3 septembre 2007 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur la lutte contre la maladie d'Alzheimer, à Paris le 3 septembre 2007.

Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Monsieur le Président de la Commission du Plan Alzheimer,
Mesdames et Messieurs les membres de la commission,
Je suis heureux de marquer, en vous réunissant pour l'installation de la commission présidée par le Professeur Joël MENARD, mon engagement personnel dans la lutte contre la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. En vérité, je considère qu'il est de ma responsabilité de faire franchir un pas décisif à notre action collective face à ces maladies et à leurs conséquences.
Pourquoi ? La maladie d'Alzheimer touche plus de 850 000 personnes en France. Elle fait 225 000 nouveaux cas par an. Une augmentation de 10 ans de notre espérance de vie quadruple la probabilité de survenue de la maladie. Il y a la froideur de l'arithmétique. Il y a aussi les réalités humaines. C'est une maladie qui frappe quasiment toutes les familles. Mais la maladie d'Alzheimer est plus qu'une maladie. Fille de la longévité, elle est un mal inexorable qui fait des femmes et des hommes qui en sont affectés ni plus ni moins que des « emmurés vivants ». La maladie d'Alzheimer pèse aussi sur les proches, en leur apportant son lot de souffrances quotidiennes. Face à cette maladie dont nous connaissons encore peu de choses, nous devons réagir. C'est une mobilisation de la société tout entière, en réalité, que je veux susciter.
Nous devons être lucides sur l'enjeu que représente pour notre société la lutte contre la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées. Les malades et leurs familles, de plus en plus nombreux, auront besoin d'un soutien efficace et respectueux de la dignité des personnes. Je veux que chacune des personnes touchées puisse être accueillie, soignée et traitée correctement. Je veux que les proches qui en prennent soin soient mieux aidés. Je veux redonner espoir à ceux qui pensent qu'ils ne peuvent plus rien. Nous ne serions pas fidèles à nous-mêmes et à nos valeurs s'il devait en être autrement. C'est l'honneur d'une civilisation d'aider ceux que la maladie détruit à petit feu.
Je veux un Plan Alzheimer à la hauteur de cet enjeu national. C'est pour cette raison que le Plan Alzheimer sera adossé à des ressources nouvelles apportées par la franchise médicale.
Certes beaucoup a déjà été écrit et fait sur la maladie d'Alzheimer. Les deux plans de 2001 et 2004 ont donné un statut à la maladie, qui entre désormais dans la catégorie des affections de longue durée. Ils ont créé les consultations mémoire et les centres mémoire de ressources et de recherche pour le diagnostic. Les unités Alzheimer se développent dans les établissements d'hébergement. Les associations ont ouvert des accueils de jour et des haltes-relais afin de donner du temps aux familles pour souffler. La connaissance de la maladie et les traitements, encore insuffisants, ont progressé. Les fondations de la lutte contre la maladie ont été posées. Il reste la tâche immense de mieux répondre aux attentes des malades et des familles et de préparer l'avenir avec la perspective d'un traitement.
Les travaux que vous allez mener, Professeur, avec les membres de la commission, doivent aboutir à un plan qui ne sera pas seulement la continuité des plans précédents. Je souhaite que les objectifs du plan Alzheimer que vous me proposerez expriment cette différence. Il faut pour cela que vous mobilisiez autour de votre commission les meilleurs experts du monde médical et scientifique et les personnes les plus ouvertes à la souffrance des autres.
En premier lieu, vos travaux doivent être guidés par l'objectif de mieux connaître et mieux diagnostiquer la maladie. La recherche doit occuper une place privilégiée dans vos travaux. Les efforts de recherche doivent être stimulés et fédérés, dans le domaine de la recherche fondamentale comme de la recherche clinique. Toutes les pistes de recherche doivent être explorées, sans exclusive. Je souhaite que ces efforts permettent la découverte ou la validation d'un diagnostic et d'un traitement en France. Le Plan Alzheimer est l'occasion de démontrer l'excellence de la recherche française, de la rendre plus compétitive et de catalyser toutes ses énergies, quelle que soit l'entité juridique qui les abrite.
J'ai besoin, pour comprendre et pour suivre, que vous proposiez des mesures d'organisation d'un véritable suivi épidémiologique de la maladie d'Alzheimer et des maladies apparentées. Il est indispensable que l'évolution du nombre de malades soit connue avec précision.
Les progrès qui seront accomplis dans la connaissance et le diagnostic de la maladie modifieront à coup sûr notre regard sur la maladie. J'attends aussi du Plan Alzheimer qu'ils nous conduisent à parler autrement aux malades et de la maladie. Changer notre regard et nos mots, c'est en soi un soutien et une aide pour les malades.
Je vous demande, en second lieu, de concevoir des actions qui améliorent concrètement la qualité globale de la prise en charge de la maladie et de ses conséquences. Car enfin, à quoi sert un diagnostic précoce si les traitements ne changent pas l'évolutivité de la maladie et si les modes de prise en charge conservent leurs insuffisances actuelles ? Nous devons une réponse de qualité à des personnes qui seront malades pendant plusieurs années, parfois plusieurs décennies. La maladie d'Alzheimer est une maladie chronique invalidante, tirons-en les conséquences. Il faut donc maintenir dans la durée la qualité de la prise en charge, à tous les stades de l'altération des fonctions cognitives. Sur le point crucial de la qualité de la prise en charge, vos travaux devront fournir des pistes pour la mesurer et la rendre transparente pour tous. Toute sa place doit être faite à la question des nouveaux métiers nécessaires à la satisfaction de ces nouveaux besoins. Un effort de formation considérable est la condition du développement de ces nouveaux métiers.
Vous apporterez une attention particulière, en troisième lieu, à la liberté de choix des malades et de leurs familles. Je souhaite en particulier que le choix du maintien à domicile, quand il est possible, soit respecté. Dans cette perspective, vous ferez des propositions permettant de renforcer la continuité et l'équité territoriale de la prise en charge. La liberté de choix des malades et des familles est une chimère sans un dispositif crédible de communication et d'orientation à leur profit. Trop souvent, les familles, quand la maladie est diagnostiquée, ne savent pas vers qui se tourner. Il est essentiel de guider les malades et familles dans leurs parcours.
Vous devrez, enfin, accorder la plus grande importance à l'objectif d'intégration de la recherche, des soins et de la prise en charge médico-sociale. C'est en cela, surtout, que le Plan Alzheimer se différenciera des dispositifs précédents. Vos propositions devront permettre d'accélérer le transfert des progrès de la recherche vers les soins et le transfert des observations de terrain à la recherche. La continuité de la recherche au parcours du patient est l'objectif principal que j'entends assigner au Plan Alzheimer. L'intégration recherche - santé - solidarité, ce sera la marque de fabrique du Plan Alzheimer.
Je souhaite que l'identité du Plan se perçoive également dans sa méthode. Je vous encourage à prendre en compte tous les points de vue. Je veux que vous preniez en compte les informations en provenance des acteurs de terrain, au contact du patient et de sa famille. La durée de votre mission étant courte, je vous invite à créer un forum sur Internet pour recueillir, dès que votre travail de propositions sera terminé, les avis des professionnels et des Français.
Naturellement, l'évaluation sera au coeur de la méthode du Plan Alzheimer. Vous formulerez des propositions précises en matière d'évaluation des mesures et des résultats du Plan. En particulier, des critères objectifs de qualité de la recherche, des soins et de la prise en charge médico-sociale devront être sélectionnés et rendus transparents. L'évaluation doit être faite par un collège de personnalités de disciplines et de nationalités différentes. Elle doit être l'occasion de comparer le Plan Alzheimer aux initiatives des autres pays. L'exigence d'évaluation est une exigence d'excellence, je sais que vous en êtes convaincus.
Je vous demande de proposer des mesures opérationnelles, chiffrées, identifiant clairement le responsable de leur mise en oeuvre. L'exigence de résultats doit inspirer l'ensemble de vos travaux.
Je souhaite que vous me présentiez le Plan Alzheimer pour le 1er novembre prochain. Ensuite, une phase de dialogue pourra intervenir entre les associations de malades et les professionnels et les ministères chargés de la mise en oeuvre de vos propositions. Votre mission doit marquer le point de départ d'un dialogue permanent et continu avec l'ensemble des acteurs de la lutte contre la maladie.
La mise en oeuvre du Plan Alzheimer débutera le 1er janvier 2008. J'ai souhaité, vous le savez, que vous me soumettiez des premières orientations pour le 21 septembre, date de la journée mondiale de la maladie, dont le thème cette année porte sur les jeunes malades.
Je veux vous remercier, Professeur, Mesdames et Messieurs, du temps et de l'expérience que vous allez consacrer à une action déterminante pour la santé des français et la vie des familles.