30 août 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les priorités en matière de politique économique et européenne en faveur de la croissance économique et du plein emploi, à Jouy-en-Josas le 30 août 2007.
Mesdames et Messieurs,
C'est une joie pour moi de vous retrouver à l'occasion de cette université d'été du MEDEF.
C'est un moment important puisque c'est la première fois que je suis amené à prendre la parole devant les chefs d'entreprises de France depuis que j'ai été élu président de la République.
En répondant à votre invitation, j'ai voulu exprimer mon souhait que toute la Nation soit rassemblée derrière ses entreprises. J'ai voulu dire à tous les Français que notre pays a besoin de ses entreprises et de ses entrepreneurs.
Je veux donc vous dire publiquement mon amitié, mon admiration pour le formidable travail que vous accomplissez tous les jours au service de l'économie de notre pays. Je sais ce que vous doit l'immense effort de modernisation accompli par les entreprises françaises au cours des vingt dernières années.
Et puisque nous y sommes, je veux également dire mon estime à Laurence PARISOT, qui vous représente avec enthousiasme, intelligence et énergie, parce qu'elle fait tout pour réconcilier les Français avec leurs entreprises, là où tant d'autres essaient de les séparer, ce qui n'a pas de sens parce qu'il est quand même difficile de proposer des emplois à nos compatriotes sans défendre les entreprises de France.
Je veux donc la remercier de son invitation et dire à tous ceux qui ne m'invitent pas qu'il est difficile pour moi de venir si l'on ne m'invite pas.
Cela me donne l'occasion de m'exprimer sur la situation économique de notre pays et sur la façon dont j'entends y faire face alors que des turbulences financières menacent la croissance mondiale.
Je vais le faire sans détours.
Je vais le faire avec franchise.
Je veux d'abord vous dire que je n'ai pas changé en devenant président de la République. Je ne suis pas devenu adepte de la pensée unique.
Comment d'ailleurs espérer changer quoi que ce soit si l'on n'a pas le courage de bousculer des idées reçues qui font tant de mal à notre pays et à notre démocratie depuis tant d'années ?
Comment croire que l'on peut être capable de sortir de l'immobilisme si l'on n'a pas la volonté de s'extraire du conformisme ? Et le conformisme n'est pas toujours là où on croit qu'il est...
Comment réformer si l'on ne veut pas prendre le risque de la rupture ?
Le mot " rupture " ne m'a jamais fait peur.
Je me souviens encore de certains de mes propres amis tremblant -ils sont si sensibles- parce que j'avais prononcé le mot " rupture ". Ils me disaient : c'est une erreur. Changement, ce serait mieux ! C'est-à-dire l'odeur de la rupture, sans la rupture.
Moi, je n'ai pas peur de dire que je veux la rupture, la rupture avec les habitudes de pensée, avec les idées, avec les comportements du passé qui nous ont empêché d'avancer, de prendre notre avenir à bras le corps et de renouer avec la croissance.
Je veux la rupture avec l'idéologie de la fin du travail, avec cette idée fausse que pour donner du travail à tout le monde, il faut partager le travail.
Je veux la rupture avec cette politique de dévalorisation du travail qui, depuis 30 ans, s'efforce par tous les moyens d'empêcher les Français de travailler, qui démoralise et qui appauvrit les travailleurs de notre pays.
Si la France a moins de croissance que les autres, il y a une raison, c'est parce que nous travaillons moins qu'ailleurs. Si nous voulons créer des emplois et de la richesse, il faut travailler davantage.
Si cette idée gêne, j'en suis désolé, mais c'est la réalité et elle est incontournable.
Je veux la rupture avec cette façon absurde de penser qui oppose les entreprises aux ménages, les entrepreneurs aux salariés, le secteur privé au secteur public. Comme si nous n'habitions pas dans le même pays, comme si nos destins n'étaient pas liés.
Je veux la rupture avec ce conformisme intellectuel qui nous oblige à penser que l'économique et le social sont antinomiques.
Il est quand même difficile de partager des richesses que l'on n'a pas créées.
Je veux la rupture avec le malthusianisme, avec le conservatisme, avec l'immobilisme, parce qu'il n'y a pas de révolution économique qui ne commence par une révolution dans les esprits.
Il n'y a pas de dynamisme économique, il n'y a pas de croissance qui ne trouve son origine dans les mentalités, dans les valeurs, dans les croyances.
Nos blocages sont d'abord dans les têtes. Ils sont dans les préjugés, dans les a priori, dans le manque d'audace et, pardon du mot, dans le manque de courage d'une partie des élites françaises qui pensent que la France est rétive au changement, alors qu'eux-mêmes n'ont pas eu le courage de le proposer. La France n'est pas rétive au changement et à la modernité.
Cette rupture je la crois nécessaire.
Cette rupture je m'y suis engagé.
Cette rupture les Français l'ont approuvée.
Cette rupture je la ferai.
Je ne laisserai personne y faire obstacle.
Je ne laisserai personne l'édulcorer.
Je ne laisserai personne la dénaturer.
Cette rupture je la conduirai dans le dialogue, dans la concertation, dans la négociation, mais je la conduirai jusqu'au bout parce que c'est le mandat que les Français m'ont confié.
Je veux parler le langage de la vérité.
La vérité c'est que c'est le travail de tous qui fait la richesse de chacun.
La vérité c'est que lorsque les entreprises ont des difficultés, lorsqu'elles ne sont pas efficaces, lorsqu'elles ne sont pas compétitives, ce sont les ménages qui paient la facture parce qu'ils s'appauvrissent, c'est le chômage qui augmente, c'est l'exclusion qui s'aggrave.
La vérité c'est que lorsque la productivité diminue c'est le pouvoir d'achat qui diminue.
La vérité c'est que les entreprises ont tout intérêt à ce que l'Etat soit efficace et que l'Etat a tout intérêt à ce que les entreprises soient compétitives.
La vérité c'est que la productivité des services publics et la qualité des infrastructures augmentent la compétitivité des entreprises.
La vérité c'est que l'on ne peut pas durablement dépenser davantage que ce que l'on produit.
La vérité c'est que tout se tient. La compétitivité est globale, la productivité est globale et qu'il n'y a de véritable croissance économique que lorsque tous les secteurs s'entraînent les uns les autres, lorsque toute la société innove, lorsque tout le monde est tendu vers l'avenir, lorsque tout le monde investit.
Il nous manque un point de croissance pour résoudre nos problèmes, pour que l'avenir redevienne une promesse au lieu d'être une menace, pour que les enfants aient de nouveau le sentiment qu'ils vivront mieux que leurs parents.
Ce point de croissance, il ne viendra pas tout seul.
On demande toujours au Gouvernement ses prévisions de croissance. On ferait mieux de lui demander ce qu'il compte faire pour qu'il y ait le davantage de croissance. Je ne suis pas venu commenter la conjoncture. Je ne suis pas venu faire des prévisions.
Je suis venu vous dire que je n'avais pas l'intention d'attendre les bras croisés que la conjoncture internationale s'améliore.
On me dit qu'il faut en faire moins parce que la conjoncture se ralentit.
Moi je suis venu vous dire qu'au contraire ce ralentissement m'incite à en faire davantage.
Moins la croissance nous est donnée, plus il faut faire d'efforts pour aller la chercher. Je sais que la croissance ne se décrète pas. Mais elle ne tombe pas du ciel non plus.
Je ne suis pas partisan du laisser-faire. Je ne crois pas que la seule politique possible quand la croissance ralentit, c'est d'augmenter les impôts pour compenser la perte de recettes.
D'ailleurs, ils l'ont tellement fait avant nous, qu'à l'arrivée, ils ont eu l'augmentation des impôts et l'augmentation des déficits. Ne me demandez pas de faire la même chose que ce qui a été fait auparavant avec le désastre économique et financier que nous connaissons.
La croissance qui nous manque, je veux aller la chercher. Je veux aller la chercher non à l'extérieur de nous-mêmes mais en nous-mêmes. Il ne faut pas attendre que la conjoncture internationale nous l'apporte. Il nous faut la fabriquer avec nos talents, nos imaginations, notre audace et, encore une fois, avec notre courage.
Cette croissance, je veux le dire aux Français, nous la gagnerons en travaillant, en créant, en investissant, en prenant des risques, en nous réformant, en mettant en oeuvre une politique globale, en agissant sur tous les leviers, aussi bien en direction des entrepreneurs que des ménages, des entreprises que des administrations.
Mais pour réussir à entraîner les Français, il faut créer ce qu'il y a de plus difficile : la confiance. Mais il ne faut pas qu'ils aient le sentiment que l'on se moque d'eux.
Expliquer qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat en France, je vais vous dire les choses, c'est se moquer du monde.
Pour quelqu'un qui travaille dans une usine, qui, après trente ans passés dans cette usine, a 1200 Euros à la fin du mois, il ne faut pas s'étonner que lorsqu'il entend qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat, il soit décidé à ne plus voter ou voter pour le Front national, parce qu'il considère qu'on se moque de lui. Mettez-vous à sa place, travailler tout le mois, dur et à la fin ne plus rien avoir, que voulez-vous qu'il dise et pense ?
Expliquer que l'Euro -je prends mes responsabilités, j'ai voté pour l'Euro- n'a pas fait monter les prix, c'est se moquer du monde car un certain nombre de nos compatriotes ont bien vu que les indices ne bougeaient pas mais que les prix montaient.
Je ne veux plus que l'on se moque des Français avec des indices des prix qui ne veulent rien dire, qui ne mesurent pas le coût de la vie, qui n'ont aucun rapport avec la réalité vécue par les ménages. Parce que derrière cela, c'est la crédibilité de la parole de l'Etat qui est en jeu.
Les Français sont beaucoup plus intelligents, lucides et raisonnables qu'on ne le dit. Ils ne nous demandent pas de résoudre tous leurs problèmes tout de suite, mais au moins de les prendre en compte et que l'on se mette d'accord sur le diagnostic.
Il ne peut pas y avoir de confiance s'il n'y a pas de vérité.
Je veux que l'on dise la vérité aux Français. Cette question du pouvoir d'achat, je veux qu'on la prenne au sérieux.
J'ai voulu dès le début de l'été faire voter le paquet fiscal pour créer un choc de confiance. Car sans la confiance des Français il n'y aura pas de réformes ni de croissance.
Alors, grand débat, comme on les adore en France, était-ce une politique de la demande par opposition à une politique de l'offre ?
Voilà maintenant qu'il y a deux écoles. Etait-ce une politique visant à encourager la consommation au lieu de la production ?
Ce débat, à mes yeux, n'a pas beaucoup de sens.
Quand on améliore la rémunération du travail à travers les heures supplémentaires £ quand on encourage l'accession à la propriété à travers le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt £ quand on cherche à faire revenir les talents grâce au bouclier fiscal à 50% £ quand on encourage l'investissement dans les PME en l'exonérant de l'ISF : qui peut dire que c'est une politique de la demande plutôt qu'une politique de l'offre ? Qui peut dire que l'on encourage la consommation davantage que la production ? Qui peut dire qu'inciter les Français à travailler davantage pour gagner davantage ce n'est pas, aussi, une politique de l'offre ?
La politique des 35 heures, je ne sais pas si c'était de l'offre ou de la demande, ce que je sais c'est qu'à l'arrivée il y a plus de déficit, plus de chômage et moins de croissance. Voilà ce qui compte en vérité.
La seule chose qui compte, c'est que nous soyons efficace et donc pragmatique.
La politique que je veux conduire est une politique de l'offre et de la demande. C'est une politique de la compétitivité et du pouvoir d'achat.
J'aimerais d'ailleurs que l'on m'indique ce que serait la compétitivité des entreprises avec des salariés qui pensent qu'ils ne sont pas rémunérés pour le travail qu'ils font !
Depuis quand doit-on expliquer que la qualité de vie au travail, le bonheur des salariés au sein de l'entreprise ne font pas partie de la compétitivité de l'entreprise ?
Pourquoi opposer l'un à l'autre ? Dans mon esprit, le pouvoir d'achat et la compétitivité sont indissociables.
Alors, je vais aller beaucoup plus loin, même si cela bouge les habitudes, sur la concurrence, pour faire baisser les prix à la consommation, en intégrant toutes les marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte. Même si un dispositif particulier sera étudié pour les produits agricoles.
Je veux aller beaucoup plus loin dans l'assouplissement des 35 heures pour redonner des marges de manoeuvre plus importantes à la politique salariale. Sur ce sujet, je veux engager avec les partenaires sociaux une discussion sur la possibilité de donner une plus grande place aux accords de branches et d'entreprises.
Je veux aller beaucoup plus loin dans l'allègement de la taxation du travail pour rendre du pouvoir d'achat aux travailleurs.
Je veux aller plus loin dans la remise à plat de nos prélèvements fiscaux, dans la réforme fiscale.
Il faut dire la vérité aux Français : si l'on taxe trop le travail, il disparaît, si l'on taxe trop le capital, il s'en va.
Dans le monde tel qu'il est, taxer directement les facteurs de production, taxer directement le travail et le capital, c'est se condamner à moins d'emplois, à moins de production, à moins de croissance et donc à moins de pouvoir d'achat.
Il faut avoir le courage de le dire : la question de la taxe professionnelle, la question de la taxe sur les salaires et la question de l'assiette des cotisations sociales doivent être posées. Je les poserai pour apporter des réponses précises et trouver des solutions.
Je n'ai pas l'intention de commenter pendant les cinq ans de mon quinquennat les grands problèmes économiques de la France pour dire que l'on fera plus tard, nous allons agir tout de suite.
Il faut avoir le courage de le dire : nous ne pouvons pas continuer à taxer massivement le travail, l'investissement et la production de richesse plutôt que la richesse produite.
On me dit : la réforme fiscale c'est politiquement risqué. Mais le plus risqué c'est de ne rien faire.
On me dit : la réforme de l'Etat c'est dangereux. Mais c'est dans la maîtrise des dépenses publiques et l'amélioration de la productivité des services publics que l'on trouvera le plus de pouvoir d'achat à rendre aux Français et de réserve de compétitivité pour nos entreprises.
Je n'ai pas peur de la réforme de l'Etat parce que je crois que la France ne peut pas se passer d'un Etat fort et que l'Etat ne peut pas être fort s'il croule sous les dettes, s'il est étouffé par le poids de la bureaucratie, s'il n'a plus les moyens d'investir, s'il est paralysé par les dépenses du passé alors que lui-même a tant besoin d'investir dans les dépenses de l'avenir.
Je me suis fixé un objectif : que l'Etat consomme moins et investisse davantage.
Je me suis engagé à ne pas renouveler un emploi de fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Je n'y ai pas renoncé, je le ferai. Mais je veux expliquer que c'est la réforme qui permettra de diminuer le nombre de postes et non l'inverse, contrairement à ce que j'entends dire ici ou là.
Je ne suis président de la République que depuis quatre mois et je n'ai une majorité que depuis deux mois et demi. En décidant de ne pas remplacer un départ à la retraite sur trois dès 2008, on progresse vers l'objectif tout en se donnant le temps de réformer.
Comment voulez-vous supprimer des postes à l'Education nationale si nous laissons le même nombre d'heures de cours ?
Comment pourrais-je faire cette réforme entre la mi-juin et la fin août ?
J'aimerais que, là aussi, chacun réfléchisse. Je n'ai pas l'intention de laisser l'opposition profiter de ce qui serait une forme de caricature de nos idées.
Nous réformerons l'Etat, nous diminuerons les effectifs, ce ne sera pas le coup de rabot, ce sera la réforme de l'Etat qui produira cela.
En procédant avec détermination, avec méthode, en cherchant à faire des économies intelligentes plutôt que du rationnement, on peut inscrire la réforme de l'Etat dans la durée.
Cette réforme je la ferai avec les fonctionnaires. Par le passé, on a trop souvent voulu réformer sans eux et même contre eux. On a vu le résultat. Après tant d'échecs, tant de reculs, tant de renoncements, je vais changer de méthode. Il est temps de comprendre que la réforme est l'affaire de tous, que les efforts comme les bénéfices doivent être partagés.
La réforme, pour être acceptée, doit être juste. Elle doit être équitable.
Je sais qu'un certain nombre d'entre vous ont été troublé parce que j'ai dit pendant la campagne.
Si je l'ai dit, c'est que je le pense.
Il y a un certain nombre de comportements inadmissibles, d'une infime minorité. Je ne veux pas que toutes nos idées soient prises en otage par le comportement d'une minorité. Je ne le laisserai pas faire parce que je n'ai pas été élu président de la République pour soutenir le spéculateur ou le prédateur, mais pour soutenir le créateur et l'entrepreneur.
Voilà ma différence et je tenais à la faire partager.
Que celui qui a réussi ait une prime, très bien.
Mais que celui qui échoue en ait une, non, ce n'est pas la règle du jeu, ce n'est pas le système dans lequel nous voulons vivre, ce n'est pas la justice.
D'ores et déjà l'autonomie des universités a été votée, en quelques semaines et cela va tout changer. On me disait que c'était impossible : des universités dotées d'un président qui pourra diriger, des universités autonomes, toutes les universités. Eh bien, c'est fait !
La loi cadre sur le service minimum dans les transports a été adoptée. Elle va permettre que les usagers ne soient plus pris en otage et que ceux qui étaient contre l'assument devant l'opinion publique. On hésitait depuis des décennies. Eh bien, c'est fait !
Ce n'est qu'un début.
Je vous annonce que la comptabilité publique et la direction générale des impôts seront fusionnées. La DST et les Renseignements Généraux seront rapprochés. Toutes les structures seront simplifiées. Tous les organismes inutiles seront supprimés. Le nombre des directions d'administrations centrales sera divisé par deux. Toutes les politiques publiques seront passées en revue, toutes, sans aucune exception.
Et je veux encore aller beaucoup plus loin dans la culture du résultat et de la responsabilité.
Certes, l'Etat n'est pas une entreprise, mais il ne peut pas attendre des entreprises qu'elles soient performantes et innovantes et ne pas lui-même montrer l'exemple.
L'Etat n'est pas une entreprise, mais il doit être géré pourtant avec le même souci d'économie, d'efficacité, de rigueur, que n'importe quelle entreprise qui doit faire face à la pression de la concurrence et à celle de ses actionnaires.
Je veux placer au coeur de la réforme de l'Etat la lutte contre le gaspillage et contre la fraude. L'Etat n'a pas le droit de gaspiller un seul Euro, parce que l'argent public c'est celui de tous les Français qui travaillent dur pour gagner leur vie.
L'Etat ne peut pas non plus tolérer la fraude, car c'est encore le travailleur qui paye pour le fraudeur. J'irai aussi loin que possible dans la lutte contre la fraude. Un dispositif sera mis en place sans tarder. Et au coeur de la lutte contre la fraude, il y a la lutte contre le travail au noir et la lutte contre la contrefaçon.
L'enjeu de la réforme de l'Etat, ce n'est pas seulement la réduction des déficits et le désendettement, c'est aussi le pouvoir d'achat des Français. C'est davantage de moyens disponibles pour l'éducation, pour la recherche et pour l'innovation.
Si nous perdons la bataille de l'intelligence alors nous perdrons la bataille économique.
Si nous perdons la bataille de l'intelligence nous perdrons tout.
La croissance de demain est dans la révolution numérique, dans les biotechnologies, dans les énergies propres. Elle est dans les mains de nos chercheurs, de nos ingénieurs, de nos techniciens.
Dans l'économie globale, c'est celui qui travaille plus, qui investit plus que les autres et avant les autres, qui gagne.
Notre prospérité future dépend de notre capacité à réduire les dépenses du passé pour accroître nos dépenses d'avenir.
C'est pourquoi j'ai décidé que toutes les dépenses de recherche seraient désormais prises en compte dans le calcul du crédit d'impôt recherche, je dis bien toutes.
Je me suis d'ailleurs intéressé au système qui existait avant, j'ai compris pourquoi cela ne marchait pas. Il faut être polytechnicien, sorti dans la botte, pour comprendre les dépenses qui étaient éligibles de celles qui ne l'étaient point.
Désormais, c'est simple, tout sera éligible.
Par ailleurs, j'ai décidé que le taux de défiscalisation des dépenses de recherche sera triplé. Et en plus du triplement, la première année, pour encourager les entreprises, il y aura une majoration de 50%.
Que les choses soient claires, les entreprises qui veulent investir dans la recherche, nous allons les aider à fond.
Mais cela ne suffit pas. Je veux aussi que les procédures soient simplifiées.
Je ne peux pas accepter qu'il faille 6 mois à l'administration fiscale pour dire si un programme de recherche est ou non éligible. Je ne peux pas accepter non plus que la procédure soit tellement compliquée et tellement aléatoire qu'elle décourage les entreprises d'y recourir ou qu'elle les place en insécurité juridique.
Je veux en finir avec cette situation ubuesque où les mesures prises pour aider les entreprises deviennent pour elles des sources de difficultés et de risques supplémentaires, du fait de certaines pratiques de l'administration fiscale. Comme si l'administration cherchait à reprendre d'une main ce que le législateur avait donné de l'autre.
L'administration a parfaitement raison de poursuivre le fraudeur, mais l'entrepreneur, le salarié, le consommateur n'est pas par principe un fraudeur. Et dans les rapports entre les administrations, les entreprises et les contribuables, je ferai des propositions très innovantes en la matière.
Les Français doivent avoir confiance en leur administration et l'administration doit faire confiance aux entrepreneurs.
Que l'on soit très sévère avec le fraudeur et le malhonnête, mais que l'on n'empoisonne pas la vie de celui qui veut défendre son entreprise ou de celui simplement qui veut vivre.
En tout cas, je ne laisserai les mesures votées par le Parlement reprises par des pratiques d'un autre temps.
Si les rentes de situation sont des obstacles à l'expansion, l'opacité des règlements, l'arbitraire bureaucratique, l'incertitude des jurisprudences le sont aussi.
Comment faire un calcul économique quand on ne sait pas à l'avance comment la réglementation va s'appliquer ? Quand on ne sait pas ce que l'on peut raisonnablement attendre des juges, des fonctionnaires ? Quand tout acte de commerce peut faire l'objet d'un contentieux à l'issue imprévisible ? Quand le risque financier lié à l'incertitude juridique se double de plus en plus d'un risque pénal ?
La pénalisation de notre Droit des affaires est une grave erreur, je veux y mettre un terme.
De la même façon que j'ai demandé à la Garde des Sceaux, Rachida Dati, d'interdire la pratique des dénonciations anonymes. Je me moque des procès d'intention.
À quoi sert-il d'expliquer à nos enfants que Vichy, la collaboration, est une page sombre de notre histoire et de tolérer des contrôles fiscaux ou des enquêtes sur une dénonciation anonyme ? Ce n'est pas la République cela !
Si quelqu'un veut dénoncer, qu'il donne son nom. Il est parfaitement possible de dénoncer " sous X " et l'administration garantira l'anonymat. La lettre non signée n'a pour moi qu'une seule direction : la corbeille. Ce sont des pratiques qui n'honorent aucun pays.
Je compte beaucoup sur les travaux d'un homme de grande qualité, Jacques Attali.
Au fond, peut-être suis-je celui qui sait le mieux exploiter les richesses humaines du Parti socialiste ? Ils ont des gens très bien, ils ne les utilisent pas. Dans une autre vie, je pourrai peut-être faire directeur des ressources humaines.
Je suis très reconnaissant à Jacques Attali de présider cette commission. Il va inventorier tous les obstacles à la croissance qui sont dans nos réglementations et proposer des solutions.
Là encore, les conservateurs, les immobiles vont trembler, tant pis !
Je pense qu'il faut changer les choses comme l'ouverture des magasins le dimanche. Évidemment, c'est une étrange idée que de vouloir permettre aux gens de faire des courses et des achats en famille, le jour où, ne travaillant pas, ils ont du temps disponible pour le faire. Pour ceux qui voyagent de temps en temps, ils voient bien que cela se passe dans tous les pays d'Europe.
Il est étrange de faire en sorte que sur les Champs-Élysées un trottoir soit zone touristique, donc avec la possibilité d'ouvrir le dimanche, et l'autre non, donc sans possibilité d'ouvrir le dimanche... Il fallait l'inventer, nous l'avons fait ! 78 millions de touristes trouvent donc la moitié des Champs-Élysées fermée. Qui peut accepter cela ?
Je ne dis pas dans le même temps qu'il faut que tous les magasins soient ouverts le dimanche, dans toutes les villes. Et je comprends parfaitement que le repos dominical, ça compte. Mais au nom de quoi interdire l'ouverture à tout le monde ? Donner des dérogations à des Préfets, pourquoi, dans quel cadre ? Dans un pays tellement attaché à l'égalité, c'est curieux.
Je vais également ouvrir le chantier de l'insécurité juridique. C'est l'objet des discussions que le Gouvernement a engagé avec les partenaires sociaux sur le contrat de travail.
Je veux vous redire à quel point je suis favorable à ce que soit ouverte la possibilité d'une séparation à l'amiable dans les entreprises, dont les conditions pourraient être fixées à l'avance.
Pour les familles, il existe bien un divorce par consentement mutuel, pourquoi n'y aurait-il pas dans les entreprises une séparation à l'amiable ? Pourquoi faut-il tout compliquer, tout voir sur le thème de l'opposition, de la guerre, de la séparation douloureuse ?
Je veux redire qu'à mes yeux l'objectif de cette négociation sur le contrat de travail c'est plus de liberté et de prévisibilité pour l'employeur et au bout du compte davantage de protection pour le salarié. C'est la sécurisation juridique de l'employeur et la sécurisation du parcours professionnel du salarié.
C'est dans cet esprit que je souhaite que la fusion des réseaux opérationnels de l'ANPE et de l'UNEDIC soit décidée avant la fin de l'année, avec les partenaires sociaux, qui ont su créer l'assurance-chômage et la gérer depuis un demi-siècle. Dans mon esprit, la définition des règles de ce régime doit continuer à leur appartenir.
Pour moi, la fusion opérationnelle a d'abord pour but d'offrir un meilleur service aux demandeurs d'emploi, avec un interlocuteur unique et un accompagnement renforcé pour trouver du travail. Je veux des chômeurs mieux indemnisés, mieux accompagnés. Mais la contrepartie, c'est qu'aucun ne puisse refuser plusieurs offres d'emploi correspondant à ses qualifications sans être sanctionné.
La question de savoir qui sera responsable de ces sanctions sera discutée. Je souhaite que les partenaires sociaux aient toute leur place dans ce nouveau service public de l'emploi. Aujourd'hui, ils ne sont pas assez associés aux politiques de l'emploi, à l'exception de l'assurance chômage, dont ils sont les seuls responsables. Je souhaite qu'ils le soient davantage. De cela aussi nous allons débattre avec eux.
Je n'ai pas changé d'avis : je crois toujours qu'il faut que les salariés soient mieux protégés des aléas de la vie économique parce qu'eux aussi ont besoin d'un minimum d'assurance sur l'avenir pour pouvoir fonder une famille, pour pouvoir investir, pour pouvoir devenir propriétaires.
Mais je crois aussi qu'il faut que l'économie vive, que des emplois se créent pendant que d'autres disparaissent, que l'entreprise puisse s'adapter sans cesse aux conditions de la concurrence, aux révolutions technologiques, à la demande.
Je crois que le grand défi de notre époque, c'est de trouver le bon équilibre entre la protection et le risque.
Je veux rendre aux Français le goût du risque, le goût d'entreprendre. Mais comment y parvenir si le droit, au lieu de circonscrire le risque, le rend ingérable ?
Comment y parvenir si au risque financier s'ajoute systématiquement le risque pénal ? Si la moindre erreur de gestion peut vous conduire en prison ?
Il est temps de se poser quelques questions de bon sens. Par exemple de se demander pourquoi doubler systématiquement les procédures civiles par des procédures pénales ? Pourquoi recourir au droit pénal quand on peut régler les litiges autrement ?
La vérité est qu'un certain nombre de gens font appel au droit pénal pour obtenir un chantage. Il y a tant et tant de contentieux qui pourraient être réglés au civil et qui viennent embarrasser nos juridictions correctionnelles et notre droit pénal.
Rachida Dati s'est déjà saisi de ce dossier et fera très rapidement des propositions.
À un capitalisme purement financier, à ses dérives, à ses excès, je veux opposer un capitalisme d'entrepreneurs. Aux spéculateurs, je veux opposer les producteurs, les inventeurs, les créateurs.
On ne peut pas à la fois dénoncer sans cesse le capitalisme financier et la dictature des marchés, et continuer de décourager les entrepreneurs, de les démoraliser, de leur livrer une guerre fiscale, réglementaire, judiciaire sans merci, de les empêcher par tous les moyens de réussir.
On ne peut pas à la fois se scandaliser des licenciements boursiers, du cynisme des fonds d'investissements, des délocalisations et affaiblir par tous les moyens le capitalisme familial, ne pas donner aux PME les moyens de se développer, ou d'exporter.
On ne peut pas se plaindre sans arrêt de l'obsession du profit à court terme et laisse tomber la production, laisser tomber l'industrie, ou permettre à la spéculation de se financer plus facilement que l'investissement.
On ne peut pas déplorer sans arrêt la perte de sens moral dans le capitalisme financier et ne pas encourager un capitalisme d'entrepreneurs qui repose sur les valeurs du travail, de l'effort, du courage, de l'imagination, de l'initiative.
Je veux en finir avec l'idéologie qui met l'entrepreneur au ban de la société. Je veux, au contraire, mettre l'entrepreneur au coeur de mon projet économique.
Je veux promouvoir l'esprit d'entreprise, je veux qu'il redevienne une valeur. Je veux donner à l'entrepreneur les moyens d'entreprendre. Quand on crée de la richesse, il n'est pas anormal d'avoir la récompense y compris financière du risque pris et de la richesse créée.
Je veux que l'on arrête de faire la fortune de l'Angleterre, de la Suisse, de Monaco et même de la Belgique. C'est quand même extraordinaire, on se plaint qu'il n'y a pas assez de capitaux pour financer nos entreprises et l'on s'est évertué toutes ces dernières années à faire partir de notre territoire tous ceux qui justement pouvaient financer le développement de ces entreprises. C'est une incohérence absolue.
Je veux que l'aide aux entreprises se concentre sur les PME qui grandissent. Je veux que l'Etat soit à leur côté pour conquérir des marchés à l'international, pour exporter. Je veux que la France se dote d'un " Small Business Act " sur le modèle américain qui permette de réserver une partie des marchés publics aux PME.
Je me battrai pour convaincre nos partenaires européens. Je me battrai à Bruxelles. Je me battrai à l'OMC. J'irai jusqu'au bout parce que c'est une idée juste et parce qu'il n'y a pas de raison que ce qui est autorisé pour les Américains soit interdit pour les Européens. Je ne peux pas accepter cela.
L'idée d'une politique industrielle ne me fait pas peur. Je ne laisserai pas toute notre industrie à la merci de tous les dumpings et de tous les spéculateurs.
Je veux que la France ait une politique énergétique qui lui permettre de garantir sa sécurité d'approvisionnement, son indépendance et sa compétitivité. Je veux que la France recueille tout le bénéfice des efforts qu'elle a accomplis dans le domaine de l'énergie depuis un demi-siècle. Je veux qu'elle puisse jouer un rôle central sur le marché européen.
La France a acquis la maîtrise de l'énergie nucléaire, c'est un atout considérable. Elle a une compétence reconnue, des entreprises magnifiques. Il faut leur donner les moyens de se développer.
C'est dans cet esprit que j'ai proposé à Suez de fusionner ses activités énergétiques avec Gaz de France et de constituer un grand groupe de gaz et d'électricité à la dimension du marché européen dont l'Etat sera l'actionnaire. Cela suppose que Suez fasse un choix stratégique en se spécialisant dans l'énergie. Il appartient maintenant à ses actionnaires d'en décider.
D'autres choix stratégiques sont à faire en matière d'énergie. Celui du nucléaire. Celui des énergies renouvelables. La France va y investir massivement.
Mais je le dis aussi, et que chacun soit bien prévenu, je n'accepterai pas qu'au nom d'une fausse conception de la concurrence, les tarifs de l'électricité et du gaz augmentent plus vite que les coûts. Nous n'avons pas fait tant d'efforts, tant d'investissements, pour aligner nos prix sur nos concurrents européens les moins performants, en pénalisant le pouvoir d'achat des Français et la compétitivité des entreprises françaises.
Ce n'est pas la peine d'avoir le nucléaire dans la production d'énergie en France pour que l'on vienne nous expliquer maintenant qu'il faut que les entreprises et les consommateurs paient plus cher parce que les prix du Brent et du baril de pétrole augmentent.
Vous allez voir qu'en retroussant nos manches, avec un peu de courage, de volonté et d'ardeur, avec le talent et l'intelligence des Français, nous allons faire de la croissance.
Grâce à cette croissance, nous aurons le plein emploi, nous aurons l'augmentation du pouvoir d'achat et nous aurons la réduction des déficits. Mais nous n'y parviendrons, j'en suis bien conscient, que si tout le monde joue le jeu. Si l'Etat donne l'exemple et vous aussi vous devez être exemplaires.
Vous pouvez compter sur moi pour que l'Etat joue le jeu, pour qu'il allège vos charges, vos contraintes, pour qu'il libère le travail. J'ai pris mes responsabilités, et, honnêtement, j'ai tout fait selon les critères de la communication habituelle pour être battu. Cela n'a pas fonctionné...
Les projets, c'était démodé, les engagements ne devaient pas être pris. J'ai tout dit avant parce que je ferai tout après. Vous pouvez compter sur moi.
Mais vous aussi vous devez jouer le jeu. Vous devez investir, vous devez respecter l'obligation de négocier sur les salaires. Vous devez faire un effort sur les salaires chaque fois que c'est possible. Le mot salaire n'est un gros mot parce que c'est le prix du rétablissement de la confiance avec les salariés.
Et les 35 heures, erreur économique immense, ont été aussi une grave erreur sociale car depuis les 35 heures on ne parle plus de salaire de notre pays, ni de pouvoir d'achat et c'est un problème considérable.
Je n'ignore rien des problèmes de concurrence, mais je dis simplement qu'il ne faut pas en vouloir aux salariés de vouloir être davantage reconnus dans leur travail et dans leur rémunération, à partir du moment où ils ont davantage de stress, qu'il y a davantage de compétitivité.
Vous avez des enfants ou vous-mêmes, vous avez dans votre carrière, à un moment ou à un autre, été salarié. On ne peut pas reprocher cela, il faut le comprendre également.
Il faut recréer ce pacte de confiance.
Les banques aussi doivent jouer le jeu. Je le dis solennellement : jouer le jeu pour les banques, c'est ne pas prêter plus facilement aux spéculateurs qu'aux entreprises ou aux ménages. C'est ne pas resserrer le crédit à l'économie pour compenser les risques excessifs pris sur les marchés financiers.
Il y a des moments dans notre économie, on voit que n'importe qui peut emprunter n'importe comment pour n'importe quoi. Et c'est ainsi que l'on crée une bulle spéculative. Puis, le lendemain, il faut serrer la vis à tout le monde et celui qui vient avec son projet pour créer, on lui explique que l'on ne peut pas lui prêter.
Ce n'est pas cela le capitalisme, ce n'est pas ce que nous souhaitons. Ce n'est pas cela l'économie des entrepreneurs.
Loin de moi l'idée de dire que tous les banquiers et toutes les banques sont coupables, ce serait facile et caricatural et nous avons un système bancaire de qualité. Mais, par moments, on est étonné de voir ce à quoi l'on assiste.
Quand c'était la mode de la nouvelle économie, vous rencontriez des gens très intelligents, enfin, on le pensait, puisque l'on ne comprenait pas ce qu'ils disaient. Ils disaient que la nouvelle économie n'avait plus de clients, qu'il n'y avait pas de produits, pas de fabricants, que le seul but était de lever des fonds. Pour en lever, ils en ont levés ! Et il a bien fallu des gens pour leur en prêter.
Et à l'arrivée, rien, la bulle spéculative, la destruction de richesse, la destruction de valeur. C'est quand même un problème, on n'a pas fait tout ça pour prêter plus facilement aux spéculateurs qu'aux créateurs.
Les partenaires sociaux doivent jouer le jeu : jouer le jeu pour les partenaires sociaux, c'est être responsable.
Les juges doivent jouer le jeu : jouer le jeu pour les juges, c'est ne pas se laisser tenter par le Gouvernement des juges, c'est ne pas se laisser aller à devenir les arbitres de la politique et à juger de la manière dont les chefs d'entreprises font leur métier.
Nous ne parviendrons à obtenir la croissance que si nous jouons collectivement le jeu de la mondialisation. Mais il ne faut pas être naïf !
Qui dans le monde joue le jeu du libre échange ?
Qui joue le jeu de la réciprocité ?
Qui joue le jeu de la concurrence loyale ?
La France veut jouer le jeu, mais pas toute seule.
Regardons en face la réalité du marché : nous parlons d'une mondialisation qui n'existe déjà plus, si elle a jamais existé. Nous parlons d'une mondialisation qui serait l'extension de la concurrence parfaite à l'échelle planétaire. Alors parlons d'une mondialisation qui serait le triomphe de l'économie de marché et de la démocratie partout dans le monde. Nous parlons d'une mondialisation qui serait une promesse de paix et de prospérité.
Après la chute du mur de Berlin, on a même cru pouvoir annoncer la fin de l'histoire. Regardons la réalité du monde. Le monde est-il aujourd'hui plus magique que celui d'hier ?
Nous parlons d'une mondialisation où tout serait transparent, où tout serait ouvert, où le dumping monétaire n'existerait, pas davantage que le dumping social, le dumping écologique ou le dumping fiscal. Que l'on arrête de demander à nous, Français, de faire la libre concurrence, alors que les autres ne respectent pas les règles environnementales, sociales, morales, fiscales et même pas les règles monétaires.
Ce n'est pas la concurrence. Cette concurrence déloyale nous ne la voulons pas. Nous voulons la réciprocité ! Nous croyons à la liberté, à l'ouverture des marchés, mais si nous ouvrons nos marchés, nous voulons que les autres ouvrent les leurs dans les mêmes conditions et au même moment.
Voilà la réalité de la discussion qui aujourd'hui nous occupe.
Regardons le monde : qui joue le jeu, honnêtement, loyalement, sans chercher à faire prévaloir ses intérêts par tous les moyens ?
Devons-nous être naïfs au point d'être les seuls à ne pas défendre nos intérêts quand tous les autres défendent les leurs ?
Je veux parler d'abord pour l'Europe.
Si les Français ont voté non à la Constitution européenne. Si les Anglais l'ont pensé tellement fort qu'ils n'ont même pas eu à voter -c'est plutôt affectueux- Et si beaucoup d'autres peuples l'auraient fait si on leur avait posé la question, c'est parce qu'ils avaient eu le sentiment que l'Europe, au lieu de les protéger, les exposait à tous les périls. Parce qu'ils avaient le sentiment qu'elle ne les rendait pas plus fort, mais au contraire, plus vulnérables.
C'est un comble ! Nous avons fait l'Europe pour protéger pas pour exposer.
Si l'Europe renonce à se défendre, si elle renonce à se protéger, quand tous les autres se défendent et se protègent, si elle renonce à agir et se contente de subir quand tous les autres font le contraire. Si l'Euro ne cesse de s'apprécier quand le dollar, le yuan ou le yen ne cessent de se déprécier. Si elle impose à ses entreprises des règles pour lutter contre la pollution et contre le réchauffement climatique quand les autres n'en imposent aucune. Si elle reste grande ouverte aux produits qui sont fabriqués grâce au travail des enfants ou des prisonniers. Comment nos chefs d'entreprises peuvent-ils s'en sortir ?
Dire cela ce n'est pas être pour le protectionnisme, c'est être pour la réciprocité. La concurrence oui, mais la concurrence loyale, honnête et réciproque.
Si l'Europe est la seule région du monde où il est impossible de conduire des politiques industrielles, des politiques commerciales ou des politiques de change, alors l'Europe sera condamnée.
Si nous ne sommes pas capables de doter l'Europe d'un gouvernement économique.
Si nous ne sommes pas capables de mettre l'Euro au service de l'économie européenne.
Si nous ne sommes pas capables d'instaurer une véritable préférence communautaire.
Si l'Europe n'est pas capable de reconnaître que la concurrence est un moyen et non pas une fin en soi et d'en tirer les conséquences, alors l'Europe deviendra la proie des prédateurs du monde entier et la victime expiatoire d'une mondialisation qui ne ferait le bonheur que de ceux qui n'ont aucun état d'âme.
Sur cette idée que l'Europe se construit d'abord pour protéger les Européens, pour leur permettre de se battre dans la mondialisation à armes égales avec tous leurs concurrents, pour exprimer une volonté d'agir ensemble et non un renoncement collectif, je veux aller jusqu'au bout, je ne baisserai pas les bras.
On me dit : c'est impossible. Mais on me disait aussi que le Traité simplifié c'était impossible ! On se demande ce qu'ils ont fait pendant deux ans. Ça a été possible en trois mois. Sauver Alstom aussi était impossible, circulez, il n'y a plus rien à voir, il n'y en avait que pour Siemens.
On me dit que ce n'est pas la peine de se battre parce que la France est minoritaire. Mais qu'est-ce que la politique sinon tout faire pour transformer une minorité en majorité.
Sinon tout mettre en oeuvre pour faire partager une conviction par le plus grand nombre. Sinon, à quoi sert de faire de la politique ? Sinon, à quoi sert la démocratie si on ne peut prononcer un mot ou défendre une idée que si tout le monde est d'accord ?
On me disait : sur la politique de l'Euro, la France est isolée. Il y avait même cette idée invraisemblable que pour un homme politique, parler de la monnaie était irresponsable. Au nom de quoi ? Qui a dit cela ? Où est-il écrit que l'on a le droit de parler de tout en matière économique sauf de la monnaie ?
On m'a dit qu'il ne fallait pas parler du cours de l'Euro parce que la Banque Centrale Européenne est indépendante. C'est justement parce qu'elle est indépendante qu'elle doit accepter le débat !
Comme si la monnaie ce n'était pas l'affaire de tous. Comme si la monnaie c'était un sujet qui ne concernait pas la politique, qui n'avait aucune incidence sur la vie des gens, sur la croissance, sur l'emploi. Et regardez ce qui est en train de se passer. On a fait la deuxième monnaie du monde et nous sommes les seuls à ne pas nous en servir !
Demandez donc aux Américains ce que représente le dollar pour la puissance de l'économie américaine. Regardez dans la crise que nous avons connue ce qu'a représenté la baisse de 0,5 point des taux d'intérêts américains.
Regardez comment les Japonais s'en sont sortis avec des taux d'intérêts à zéro et un yen qu'ils maintenaient bas.
Dois-je parler de la Chine, ce géant du monde qui gère sa monnaie avec beaucoup d'attention ?
Et nous, on s'en va dire que l'Euro est à son bon niveau ! Sans doute, mais le problème est qu'il est en concurrence avec d'autres monnaies qui, elles, ne sont pas à leur bon niveau.
Je sais, c'est une idée très originale et j'ai tort de penser à haute voix.
Je crois à l'indépendance de la BCE, je crois dans l'utilité de l'Euro, mais je n'accepterai jamais qu'un sujet aussi important ne puisse même pas faire l'objet d'un échange.
Si nous voulons que l'Europe vive, il ne faut pas avoir peur de dire ce que l'on pense, il ne faut pas avoir peur des idées, il ne faut pas avoir peur du débat.
Si nous voulons que l'Europe redevienne une zone de croissance, il faut que nous acceptions de regarder le monde tel qu'il est et d'en parler. Il faut que nous sortions des dogmes.
Je veux remettre de la politique en Europe.
Sur la politique agricole commune, on me disait pendant la campagne que j'avais tort de parler des prix, que les prix agricoles étaient dans un mouvement baissier de long terme. On vient nous expliquer maintenant qu'ils sont dans un mouvement haussier de long terme.
Ce qui était impossible, il y a six mois devient possible aujourd'hui. On nous expliquait qu'il y avait trop de productions agricoles, des millions d'hectares vont être remis en production, sortis de la jachère. Tant mieux car nous manquons de productions agricoles.
C'est cela la réalité, et si nous avions écouté ceux qui nous disaient de jouer l'agriculture contre les biens et les services, nous aurions perdu ce pouvoir vert alors que le monde n'a jamais eu autant besoin de productions agricoles et de sécurité alimentaire.
Voilà la réalité des choses et je proposerai, moi-même, avec les organisations agricoles, une nouvelle politique agricole commune parce que je n'ai pas l'intention de laisser tomber les agriculteurs de France qui ne veulent pas être des assistés, vivre de subventions, qui veulent être des entrepreneurs et des producteurs comme vous l'êtes vous-mêmes dans le domaine d'activité qui est le vôtre.
Partout dans le monde, l'économique et le politique sont liés, l'économie et la politique ne se confondent pas, mais elles coopèrent.
Depuis que le capitalisme existe, la croissance est toujours le fruit d'une coopération réussie entre la puissance publique et l'initiative privée, d'une coordination efficace entre intérêt général et intérêt particulier.
Je veux que la France ne soit pas condamnée à être l'un des pays où les relations entre l'Etat, la société civile et les entreprises sont les plus compliquées.
Je veux changer tout cela, voilà l'objectif que je me fixe pour les cinq années à venir.
Mais ne vous y trompez pas : la politique économique n'est pas une branche à part de la politique. Elle relève d'un projet de société, d'une conception de la civilisation, d'une certaine idée de l'homme, de sa liberté, de sa responsabilité, de sa dignité.
Je rêve d'uns société où chacun de vos enfants se lève le matin en se disant " c'est possible " au lieu de se dire " à quoi bon ".
Je ne peux pas me résigner à ce que Londres soit devenue la 7e ville de France parce que l'on se dit qu'il est plus facile d'y réussir que dans son pays. Après tout ce que les socialistes anglais ont fait, il y a dix ans, peut-être que la droite française pourrait le faire maintenant... !
Alors j'essaierai d'agir en président libre, en homme libre.
Je veux que vous ayez la récompense de vos efforts.
Je veux que vous ne soyez pas complexés parce que vous voulez laisser à vos enfants le fruit d'une vie de travail.
Je veux que l'on vous aide à développer vos entreprises.
Je veux qu'il n'y ait pas de sujets tabous et que l'on arrête avec la frilosité. Et qu'en toute honnêteté, avec les partenaires sociaux, on dise : voilà les verrous, on va les faire sauter parce que nous voulons créer de l'emploi et de la richesse. J'ai été élu pour cela, je le ferai.
Mais je veux être un homme libre de vous dire aussi que sur les salaires, sur l'emploi, sur la règle du jeu, il faut que vous soyez exemplaires. La France est prête à entendre beaucoup de choses, mais la France n'aime pas l'injustice. Et c'est cela qui pèse sur nos épaules aujourd'hui.
La France est prête à accepter beaucoup de changements, mais elle veut que la règle soit la même pour tout le monde.
Pour terminer, je voudrais vous dire que j'essaie d'être authentique.
J'ai été élu, c'est une très lourde responsabilité.
Je vois des débats extraordinaires :
" Il en fait trop ", alors que je pense tellement que je n'en fais pas assez !
" Il décide de tout ", quand même, j'ai été élu pour décider !
" Il est très présent ", oui, si on voulait que je parte, il ne fallait pas voter pour moi !
" Est-ce que cela va pouvoir durer ? " Reportez-vous à la collection des articles de 2002, quand j'étais ministre de l'Intérieur, ils ont fait du copier coller, ils disaient la même chose : " l'homme de l'été 2002 " puis après il y a eu l'automne, l'hiver et l'on est reparti pour un tour...!
Beaucoup de gens n'ont pas compris l'aspiration des Français. Ils veulent des responsables politiques qui s'engagent, qui obtiennent des résultats, qui font ce qu'ils ont dit, qui ne disent pas " on y peut rien ", parce que si l'on n'y peut rien, ce n'est pas la peine de vous demander de vous déplacer pour voter, il vaut mieux rester tranquillement chez soi.
Moi, je suis venu vous dire que nous allons faire le maximum pour changer les choses. Pour faire de la France un pays jeune, innovant, créateur. Et c'est pour cela que j'ai voulu venir.
Là aussi, grand débat, est-ce bien la place d'un président de la République ?
Une rencontre avec les chefs d'entreprises ! Mais si le chef de l'Etat n'encourage pas les chefs d'entreprises, alors pourquoi se plaindre que tant de nos jeunes veuillent intégrer la fonction publique ?
Et c'est pour cela que j'ai voulu venir et j'irai dans d'autres endroits. Non pas parce que je pense que j'ai la vérité mais parce que je pense que c'est mon devoir.
Nous sommes, me semble-t-il, à un tournant historique. Il y a une opportunité à saisir. Le pays est prêt au changement, alors nous allons le faire.
Je pense que c'est toujours la même chose : nous sommes un peuple en avance sur ses élites. Les élites ont eu peur et ont laissé à penser que c'était le peuple qui avait peur.
Il faut changer profondément tout ceci.
Mesdames et Messieurs, J'espère que vous avez compris une chose : moi, ça m'a fait bien plaisir d'être parmi vous.