,
Monsieur le député,
C'est pour moi une grande joie d'être ce soir parmi vous, pour inaugurer ce collège. Vous pouvez imaginer que dans mes fonctions, les cérémonies publiques ne manquent pas ! Mais celle-ci a une saveur toute particulière, car grâce à vous et à votre invitation, je me retrouve ici en famille.
Vous savez, mes chers amis des Hauts-de-Seine, combien je suis attaché à ce département qui m'a tant apporté. Il ne vous aura pas échappé que ces occasions de retrouvailles se sont faites, depuis quelques temps, plus rares, parce que je dois être partout et, bien sûr, j'arpente beaucoup moins, que je ne le faisais avant, les villes de notre département. Mais si ces occasions sont rares, moi je les goûte davantage.
Pour moi, c'est important d'inaugurer un établissement scolaire : car c'est, par excellence, le lieu où se prépare l'avenir.
Ici, on a pris l'avenir au sérieux. Le collège Georges Mandel est une réussite. Il s'agissait, je le rappelle, de répondre à un besoin, mon cher André. Avec la création de la ZAC des Bords de Seine et l'arrivée de nouveaux habitants, il fallait doter Issy-les-Moulineaux d'un quatrième collège. Après dix-huit mois de travaux, c'est chose faite. Le résultat me semble exemplaire. Exemplaire sur le plan architectural. On ne le dira jamais assez combien les conditions de travail offertes aux élèves, comme aux enseignants sont indispensables à la réussite de tous.
Le résultat est exemplaire sur le plan du développement durable, puisque ce collège est HQE. Personne ne sait ce que cela veut dire, à part les élus et les enseignants (Haute Qualité Environnementale). Les capteurs solaires sont situés en terrasse pour produire une partie de l'eau chaude. Il y a un équipement de récupération des eaux. Je souhaite qu'en France, désormais, je l'ai dit au Président de la société Vinci, on ne construise plus que selon des critères qui sont des critères qui respectent l'environnement et qui assurent le développement durable.
Cet ouvrage est une illustration, mon cher Patrick, de l'efficacité de la SEM 92, le maître d'oeuvre.
C'est toujours avec une certaine fierté que j'observe les réalisations du Conseil général des Hauts-de-Seine que j'ai présidé, que j'ai vice-présidé, et que je n'ai rien présidé du tout quand j'étais jeune conseiller général. Je voudrais donc rendre hommage aux élus, notamment à leur Président, Patrick Devedjian. Je voudrais dire, et j'en suis sûr que Patrick me soutiendra, combien l'implication et la passion que met Isabelle Balkany dans sa délégation des Affaires scolaires sont exemplaires parce que je vous assure, elle construit des collèges comme si c'était pour ses propres enfants ou petits-enfants. (C'est la différence entre l'hypocrisie dans la salle et la sincérité à la tribune. C'est affectueux.) C'est comme cela, et Isabelle, vous savez, se dévoue sans compter et, franchement, elle incarne une politique et c'est assez admirable qu'il y ait des femmes et des hommes qui agissent ainsi et je suis très reconnaissant au Président Devedjian de poursuivre cette politique, parce que notre département doit être exemplaire quand aux conditions matérielles de travail des enseignants et des élèves. On ne peut rentrer dans le monde de la connaissance qui est le nôtre, sans se donner le mal de réserver des conditions de travail exceptionnelles pour les élèves des Hauts-de-Seine.
Alors vous savez que par ailleurs j'ai demandé au ministre de l'éducation nationale Xavier Darcos qui fait un excellent travail, vraiment Xavier Darcos en cinq mois a pris toute la dimension de sa responsabilité, et en cinq mois, je voudrais quand même dire que pour cette rentr??e nous avons pu scolariser en milieu ordinaire 10 000 enfants handicapés supplémentaires, 10 000, c'est quelque chose, André tu sais parfaitement que ça me tient à coeur depuis bien longtemps, parce que quand on a la vie, mais un handicap sur sa route, le devoir de la société c'est d'aider ces enfants.
Nous avons assoupli la carte scolaire parce que moi, j'ai toujours considéré, même si c'est un débat parfois entre nous, que la carte scolaire elle était rigide pour ceux qui n'avaient pas de relations et ce n'est pas normal. J'ai toujours pensé d'ailleurs qu'il fallait que chaque parent puisse choisir l'école de son enfant en fonction non pas de la réputation présupposée de l'établissement mais des qualités ou des difficultés de l'enfant. Ce n'est pas pour choisir le meilleur établissement, comme je l'entends dire. Ca n'existe pas le meilleur établissement. Le meilleur établissement, c'est l'établissement où votre enfant est heureux. Parce que je ne suis pas sûr que l'on apprenne bien quand on est malheureux et il y a quantité d'établissements qui sont différents parce qu'il y a quantité d'enfants qui sont également différents.
Et puis, en quatre mois, nous avons instauré, dans tous les collèges de l'éducation prioritaire un accompagnement éducatif qui est de deux heures après les cours quatre jours par semaine, en quatre mois !
Ces mesures ne sont qu'une première étape. Elles participent d'un projet global de rétablissement de l'égalité des chances.
J'ai demandé à Xavier Darcos de travailler à la réforme de l'école primaire parce que c'est à l'école primaire que se scelle une partie du destin de nos enfants. Moi, je ne peux pas accepter que 15 % des élèves entrent en 6e sans maîtriser les bases de la lecture et du calcul, parce que si on ne maîtrise pas les bases de la lecture et du calcul en sixième, on a aucune chance de rattraper son retard et nous devons nous imposer une exigence de résultats et avoir comme ambition au minimum de réduire par deux, de diviser par deux l'échec scolaire.
Il va travailler également sur la restructuration du système des filières au lycée. Elles sont remises à plat et repensées. Le baccalauréat professionnel sera simplifié et revalorisé, se préparera en 3 ans, parce que je ne veux plus que les élèves des lycées professionnels se sentent en deuxième division, ils ont eux aussi le droit à la réussite en première division.
Enfin, la refonte de l'offre éducative ne fera pas l'économie d'une réflexion sur les rythmes scolaires. La suppression du samedi matin à l'école primaire me semble une excellente mesure, qui permettra aux écoliers de souffler pendant deux journées pleines et de passer du temps avec leur famille. Et puis, comme je l'ai écrit dans ma lettre aux éducateurs, je vais m'engager personnellement sur la revalorisation du métier d'enseignant, parce qu'un pays qui ne mets pas ses éducateurs au centre de ses ambitions, qui ne leur accorde pas la reconnaissance due à leur rôle éminent, est un pays, je le dis sans ambages, qui sacrifie son avenir et qui subira.
En France, nous n'avons pas réfléchi à la nature des missions du professeur depuis près de 60 ans. Moi, je me suis amusé à regarder les programmes des campagnes électorales sous la IIIe République. C'est très intéressant. On débattait alors du programme scolaire. Qu'est-ce que veut dire le mot « éduquer » ? Qu'est-ce qu'on doit mettre dans le contenu des programmes ? Alors chacun avait son idée, mais c'était débattu. Maintenant on débat plus du programme, on débat plus du contenu, on débat du statut ! C'est important le statut ! Mais ce n'est pas tout, parce
que le métier d'enseignant, c'est d'abord un métier qui repose sur la qualité professionnelle, le dévouement et l'engagement de femmes et d'hommes qui ont une expérience, qui ont une connaissance, qui ont une compétence, et c'est notre devoir de débattre de leur place dans la société, du rôle qui est le leur. Que signifie le mot « éduquer » ? Qu'attendez-vous, vous les parents, de l'éducation nationale. Qu'est-ce que les enfants sont en droit d'attendre après une scolarité dans le collège et dans le lycée ? Ce sont des questions extrêmement importantes.
Je veux que l'on travaille à une vraie redéfinition du métier d'enseignant, le premier Ministre vient à cette fin d'installer une commission de spécialistes, dirigée par le conseiller d'Etat Marcel Pochard, dont Michel Rocard est membre. A l'issue des travaux préparatoires de la commission, Xavier Darcos rédigera, un livre blanc qui définira les nouveaux contours du métier d'enseignant. Je veux que le professeur soit restauré dans sa dignité £ soit responsabilisé, que vos établissements aient une plus grande autonomie et que les enseignants ne soient pas jugés sur leur capacité à appliquer la dernière circulaire ministérielle mais sur les résultats qu'ils obtiennent. Avec les enfants qui leur sont confiés, parce que l'expérience cela compte et je ne suis pas persuadé qu'un enseignant qui a vingt ans d'expérience, cela soit une bonne chose que de lui interdire d'utiliser son expérience pour apprendre à lire, pour apprendre à écrire ou pour enseigner la matière qu'il a à enseigner. C'est cela, l'autonomie. Faire confiance, c'est un peu de liberté aux uns et aux autres. Voilà ce que nous allons mettre en oeuvre. Et puis, vous savez, si vous avez l'occasion de projeter un film, il y a quelqu'un qui était très cher à mon coeur, un homme qui faisait grand honneur à la culture française, il s'appelait Jean-Michel Gaillard. Jean-Michel Gaillard, c'est un homme
qui a été le collaborateur de François Mitterrand. C'est le fils d'un instituteur communiste du Gard. Un homme exceptionnel, un ami très proche, qui avait un engagement politique pas le même que le mien, il était normalien, agrégé d'histoire, énarque avec qui j'ai beaucoup travaillé et que j'aimais énormément et qui a emporté par la maladie en deux mois et qui a écrit un magnifique film qui s'appelle le Dernier Eté où Jacques Villeret, est Mandel et où Catherine Frot est Béatrice Brétty, très jolie femme dont Mandel a été extrêmement amoureux. Et vraiment, si un jour, « Le Dernier Eté », qui a été diffusé par France 3, vous verrez ce que signifie ce dernier été qui est absolument magnifique.
Vous savez, dans une France des années 30 enlisée dans la routine et le conformisme, Mandel était un innovateur. Dans une France qui était divisée en chapelles, Mandel était un esprit libre, libre. Et dans une France engluée dans le renoncement et la compromission, Mandel, incarna le refus de la défaite, Mandel a porté des valeurs qui sont des valeurs toujours actuelles
Alors, j'aurai l'occasion de le redire le 22 octobre, à l'occasion de la commémoration de l'exécution du Guy Môquet. J'étais très ému d'ailleurs, parce que je suis allé à Châteaubriant, parce que Guy Môquet a été fusillé avec quarante-huit autres camarades à Châteaubriant, il était le plus jeune, dix-sept ans, dix-sept ans ! Ma petite maman chérie, mon petit papa adoré, dix-sept ans ! Et ils l'ont fusillé. Et bien, je voudrais vous dire que le destin n'est fatalité que pour celui qui se résigne à le subir. Je veux dire à tous les enfants qui sont ici, même si vous ne comprenez pas tout ce que je vous dis ce soir, un jour, vous vous en souviendrez, il y a un vieux Président de la République qui est venu, vous aurez la vie que vous mériterez, vous aurez des déceptions, vous aurez des chagrins, vous aurez des échecs, vous aurez des bonheurs, vous aurez des succès, mais, au fond, au fond, vous porterez une responsabilité sur ce que vous ferez de votre vie. Là, vous êtes à un âge où vous rêvez et puis, l'adulte, c'est celui qui ne rêve plus mais qui essaye que ses rêves d'enfant et d'adolescent deviennent sa vie d'adulte. Donc ayez des grands rêves si vous voulez avoir une grande vie, parce qu'on a des petits rêves, on a une petite vie. Ce n'est pas parce qu'on a des grands rêves, que l'on aura forcément une grande vie, mais je vous le dis, si l'on a des petits rêves, la grande vie, cela ne marche pas. Ce n'est pas forcément la grande vie qui rend plus heureux, c'est vrai ce que je dis. Il y a beaucoup de gens qui diront : « il faut être raisonnable, il faut avoir des rêves plus petits, des ambitions moins grandes, ne soyez pas raisonnables de ce point de vue, parce que la vie s'occupera de limer vos ambitions. Ne vous en n'occupez pas vous-même, portez vos rêves, parce que l'avenir appartient à ce qui font des rêves. C'est un grand homme, Martin Luther King, qui a fait ce discours magnifique, « j'ai un rêve, dans mon pays où les collines sont rouges ». Moi, d'ailleurs, ce qui m'a toujours marqué, tout le monde disait j'ai un rêve, c'est formidable. Moi, ce sont les collines rouges, je n'avais jamais vu un pays où les collines étaient rouges. C'est cela qui me marquait. Les gens qui ont un grand rêve réussissent à avoir une grande vie. Et au fond, le meilleur message que les éducateurs peuvent passer aux enfants, c'est : « dans la vie, on estresponsable de beaucoup de choses, il faut bien comprendre cela, on est responsable soi même de sa propre vie. Soyez heureux, tous, dans ce magnifique collège.