11 septembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les priorités de la politique agricole, notamment face aux défis de la mondialisation, à Rennes le 11 septembre 2007.

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
C'est une joie sincère pour moi de vous retrouver à l'occasion de cette vingtième et unième inauguration du SPACE, auquel je suis déjà venu, en compagnie de Michel BARNIER, dont je veux saluer l'engagement pour défendre les intérêts de l'agriculture auprès de la Commission et de nos partenaires européens.
En répondant à votre invitation, j'ai voulu dire à tous nos concitoyens que la France a besoin de ses agriculteurs et de ses entreprises agro-alimentaires. Je veux donc vous remercier pour le travail que vous accomplissez chaque jour au service de l'économie de notre pays, qui contribue puissamment à l'équilibre de nos territoires.
La France doit être fière de ses agriculteurs et de ses campagnes. Les territoires ruraux, longtemps victimes de l'exode rural, connaissent aujourd'hui une augmentation de leur population. Quant à l'agriculture française, elle a opéré depuis la seconde guerre mondiale une révolution sans précédent, évoluant en l'espace de cinquante ans davantage qu'en plusieurs siècles, et se hissant au premier rang européen et au deuxième rang mondial.
Je veux dire mon estime à Jean Michel LEMETAYER qui vous représente avec tant de force et d'énergie, je le sais, mon estime à la FNSEA qui oeuvre pour défendre la place de l'agriculture française en Europe. La France a besoin d'organisations syndicales qui construisent l'avenir.
Je veux le remercier de son invitation qui me donne donc l'occasion de m'exprimer sur la place de l'agriculture dans notre pays et sur la manière dont j'entends porter une nouvelle ambition pour ce secteur, qui est à mes yeux, stratégique. Je suis très heureux de le faire en Bretagne, une région où, s'appuyant sur les ténacités et les qualités de courage, de travail, et d'anticipation de sa population, l'agriculture a toujours joué ici un rôle déterminant. Pierre MEHAIGNERIE, longtemps Ministre de l'Agriculture, ne me contredira pas.
Mesdames et Messieurs, je vais donc vous parler avec franchise.
Pendant longtemps, on a parlé au monde agricole en égrenant de vaines promesses à l'aune de négociations communautaires, on refusait d'admettre la réalité, tout en sachant l'issue prochaine : certaines filières ont pu tirer le meilleur parti de la politique agricole commune, tandis que d'autres se trouvent devant de très lourdes, Monsieur le Président, difficultés.
Parce que je vous respecte, parce que nous partageons les mêmes valeurs, je n'ai d'autre choix aujourd'hui que de vous tenir le langage de la vérité, qui est le langage que je tiendrai tout au long de ces cinq années de mon quinquennat, à tous les Français.
La vérité c'est que notre agriculture européenne fait face à des difficultés toujours croissantes :
D'abord les aléas climatiques qui se multiplient en Europe et dans le monde. Je pense tout particulièrement aux agriculteurs de Martinique et de Guadeloupe, qui ont vu le 17 août dernier leur travail anéanti par l'ouragan Dean.
Je pense aux crises sanitaires, dont Michel BARNIER me parlait encore dans l'avion en venant - la fièvre aphteuse, l'influenza aviaire, la fièvre catarrhale, l'ovine - qui perturbent profondément les marchés européens et occasionnent des pertes croissantes et une crise de confiance à l'égard des consommateurs.
Ensuite, l'Europe est confrontée à une évolution de plus en plus désordonnée des prix agricoles. Qui aurait pu prétendre l'an passé que le prix de la poudre de lait augmenterait de 70% ? Que celui du blé augmenterait de plus de 50% ? Ces variations n'existent dans aucun autre secteur économique. Elles sont à l'origine de difficultés importantes pour les éleveurs de veaux de boucherie, pour les éleveurs de porcs, pour ceux de la volaille et cela crée aujourd'hui des inégalités croissantes de revenus entre agriculteurs.
Ces inégalités, on les retrouve pour vos anciens. Et là aussi j'ai envie de dire la vérité. Les retraites moyennes agricoles sont de moins de 400 euros par mois. Et ce n'est pas parce que les agriculteurs manifestent moins, en tout cas les retraités, que cette injustice est plus acceptable. Qui peut dire que c'est une situation digne et équitable, alors que le métier est par ailleurs si rude ? Et je pense aussi aux veuves. Oui, la vérité, c'est qu'il existe des régimes spéciaux de retraite qui ne correspondent pas à des métiers forcément pénibles et qu'il existe des métiers pénibles qui ne correspondent pas à un régime spécial de retraite. C'est la vérité.
Je vais changer cette situation parce qu'elle est indigne. La revalorisation des petites pensions et le maintien du pouvoir d'achat des retraités agricoles seront au coeur de la deuxième étape de la réforme des retraites en 2008. Je dirai ce que je pense de régimes spéciaux le 18 de ce mois. Un peu de méthode ne nuit pas à la solution d'un problème.
Enfin, l'agriculture doit aussi faire face à une raréfaction du foncier agricole. En France, on perd 60 000 hectares de terres cultivables chaque année. Est ce admissible quand on sait que la planète attend de la France qu'elle produise plus ? Car c'est bien de cela dont il s'agit ! La France doit produire davantage.
Regardons les choses en face : les capacités de notre planète sont déjà très largement exploitées, et pourtant il y a 800 millions de personnes qui meurent de faim. D'ici à 2050, il y aura trois milliards d'êtres humains en plus. Le changement climatique s'accélère, la question de l'eau devient chaque jour plus lancinante. Face à la raréfaction des énergies fossiles, l'après-pétrole a déjà commencé. Ce sera l'un des grands problèmes du siècle. Il se trouve que l'agriculture en Europe est au coeur des défis du XXIe siècle.
L'agriculture n'est pas une nostalgie, l'agriculture n'est pas seulement une tradition. L'agriculture ce n'est pas le passé, l'agriculture est au coeur des défis de la planète de ce siècle : le défi alimentaire, le défi environnemental et le défi énergétique. Voilà trois défis où l'agriculture est au coeur, voilà trois raisons d'espérer dans l'avenir de l'agriculture.
Ma conviction, c'est que ces défis, la France est l'un des pays les mieux placés au monde pour les relever. Ce qu'il nous faut, c'est quoi ? Une nouvelle ambition pour l'agriculture en France et en Europe.
Je veux construire une agriculture de premier plan en France et en Europe.
Pour des raisons d'indépendance et de sécurité alimentaires : l'approvisionnement des européens ne peut pas dépendre de pays étrangers, au surplus exposés à des crises sanitaires ou des aléas climatiques sur lesquels nous n'avons aucune maîtrise.
Pour des raisons économiques ensuite : parce qu'avec 39,3 milliards d'euros d'exportations, 1,6 millions emplois, une balance commerciale qui dépassera les 9 milliards d'euros cette année, on ne va quand même pas abandonner un secteur économique, car l'agriculture, est un secteur économique qui nous crée un excédent commercial, alors que l'on a tant d'autres secteurs qui nous créent des déficits commerciaux. Cela serait quant même une drôle d'idée que de tourner le dos à un secteur qui nous permet d'exporter. L'agriculture, la pêche, l'industrie agro-alimentaire de notre pays sont des piliers essentiels de notre économie, ce sont des secteurs qui créent des richesses. Ils constituent un atout vital pour notre croissance économique.
Pour des raisons d'équilibre de territoires ensuite. Notre agriculture est la base de l'équilibre et de la vitalité du monde rural. Un monde rural où l'on ne produirait plus, je dis les mots tels je les crois et je les pense, c'est un monde que l'on condamnerait. Le tourisme c'est formidable. Mais il n'y a pas de tourisme dans des régions où il n'y a plus de production et plus d'activité économique. Ce n'est pas le tourisme ou la production. C'est la production et le tourisme. Sans production il n'y a plus rien.
Pour des raisons environnementales enfin : l'urgence de la lutte contre le réchauffement climatique exige que nous progressions rapidement dans l'utilisation des énergies renouvelables. Or, notre agriculture peut y contribuer de trois manières.
Les biocarburants d'abord.
L'exploitation de la biomasse ensuite.
La chimie verte enfin : le papier issu du chanvre, le plastique produit avec de la fécule de pomme de terre, les solvants avec du tournesol··· Notre pays a tous les atouts pour exceller dans ces disciplines qui doivent concilier la puissance agricole, la puissance industrielle et la puissance scientifique.
Pour cela, je souhaite, et je n'ai pas changé depuis la campagne électorale. Et si un certain nombre de mes amis peuvent en porter témoignage, je veux que nos agriculteurs puissent vivre des prix de leurs produits plutôt que des subventions qu'on leur alloue.
La pensée unique me rappelait sans cesse pendant la campagne électorale que jamais les agriculteurs ne pourraient vivre de leurs prix, du fruit de leur travail. Aujourd'hui je dis à mes propres amis les faits m'ont donné raison. Je n'aime pas la notion de découplage qui fait que moins on produit, plus on touche de subventions. Ce n'est pas la conception que je me fais de l'agriculture française et du travail d'un agriculteur. Parce qu'un agriculteur c'est un producteur qui veut être rémunéré pour son savoir-faire, qui ne veut pas simplement être un assisté.
Pour la première fois depuis quarante ans, les prix mondiaux sont supérieurs aux prix européens dans de nombreuses productions. Cela n'était pas la peine de me traiter de démagogue, lorsque j'affirmais que la préférence communautaire devrait nous permettre de garantir des prix dignes aux producteurs. Ce que la volonté politique a refusé hier, ce sont les marchés qui l'imposent aujourd'hui. C'est donc que la question des prix est au coeur de la solution du problème agricole. Certains nous recommandaient d'attendre. Attendre ! Voilà la stratégie que l'on propose à notre pays depuis des décennies. Attendre la prochaine élection, attendre le prochain évènement, attendre le prochain Président. A force d'attendre, on ne fait qu'accumuler du retard. Alors là il fallait attendre. Attendre les conclusions du bilan de santé de la PAC en 2008. Attendre la négociation sur le budget de la PAC en 2009. Attendre la négociation sur l'avenir de la PAC en 2013. Moi je pose la question, pourquoi devrions-nous attendre ces rendez vous pour poser les principes d'une PAC renouvelée ? Je l'assume, je veux la rupture, la rupture avec le malthusianisme, la rupture avec le conservatisme, la rupture avec l'immobilisme, la rupture avec l'attentisme. Qui oserait se lever ici pour me dire l'année prochaine, cela sera plus facile de négocier ? Dans deux ans, cela sera plus facile de négocier. Dans trois ans, cela sera plus facile de négocier. Ma stratégie ce n'est pas d'attendre pour repasser "la patate chaude" aux autres. Ma stratégie c'est de faire ce que les Français m'ont demandé de faire : résoudre les problèmes pour mettre la société française dans une situation de modernité dans le monde d'aujourd'hui.
La PAC a été un formidable outil de modernisation. Mais les aides publiques représentent aujourd'hui près de la moitié du revenu des agriculteurs, parfois davantage. La réglementation tatillonne, d'origine française et communautaire, et les contrôles multiples ont transformé le travail de la terre en une gestion quotidienne de la paperasserie administrative. Et ainsi, le piège se referme sur nous. On ne veut pas vous donner des prix, ne vous inquiétez pas, dormez tranquille braves gens, on va vous donner des subventions. Une fois que l'on vous a donné des subventions, on vous dit, cela coûte trop cher, donc on fait des contrôles. Pour renforcer les contrôles on fait de la paperasse. Cela tourne ainsi, on n'est plus agriculteur, on répond à des papiers. On s'excuse de surcroît de faire un métier dont on a besoin. Je ne veux pas de cette orientation.
Alors la PAC, je la souhaite nouvelle, parce que je n'ai pas l'intention de laisser tomber les agriculteurs qui ne veulent pas être des assistés, des agriculteurs qui ne veulent pas vivre de subventions, des agriculteurs qui ne veulent plus être contrôlés sur la longueur du poil de leurs animaux !... Si l'on cherche à créer des nouveaux emplois, j'ai des idées, mais pas dans ce secteur. Je veux dire la longueur du poil de l'animal. Je le dis, là encore, c'était : "vous comprenez, mais Nicolas, il ne faut pas parler de cela parce que c'est un tabou. Ah bon, eh bien on va en parler.
La PAC telle qu'elle existe aujourd'hui ne peut pas répondre aux défis de l'après 2013. Tout le monde le sait, personne ne le dit. Dormez tranquille, 2013 c'est loin. Quand 2013 arrivera qu'est ce que l'on fera ? Qu'est-ce que feront vos enfants ? Et qu'est-ce que vous ferez vous-même ? Et ce n'est pas une discussion technique, dans le cadre du bilan de santé de la PAC, sur les fameux « droits à paiement unique », le « découplage » ou la « modulation » des aides qui permettra de répondre à ces objectifs. A force de truffer la politique agricole commune de termes incompréhensibles, plus personne ne porte d'ambitions. Sans qu'elle signifie un rejet du passé la refondation de la PAC est indispensable pour rendre de nouveau légitime cette politique.
Je veux donc préparer à l'occasion de la présidence française de l'Union européenne un nouveau cadre politique pour notre agriculture en Europe, basée sur des principes fondamentaux.
La politique agricole commune doit répondre à quatre objectifs :
. assurer l'indépendance et la sécurité alimentaire de l'Europe. Objectif stratégique essentiel et nous n'avons pas à nous excuser de vouloir nourrir les Européens de façon indépendante et saine.
. contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux
. préserver les équilibres de nos territoires ruraux
. participer à la lutte contre les changements climatiques et à l'amélioration de l'environnement.
Voilà, les principes fondamentaux.
La PAC, je dois prendre mes responsabilités, doit être établie selon un principe indiscutable de préférence communautaire, qui recouvre des objectifs rénovés, des outils et un budget ambitieux pour répondre à ces objectifs. Qu'on ne s'y trompe, je serai intransigeant sur cette question lors des prochaines discussions sur le budget communautaire. La préférence communautaire, ce n'est pas un gros mot. D'ailleurs, si l'on ne préfère pas l'Europe, je me demande pourquoi on l'a fait, l'Europe. J'ajoute qu'avec le Traité simplifié, j'ai suffisamment contribué à la relance pour ne pas à m'excuser de défendre l'indépendance alimentaire de la même Europe.
Premièrement, j'y reviens, il faut que nos agriculteurs puissent vivre des prix de leurs produits, de leur production et de leur travail, par une véritable politique communautaire de stabilisation des marchés.
Notre environnement évolue. Il nous faut donner aux chefs d'entreprise que vous êtes les moyens de vous prémunir des conséquences désastreuses des risques climatiques et sanitaires. Pour ce faire, je demande à la Commission européenne de mettre en place sans délai un dispositif performant de gestion des risques et des aléas. Parallèlement, j'ai demandé à Michel BARNIER de définir avec Christine LAGARDE, avant la fin de l'année, les conditions d'une généralisation des mécanismes de gestion des risques, à l'ensemble de nos exploitations, à partir de l'expérience de l'assurance récolte. Dans le même esprit, je souhaite que l'on créé un fonds d'intervention sanitaire qui permettra par exemple de répondre aux préoccupations qui sont les nôtres en matière de fièvre catarrhale ovine.
Vivre des prix et de la production, c'est aussi mieux s'organiser. Je souhaite renforcer l'organisation commerciale de l'offre, en particulier dans le secteur ovin, dans le secteur des fruits et légumes et du vin, et assurer le développement des interprofessions. Je souhaite conforter le tissu d'industries agro-alimentaires en vous permettant d'y prendre des participations par l'intermédiaire de fonds. Pour ce faire, je demande à Michel BARNIER de prendre l'initiative d'un mémorandum que nous transmettrons avant la fin de l'année à la Commission européenne pour s'adapter et pour adapter le droit de la concurrence dans un esprit de responsabilités des organisations commerciales et dans l'intérêt des consommateurs.
Vivre des prix signifie aussi que chacun doit jouer le jeu de la concurrence. On nous parle aujourd'hui d'augmentation de certains prix alimentaires à la consommation, alors que cela fait plus de dix ans que les prix à la production ont diminué. Est il admissible qu'en près de 40 ans, les prix agricoles ayant été divisés par deux, ceux de nos aliments n'ont baissé que de 14%. La plus-value est bien passée quelque part ! La réponse est que ce n'est pas admissible et que l'Etat interviendra.
C'est pourquoi dans le cadre de la réforme de la loi Galland, que j'ai demandé au Gouvernement d'engager, un cadre spécifique sera réservé aux produits agricoles afin que les agriculteurs bénéficient d'une juste rémunération. Il n'y a pas de contradiction entre une valorisation correcte des produits et une baisse générale des produits de grandes marques.
Tu as dit qu'être agriculteur ou être Procter and Gamble, ce n'est pas la même chose. C'était bien vu, parce que c'est vrai.
Je souhaite que la PAC participe aussi à renforcer l'innovation et la recherche dans le domaine agro-alimentaire.
Deuxièmement, il nous faut soutenir une agriculture qui participe au développement durable de notre pays, et assure la qualité sanitaire de nos produits par une véritable politique d'alimentation.
En matière alimentaire, les Français sont de plus en plus exigeants sur la qualité nutritionnelle des produits et leur sécurité sanitaire. Nous prendrons une initiative communautaire pour renforcer les contrôles aux frontières de l'Union européenne pour s'assurer que les produits agricoles et agro-alimentaires importés sont au niveau de ceux produits en Europe. Moi, je ne comprends pas cela. On ne peut pas imposer des règles à nos producteurs et, en même temps, faire rentrer, en Europe, des produits qui viennent de pays où il n'y a pas de traçabilité et de respect minimum de règles alimentaires. La concurrence doit être la même pour tous. Si nos producteurs et nos éleveurs doivent respecter une réglementation pour assurer la sécurité alimentaire, je demande que les importations en Europe soient soumises aux mêmes règles. Si on n'est pas au même niveau, on n'est pas accepté sur le marché européen.
La qualité de l'environnement est la préoccupation quotidienne des agriculteurs. Avec le Grenelle de l'Environnement, je souhaite aller au fond des débats sans tabou. Dans ce domaine, les chantiers sont multiples et ils nous offrent autant de leviers pour agir avant la fin de l'année, et confirmer le mouvement engagé par les agriculteurs eux-mêmes vers une agriculture durable.
Il est indispensable de définir un nouveau plan de réduction de l'utilisation des engrais et des pesticides, afin de préserver la santé de leurs utilisateurs. Je voudrais d'ailleurs dire à l'ensemble de la communauté internationale que les agriculteurs sont les premières victimes et non pas les premiers coupables.
Je souhaite par ailleurs engager un véritable plan de valorisation de la biomasse qui permettra d'accompagner les exploitations agricoles vers une plus grande autonomie énergétique.
Enfin, la recherche publique en biotechnologies constitue un élément essentiel du développement de notre agriculture. En matière pharmaceutique par exemple, 1 médicament sur 6 est issu du génie génétique et 60% des nouveaux médicaments font intervenir les biotechnologies. Il faut renforcer dans les domaines de l'alimentation, de la chimie verte et des biotechnologies, la recherche.
Enfin, la France se battra en Europe pour qu'une véritable politique de cohésion territoriale soit mise en oeuvre :
Je souhaite renforcer le soutien assuré au développement des territoires, engager une réforme des soutiens aux productions valorisant l'herbe. Je veux conforter les bassins de productions menacés et les zones de handicaps naturels par une véritable démarche de développement territorial.
Il nous faut poursuivre la politique d'aide à la création d'entreprises agricoles, car ce sont bien des entreprises. Il se trouve qu'elles sont agricoles mais elles sont d'abord des entreprises, de formation par l'enseignement d'excellence qu'est l'enseignement agricole, et d'installation des jeunes qu'il convient de poursuivre avec vigueur, Monsieur le Président. Parce qu'à quoi servirait-il de dire que l'agriculture a un avenir, si les jeunes ne peuvent plus s'installer ? Nous avons besoin de jeunes agriculteurs en masse, chaque année, pour assurer l'avenir de notre agriculture. Tout ceci me permet de dire qu'un agriculteur sur deux qui part à la retraite et qui n'est pas remplacé, c''est incompatible avec une demande mondiale de produits agricoles qui va augmenter et à laquelle la France doit pouvoir répondre.
Ce cadre politique servira de base aux prochaines discussions sur l'avenir de la PAC. La révision générale des politiques publiques nous permettra, dès 2008, de moderniser nos structures et d'améliorer les services rendus aux agriculteurs.
La France va donc prendre très vite l'initiative sur la scène internationale pour porter ce nouveau cadre. Les conditions sont réunies : la France a regagné sa place en Europe.
Le traité simplifié sur lequel nous nous sommes mis d'accord le 23 juin dernier, témoigne du renouveau de l'esprit européen, du renouveau d'une volonté européenne commune, d'une volonté plus forte que les égoïsmes nationaux, plus forte que les susceptibilités nationales. Cette volonté est bien sûr nécessaire pour engager une véritable discussion sur l'avenir de la PAC.
Mes chers amis, je ne me résigne à rien, je n'accepterai pas que l'Europe soit bureaucratique et technocratique, je veux qu'il y ait de la responsabilité politique, je veux que nous autres, les responsables politiques, arrêtions de nous cacher derrière une bureaucratie pour s'excuser de ce qui fut notre lâcheté. Parce que si la Commission a fait des choses qui ne vous plaisaient pas, c'est parce que, un moment donné, des responsables politiques l'ont accepté. Cela ne sert à rien d'accuser les uns, quand on n'est pas capable d'assumer sa propre responsabilité. S'il y a des problèmes, j'en assumerai la responsabilité. Je veux que l'on arrête d'en faire un bouc émissaire. Je veux prendre des initiatives fortes pour reconstruire une politique agricole en assumant les choix, difficiles parfois, qu'il faudra faire.
Je souhaite que la France ouvre dès le début de la présidence française de l'Union européenne, c'est-à-dire deuxième semestre 2008, une discussion sur les principes fondateurs de la politique agricole commune de 2013, à l'occasion d'un grand débat d'orientation sur l'avenir des politiques communautaires et de leurs financements.
Ce travail, Michel, il faudra le préparer dans le cadre des assises de l'agriculture avec les organisations professionnelles agricoles.
En second lieu, les négociations au sein de l'OMC doivent repartir sur des bases saines et des objectifs clarifiés. Je m'opposerai fermement à tout accord qui ne servira pas les intérêts de notre pays, parce que c'est le mandat que j'ai reçu.
Je le dis clairement : si l'Europe renonce à défendre son agriculture de production, son alimentation, si l'Europe renonce à protéger la qualité sanitaire et environnementale quand toutes les autres régions du monde se défendent et se protègent, si l'Europe renonce à agir et se contente de subir quand la chambre des représentants américains vote la continuité des mécanismes actuels de soutien, alors à quoi cela sert il de construire une politique agricole ? Je ne serai pas l'homme de l'abandon. Que les choses soient claires. Je crois dans la mondialisation. Je crois dans la concurrence. Je crois dans l'économie du marché. Mais je demande la réciprocité et la fin de la naïveté.
L'état des négociations doit nous conduire à mener une réflexion approfondie au niveau de l'Union européenne, mais sans doute aussi à l'OMC, sur l'avenir de la négociation, car il est difficile de continuer comme si de rien n'était. Nous nous éloignons toujours un peu plus de nos objectifs de départ dans ce cycle. Je ne vais pas employer la langue de bois. Les pays émergents considèrent qu'ils n'ont que des droits et aucun devoir dans le système commercial multilatéral. Or la réussite du cycle passe d'abord par eux.
Après sept ans de négociations, il convient peut-être de réfléchir à la meilleure manière de sortir de la logique actuelle de la négociation, afin d'y réintroduire des sujets importants pour l'Union, comme les règles relatives à la défense commerciale, l'investissement et la suppression des obstacles non tarifaires.
Je dis les choses de la façon la plus claire : dans cette négociation internationale, la France exige de la réciprocité, la France exige de l'équilibre, la France exige de la préférence communautaire. Je l'ai dit à un homme pour qui j'ai amitié et admiration, José Manuel BARROSO, je l'ai dit à un certain nombre de nos grands partenaires : l'Inde, le Brésil, la Chine, l'Argentine. L'Europe ne fera plus preuve de naïveté. Je le dis comme je le pense. Des grandes nations émergent, elles veulent les droits des grandes nations, mais elles doivent accepter les devoirs des grandes nations. On ne peut pas avoir les droits sans les devoirs.
Je pense que l'on ne peut plus continuer à imposer à nos entreprises agricoles le dumping environnemental, le dumping social, le dumping fiscal, et maintenant le dumping monétaire.
Mes chers amis, vous l'aurez compris, je veux avec vous porter une nouvelle ambition pour l'agriculture en Europe. Je veux une agriculture de production, de premier rang, où chaque agriculteur puisse vivre dignement de son travail.
Je voudrais vous dire très simplement que je suis effectivement issu d'un milieu urbain, que j'y ai fait toute ma carrière politique.
Mais ce n'est pas parce que l'on est urbain, que l'on n'est pas capable d'être à l'écoute du monde agricole. Parce que les valeurs qui sont les vôtres, ces valeurs qui irriguent en profondeur la société française, le travail, la ténacité, le courage, la liberté, le pragmatisme, le souci de construire et le souci de transmettre, je les partage ces valeurs au plus haut degré.
Vous connaissez ma détermination à respecter les engagements que je prends.
Je sais qu'en conjuguant vos énergies, vos talents, vos imaginations, la France agricole peut regarder le futur avec confiance.
La France a un lien charnel avec son agriculture, avec sa terre. Le mot "terre" a une signification française et j'ai été élu pour défendre l'identité nationale française. Et dans cette identité nationale française, il y a le rapport des Français avec la terre, avec leurs ancêtres, avec leurs grands-parents. Toutes les familles de France ont des grands-parents qui, à un moment ou un autre, ont travaillé la terre. L'agriculture a façonné nos paysages. L'agriculture a donné à notre patrie une partie de son âme. C'est avec ses convictions à l'esprit que nous allons ensemble oeuvrer pour l'avenir. Croyez bien que je dirai toujours ma part de vérité. Je crois en votre avenir. Je vous défendrai mais je vous demanderai aussi de laisser de côté des frilosités et des habitudes qui ont porté atteinte à la modernité de l'agriculture française. Je serai pour vous un partenaire exigeant mais loyal. Je ne vous mentirai pas. Je ne vous trahirai pas pour une raison simple, c'est que je n'ai pas l'intention de vous décevoir. Je vous remercie.