13 juillet 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur son projet en faveur de l'Outre-mer, à Paris le 13 juillet 2007.
Madame le Ministre,
Monsieur le Secrétaire d'Etat
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis heureux d'être parmi vous, ici, rue Oudinot, dans la maison de tous les Français d'outre-mer. Je suis là car je souhaitais m'adresser à vous rapidement après mon élection à la Présidence de la République.
Je veux, aujourd'hui, parler à cette France souvent mal connue et qui constitue, pourtant, une part si importante de notre identité nationale. Je veux parler à cette France des trois Océans dont la diversité ne cesse d'étonner. Je veux parler à cette France qui, au delà des belles images, souffre parfois et doute souvent.
Je veux parler à tous les Français d'outre-mer, qu'ils vivent dans leurs territoires d'origine ou en métropole. Ces trois millions et demi de Français « à part entière » et trop longtemps restés « entièrement à part »··· Je veux vous le dire aujourd'hui : je serai le Président de tous les Français. Il n'y a pas, pour moi, un « peuple d'outre-mer » et un « peuple de l'hexagone », pas plus qu'il n'y a un « peuple de droite » et un « peuple de gauche ». A mes yeux, il n'y a que le peuple de France.
Mais je sais, aussi, que les populations d'outre-mer ont leurs spécificités. Aucune des onze collectivités ne ressemble à une autre, chacune éprouve des difficultés qui lui sont propres. Je veux dire, à chacun d'entre vous, que vous avez une place dans mon coeur. Je veux que notre relation soit bâtie sur des fondations solides, faites de franchise et d'exigence. Je veux une relation adulte. C'est, pour moi, la plus authentique marque de respect.
Cette exigence, je me l'appliquerai à moi-même. J'ai, aujourd'hui, le devoir de ne pas décevoir et je donnerai tout à mon pays car je considère qu'avoir été choisi par le peuple français pour parler et pour agir en son nom est un honneur.
Mais je suis aussi très lucide. Je vous ai entendu. J'ai bien noté le sens des résultats des élections en outre-mer. Ils traduisent, probablement, une part d'inquiétude. Cette inquiétude est compréhensible quand je vois à quel point ma pensée et mes propos ont pu être caricaturés durant la campagne. J'ai été accusé de vouloir remettre en cause toutes les solidarités : le RMI, l'assurance chômage, la couverture médicale et bien d'autres choses encore···Que d'inepties···
Pourtant, si c'était à refaire, je ne changerais pas un mot à mes propos, pas un mot au projet que j'ai longuement mûri avec beaucoup d'entre-vous. Mais il est vrai que le discours que j'ai tenu n'était pas celui de la facilité. Il a consisté à dire la vérité. A dire que l'assistanat n'est pas la réponse au décalage de développement qui touche les collectivités d'outre-mer. Mais que seul le travail et la recherche des voies d'un développement économique endogène permettront de réduire durablement le chômage et les inégalités.
La culture de l'assistanat je la fustige, aussi bien en métropole qu'en outre-mer, car je suis convaincu qu'elle est la source la plus pernicieuse de l'aliénation de l'homme. Mais l'assistanat n'a, à mes yeux, rien à voir avec la juste solidarité qui doit s'exercer au bénéfice des plus démunis et des plus fragiles d'entre-nous. Je veux protéger les Français qui souffrent où qu'ils se trouvent car protéger, c'est le rôle du Président de la République.
Ce que je n'accepte pas, c'est que la solidarité, détournée de son objet, se transforme en un système désincitatif. Ce que je n'accepte pas, c'est la dévalorisation de cette valeur noble qu'est le travail car, sans travail, il ne peut y avoir de juste solidarité.
Aujourd'hui, mon ambition pour la France d'outre-mer est intacte. Pour la servir, j'ai mis en place, avec le Premier Ministre, une architecture gouvernementale nouvelle, dictée par une seule exigence : l'efficacité. Là encore, que n'ai-je entendu comme propos caricaturaux et comme contresens··· Mais cela n'a aucune importance. La seule chose qui compte, à mes yeux, c'est que nous obtenions les résultats attendus. Et, pour cela, je n'ai pas voulu que les questions concernant l'outre-mer soient traitées isolément au sein du gouvernement. Ce que j'ai voulu, c'est mettre en place une « équipe de choc » pour relever les défis qui nous attendent.
En nommant Michèle ALLIOT-MARIE « Ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales », j'ai d'abord souhaité signifier qu'il n'y avait pas « deux Frances ». Notre territoire forme une unité et il faut un Ministre pour la garantir. En nommant Christian ESTROSI « Secrétaire d'Etat pour l'outre-mer », lui qui est à mes côtés depuis tant d'années, j'ai voulu que soient prises en compte la spécificité de l'outre-mer et ses exigences.
En pratique, les territoires d'outre-mer pourront donc compter sur le poids politique de Michèle pour défendre leurs intérêts lors des arbitrages interministériels ou des négociations européennes. Simultanément, ils bénéficieront de la disponibilité et du goût pour l'action de Christian, fort de son expérience réussie de Ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Mais ce n'est pas tout. J'ai aussi souhaité que soient mieux prises en compte les questions particulières - longtemps restées sans réponses -- que posent nos compatriotes ultramarins de métropole. Aujourd'hui, il est un fait que les Français d'Outre-mer ont encore à faire face à de nombreuses difficultés lorsqu'ils vivent en métropole. Beaucoup d'entre vous, aujourd'hui, en savent quelque chose···Ces difficultés économiques et sociales sont réelles et souvent différentes de celles rencontrées par les Français issus de l'immigration.
Quelles que soient leurs origines, ces difficultés, qui sont parfois de véritables discriminations, sont inacceptables et doivent être combattues avec force. C'est la raison pour laquelle je m'étais engagé à créer un « Délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer ». C'est aujourd'hui chose faite.
Le Délégué interministériel, Patrick KARAM, nommé ce lundi en Conseil des Ministres, sera à la fois une force de proposition et d'action. Il aura pour but d'assurer une égalité réelle des Français d'Outre-mer. Je lui ai demandé de commencer à travailler, dès cette semaine, en étroite concertation avec Michèle ALLIOT-MARIE et Christian ESTROSI.
Voilà pour l'architecture générale. J'ajoute - cela n'est pas neutre pour tous ceux qui ont l'habitude de défendre des dossiers -- que j'ai demandé à ce que tous les cabinets ministériels soient dotés d'un conseiller spécialisé sur les questions d'outre-mer. J'ai, d'ailleurs , moi-même souhaité que, dans mes quinze « conseillers », il y en ait un qui soit exclusivement consacré à l'outre-mer.
Afin de me rendre compte personnellement des avancées des politiques publiques concernant l'outre-mer, je présiderai, à intervalle régulier comme je m'y étais engagé, un « Conseil interministériel de l'outre-mer » qui réunira l'ensemble des Ministres concernés. Car, pour moi, l'outre-mer n'est pas un sujet de « spécialistes », c'est l'affaire de tous et j'entends que chacun des membres du gouvernement s'y investisse.
Au total, je considère que les intérêts de l'outre-mer seront probablement mieux pris en compte qu'ils ne l'ont jamais été. Et c'est parfaitement cohérent car le Premier Ministre et moi-même avons, pour l'outre-mer, un projet riche et ambitieux qui va exiger un engagement total de la part du gouvernement.
Sur le fond, ma ligne de conduite ne variera pas. Je l'ai exposée de façon transparente durant la campagne. Elle est bâtie sur trois axes majeurs : le développement économique, la mise en place d'une réelle égalité des chances et le renforcement de la sécurité quotidienne de nos compatriotes.
Premier axe : le développement économique.
Ma vision est claire sur ce sujet : il faut créer, en outre-mer, les conditions d'un développement propre, adapté à la réalité de chaque territoire. Je suis convaincu que c'est la façon la plus efficace et la plus durable de lutter contre le chômage et de permettre, ainsi, à nos compatriotes de vivre dignement du fruit de leur travail. Cela passe par une politique stable de défiscalisation qui permet de développer l'investissement en outre-mer et de créer de l'activité productive. Lorsque, en revanche, la défiscalisation génère des effets pervers ou des effets d'aubaine injustifiés, elle se transforme en simple « niche fiscale » et doit donc être réformée. Le seul objectif que nous devons garder à l'esprit est celui de l'efficacité économique.
C'est pour cela que je veux aller plus loin que l'actuelle loi de programme pour l'outre-mer (LOPOM). Je veux aller plus loin en créant un nouvel outil de développement : les « zones franches globales d'activités ». Je m'y suis engagé durant la campagne, je le ferai. Elles couvriront, sur les secteurs les plus porteurs, l'intégralité des territoires de chacun des quatre DOM - la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion. Ce projet me tient à coeur. Je veux que tout soit fait pour permettre l'émergence d'économies compétitives en outre-mer. Des économies qui ne dépendent plus principalement de la métropole pour leur survie et qui puissent envisager sérieusement de partir à la conquête de marchés extérieurs. Je veux sur ce sujet, comme sur d'autres, que l'on fasse « mieux », dans un contexte où chaque euro dépensé doit avoir prouvé son efficacité.
Cela se traduira donc par la mise en place de dispositifs nouveaux mais aussi par la rationalisation de dispositifs existants, lorsqu'ils n'ont pas démontré leur efficacité économique. J'ai demandé à Christian ESTROSI, sous l'autorité de Michèle ALLIOT-MARIE, de se mettre à travailler sans délai sur ce projet. Je souhaite qu'un texte soit présenté, après consultation des acteurs concernés, au Parlement de telle sorte que les économies ultramarines en bénéficient dès 2008.
Mais mon projet pour le développement ne s'arrête pas à cela. Je souhaite, parallèlement, faire émerger, partout en outre-mer, des pôles d'excellence dans la logique des pôles de compétitivité, associant les acteurs économiques et les centres de recherche publique. Cette démarche d'excellence et de spécialisation des économies est une nécessité. Certains territoires se sont d'ores et déjà engagés dans cette voie comme la Réunion et, plus récemment, la Guadeloupe et la Guyane. Je souhaite que cette dynamique se développe partout ailleurs et notamment en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. J'ai la conviction que les collectivités d'outre-mer pourront ainsi jouer, à l'avenir, le rôle de véritable laboratoire économique et écologique, notamment dans le secteur des énergies renouvelables.
Deuxième axe : assurer aux Français d'outre-mer une réelle égalité des chances.
Parce qu'elles ont à faire face à de multiples handicaps structurels, les collectivités d'outre-mer ont besoin d'une solidarité sans faille sur les questions qui touchent aux services essentiels à la personne. Les chantiers sont nombreux.
La modernisation du système éducatif pour répondre aux besoins de scolarisation et de formation de la jeunesse d'outre-mer sera une priorité car il est inacceptable que certains de nos enfants soient mal ou pas scolarisés sur le sol de la République.
Je souhaite, également, que la construction de logements, en particulier de logements sociaux, soit accélérée. Cela nécessitera, notamment, la réorientation d'une partie de la défiscalisation au profit du logement social d'ici la fin de l'année. Le logement n'est pas, à mes yeux, juste « un sujet comme un autre ». Il est l'élément de base du cadre de vie, il fait partie de la dignité de la personne. Comment peut-on espérer créer les conditions d'une réelle égalité des chances si on laisse nos enfants d'outre-mer vivre dans des habitations insalubres ?
Je veux, aussi, que le gouvernement s'attelle à l'amélioration de l'offre de soins et à la diversification des structures d'accueil pour les personnes âgées et handicapées. Dans certains de nos territoires, je pense par exemple à la Guyane ou à la Polynésie, l'offre de soins et d'hébergement médico-social n'est pas comparable à celle de métropole. Même s'il existe parfois des contraintes géographiques objectives, les Français d'outre-mer doivent être traités avec équité face au service public. C'est cela la grandeur de la République ! Enfin, je veux que l'on continue, avec une détermination absolue, le travail engagé en matière de continuité territoriale, aérienne et numérique, car c'est un gage de cohésion nationale.
Troisième axe, enfin : la sécurité de nos compatriotes d'outre-mer.
Malgré les efforts déjà engagés, je sais que l'insécurité continue à être durement ressentie dans un certain nombre des collectivités d'outre-mer et je ne veux pas que l'on commette l'erreur de minimiser le phénomène. Les mesures en matière de sécurité concernant la France entière ont, naturellement, vocation à s'appliquer en outre-mer. Cependant, j'ai demandé à Michèle ALLIOT-MARIE, en liaison avec les Ministres des Affaires étrangères, de la Justice, de la Défense et de l'Immigration d'accentuer particulièrement les efforts entrepris pour l'outre-mer dans plusieurs directions: la lutte contre les trafics illicites et l'immigration clandestine spécialement à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe £ l'amélioration significative de la prise en charge carcérale des délinquants £ le renforcement de la politique de partenariat, de coopération et de codéveloppement avec les Etats voisins de nos collectivités d'outre-mer et, enfin, l'amélioration de la gestion des risques naturels.
Il ne s'agit là que des grands axes d'une politique que nous avons, d'ores et déjà, commencé à mettre en oeuvre. Il est bien évident que chaque territoire fera l'objet d'une approche spécifique, comme je m'y suis engagé durant la campagne en m'adressant aux onze collectivités d'outre-mer. Même si je n'ai pu me rendre, jusqu'à aujourd'hui, que dans les DOM, je n'ai rien oublié de mes engagements vis-à-vis des autres collectivités d'outre-mer. J'ai fait part de mes projets à chacun d'entre-vous et je respecterai mes engagements. Il pourra, bien sûr, y avoir des discussions sur tel ou tel point mais il n' y aura pas de reniement. Car ce que j'ai dit pour la France entière vaut pour l'outre-mer : un projet politique a vocation à être respecté et appliqué.
Je respecterai mes engagements vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie que je veux accompagner sur le chemin de la croissance, notamment grâce au développement de son industrie du Nickel dans le Nord de l'île. Ceci dans le respect des équilibres issus de l'Accord de Nouméa qui a su créer les conditions d'une paix sociale durable. Je suis, aujourd'hui, convaincu que la Nouvelle-Calédonie a toute sa place dans une République qui a su évoluer avec le temps.
Je respecterai mes engagements vis-à-vis de la Polynésie qui a un besoin vital de la solidarité nationale, en raison de sa géographie extrêmement contraignante. J'ai, d'ailleurs, annoncé au Président Gaston TONG SANG, lundi dernier, ma venue en Polynésie, fin octobre/début novembre, pour signer personnellement un « contrat de projets » pluriannuel, destiné à accompagner la Polynésie dans sa mutation économique. D'une façon plus générale, je souhaite que les relations financières entre la France et la Polynésie soient désormais encadrées par deux principes cardinaux : la stabilité et la transparence. J'ai demandé au Premier Ministre que l'on étudie la possibilité d'élaborer une loi de programme pour définir les modalités de cette nouvelle relation, dans le respect du statut d'autonomie de la Polynésie.
Je n'ai pas, non plus, oublié mes engagements vis-à-vis des Mahorais, que ce soit en matière de lutte contre l'immigration clandestine, de développement des équipements structurants ou d'évolution statutaire. Mais sur ce sujet, je serai clair, comme je l'ai été durant la campagne : si l'on s'engage sur la voie de la départementalisation, celle-ci ne pourra se concevoir que de façon à la fois progressive et adaptée car il serait irresponsable de plaquer un « modèle départemental type » sur ce territoire si spécifique.
Tous ces engagements, ainsi que ceux pris en faveur de Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, sont gravés dans ma mémoire. Je les respecterai. Je les respecterai, même si tout ne pourra pas être fait immédiatement. Je les respecterai et serai présent en outre-mer pour donner des impulsions et me rendre compte des avancées obtenues. Finalement, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse, c'est que chacun de nos compatriotes d'outre-mer -- où qu'il vive -- se rende compte que les choses changent. Que sa vie s'améliore au quotidien, qu'il retrouve le goût de l'esprit d'entreprise, le goût du risque pour s'impliquer personnellement dans le développement de la terre qui est la sienne.
Le monde bouge autour de nous, il se transforme, se développe. Partout, l'innovation, la création, l'invention sont présentes. Je ne veux pas que l'outre-mer reste en marge de ce mouvement. Bien au contraire, je veux qu'avec ses talents et ses ressources, l'outre-mer s'affirme comme moteur de cette innovation, battant ainsi en brèche tous les clichés qui ont la vie dure en métropole ! Je veux que l'outre-mer, plateforme avancée de la France dans les trois Océans, montre au monde ce qu'il est capable de faire !
Plus j'avance, plus je saisis la complexité et la richesse des identités multiples des populations d'outre-mer. La voie que je vous propose n'est pas celle de la facilité. C'est la voie du travail, de l'effort mais c'est aussi la voie de la solidarité et du respect. Les Français d'outre-mer, comme tous les autres Français, doivent participer à l'oeuvre de redressement de notre pays. Ce pays qui n'a pas d'équivalent dans le monde et dans lequel chacun peut trouver sa place dans le respect de son identité.
Je serai le Président qui vous accompagnera sur ce chemin exigeant. Quelles que soient les circonstances, vous pourrez toujours compter sur mon engement personnel pour être aux côtés de cette France d'outre-mer, forte et fragile à la fois. Cette France qui peut relever le défi de la croissance et de l'emploi mais qui a aussi besoin d'être protégée.
Cette France, je l'aime profondément. C'est cela que je suis venu vous dire aujourd'hui.
Monsieur le Secrétaire d'Etat
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je suis heureux d'être parmi vous, ici, rue Oudinot, dans la maison de tous les Français d'outre-mer. Je suis là car je souhaitais m'adresser à vous rapidement après mon élection à la Présidence de la République.
Je veux, aujourd'hui, parler à cette France souvent mal connue et qui constitue, pourtant, une part si importante de notre identité nationale. Je veux parler à cette France des trois Océans dont la diversité ne cesse d'étonner. Je veux parler à cette France qui, au delà des belles images, souffre parfois et doute souvent.
Je veux parler à tous les Français d'outre-mer, qu'ils vivent dans leurs territoires d'origine ou en métropole. Ces trois millions et demi de Français « à part entière » et trop longtemps restés « entièrement à part »··· Je veux vous le dire aujourd'hui : je serai le Président de tous les Français. Il n'y a pas, pour moi, un « peuple d'outre-mer » et un « peuple de l'hexagone », pas plus qu'il n'y a un « peuple de droite » et un « peuple de gauche ». A mes yeux, il n'y a que le peuple de France.
Mais je sais, aussi, que les populations d'outre-mer ont leurs spécificités. Aucune des onze collectivités ne ressemble à une autre, chacune éprouve des difficultés qui lui sont propres. Je veux dire, à chacun d'entre vous, que vous avez une place dans mon coeur. Je veux que notre relation soit bâtie sur des fondations solides, faites de franchise et d'exigence. Je veux une relation adulte. C'est, pour moi, la plus authentique marque de respect.
Cette exigence, je me l'appliquerai à moi-même. J'ai, aujourd'hui, le devoir de ne pas décevoir et je donnerai tout à mon pays car je considère qu'avoir été choisi par le peuple français pour parler et pour agir en son nom est un honneur.
Mais je suis aussi très lucide. Je vous ai entendu. J'ai bien noté le sens des résultats des élections en outre-mer. Ils traduisent, probablement, une part d'inquiétude. Cette inquiétude est compréhensible quand je vois à quel point ma pensée et mes propos ont pu être caricaturés durant la campagne. J'ai été accusé de vouloir remettre en cause toutes les solidarités : le RMI, l'assurance chômage, la couverture médicale et bien d'autres choses encore···Que d'inepties···
Pourtant, si c'était à refaire, je ne changerais pas un mot à mes propos, pas un mot au projet que j'ai longuement mûri avec beaucoup d'entre-vous. Mais il est vrai que le discours que j'ai tenu n'était pas celui de la facilité. Il a consisté à dire la vérité. A dire que l'assistanat n'est pas la réponse au décalage de développement qui touche les collectivités d'outre-mer. Mais que seul le travail et la recherche des voies d'un développement économique endogène permettront de réduire durablement le chômage et les inégalités.
La culture de l'assistanat je la fustige, aussi bien en métropole qu'en outre-mer, car je suis convaincu qu'elle est la source la plus pernicieuse de l'aliénation de l'homme. Mais l'assistanat n'a, à mes yeux, rien à voir avec la juste solidarité qui doit s'exercer au bénéfice des plus démunis et des plus fragiles d'entre-nous. Je veux protéger les Français qui souffrent où qu'ils se trouvent car protéger, c'est le rôle du Président de la République.
Ce que je n'accepte pas, c'est que la solidarité, détournée de son objet, se transforme en un système désincitatif. Ce que je n'accepte pas, c'est la dévalorisation de cette valeur noble qu'est le travail car, sans travail, il ne peut y avoir de juste solidarité.
Aujourd'hui, mon ambition pour la France d'outre-mer est intacte. Pour la servir, j'ai mis en place, avec le Premier Ministre, une architecture gouvernementale nouvelle, dictée par une seule exigence : l'efficacité. Là encore, que n'ai-je entendu comme propos caricaturaux et comme contresens··· Mais cela n'a aucune importance. La seule chose qui compte, à mes yeux, c'est que nous obtenions les résultats attendus. Et, pour cela, je n'ai pas voulu que les questions concernant l'outre-mer soient traitées isolément au sein du gouvernement. Ce que j'ai voulu, c'est mettre en place une « équipe de choc » pour relever les défis qui nous attendent.
En nommant Michèle ALLIOT-MARIE « Ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales », j'ai d'abord souhaité signifier qu'il n'y avait pas « deux Frances ». Notre territoire forme une unité et il faut un Ministre pour la garantir. En nommant Christian ESTROSI « Secrétaire d'Etat pour l'outre-mer », lui qui est à mes côtés depuis tant d'années, j'ai voulu que soient prises en compte la spécificité de l'outre-mer et ses exigences.
En pratique, les territoires d'outre-mer pourront donc compter sur le poids politique de Michèle pour défendre leurs intérêts lors des arbitrages interministériels ou des négociations européennes. Simultanément, ils bénéficieront de la disponibilité et du goût pour l'action de Christian, fort de son expérience réussie de Ministre délégué à l'aménagement du territoire.
Mais ce n'est pas tout. J'ai aussi souhaité que soient mieux prises en compte les questions particulières - longtemps restées sans réponses -- que posent nos compatriotes ultramarins de métropole. Aujourd'hui, il est un fait que les Français d'Outre-mer ont encore à faire face à de nombreuses difficultés lorsqu'ils vivent en métropole. Beaucoup d'entre vous, aujourd'hui, en savent quelque chose···Ces difficultés économiques et sociales sont réelles et souvent différentes de celles rencontrées par les Français issus de l'immigration.
Quelles que soient leurs origines, ces difficultés, qui sont parfois de véritables discriminations, sont inacceptables et doivent être combattues avec force. C'est la raison pour laquelle je m'étais engagé à créer un « Délégué interministériel à l'égalité des chances des Français d'Outre-mer ». C'est aujourd'hui chose faite.
Le Délégué interministériel, Patrick KARAM, nommé ce lundi en Conseil des Ministres, sera à la fois une force de proposition et d'action. Il aura pour but d'assurer une égalité réelle des Français d'Outre-mer. Je lui ai demandé de commencer à travailler, dès cette semaine, en étroite concertation avec Michèle ALLIOT-MARIE et Christian ESTROSI.
Voilà pour l'architecture générale. J'ajoute - cela n'est pas neutre pour tous ceux qui ont l'habitude de défendre des dossiers -- que j'ai demandé à ce que tous les cabinets ministériels soient dotés d'un conseiller spécialisé sur les questions d'outre-mer. J'ai, d'ailleurs , moi-même souhaité que, dans mes quinze « conseillers », il y en ait un qui soit exclusivement consacré à l'outre-mer.
Afin de me rendre compte personnellement des avancées des politiques publiques concernant l'outre-mer, je présiderai, à intervalle régulier comme je m'y étais engagé, un « Conseil interministériel de l'outre-mer » qui réunira l'ensemble des Ministres concernés. Car, pour moi, l'outre-mer n'est pas un sujet de « spécialistes », c'est l'affaire de tous et j'entends que chacun des membres du gouvernement s'y investisse.
Au total, je considère que les intérêts de l'outre-mer seront probablement mieux pris en compte qu'ils ne l'ont jamais été. Et c'est parfaitement cohérent car le Premier Ministre et moi-même avons, pour l'outre-mer, un projet riche et ambitieux qui va exiger un engagement total de la part du gouvernement.
Sur le fond, ma ligne de conduite ne variera pas. Je l'ai exposée de façon transparente durant la campagne. Elle est bâtie sur trois axes majeurs : le développement économique, la mise en place d'une réelle égalité des chances et le renforcement de la sécurité quotidienne de nos compatriotes.
Premier axe : le développement économique.
Ma vision est claire sur ce sujet : il faut créer, en outre-mer, les conditions d'un développement propre, adapté à la réalité de chaque territoire. Je suis convaincu que c'est la façon la plus efficace et la plus durable de lutter contre le chômage et de permettre, ainsi, à nos compatriotes de vivre dignement du fruit de leur travail. Cela passe par une politique stable de défiscalisation qui permet de développer l'investissement en outre-mer et de créer de l'activité productive. Lorsque, en revanche, la défiscalisation génère des effets pervers ou des effets d'aubaine injustifiés, elle se transforme en simple « niche fiscale » et doit donc être réformée. Le seul objectif que nous devons garder à l'esprit est celui de l'efficacité économique.
C'est pour cela que je veux aller plus loin que l'actuelle loi de programme pour l'outre-mer (LOPOM). Je veux aller plus loin en créant un nouvel outil de développement : les « zones franches globales d'activités ». Je m'y suis engagé durant la campagne, je le ferai. Elles couvriront, sur les secteurs les plus porteurs, l'intégralité des territoires de chacun des quatre DOM - la Guyane, la Guadeloupe, la Martinique et la Réunion. Ce projet me tient à coeur. Je veux que tout soit fait pour permettre l'émergence d'économies compétitives en outre-mer. Des économies qui ne dépendent plus principalement de la métropole pour leur survie et qui puissent envisager sérieusement de partir à la conquête de marchés extérieurs. Je veux sur ce sujet, comme sur d'autres, que l'on fasse « mieux », dans un contexte où chaque euro dépensé doit avoir prouvé son efficacité.
Cela se traduira donc par la mise en place de dispositifs nouveaux mais aussi par la rationalisation de dispositifs existants, lorsqu'ils n'ont pas démontré leur efficacité économique. J'ai demandé à Christian ESTROSI, sous l'autorité de Michèle ALLIOT-MARIE, de se mettre à travailler sans délai sur ce projet. Je souhaite qu'un texte soit présenté, après consultation des acteurs concernés, au Parlement de telle sorte que les économies ultramarines en bénéficient dès 2008.
Mais mon projet pour le développement ne s'arrête pas à cela. Je souhaite, parallèlement, faire émerger, partout en outre-mer, des pôles d'excellence dans la logique des pôles de compétitivité, associant les acteurs économiques et les centres de recherche publique. Cette démarche d'excellence et de spécialisation des économies est une nécessité. Certains territoires se sont d'ores et déjà engagés dans cette voie comme la Réunion et, plus récemment, la Guadeloupe et la Guyane. Je souhaite que cette dynamique se développe partout ailleurs et notamment en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. J'ai la conviction que les collectivités d'outre-mer pourront ainsi jouer, à l'avenir, le rôle de véritable laboratoire économique et écologique, notamment dans le secteur des énergies renouvelables.
Deuxième axe : assurer aux Français d'outre-mer une réelle égalité des chances.
Parce qu'elles ont à faire face à de multiples handicaps structurels, les collectivités d'outre-mer ont besoin d'une solidarité sans faille sur les questions qui touchent aux services essentiels à la personne. Les chantiers sont nombreux.
La modernisation du système éducatif pour répondre aux besoins de scolarisation et de formation de la jeunesse d'outre-mer sera une priorité car il est inacceptable que certains de nos enfants soient mal ou pas scolarisés sur le sol de la République.
Je souhaite, également, que la construction de logements, en particulier de logements sociaux, soit accélérée. Cela nécessitera, notamment, la réorientation d'une partie de la défiscalisation au profit du logement social d'ici la fin de l'année. Le logement n'est pas, à mes yeux, juste « un sujet comme un autre ». Il est l'élément de base du cadre de vie, il fait partie de la dignité de la personne. Comment peut-on espérer créer les conditions d'une réelle égalité des chances si on laisse nos enfants d'outre-mer vivre dans des habitations insalubres ?
Je veux, aussi, que le gouvernement s'attelle à l'amélioration de l'offre de soins et à la diversification des structures d'accueil pour les personnes âgées et handicapées. Dans certains de nos territoires, je pense par exemple à la Guyane ou à la Polynésie, l'offre de soins et d'hébergement médico-social n'est pas comparable à celle de métropole. Même s'il existe parfois des contraintes géographiques objectives, les Français d'outre-mer doivent être traités avec équité face au service public. C'est cela la grandeur de la République ! Enfin, je veux que l'on continue, avec une détermination absolue, le travail engagé en matière de continuité territoriale, aérienne et numérique, car c'est un gage de cohésion nationale.
Troisième axe, enfin : la sécurité de nos compatriotes d'outre-mer.
Malgré les efforts déjà engagés, je sais que l'insécurité continue à être durement ressentie dans un certain nombre des collectivités d'outre-mer et je ne veux pas que l'on commette l'erreur de minimiser le phénomène. Les mesures en matière de sécurité concernant la France entière ont, naturellement, vocation à s'appliquer en outre-mer. Cependant, j'ai demandé à Michèle ALLIOT-MARIE, en liaison avec les Ministres des Affaires étrangères, de la Justice, de la Défense et de l'Immigration d'accentuer particulièrement les efforts entrepris pour l'outre-mer dans plusieurs directions: la lutte contre les trafics illicites et l'immigration clandestine spécialement à Mayotte, en Guyane et en Guadeloupe £ l'amélioration significative de la prise en charge carcérale des délinquants £ le renforcement de la politique de partenariat, de coopération et de codéveloppement avec les Etats voisins de nos collectivités d'outre-mer et, enfin, l'amélioration de la gestion des risques naturels.
Il ne s'agit là que des grands axes d'une politique que nous avons, d'ores et déjà, commencé à mettre en oeuvre. Il est bien évident que chaque territoire fera l'objet d'une approche spécifique, comme je m'y suis engagé durant la campagne en m'adressant aux onze collectivités d'outre-mer. Même si je n'ai pu me rendre, jusqu'à aujourd'hui, que dans les DOM, je n'ai rien oublié de mes engagements vis-à-vis des autres collectivités d'outre-mer. J'ai fait part de mes projets à chacun d'entre-vous et je respecterai mes engagements. Il pourra, bien sûr, y avoir des discussions sur tel ou tel point mais il n' y aura pas de reniement. Car ce que j'ai dit pour la France entière vaut pour l'outre-mer : un projet politique a vocation à être respecté et appliqué.
Je respecterai mes engagements vis-à-vis de la Nouvelle-Calédonie que je veux accompagner sur le chemin de la croissance, notamment grâce au développement de son industrie du Nickel dans le Nord de l'île. Ceci dans le respect des équilibres issus de l'Accord de Nouméa qui a su créer les conditions d'une paix sociale durable. Je suis, aujourd'hui, convaincu que la Nouvelle-Calédonie a toute sa place dans une République qui a su évoluer avec le temps.
Je respecterai mes engagements vis-à-vis de la Polynésie qui a un besoin vital de la solidarité nationale, en raison de sa géographie extrêmement contraignante. J'ai, d'ailleurs, annoncé au Président Gaston TONG SANG, lundi dernier, ma venue en Polynésie, fin octobre/début novembre, pour signer personnellement un « contrat de projets » pluriannuel, destiné à accompagner la Polynésie dans sa mutation économique. D'une façon plus générale, je souhaite que les relations financières entre la France et la Polynésie soient désormais encadrées par deux principes cardinaux : la stabilité et la transparence. J'ai demandé au Premier Ministre que l'on étudie la possibilité d'élaborer une loi de programme pour définir les modalités de cette nouvelle relation, dans le respect du statut d'autonomie de la Polynésie.
Je n'ai pas, non plus, oublié mes engagements vis-à-vis des Mahorais, que ce soit en matière de lutte contre l'immigration clandestine, de développement des équipements structurants ou d'évolution statutaire. Mais sur ce sujet, je serai clair, comme je l'ai été durant la campagne : si l'on s'engage sur la voie de la départementalisation, celle-ci ne pourra se concevoir que de façon à la fois progressive et adaptée car il serait irresponsable de plaquer un « modèle départemental type » sur ce territoire si spécifique.
Tous ces engagements, ainsi que ceux pris en faveur de Wallis et Futuna, Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, sont gravés dans ma mémoire. Je les respecterai. Je les respecterai, même si tout ne pourra pas être fait immédiatement. Je les respecterai et serai présent en outre-mer pour donner des impulsions et me rendre compte des avancées obtenues. Finalement, il n'y a qu'une chose qui m'intéresse, c'est que chacun de nos compatriotes d'outre-mer -- où qu'il vive -- se rende compte que les choses changent. Que sa vie s'améliore au quotidien, qu'il retrouve le goût de l'esprit d'entreprise, le goût du risque pour s'impliquer personnellement dans le développement de la terre qui est la sienne.
Le monde bouge autour de nous, il se transforme, se développe. Partout, l'innovation, la création, l'invention sont présentes. Je ne veux pas que l'outre-mer reste en marge de ce mouvement. Bien au contraire, je veux qu'avec ses talents et ses ressources, l'outre-mer s'affirme comme moteur de cette innovation, battant ainsi en brèche tous les clichés qui ont la vie dure en métropole ! Je veux que l'outre-mer, plateforme avancée de la France dans les trois Océans, montre au monde ce qu'il est capable de faire !
Plus j'avance, plus je saisis la complexité et la richesse des identités multiples des populations d'outre-mer. La voie que je vous propose n'est pas celle de la facilité. C'est la voie du travail, de l'effort mais c'est aussi la voie de la solidarité et du respect. Les Français d'outre-mer, comme tous les autres Français, doivent participer à l'oeuvre de redressement de notre pays. Ce pays qui n'a pas d'équivalent dans le monde et dans lequel chacun peut trouver sa place dans le respect de son identité.
Je serai le Président qui vous accompagnera sur ce chemin exigeant. Quelles que soient les circonstances, vous pourrez toujours compter sur mon engement personnel pour être aux côtés de cette France d'outre-mer, forte et fragile à la fois. Cette France qui peut relever le défi de la croissance et de l'emploi mais qui a aussi besoin d'être protégée.
Cette France, je l'aime profondément. C'est cela que je suis venu vous dire aujourd'hui.