25 septembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Point de presse de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les grands dossiers de politique étrangère, notamment le conflit du Proche-Orient, le nucléaire iranien, les relations multilatérales, le Darfour et sur la situation en Birmanie, à New York le 25 septembre 2007.


QUESTION - Monsieur le Président, Pourquoi n'avez-vous pas parlé de la Birmanie dans votre discours alors que vous recevez demain l'opposition birmane en exil ?
LE PRESIDENT - Eh bien, cela me permet d'en parler maintenant. Il faut bien que je garde quelque chose. Je suis avec une extrême préoccupation la situation en Birmanie et je voudrais lancer un appel pour que les manifestations spontanées et pacifiques qui expriment de justes revendications politiques et sociales ne soient en aucun cas réprimées par la force. Je recevrai demain, à l'Elysée, une délégation de l'opposition birmane en exil et je leur manifesterai le soutien de la France. Nous n'accepterons pas qu'il y ait une répression par la force.
QUESTION - Que pensez-vous des sanctions demandées par le Président BUSH, est-ce que vous êtes prêt à lui emboîter le pas ?
LE PRESIDENT - Pourquoi dois-je « lui emboîter le pas » ? Si le Président BUSH dit quelque chose de juste, je lui « emboîte le pas ». « Emboîter le pas » : on voit déjà l'expression imagée et positive. Voilà, j'ai dit qu'il n'y aura pas de paix dans le monde si on ne défend pas ces valeurs universelles que sont les droits des peuples à disposer d'eux-mêmes et les droits de l'Homme. Et donc, tout ce qui manifestera un effort de conviction dans l'expression d'un soutien à un mouvement démocratique, et tout ce qui ressemblera à des sanctions pour aller dans ce sens aura le soutien de la France. C'est d'ailleurs exactement ce que l'on fait avec l'Iran. Après, on peut en débattre à l'infini. Ce qui est important, voyez-vous, ce sont deux choses : c'est d'avoir des sanctions qui soient efficaces, et ce ne sont pas forcément les mêmes compte tenu des situations, et deuxièmement, que cela maintienne l'unité de la communauté internationale. Parce que des sanctions qui ne sont pas votées, elles ne sont pas efficaces, donc il y a naturellement la rencontre entre l'efficace et l'unité.
QUESTION - Monsieur le Président, si vous me le permettez, j'ai deux questions à vous poser. L'une sur le processus de paix au Proche-Orient. Vous avez rencontré hier Mahmoud ABBAS. Quelle est votre impression, quelle est votre analyse, pensez-vous que c'est possible que cette conférence donne quelque chose ? Et ces entretiens que Mahmoud ABBAS a avec Monsieur OLMERT ? Ma deuxième question est sur le Liban. Vous avez répété à plusieurs reprises, dans votre discours, de très belles phrases sur le Liban et sur le Proche-Orient et vous avez dit que la France se tiendra toujours aux côtés du Liban pour qu'il acquière son indépendance, or, aujourd'hui, l'élection présidentielle n'a pas pu avoir lieu et le Président BUSH a été très ferme dans son discours. Quelle est la position de la France sur ce problème ?
LE PRESIDENT - Ecoutez, ce sont deux vastes questions. D'abord, je retire de l'entretien que Bernard KOUCHNER et moi avons eu avec le Président Abou Mazen, que, d'abord, c'est un homme pour qui je voudrai dire j'ai du respect, de la considération. Je trouve que c'est un homme courageux et que c'est un homme raisonnable et la position de la France, maintes fois exprimée par M. KOUCHNER comme par moi-même, c'est le soutien au Président ABBAS. Il nous a parlé assez en détail, des discussions qu'il a eues avec le Premier ministre OLMERT. Ce n'est pas à moi de donner des détails, je n'y étais pas et je ne suis pas son porte-parole. J'ai l'impression qu'ils ont évoqué les sujets importants sans tabou, de façon assez franche, sans être pour autant conclusifs. Ce que je veux dire, c'est qu'on n'arrive même pas à la conférence, on arrive à la préparation de la conférence. Mais, j'ai été assez impressionné par ce que le Président m'a dit de la réalité des contacts, de la profondeur du dialogue avec les Israéliens. Comme j'avais entendu d'autres parties qui n'étaient ni palestiniennes, ni israéliennes, un jugement moins optimiste, c'était plutôt une bonne surprise. Si on devait se livrer à un pronostic, ce que Bernard KOUCHNER et moi nous pensons, c'est que c'est justement parce que tout va mal, qu'il y a une opportunité pour réussir. Et ce n'est pas un paradoxe sémantique. Si vous regardez la situation telle qu'elle est, le Président de l'autorité palestinienne a intérêt à prendre des initiatives pour unifier le peuple palestinien. Le Premier ministre OLMERT a intérêt à prendre des initiatives pour renforcer sa légitimité et son crédit en Israël. Le Président des Etats-Unis d'Amérique a intérêt à pousser un accord parce qu'il est à la fin de son deuxième mandat et que, quoi qu'il arrive, la Constitution étant ce qu'elle est, il ne se représentera pas. Et donc il y a vraiment, me semble-t-il, une conjonction d'intérêts pour que chacun soit convaincu qu'il peut prendre des risques et notamment le risque de réussir. Et l'idée qu'a la France, c'est que le temps ne travaille pas forcément pour la solution de cette crise, et je ne vois pas très bien ce que cela donnerait d'attendre. Attendre quoi par ailleurs ? Voilà mon sentiment. Sur le Liban, bien sûr que l'on a vu que les élections ont été repoussées d'un mois. Avec Bernard KOUCHNER qui a d'ailleurs fait le maximum de ce qu'il était possible de faire pour le Liban, nous disons, que nous sommes aux côtés du Liban dans toute son expression. Que les choses soient claires, nous sommes pour le Liban indépendant et souverain. Donc nous voulons être aux côtés de toutes les composantes de la société libanaise. Ce n'est pas à nous de les choisir. Nous, nous disons un Liban indépendant, souverain et en sécurité, c'est un Liban où toutes les communautés se parlent, trouvent des compromis et un Liban où l'on arrête d'assassiner. Je n'ai accusé personne, mais, enfin, quand même ! On voit avec une régularité de métronome des parlementaires élus assassinés et cela commence à devenir insupportable. L'assassinat, ce n'est pas une méthode et on ne fait pas devenir une majorité une minorité en assassinant ses membres. C'est quelque chose qui est profondément inadmissible et il faut savoir une chose : la France fera tout pour qu'un jour ou l'autre, les assassins aient à rendre compte de leurs assassinat, parce que les assassins doivent répondre de leurs actes, qu'il s'agisse des assassinats au Liban ou ailleurs. Il va bien falloir un jour savoir la vérité, que les masques tombent et qu'on comprenne pourquoi on martyrise un peuple et une représentation démocratique, et j'observe que c'est toujours du même côté que les gens tombent. Les soupçons vont finir par devenir des certitudes si cela continue comme cela.
QUESTION - Monsieur le Président, pendant ces quarante-huit heures, vous avez montré à chaque intervention beaucoup d'inquiétude. Votre ministre des Affaires étrangères a dramatisé également la situation internationale dans les jours précédents. On a le sentiment que vous savez des choses que nous ne savons pas. Qu'est-ce qui permet aujourd'hui de dramatiser la situation et quel est l'irréparable qui risque d'arriver. Est-ce qu'il y a quelque chose de dramatique qui se prépare ?
LE PRESIDENT - D'abord, je ne suis pas sûr d'avoir montré beaucoup d'inquiétude. Enfin, je suis désolé si je vous ai donné ce sentiment-là. Ecoutez, nous avons passé la journée d'hier sur le climat. Si vous n'avez aucune inquiétude sur le climat, eh bien félicitations ! Mais je ne suis pas sûr que cela soit une preuve de lucidité. Que nous disent les spécialistes ? Que nous disent-ils tous ? A deux degrés de plus, et je parle sous le contrôle de Nathalie KOSCIUSKO MORIZET, c'est le point de non retour. On est aux Nations Unies, le Secrétaire Général prend l'initiative, excellente par ailleurs, d'un sommet sur le climat, c'est la dernière sortie avant la fin de l'autoroute et il faudrait qu'on soit comme des benêts à continuer à organiser des colloques à ne rien faire, à ne rien dire et à ne rien penser. Non, la position de la France et de dire on agit tout de suite, parce demain, il sera trop tard. Ce n'est pas de l'inquiétude, c'est du volontarisme. C'est une première chose. Pour le reste, sur les grandes crises du monde, depuis le temps que l'on commente la crise israélienne et palestinienne, peut-être est-il temps de faire quelque chose ! Et si jamais on essayait d'agir plutôt que de commenter. Sur l'Iran, tous les experts de toutes les parties du monde sont d'accord pour dire qu'ils travaillent sur l'arme nucléaire militaire. La France attire l'attention sur ce fait là, et donc sur la nécessité absolue qu'ils n'aient pas l'arme nucléaire pour éviter la prolifération. Et la France fait des propositions sur le nucléaire civil pour naturellement, que l'on ne rentre pas dans une guerre de civilisation. Ecoutez, c'est plutôt la marque d'une volonté de trouver des solutions. Pour le reste, avec Bernard KOUCHNER, nous avons vu Hamid KARZAI sur l'Afghanistan. Par rapport à l'époque des Talibans, cela progresse. Cela ne veut pas dire que pour autant, cela soit gagné. La France s'y engage. Nous avons vu Monsieur ERDOGAN, l'affaire extrêmement difficile de la Turquie. Nous avons arrangé les choses avec l'Angola avec Monsieur DOS SANTOS. Cela n'était pas non plus extrêmement facile. Nous avons vu Monsieur URIBE pour les relations bilatérales avec la Colombie et naturellement le problème avec Ingrid BETANCOURT. Nous avons vu Monsieur LULA. La France porte l'idée, qui me semble juste, que nous sommes au XXIème siècle avec l'organisation internationale du XXème. J'ai fait des propositions sur le G8 en G 13. Je pense que des pays, comme le Mexique, le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et la Chine méritent mieux que d'être invité pour un seul déjeuner. Si cela est la marque d'une inquiétude que de dire cela, alors je suis inquiet, mais on peut l'être à moins. La réforme des Nations Unis, cela fait des années que l'on en parle, tout le monde sait bien que l'on ne peut pas garder le Conseil de Sécurité dans les mêmes conditions, parce que l'on est plus dans les mêmes conditions parce que l'on n'est quand même plus au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Tout le monde le sait, alors est-ce que l'on continue avec un système où le plus faible peut dire non et le plus fort n'a pas le droit de dire oui ? Où est-ce que l'on bouscule un peu les choses. Ecoutez, maintenant tout le monde le sait, pas un pays d'Afrique comme membre permanent, pas un seul, pas un pays d'Amérique du Sud, pas un seul. Est-ce que cela peut durer ? Une affaire comme cela ? L'Inde, pas membre permanent, est-ce que cela peut durer ? J'ai le sentiment que la France a porté un discours de bon sens. De même, quand je dénonce la rente. Ecoutez, j'ai été ministre des Finances en 2004, le baril de Brent était à 42 $. Extraire un baril coûte exactement le même prix en 2007 qu'en 2004. Eh bien, en 2007, il vaut plus de 80 $. Les coûts de production n'ont pas changé d'un centime. En trois ans, le prix de vente à doublé avec un coût de production qui est resté le même. Alors vous prenez un pays comme le Sénégal qui va être obligé d'avoir des périodes sans électricité considérables parce qu'il n'a pas de pétrole et un certain nombre de grands groupes, que je ne dénonce pas par ailleurs, mais qui, pour des raisons de rente n'ont rien à voir avec un choix d'investissement ou un choix technologique, voient leurs revenus doubler. Si la France ne pose pas la question, qui la posera ? Ce n'est pas la marque d'une inquiétude, c'est au contraire, réveiller la communauté internationale sur cette question là. Alors après, je ne suis pas un déchaîné des taxes. Je pose la question et je dis cela ne peut pas marcher comme cela. On va provoquer les conditions d'une révolution inacceptable. Après quel doit être le système de prélèvements ? Comment doit-on redistribuer aux pays en voie de développement ? Débattons-en. Mais reconnaissons que l'économie de rente n'est pas acceptable et que nous sommes arrivés à un niveau tel que l'on créé les conditions d'une déstabilisation du monde et quand Monsieur LULA vient me voir pour me dire : « je partage pleinement ce que tu viens de dire dans ton discours », cela m'intéresse. Ce n'est pas la marque d'une inquiétude. De la même façon que j'ai dénoncé un capitalisme financier qui ne fait de rentes qu'aux spéculateurs plutôt qu'aux entrepreneurs. Quand vous voyez des agences de notations qui notent triple A le mardi un produit d'épargne et qui le mercredi, le notent triple B. Je pense que cela ne peut pas rester sans conséquences. C'est inacceptable.
QUESTION - Vous avez vu Monsieur URIBE, qu'en est-il, que s'est-il passé ? Qu'en est-il sorti de cette entrevue ?
LE PRESIDENT - M.KOUCHNER et moi, nous avons vus Monsieur URBIBE longtemps. C'est un homme que j'apprécie et qui détient une partie de la clef de la libération des otages et notamment de Madame BETANCOURT. Nous devons travailler ensemble, pas forcément de façon extrêmement publique, mais créé les conditions d'une confiance. Par ailleurs, la France a choisi de faire confiance à Hugo CHAVEZ, que j'ai eu plusieurs fois au téléphone, et que, comme je vous l'ai indiqué hier, nous avons invité avec Bernard KOUCHNER en France, au moins de novembre. Tout ce qui peut faciliter le dialogue entre Hugo CHAVEZ, URIBE et Monsieur MARULANDA, je ne peux pas me permettre de ne pas utiliser toutes les possibilités pour sortir Ingrid BETANCOURT qui est depuis cinq ans et demi dans la situation dramatique que l'on connaît. Imaginez votre réaction si j'avais dit : non, non, cela ne nous intéresse pas. Je ne sais pas si cela va marcher, mais qui ici peut me dire qu'il ne faut pas tenter ? Et c'est très bien de la part de Monsieur URIBE, d'accepter cela. Cela pose tout un tas de problème de corridors de sécurité, etc, ce n'est pas très simple parce qu'à juste titre, l'opinion colombienne est tendue sur cette question-là.
QUESTION - Le Président URIBE vous a semblait soutenir réellement l'initiative de Hugo CHAVEZ ?
LE PRESIDENT - Ils se sont vus pendant sept heures. Je crois à la sincérité du Président URIBE.
QUESTION - Est-ce que le Président URIBE est prêt à accorder pour le temps d'un échange humanitaire, une zone démilitarisée aux FARC, celle qu'ils demandent fait 800 kilomètres carrés près de Pradera et Florida ? Est-ce que vous en avez parlé avec le Président URIBE ?
LE PRESIDENT - Bien sûr, j'en ai parlé, je ne peux rentrer dans le détail. La zone démilitarisée, cela ne sera pas possible, mais entre le refus d'une zone démilitarisée et rien, il y a quantité de propositions, propositions que nous avons faites, propositions que connaît parfaitement le Président URIBE. Je ne peux pas les rendre publiques, mais entre le tout et le rien, il y a beaucoup d'initiatives que l'on peut prendre et de schémas sur lesquels on peut réfléchir. Cela n'est pas bloqué. La démilitarisation, vous savez parfaitement qu'il l'a toujours refusée pour une question, que je peux d'ailleurs comprendre, qui est une question de souveraineté. S'il accepte la démilitarisation, c'est qu'il accepte d'abandonner la souveraineté sur une partie de la Colombie. On ne peut pas lui demander cela. Mais on peut avancer dans d'autres sens, avec d'autres idées. Non, la bonne expression, c'est : « ce n'est pas bloqué ». Voilà
QUESTION - Monsieur le Président, pour finir sur la question d'Ingrid BETANCOURT, vous êtes très actif, on a l'impression que les lignes bougent, je voudrais connaître votre sentiment. Est-ce que vous êtes optimiste ? C'est peut être un mot mal choisi. Est-ce que vous avez un espoir que les choses puissent évoluer prochainement ?
LE PRESIDENT - Optimiste non, un espoir oui, sinon je ne le ferai pas, mais c'est mon devoir quand même. Je l'ai promis à Mélanie, à son frère, enfin, tant qu'on ne sait pas, je me battrai de toutes mes forces. Nous avons, Bernard KOUCHNER et moi, parlé avec beaucoup de gens. Le pronostic, pardon de parler comme cela, sur la vie d'Ingrid BETANCOURT, est plutôt plus favorable ces derniers temps qu'il ne l'était, ou qu'il ne semblait l'être ces derniers mois, voilà, quand bien même cela resterait comme ces derniers mois, je continuerai à me battre, tant que ce n'est pas fini. C'est trop tôt pour dire que les lignes bougent. On a eu beaucoup de déception ces quatre derniers mois, et en même temps, on ne renonce pas, on se battra et on la ramènera. Que voulez-vous que je vous dise, il n'y a pas d'autre choix, il faut mettre cette volonté politique pour la sortir d'où elle est. Tant que l'on ne m'a pas prouvé qu'elle n'était plus de ce monde, je continuerai à me battre pour cela. Cela c'est la position de la France, et le simple fait qu'Hugo CHAVEZ y croit lui aussi, c'est aussi un témoignage. Maintenant, ce n'est pas simple.
QUESTION - Permettez-moi de vous poser une question sur un débat français mais qu'on entend jusqu'ici ? Après les déclarations de M. FILLON faisant état d'un « état de faillite financière » de l'Etat français, enfin ces déclarations ont suscité un débat en France sur le point de savoir, est-ce que vous préparez ou non un plan d'austérité ?
LE PRESIDENT - Non.
QUESTION - Ces déclarations ont suscité un débat en France sur le point de savoir, si vous préparez ou non un plan d'austérité ?
LE PRESIDENT - Non.
QUESTION - Qu'en est-il des déclarations de M. FILLON ?
LE PRESIDENT - Non
QUESTION - Que pensez-vous des déclarations de M. FILLON
LE PRESIDENT - Non, c'est ma réponse, il n'y a pas de plan d'austérité. D'ailleurs « plan d'austérité », qu'est-ce que cela veut dire. Je voudrais bien que l'on m'explique un jour ce que veut dire tout cela. La maîtrise des dépenses publiques de la France, je m'y suis engagé et nous la mettons en oeuvre avec le gouvernement et avec François FILLON. C'est notamment la question des effectifs dans la fonction publique. Le problème économique de la France, il est très simple. On a découragé le travail alors qu'il fallait l'encourager. La politique économique de la France, c'est libérer les forces du travail, libérer les forces d'innovation pour gagner de la croissance. Voilà ce que l'on veut faire. Augmenter la création de richesses en France. Avec cela, on aura plus de croissance, plus d'emplois, plus de recettes, moins de déficit. Cela c'est la stratégie économique de la France.
Pour le reste, j'ai eu assez à m'occuper ici pour ne pas avoir à m'occuper de faux débats.
Donc, y a t il une politique préparée autre que celle dont j'ai parlé ici, non. Et en tout cas, je vais vous dire une chose, je n'ai pas l'habitude de raconter des histoires aux Français, je dis ce que je pense. La démocratie, on peut tout à fait considérer qu'il y a d'autres alternatives possibles, mais ce que j'ai dit pendant la campagne et ce que j'ai dit après, j'y crois. Donc, je ne suis pas prêt d'en changer.
QUESTION - Vous auriez employé le mot ······
LE PRESIDENT - Ici, je n'ai pas eu à le faire.
QUESTION - Vous avez critiqué une dérive du secteur financier. Est-ce que vous craignez que cela puisse affecter durablement également l'économie française et par là même mettre en difficulté vos projets de réforme ?
LE PRESIDENT - Non, au contraire. Les difficultés internationales renforcent la nécessité de la réforme. Si la croissance mondiale était florissante, s'il n'y avait pas ces difficultés, on pourrait me dire pourquoi vous vous donnez tant de mal en France, il n'y a qu'à attendre la croissance mondiale ? Le fait qu'il y ait des "hocquèments", du fait des problèmes financiers qu'ont connu d'abord les Etats-Unis et peut-être d'autres pays, ne fait que renforcer la nécessité de trouver les voies de la croissance en France par la mise en oeuvre des réformes importantes,.C'est exactement l'inverse.
QUESTION - Le Kosovo sera un sujet de discussion en fin de semaine ici à New York et vous vous rendez à Moscou prochainement. Quelle serait, selon vous, les conséquences, dans deux mois, d'une absence de compromis sur l'indépendance du Kosovo ? Est-ce que vous pensez que cela nous ramènerait aux années 1990 lorsque la Croatie et la Bosnie ont décrété unilatéralement leur indépendance ?
LE PRESIDENT - Je peux vous dire trois choses. D'abord, je pense que l'indépendance du Kosovo est inéluctable. D'ailleurs, je ne vois pas qui que ce soit qui puisse dire le contraire. La deuxième chose, c'est qu'il faut absolument que l'Europe reste unie -et je parle sous contrôle de Bernard KOUCHNER qui connaît merveilleusement cette question,- parce que nous serons devant une situation juridique au plan international inextricable, et que c'est une question européenne. Nos amis américains, comme russes, doivent le comprendre, et l'Europe doit regarder cette question de façon unie. Troisième élément, nul n'a la volonté d'humilier la Russie et la Serbie naturellement. Et nous aurons l'occasion d'en parler, Monsieur KOUCHNER et moi, à M. POUTINE dans le voyage que nous ferons dans quelques semaines.
QUESTION - Avez-vous l'intention de rencontrer Laurent GBAGBO lors de la réunion de cet après-midi ?
LE PRESIDENT - J'ai l'intention de lui serrer la main et d'échanger quelques mots avec lui lorsque je passerai dans la salle du Conseil de Sécurité. Ce sera pour moi l'occasion de lui dire deux choses. D'abord, que la France veut d'excellent rapport avec la Côte d'Ivoire, la deuxième chose, c'est que l'accord de Ouagadougou prévoit l'organisation d'élections. C'est quand même un rendez-vous incontournable dans un pays qui veut prendre toute sa place dans la communauté internationale. Je le dirai très paisiblement, très calmement, très simplement et je serai heureux à cette occasion. Pour un rendez-vous plus approfondi, j'attendrai de voir la mise en place du processus de Ouagadougou.
QUESTION - Quels sont les points que vous allez mettre en avant cet après midi sur la réunion en Afrique ? Une autre question qui nous intéresse en Belgique, quel est votre regard par rapport à la situation dans notre pays ?
LE PRESIDENT - Sur la Belgique, nous regardons de très près l'évolution de la situation. La Belgique est un facteur de stabilité dans le monde, c'est un pays voisin et ami de la France et en aucun cas on ne peut se mêler du débat belgo-belge.
Je souhaiterais d'ailleurs que nos amis journalistes belges ne se mêlent pas trop non plus de ma consommation alcoolique, dont chacun peut interroger les journalistes français, ils vous diront que de ma vie je n'ai jamais bu une goutte d'alcool. Je m'étais promis à la première occasion d'un journaliste belge, de le dire, car j'ai bien des défauts, mais voilà ! Et je suis bien heureux qu'à l'ONU on n'ait pas besoin de monter quatre étages quatre à quatre pour arriver essoufflé. Votre confrère avait dit « visiblement le Président français n'avait pas simplement bu de l'eau ». Eh bien si, je n'avais bu que de l'eau.
Pour cet après-midi, ce n'est pas cet après-midi puisqu'une résolution a été adoptée. Bernard KOUCHNER s'est énormément dépensé sur cette question du Darfour. Je dois dire que c'est quand même très satisfaisant qu'à la suite de la réunion de Paris à laquelle sont venus notamment les Chinois et les Egyptiens entre autres, les choses ont quand même progressé. Je suis également très satisfait de voir qu'au Tchad, -le Darfour ce n'est pas simplement le Soudan, de l'autre côté il y a le Tchad,- l'Union européenne mette en place une force côté tchadien. Parce que si on met une force hybride au Darfour côté soudanais et que l'on ne met rien côté tchadien, on ne fait que déplacer le problème. Et je suis quand même assez heureux pour l'Afrique, c'est quand même la troisième fois depuis la création des Nations Unies, la troisième fois seulement, que les chefs d'Etat se réunissent au Conseil de sécurité, en personne, à la demande de la France, pour une question africaine. C'est un après-midi important, j'aurai l'occasion d'en parler à ce moment là.
QUESTION - Monsieur le Président, Monsieur KOUCHNER a rencontré hier son homologue Rwandais. Est-ce que l'on peut dire que la page des mauvaises relations entre Paris et Kigali est tournée ?
M. Bernard KOUCHNER - Les contacts ont été repris, il demeure des problèmes des deux côtés. Nous avons l'intention, très pacifiquement, mais avec constance, de tenter de les aplanir, et les relations prendront, nous l'espérons, un tour favorable. Mais rien n'est fait.
QUESTION - Monsieur KOUCHNER, avez-vous rencontré votre homologue iranien aujourd'hui?
M. Bernard KOUCHNER - Je le rencontre tout à l'heure.
QUESTION - Quel serait votre premier acte en temps que Président du Conseil de sécurité de l'ONU ? On a remarqué, ces derniers temps, qu'il y avait une amélioration des relations entre les Etats-Unis et la France, pendant la présidence du Conseil de sécurité de l'ONU. Si, d'aventure, les Etats-Unis décidaient d'engager une action comme celle que l'on a vu en Iraq en Iran, quelle serait la position de la France ? Puis permettez-moi une demande expresse, ce n'est pas toujours évident pour un jeune journaliste de se trouver en face d'un Président de la République, est-ce vous pourriez me permettre une photo avec vous à la fin de la conférence ?
LE PRESIDENT - Je dois dire que je ne m'attendais pas à ce que cela se termine comme cela, mais. Ecoutez, vous savez, je vais revenir à ma condition plus modeste, parce que je vous rappelle que la présidence du Conseil de Sécurité, c'est pour un mois. Donc cela se termine fin septembre. Si initiative américaine il y avait, il faut qu'ils se dépêchent. Je ne pense pas qu'il y ait grand risque de ce côté-là. En tant que Président du Conseil de Sécurité mon rôle c'est de présider le Conseil de Sécurité. Ce n'est pas une présidence opérationnelle, c'est une présidence de séance. Mais j'ai été sensible au fait que le Président des Etats-Unis reconnaisse le « leadership », puisque telle était son expression dans son discours. Et que le Président du Brésil, M. LULA reconnaisse la validité de l'initiative française en matière de réforme de l'ONU. C'est quand même mieux que les grands dirigeants de ce monde disent : « écoutez, on est d'accord avec les initiatives que prend la France » plutôt que soit ils les ignorent, soit ils les combattent. Je ne vois pas pourquoi on devrait s'en excuser, c'est plutôt bien.
QUESTION - Je voudrais vous poser une question sur le DARFOUR. Le DARFOUR qui était ? à la base, quand M. BAN Ki-Moon est entré en fonction, sa priorité. Or, au jour d'aujourd'hui, il faut encore attendre pour envoyer des troupes au DARFOUR et des gens meurent. Alors que peut-on faire ou que pensez-vous faire pour que cela aille plus vite ?
LE PRESIDENT - Ecoutez, cela commence en octobre. Et puis, s'il y a deux personnes à qui l'on ne peut pas faire de reproche, c'est à M. KOUCHNER et moi, qui essayons de nous battre sur cette affaire de la force hybride qui a même fait l'objet d'une discussion avec Gordon BROWN et d'une initiative commune entre les Anglais et les Français, puisque le ministre anglais et Bernard KOUCHNER eux-mêmes défendent le projet de résolution aux Nations Unies. Ce n'a pas été aussi simple. J'ajoute qu'il a fallu convaincre l'Union africaine. Mais aujourd'hui c'est fait, il y aura une force hybride. Il y aura une force hybride côte soudanais, il y aura une force européenne côté tchadien. Personne ne conteste que la France a joué un rôle massif dans cette question. Voilà, bien sûr que l'on aurait préféré que cela aille plus vite. Je vous rappelle que la nouvelle administration française n'est là que depuis quatre mois.
QUESTION - Dans votre discours vous appelez à un « new deal » planétaire, vous annoncez des initiatives de la France là-dessus dans les prochains mois, quel type d'initiative vous pourriez prendre pour convaincre les réticents éventuels, s'il y en a, que ce n'est pas qu'une formule ?
LE PRESIDENT - En tout cas, si c'est une formule, elle a été relativement bien accueillie. Franchement, si j'en juge par la durée des applaudissements et par les multiples témoignages que j'en ai reçus depuis que je suis sorti de la salle. Que dit-on ? Il faut qu'on fasse l'organisation du XXIème siècle, mais on est au XXIème siècle, pourquoi on ne le ferait pas ? Qu'est-ce qu'on dit ? Sur la justice, il n'y aura pas la paix. Sans la moralisation du capitalisme financier, on n'aura pas la croissance. Alors sur tous ces thèmes, la France prendra des initiatives, mais de la même façon que je l'ai fait pour le traité simplifié ou pour le groupe des sages, moi, je préfère lancer une idée, que cette idée rassemble le consensus autour d'elle, et une fois le consensus rassemblé, on définit ensemble les modalités de cette idée.
Prenez l'affaire du groupe des sages sur l'Europe, qui maintenant est une chose qui semble vraiment être acceptée. Si j'avais présenté cette idée en donnant le détail du groupe des sages, le nombre exact, la durée du mandat, la composition, on ne l'aurait pas eu. Je préfère de beaucoup mettre cette idée sur la table, laisser l'idée mûrir et chacun donne son opinion sur le contenu. C'est comme cela que l'on fait avancer. Eh bien, c'est pareil pour l'affaire de la rente. Ce n'est quand même pas rien que le Président de la République française dise : « cette économie internationale de la rente, cela ne peut pas durer ». Ecoutez, si vous considérez que ce n'est que des mots, vous savez que les mots ont fait changer des réalités. Je dis aussi qu'il faut payer les matières premières au juste prix. Ce n'est pas rien, c'est une prise de position forte pour un pays qui, justement, n'a pas de matière première. C'est quand même quelque chose d'important.
QUESTION - Monsieur le Président, sur la Birmanie, aujourd'hui George W. BUSH impose des sanctions, est-ce que vous allez faire la même chose ?
LE PRESIDENT - Il y a même des sanctions européennes. Je me mettrai dans le cadre européen.
QUESTION - Est-ce que M. le Président vous reprenez à travers votre discours d'aujourd'hui une ligne plus traditionnelle de la diplomatie française après l'infléchissement sur l'Iran dont nous avons largement parlé ?
LE PRESIDENT - Je ne sais pas. Si vous trouvez que mon discours a été traditionnel, c'est sévère pour le discours, et c'est généreux pour la tradition. Franchement, ce n'est pas si facile de poser les termes d'un discours qui essaye de faire bouger les lignes dans le cadre forcément contraint d'une Assemblée générale des Nations Unies, ce n'est pas évident, ce n'est pas si simple. En tirer la conclusion que l'on est revenu, avec Monsieur KOUCHNER, dans le lit traditionnel de la diplomatie française, bon, c'est sévère, mais comme je sais que c'est plein d'affection aussi, je prends cela comme un appel à faire mieux. J'ai essayé de plaider des idées qui sont les nôtres, et de donner à la France la place qu'elle doit avoir dans le monde. La France doit apporter de nouvelles idées, elle doit faire bouger les lignes, elle doit parler à tout le monde, c'est l'idée qu'on se tue à défendre, Monsieur KOUCHNER et moi. La France est fidèle à ses alliés, à ses valeurs, mais la France veut parler à tout le monde. La France, oui, invite Hugo CHAVEZ en France. Elle parle à tout le monde, justement parce qu'elle est fidèle à ses valeurs et à ses amitiés, et qu'elle n'a pas à s'excuser. Je veux être à la fois celui qui est intraitable sur le nucléaire militaire iranien et celui qui porte le nucléaire civil pour des pays qui ont besoin de l'énergie du futur. Cela a été l'un des thèmes de discussions que nous avons eu hier au dîner de M. BAN Ki-Moon.
QUESTION - Une invitation d'un Président iranien par exemple dans une université française serait possible ?
LE PRESIDENT - Vous savez, depuis que l'on a fait voter l'autonomie, c'est à eux d'en discuter. Mais le pays qui revendique la liberté d'opinion et qui s'inspire de Voltaire- « je ne partage pas vos convictions, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer,- on ne peut pas non plus leur en vouloir. Après, les conditions d'organisation, je n'ai pas, moi, à en porter jugement. Mais qu'est-ce que c'est que les Nations Unies ? Je peux dire que le nucléaire militaire c'est inacceptable avec le Président iranien dans la salle. C'est cela les Nations Unies, que voulez-vous que je vous dise ? Et c'est cela qui est merveilleux dans les Nations Unies, c'est cela qui est irremplaçable. C'est que quelqu'un, un chef d'Etat, peut monter à la tribune en disant « c'est inacceptable le nucléaire iranien », avec le Président iranien dans la salle. C'est cela qui est extraordinaire, c'est cette enceinte ou chacun est obligé d'écouter l'autre à défaut de l'entendre. Eh bien moi je crois que c'est extrêmement important de renforcer l'action des Nations Unies et le cadre multilatéral. D'ailleurs les évolutions du Président BUSH sur la question me semblent positives.
Merci