1 août 2007 - Seul le prononcé fait foi

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Lettre de mission de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, adressée à M. Joël Menard, professeur de santé publique, ancien Directeur général de la santé, sur les priorités du Plan Alzheimer, le 1er août 2007.

Monsieur le Professeur,
La maladie d'Alzheimer qui touche aujourd'hui en France 860 000 personnes est un drame pour notre société, un drame familial. Chaque année ce sont 225 000 nouveaux cas qui se déclarent en France engendrant beaucoup de souffrance et de détresse tant pour la personne qui est atteinte par la maladie que pour son entourage. Dans les années à venir, les coûts humains et financiers de la maladie, qui sont d'ores et déjà élevés tant pour les familles que pour la société, vont encore s'alourdir.
Récemment, des efforts ont été accomplis. Des groupes de recherche ont apporté des contributions importantes à l'aide de multiples techniques de génétique, de biochimie, d'anatomo-pathologie, d'imagerie, de pathologie expérimentale, d'investigation clinique, d'essais thérapeutiques et d'études épidémiologiques toutes nécessaires pour progresser dans le domaine de la connaissance et du traitement. Le système de soins a été mobilisé par la création des Centres Mémoire de ressources et de recherches et par l'effort fait pour structurer la gériatrie. Enfin, l'approche sociale et médico-sociale a été développée au niveau départemental pour accompagner les malades et leur famille.
Toutefois, ces premiers efforts ne suffisent pas. Il est essentiel que les pistes de recherche nombreuses et prometteuses finissent par aboutir. C'est par comparaison avec ce qui se fait dans d'autres pays que doit être apprécié l'effort réel que la nation y consacre. Il est ensuite nécessaire de soulager les souffrances les plus diverses, dont la démence des personnes âgées n'est que l'une des composantes, et de faire en sorte que l'appui apporté aux malades soit le même en tout point du territoire. Enfin, il est indispensable que l'attitude de la société française à l'égard de la dépendance et de la fin de vie en général évolue.
J'ai donc décidé de lancer un Plan Alzheimer ambitieux pour mieux connaître, mieux diagnostiquer et mieux prendre en charge la maladie. Son élaboration sera réalisée sous l'égide d'une commission dont je vous confie la présidence.
Le Plan Alzheimer que vous bâtirez aura une double priorité. En premier lieu, il devra permettre de fédérer les efforts de recherche pour favoriser la découverte en France d'un diagnostic validé et d'un traitement à l'efficacité indiscutable. En second lieu, ce Plan devra améliorer la qualité de la prise en charge des malades. Quand la maladie s'installe, chaque patient, chaque famille doit pouvoir trouver un mode de prise en charge adapté.
Dans cette perspective, la commission que vous présiderez devra examiner les conditions dans lesquelles peuvent être optimisés les efforts de recherche français dans le contexte d'un système de recherche mondial qui a sa dynamique propre, à la fois prévisible par les techniques et les modes de raisonnement, et imprévisible par les découvertes. Vous réfléchirez à la meilleure manière de structurer des partenariats entre le public et le privé. Des coordinations nouvelles sont à établir, à faciliter et à évaluer.
Vous veillerez à ce que les objectifs de recherche, de soins, et de prise en charge soient définis en parallèle. Des liens constants entre ces trois objectifs doivent être établis pour accélérer à la fois le transfert des progrès de la recherche vers le système de soins et le transfert des observations de terrain à la recherche technologique, biologique, psychologique et sociale. Dans l'élaboration du Plan, vous ferez par conséquent de la continuité de la recherche aux soins une priorité. L'accès aux soins doit être harmonieux et la recherche clinique soigneusement couplée aux soins dans des sites sélectionnés sur des critères de qualité et d'organisation.
Vous prêterez également une attention vigilante à la continuité et à l'équité territoriale de la prise en charge des malades et de leur famille à toutes les étapes de l'altération des fonctions cognitives et des fonctions de relation. Le rôle essentiel des familles et des soignants qui assistent les personnes aux fonctions comportementales et cognitives altérées, par une aide discrète ou par la prise en charge d'une dépendance totale, doit être reconnu.
Dans les propositions que vous serez amené à formuler, je vous demande d'accorder une attention particulière à l'évaluation continue des résultats. Ce Plan n'aura un réel impact que si on évite certaines erreurs du passé. De grandes actions nationales ont pu parfois avoir des résultats positifs, mais avec une efficience mal mesurée.
Je souhaite enfin que soient mobilisés sur cet enjeu national non seulement tous les acteurs déjà impliqués dans les différentes structures de recherche fondamentale et clinique, publiques et privées et dans les établissements et associations prenant en charge les malades, mais plus largement la société dans son ensemble.
La commission sur laquelle vous vous appuierez fera appel notamment à des acteurs intervenant dans le secteur sanitaire et médico-social et à des responsables des administrations concernées. Elle s'entourera des groupes techniques appropriés pour faire un état des lieux sur la base des analyses déjà disponibles, proposer des objectifs, sélectionner des indicateurs et estimer les coûts. Les moyens appropriés seront mis à votre disposition pour que la qualité du travail de votre commission soit à la hauteur des attentes ainsi exprimées.
Le Plan Alzheimer que je vous demande de présenter devra être prêt à la date du 1er novembre 2007, pour une mise en oeuvre au début de l'année 2008. Les premières orientations du Plan devront avoir été dessinées dès le 21 septembre, date de la journée mondiale de la maladie d'Alzheimer.
Je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l'assurance de mes sentiments les meilleurs.
Nicolas SARKOZY
M. Jöel MENARD
Professeur de Santé Publique
Ancien Directeur général de la Santé