29 juin 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur son projet en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, aux chantiers de l'entreprise Fontanel le 29 juin 2007.
Monsieur FONTANEL, merci de votre accueil.
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Mon cher Dominique,
Nous avons voulu venir avec la ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi sur un chantier du bâtiment, parce que le bâtiment est un élément essentiel de la force économique de la France et nous avions envie de mettre en valeur la noblesse des métiers du bâtiment. Vous devez être fiers de votre métier.
C'est l'un des problèmes de la France : un peu moins de 2 millions de chômeurs et le bâtiment qui cherche des bras. Et moi, je suis venu ici avec Christine LAGARDE pour vous parler de travail. Il faut que ceux qui travaillent puissent gagner davantage et il faut que l'on ne puisse pas refuser un travail quand on est au chômage. Il faut qu'on vous propose une offre d'emploi qui corresponde à vos qualifications, et ce pour deux raisons. Premièrement parce que l'on ne peut vivre libre, debout, que du fruit de son travail, pas du fruit de l'assistance. Deuxièmement, parce que ceux qui se lèvent tôt le matin, comme vous, ne comprendraient pas que quelqu'un qui ne travaille pas ait quasiment autant, à la fin du mois, que celui qui travaille. Il y a un problème de travail dans notre pays. La France travaille moins quand les autres pays travaillent plus. On peut arriver au plein emploi, je m'y suis engagé. On va y arriver, mais pour arriver au plein emploi, il faut que l'on travaille davantage. Il faut libérer les possibilités de travailler dans l'entreprise. A deux conditions : que le travail supplémentaire soit sur la base du volontariat, et que le travail supplémentaire donne droit à un salaire supplémentaire. Je ne suis pas pour que les heures supplémentaires ne soient pas payées. Je ne suis pas enthousiaste devant les accords qui veulent que les heures qu'on ne fait pas en hiver on les fait en été, et les heures que l'on ne fait pas en été, on les fait en hiver. Pour ma part, je pense que les français sont prêts à travailler davantage à partir du moment où on leur permet de gagner davantage. Christine LAGARDE va faire voter au Parlement, dans les jours qui viennent, un texte sur les heures supplémentaires. Je l'avais promis. A partir du 1er octobre, vous ne paierez vous, les ouvriers du bâtiment comme tous les salariés français, aucune charge, aucun impôt sur le revenu des heures supplémentaires. Rien, ce sera pour vous, dans votre poche. Un salarié, un ouvrier qui est au SMIC, s'il travaille 4 heures de plus par semaine, ce sera 174 euros de plus. Presque 15%, pas de cotisations dessus, pas d'impôt à payer. On me dit : "est-ce que cela va être simple ?". Oui, c'est simple à comprendre en tout cas, parce ce que je ne veux pas d'un système où l'on empêche les gens de travailler. Ceux qui ne veulent pas en faire, vous n'en ferez pas. Mais ceux qui veulent en faire seront encouragés à en faire. Moi, je ne veux pas d'un système où celui qui travaille plus paie plus. Je veux que pour celui qui travaille plus, cela rapporte plus. Je veux dire également que pour les entreprises, on fait un forfait d'abaissement des cotisations sociales pour qu'elles soient encouragées à donner des heures supplémentaires. Comme cela, avec ce système, vous gagnerez plus et les entreprises pourront donner davantage de travail. L'Etat s'y retrouvera parce que, vous savez, quand on a 1500 euros de salaire, si on arrive à avoir 10 ou 15% d'augmentation, on ne place pas l'argent sur les livrets de caisse d'épargne. L'argent va dans les dépenses de la famille, pour que la famille puisse mieux vivre, et donc ça génère des recettes de TVA pour l'Etat. C'est un système gagnant-gagnant. Je veux encourager et convaincre les chefs d'entreprises, de toutes les entreprises de France, à libérer le travail et à donner davantage de travail. Comme cela, vous gagnerez plus et vous consommerez plus. Et la consommation donnera plus de travail aux autres. Je veux que vous compreniez cette stratégie, car le partage du temps de travail a été synonyme d'échec. Tous les pays qui sont au plein emploi ont mis en place la même stratégie. Tous ! Libérer les forces de travail, tous ! Ecoutez, avec l'affaire des 35 heures, on a eu plus de chômeurs et on n'a plus parlé des salaires en France. Je pense avoir été honnête en disant qu'il y a un problème de pouvoir d'achat en France. Il y en a des économistes qui m'ont dit "mais non, il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat, il y a un problème de compétitivité". Je ne partage pas leur point de vue. Parce que quand les salariés ne sont pas heureux de travailler et que les ouvriers pensent qu'ils ne sont pas payés au juste prix de leur travail, c'est la compétitivité de l'entreprise qui en souffre. Et vous le savez parfaitement bien, la richesse d'une entreprise ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent. Et donc si l'on est heureux de travailler dans l'entreprise, si l'on se sent respecté par le salaire que l'on touche, à l'arrivée on va être plus compétitif, plus productif, et c'est toute l'économie française qui va y gagner. De toute façon, Mesdames et Messieurs, il fallait bien que je trouve une stratégie économique. J'ai regardé tout se qui se passait ailleurs, je me suis demandé comment faisaient les autres pour avoir le plein emploi, pour qu'il n'y ait plus de chômeur. Avec Christine LAGARDE, nous n'avons pas inventé cela dans un laboratoire. Partout ailleurs, ils ont libéré les forces de travail. Personne n'en veut à ceux qui ne veulent pas travailler plus de 35 heures, mais que ceux-là n'empêchent les autres de travailler. Parce que chacun d'entre vous a des problèmes. Les enfants qui grandissent, ça coûte cher. L'appartement que l'on veut plus grand, les vacances que l'on veut prendre, la famille qui attend derrière... Voilà ce que l'on veut faire. Notre stratégie économique, elle porte un nom : le travail. Le travail qui doit être respecté, le travail qui doit être récompensé, le travail qui doit être valorisé. C'est cela que l'on veut faire avec Christine LAGARDE. Et cela va créer un choc de confiance dans le pays. Pour la première fois depuis 1982, la France est passée en dessous de la barre de 2 millions de chômeurs. Je pourrais dire "c'est formidable, on croise les bras et on reste assis sur sa chaise". Mais nous sommes encore trop haut. La moyenne des pays de la zone euro est à 7% et le plein emploi est à 5%. Nous allons y arriver. Il n'y a aucune raison que les autres réussissent et que nous, on ne réussisse pas. Voilà très exactement ce que l'on veut faire et pourquoi on s'engage là-dedans.
J'ajoute pour vous, les ouvriers du bâtiment, qu'on va faire un grand plan sur la rénovation de la formation professionnelle, parce que, quand même, vous êtes dans un métier qui est un métier noble. C'est un métier passionnant où l'on voit la réalisation de ce que l'on fait. C'est un métier dont on a besoin. Il faut que l'on envoie plus de jeunes dans ces filières plutôt que dans les filières qui terminent au chômage. Pour moi, il n'y a pas les métiers manuels d'un côté, les métiers intellectuels de l'autre. Il y a des métiers tout court. Avec le respect pour celui qui sait faire des choses, et qui s'est formé tout seul bien souvent. Donc on va orienter davantage de jeunes vers vos métiers.
Et puis on va permettre à la France de devenir un pays de propriétaires. 55% des français sont propriétaires alors que 76% des anglais le sont. Pourquoi ? On va pouvoir déduire une partie des intérêts d'emprunts de son revenu. Cela aussi va donner du pouvoir d'achat. Je crois au problème du pouvoir d'achat qu'il faut résoudre. Il n'y a aucune raison d'aller payer des impôts sur les intérêts que l'on verse à sa banque. Je souhaite aller encore plus loin. Cela coûte cher mais c'est du pouvoir d'achat qui doit être donné. Oui, il y avait un problème de pouvoir d'achat dans notre pays. Avec des prix qui sont trop élevés, des impôts qui sont trop lourds, des salaires qui ne sont pas assez forts. Comment on résout la quadrature du cercle ? En permettant aux gens de travailler plus. Imaginez si moi, je venais vous dire "travaillez moins, vous gagnerez plus ··· On vous l'a déjà faite cette histoire et cela ne marche pas.
Travaillez plus, vous gagnerez plus : voilà la martingale gagnante. Voilà toute la stratégie que je veux conduire car avec cela, on aura plus de croissance. C'est le fait que la France n'ait pas ce point de croissance en plus qui créé les déficits, qui créé de l'endettement, qui créé du chômage. Nous allons essayer de faire l'inverse de la stratégie qui a été retenue avec des 35 heures. On va libérer les forces de travail. On va récompenser les travailleurs. On va tout faire pour remettre au travail des gens qui n'ont pas de travail. Et regardez partout dans le monde : quel que soient les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, quel que soit l'âge des chefs d'Etat, de gouvernement, des ministres de l'Economie, ils ont tous fait cette stratégie. Pas un seul pays au monde ne peut réussir en travaillant moins.
Je voudrais vous dire, à vous les travailleurs, les ouvriers du bâtiment. J'ai demandé que l'on puisse supprimer les impôts sur les successions. Pourquoi ? Parce que moi, j'estime que lorsque l'on a travaillé dur toute sa vie, on doit pouvoir laisser à ses enfants le fruit d'une vie de travail. C'est cela aussi valoriser le travail. Cet argent, vous ne l'avez pas volé. Vous avez payé des impôts dessus. Christine va défendre un projet auquel je crois beaucoup.
Quand vous avez des enfants qui font des études ou qui sont en âge de faire des études, c'est bien pour eux de travailler un peu pour gagner de l'argent. Même dans les familles qui n'en ont pas besoin, c'est bien qu'un jeune travaille en même temps que ses études, pour comprendre que la vie ce n'est pas simplement des droits, de la facilité. C'est bien un petit boulot pendant les vacances. Et bien il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé : certains ne le faisaient pas, parce que cela venait accroître le revenu de la famille donc accroître le montant des impôts. Désormais, les jeunes qui travailleront pendant leurs études ne paieront pas d'impôts. Pourquoi ? Parce que je préfère que nos jeunes, les jeunes français, les jeunes étudiants français, travaillent pour aider leur famille, et travaillent pour comprendre ce que c'est que la vie. On n'a pas besoin d'aller prendre des impôts là-dessus. Voilà ce que je pense.
Je voudrais parler aussi pour les seniors. Il faut se méfier parce que les seniors, il paraît que cela commence à 50 ans... Là-dessus, je ne suis pas d'accord. Il se trouve qu'à 52 ans, on est en pleine forme, on est jeune. A 53 ans, c'est déjà plus compliqué, mais 52... Je vois qu'il y a une polémique là-dessus. J'aime beaucoup M. THIRIEZ, qui est un très bon Président de la Ligue française de football professionnel. Sur le plan professionnel, c'est un homme honnête, un homme compétent pour qui j'ai beaucoup de respect. Je le pense, c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. J'aime beaucoup le football. Mais il y a quelque chose que je n'apprécie pas £ c'est que l'on puisse dire "parce qu'il a tel âge, il n'a plus le droit de travailler". Si on a envie de continuer à travailler et si les gens nous font confiance, est-ce que vous croyez que l'on ne vaut plus rien parce que l'on a tel âge et que l'on vaut beaucoup parce que l'on est plus jeune ? Souvenez-vous qu'on a écarté de nos systèmes de recherche M. MONTAGNER, ce grand professeur qui avait le premier isolé le virus du Sida, parce que les statuts disaient qu'il était vieux··· Cela fait dix ans qu'il cherche aux Etats-Unis. Vous ne croyez pas que l'on aurait intérêt à faire revenir quelqu'un comme le Professeur MONTAGNER ? Peu importe qu'il ait dépassé l'âge de 70 ans depuis longtemps, s'il a envie de chercher pour le bénéfice de la recherche française.
Bien sûr, il faut respecter l'âge du départ à la retraite, mais si on veut travailler plus et continuer à travailler si on nous fait confiance, on doit avoir la liberté de le faire. Voilà ce que je pense. Dans notre pays, les quinquagénaires et les sexagénaires doivent pouvoir travailler librement. Même le jour où vous serez à la retraite, vous devrez pouvoir cumuler un emploi à temps partiel et une retraite. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'un peu plus de salaire ou tout simplement qui ont peur de s'ennuyer. Mais pourquoi empêche t-on les gens de travailler ? Regardez le système : on empêchait les jeunes de travailler, on empêchait les moins jeunes de travailler et ceux qui n'étaient ni jeunes, ni moins jeunes, on leur disait : "tu ne dépasses pas les 35 heures"··· Et avec cela on s'étonne que la France crée moins de richesses que les autres. Ce qui est étonnant, c'est qu'on en ait encore créées. Voila la réalité des choses. Je pense que plus on va travailler, plus on va donner des salaires. Plus on va donner du pouvoir d'achat, plus on aura de la croissance. Plus on aura de la croissance, plus on aura de l'emploi. Voilà ce à quoi je crois profondément. En tout cas, c'est cela que l'on va essayer de faire.
Je voudrais terminer en disant ce qu'on m'a dit avant de partir : "Est-ce que c'est le rôle du Président de la République d'aller sur un chantier ?". Et bien oui, un Président de la République, ce n'est pas fait que pour aller dans les sommets internationaux. C'est important les sommets internationaux, mais je voudrais vous rappeler une chose. J'ai été élu par les Français et je me sens Président de tous les Français y compris de ceux qui n'ont pas voté pour moi. Le coeur de ma campagne, les idées que l'on a défendues, c'est le travail. Et le travail, on le défend en l'expliquant à qui ? Aux travailleurs. Ce n'est pas un mot qui m'écorche la bouche. On dit "il s'occupe de tout". Je n'ai pas été élu pour m'occuper de rien. Je ne vois pas où est la polémique. D'ailleurs, ce n'est pas vrai, si je pouvais m'occuper d'encore plus de choses, je le ferais bien volontiers. Vous savez, on travaille en équipe avec le Premier ministre, François FILLON. On essaie de se répartir la tâche avec les ministres. Quand il y a un problème, c'est normal que je vienne pour essayer de débloquer et d'aider. Avec Christine LAGARDE, on va aller expliquer notre politique économique aux ministres des Finances européens. Ensemble, c'est un travail d'équipe. Et moi, je n'ai pas cette vision que celui qui entraîne l'équipe, qui a été désigné pour l'animer, se mette bien tranquillement derrière, au chaud, en attendant les ennuis. Et au moment où il y a les ennuis, qui dit :"excusez-moi, ce n'était pas moi, je n'étais pas là". Je pense que ce n'est pas une façon moderne de faire. Un leader, un chef, un élu, qu'il soit maire, Président de conseil général, Président de la République, Ministre, il doit être à la tête de l'équipe, il ne doit pas être derrière. Il doit être à la tête pour entraîner et pour assumer. Ce n'est pas une question de gauche ou de droite, c'est tout simplement une question de mentalité. Et puis, je pense que les Français sont suffisamment lucides pour comprendre que tout ne peut pas marcher du premier coup, que l'on peut un jour se tromper. Et bien on corrigera. Ce que les Français nous demandent, c'est d'essayer, c'est de n'être avare ni de sentiments ni d'énergie, c'est de s'engager pleinement pour qu'il y ait du changement. J'ai été élu pour cela, c'est cela que je veux mettre en oeuvre.
Vous savez, je veux vraiment que vous retrouviez confiance. Confiance, pas en moi, confiance dans la politique, confiance dans la parole des hommes politiques, confiance dans le fait que l'on peut encore peser sur les choses, que l'on n'est pas condamné à la fatalité. Je veux que vous disiez en allant au travail, "on a confiance dans notre pays". Là-haut, ils ont dit qu'ils allaient faire des choses, ils vont essayer de le faire, cela ne sera pas facile. Il y aura des ennuis, il y aura des difficultés, mais au moins ils essaient de changer les choses, comme vous quand vous essayez de construire la vie dans votre famille. Au moins, cela bouge. On ne peut pas rester dans un pays figé, immobile. C'est ce que j'ai dit à la communauté universitaire. Ils ont dit : "on a peur". D'accord, mais vous devriez avoir encore plus peur de l'immobilisme. Et finalement, regardez ce qu'ils disent. Ca y est, cela se débloque. On comprend, on va donner de la liberté aux universités.
Là aussi, je ne suis pas d'accord. Il n'y a pas assez de jeunes qui sont étudiants. Tous vos enfants, il faut qu'ils aient une bonne formation, il faut qu'ils puissent faire des études, dans un domaine ou un autre, le bâtiment, l'apprentissage ou les études universitaires. Mais ce que je veux, c'est que tous puissent le faire et qu'ils le méritent par leur travail, eux aussi. C'est cela l'objectif. Je voudrais que vous compreniez que pour moi, c'est aussi important d'être ici, à Lyon, sur ce chantier, que d'être au G8 en train de parler de la mondialisation. Parler de la mondialisation, c'est important. Mais si, derrière, le pays n'augmente pas la quantité de travail, ce n'est pas possible de réussir.
Croyez bien que je le ferai pendant les cinq ans de mon mandat. J'irai en permanence sur le terrain pour être le Président de tous les Français. Et pour, psychologiquement, redonner de l'optimisme, de la force au pays, de l'énergie au pays et de la confiance dans l'avenir. Que vous vous disiez tous : "oui, on peut avoir une meilleure vie, on peut assurer la promotion sociale de nos familles", c'est cela qui compte pour moi. Que personne ne se dise le matin : "à quoi cela sert de me donner du mal puisque, de toute manière, tout le monde s'en moque". Non, celui qui se donne du mal, il doit en avoir la récompense, d'où qu'il vienne et quel qu'il soit. Voilà la stratégie d'économie qui est la nôtre.
Merci à tous.
Monsieur le Maire,
Monsieur le Président,
Mon cher Dominique,
Nous avons voulu venir avec la ministre de l'Economie, des Finances et de l'Emploi sur un chantier du bâtiment, parce que le bâtiment est un élément essentiel de la force économique de la France et nous avions envie de mettre en valeur la noblesse des métiers du bâtiment. Vous devez être fiers de votre métier.
C'est l'un des problèmes de la France : un peu moins de 2 millions de chômeurs et le bâtiment qui cherche des bras. Et moi, je suis venu ici avec Christine LAGARDE pour vous parler de travail. Il faut que ceux qui travaillent puissent gagner davantage et il faut que l'on ne puisse pas refuser un travail quand on est au chômage. Il faut qu'on vous propose une offre d'emploi qui corresponde à vos qualifications, et ce pour deux raisons. Premièrement parce que l'on ne peut vivre libre, debout, que du fruit de son travail, pas du fruit de l'assistance. Deuxièmement, parce que ceux qui se lèvent tôt le matin, comme vous, ne comprendraient pas que quelqu'un qui ne travaille pas ait quasiment autant, à la fin du mois, que celui qui travaille. Il y a un problème de travail dans notre pays. La France travaille moins quand les autres pays travaillent plus. On peut arriver au plein emploi, je m'y suis engagé. On va y arriver, mais pour arriver au plein emploi, il faut que l'on travaille davantage. Il faut libérer les possibilités de travailler dans l'entreprise. A deux conditions : que le travail supplémentaire soit sur la base du volontariat, et que le travail supplémentaire donne droit à un salaire supplémentaire. Je ne suis pas pour que les heures supplémentaires ne soient pas payées. Je ne suis pas enthousiaste devant les accords qui veulent que les heures qu'on ne fait pas en hiver on les fait en été, et les heures que l'on ne fait pas en été, on les fait en hiver. Pour ma part, je pense que les français sont prêts à travailler davantage à partir du moment où on leur permet de gagner davantage. Christine LAGARDE va faire voter au Parlement, dans les jours qui viennent, un texte sur les heures supplémentaires. Je l'avais promis. A partir du 1er octobre, vous ne paierez vous, les ouvriers du bâtiment comme tous les salariés français, aucune charge, aucun impôt sur le revenu des heures supplémentaires. Rien, ce sera pour vous, dans votre poche. Un salarié, un ouvrier qui est au SMIC, s'il travaille 4 heures de plus par semaine, ce sera 174 euros de plus. Presque 15%, pas de cotisations dessus, pas d'impôt à payer. On me dit : "est-ce que cela va être simple ?". Oui, c'est simple à comprendre en tout cas, parce ce que je ne veux pas d'un système où l'on empêche les gens de travailler. Ceux qui ne veulent pas en faire, vous n'en ferez pas. Mais ceux qui veulent en faire seront encouragés à en faire. Moi, je ne veux pas d'un système où celui qui travaille plus paie plus. Je veux que pour celui qui travaille plus, cela rapporte plus. Je veux dire également que pour les entreprises, on fait un forfait d'abaissement des cotisations sociales pour qu'elles soient encouragées à donner des heures supplémentaires. Comme cela, avec ce système, vous gagnerez plus et les entreprises pourront donner davantage de travail. L'Etat s'y retrouvera parce que, vous savez, quand on a 1500 euros de salaire, si on arrive à avoir 10 ou 15% d'augmentation, on ne place pas l'argent sur les livrets de caisse d'épargne. L'argent va dans les dépenses de la famille, pour que la famille puisse mieux vivre, et donc ça génère des recettes de TVA pour l'Etat. C'est un système gagnant-gagnant. Je veux encourager et convaincre les chefs d'entreprises, de toutes les entreprises de France, à libérer le travail et à donner davantage de travail. Comme cela, vous gagnerez plus et vous consommerez plus. Et la consommation donnera plus de travail aux autres. Je veux que vous compreniez cette stratégie, car le partage du temps de travail a été synonyme d'échec. Tous les pays qui sont au plein emploi ont mis en place la même stratégie. Tous ! Libérer les forces de travail, tous ! Ecoutez, avec l'affaire des 35 heures, on a eu plus de chômeurs et on n'a plus parlé des salaires en France. Je pense avoir été honnête en disant qu'il y a un problème de pouvoir d'achat en France. Il y en a des économistes qui m'ont dit "mais non, il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat, il y a un problème de compétitivité". Je ne partage pas leur point de vue. Parce que quand les salariés ne sont pas heureux de travailler et que les ouvriers pensent qu'ils ne sont pas payés au juste prix de leur travail, c'est la compétitivité de l'entreprise qui en souffre. Et vous le savez parfaitement bien, la richesse d'une entreprise ce sont les hommes et les femmes qui y travaillent. Et donc si l'on est heureux de travailler dans l'entreprise, si l'on se sent respecté par le salaire que l'on touche, à l'arrivée on va être plus compétitif, plus productif, et c'est toute l'économie française qui va y gagner. De toute façon, Mesdames et Messieurs, il fallait bien que je trouve une stratégie économique. J'ai regardé tout se qui se passait ailleurs, je me suis demandé comment faisaient les autres pour avoir le plein emploi, pour qu'il n'y ait plus de chômeur. Avec Christine LAGARDE, nous n'avons pas inventé cela dans un laboratoire. Partout ailleurs, ils ont libéré les forces de travail. Personne n'en veut à ceux qui ne veulent pas travailler plus de 35 heures, mais que ceux-là n'empêchent les autres de travailler. Parce que chacun d'entre vous a des problèmes. Les enfants qui grandissent, ça coûte cher. L'appartement que l'on veut plus grand, les vacances que l'on veut prendre, la famille qui attend derrière... Voilà ce que l'on veut faire. Notre stratégie économique, elle porte un nom : le travail. Le travail qui doit être respecté, le travail qui doit être récompensé, le travail qui doit être valorisé. C'est cela que l'on veut faire avec Christine LAGARDE. Et cela va créer un choc de confiance dans le pays. Pour la première fois depuis 1982, la France est passée en dessous de la barre de 2 millions de chômeurs. Je pourrais dire "c'est formidable, on croise les bras et on reste assis sur sa chaise". Mais nous sommes encore trop haut. La moyenne des pays de la zone euro est à 7% et le plein emploi est à 5%. Nous allons y arriver. Il n'y a aucune raison que les autres réussissent et que nous, on ne réussisse pas. Voilà très exactement ce que l'on veut faire et pourquoi on s'engage là-dedans.
J'ajoute pour vous, les ouvriers du bâtiment, qu'on va faire un grand plan sur la rénovation de la formation professionnelle, parce que, quand même, vous êtes dans un métier qui est un métier noble. C'est un métier passionnant où l'on voit la réalisation de ce que l'on fait. C'est un métier dont on a besoin. Il faut que l'on envoie plus de jeunes dans ces filières plutôt que dans les filières qui terminent au chômage. Pour moi, il n'y a pas les métiers manuels d'un côté, les métiers intellectuels de l'autre. Il y a des métiers tout court. Avec le respect pour celui qui sait faire des choses, et qui s'est formé tout seul bien souvent. Donc on va orienter davantage de jeunes vers vos métiers.
Et puis on va permettre à la France de devenir un pays de propriétaires. 55% des français sont propriétaires alors que 76% des anglais le sont. Pourquoi ? On va pouvoir déduire une partie des intérêts d'emprunts de son revenu. Cela aussi va donner du pouvoir d'achat. Je crois au problème du pouvoir d'achat qu'il faut résoudre. Il n'y a aucune raison d'aller payer des impôts sur les intérêts que l'on verse à sa banque. Je souhaite aller encore plus loin. Cela coûte cher mais c'est du pouvoir d'achat qui doit être donné. Oui, il y avait un problème de pouvoir d'achat dans notre pays. Avec des prix qui sont trop élevés, des impôts qui sont trop lourds, des salaires qui ne sont pas assez forts. Comment on résout la quadrature du cercle ? En permettant aux gens de travailler plus. Imaginez si moi, je venais vous dire "travaillez moins, vous gagnerez plus ··· On vous l'a déjà faite cette histoire et cela ne marche pas.
Travaillez plus, vous gagnerez plus : voilà la martingale gagnante. Voilà toute la stratégie que je veux conduire car avec cela, on aura plus de croissance. C'est le fait que la France n'ait pas ce point de croissance en plus qui créé les déficits, qui créé de l'endettement, qui créé du chômage. Nous allons essayer de faire l'inverse de la stratégie qui a été retenue avec des 35 heures. On va libérer les forces de travail. On va récompenser les travailleurs. On va tout faire pour remettre au travail des gens qui n'ont pas de travail. Et regardez partout dans le monde : quel que soient les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, quel que soit l'âge des chefs d'Etat, de gouvernement, des ministres de l'Economie, ils ont tous fait cette stratégie. Pas un seul pays au monde ne peut réussir en travaillant moins.
Je voudrais vous dire, à vous les travailleurs, les ouvriers du bâtiment. J'ai demandé que l'on puisse supprimer les impôts sur les successions. Pourquoi ? Parce que moi, j'estime que lorsque l'on a travaillé dur toute sa vie, on doit pouvoir laisser à ses enfants le fruit d'une vie de travail. C'est cela aussi valoriser le travail. Cet argent, vous ne l'avez pas volé. Vous avez payé des impôts dessus. Christine va défendre un projet auquel je crois beaucoup.
Quand vous avez des enfants qui font des études ou qui sont en âge de faire des études, c'est bien pour eux de travailler un peu pour gagner de l'argent. Même dans les familles qui n'en ont pas besoin, c'est bien qu'un jeune travaille en même temps que ses études, pour comprendre que la vie ce n'est pas simplement des droits, de la facilité. C'est bien un petit boulot pendant les vacances. Et bien il y a quelque chose qui m'a beaucoup frappé : certains ne le faisaient pas, parce que cela venait accroître le revenu de la famille donc accroître le montant des impôts. Désormais, les jeunes qui travailleront pendant leurs études ne paieront pas d'impôts. Pourquoi ? Parce que je préfère que nos jeunes, les jeunes français, les jeunes étudiants français, travaillent pour aider leur famille, et travaillent pour comprendre ce que c'est que la vie. On n'a pas besoin d'aller prendre des impôts là-dessus. Voilà ce que je pense.
Je voudrais parler aussi pour les seniors. Il faut se méfier parce que les seniors, il paraît que cela commence à 50 ans... Là-dessus, je ne suis pas d'accord. Il se trouve qu'à 52 ans, on est en pleine forme, on est jeune. A 53 ans, c'est déjà plus compliqué, mais 52... Je vois qu'il y a une polémique là-dessus. J'aime beaucoup M. THIRIEZ, qui est un très bon Président de la Ligue française de football professionnel. Sur le plan professionnel, c'est un homme honnête, un homme compétent pour qui j'ai beaucoup de respect. Je le pense, c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup. J'aime beaucoup le football. Mais il y a quelque chose que je n'apprécie pas £ c'est que l'on puisse dire "parce qu'il a tel âge, il n'a plus le droit de travailler". Si on a envie de continuer à travailler et si les gens nous font confiance, est-ce que vous croyez que l'on ne vaut plus rien parce que l'on a tel âge et que l'on vaut beaucoup parce que l'on est plus jeune ? Souvenez-vous qu'on a écarté de nos systèmes de recherche M. MONTAGNER, ce grand professeur qui avait le premier isolé le virus du Sida, parce que les statuts disaient qu'il était vieux··· Cela fait dix ans qu'il cherche aux Etats-Unis. Vous ne croyez pas que l'on aurait intérêt à faire revenir quelqu'un comme le Professeur MONTAGNER ? Peu importe qu'il ait dépassé l'âge de 70 ans depuis longtemps, s'il a envie de chercher pour le bénéfice de la recherche française.
Bien sûr, il faut respecter l'âge du départ à la retraite, mais si on veut travailler plus et continuer à travailler si on nous fait confiance, on doit avoir la liberté de le faire. Voilà ce que je pense. Dans notre pays, les quinquagénaires et les sexagénaires doivent pouvoir travailler librement. Même le jour où vous serez à la retraite, vous devrez pouvoir cumuler un emploi à temps partiel et une retraite. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'un peu plus de salaire ou tout simplement qui ont peur de s'ennuyer. Mais pourquoi empêche t-on les gens de travailler ? Regardez le système : on empêchait les jeunes de travailler, on empêchait les moins jeunes de travailler et ceux qui n'étaient ni jeunes, ni moins jeunes, on leur disait : "tu ne dépasses pas les 35 heures"··· Et avec cela on s'étonne que la France crée moins de richesses que les autres. Ce qui est étonnant, c'est qu'on en ait encore créées. Voila la réalité des choses. Je pense que plus on va travailler, plus on va donner des salaires. Plus on va donner du pouvoir d'achat, plus on aura de la croissance. Plus on aura de la croissance, plus on aura de l'emploi. Voilà ce à quoi je crois profondément. En tout cas, c'est cela que l'on va essayer de faire.
Je voudrais terminer en disant ce qu'on m'a dit avant de partir : "Est-ce que c'est le rôle du Président de la République d'aller sur un chantier ?". Et bien oui, un Président de la République, ce n'est pas fait que pour aller dans les sommets internationaux. C'est important les sommets internationaux, mais je voudrais vous rappeler une chose. J'ai été élu par les Français et je me sens Président de tous les Français y compris de ceux qui n'ont pas voté pour moi. Le coeur de ma campagne, les idées que l'on a défendues, c'est le travail. Et le travail, on le défend en l'expliquant à qui ? Aux travailleurs. Ce n'est pas un mot qui m'écorche la bouche. On dit "il s'occupe de tout". Je n'ai pas été élu pour m'occuper de rien. Je ne vois pas où est la polémique. D'ailleurs, ce n'est pas vrai, si je pouvais m'occuper d'encore plus de choses, je le ferais bien volontiers. Vous savez, on travaille en équipe avec le Premier ministre, François FILLON. On essaie de se répartir la tâche avec les ministres. Quand il y a un problème, c'est normal que je vienne pour essayer de débloquer et d'aider. Avec Christine LAGARDE, on va aller expliquer notre politique économique aux ministres des Finances européens. Ensemble, c'est un travail d'équipe. Et moi, je n'ai pas cette vision que celui qui entraîne l'équipe, qui a été désigné pour l'animer, se mette bien tranquillement derrière, au chaud, en attendant les ennuis. Et au moment où il y a les ennuis, qui dit :"excusez-moi, ce n'était pas moi, je n'étais pas là". Je pense que ce n'est pas une façon moderne de faire. Un leader, un chef, un élu, qu'il soit maire, Président de conseil général, Président de la République, Ministre, il doit être à la tête de l'équipe, il ne doit pas être derrière. Il doit être à la tête pour entraîner et pour assumer. Ce n'est pas une question de gauche ou de droite, c'est tout simplement une question de mentalité. Et puis, je pense que les Français sont suffisamment lucides pour comprendre que tout ne peut pas marcher du premier coup, que l'on peut un jour se tromper. Et bien on corrigera. Ce que les Français nous demandent, c'est d'essayer, c'est de n'être avare ni de sentiments ni d'énergie, c'est de s'engager pleinement pour qu'il y ait du changement. J'ai été élu pour cela, c'est cela que je veux mettre en oeuvre.
Vous savez, je veux vraiment que vous retrouviez confiance. Confiance, pas en moi, confiance dans la politique, confiance dans la parole des hommes politiques, confiance dans le fait que l'on peut encore peser sur les choses, que l'on n'est pas condamné à la fatalité. Je veux que vous disiez en allant au travail, "on a confiance dans notre pays". Là-haut, ils ont dit qu'ils allaient faire des choses, ils vont essayer de le faire, cela ne sera pas facile. Il y aura des ennuis, il y aura des difficultés, mais au moins ils essaient de changer les choses, comme vous quand vous essayez de construire la vie dans votre famille. Au moins, cela bouge. On ne peut pas rester dans un pays figé, immobile. C'est ce que j'ai dit à la communauté universitaire. Ils ont dit : "on a peur". D'accord, mais vous devriez avoir encore plus peur de l'immobilisme. Et finalement, regardez ce qu'ils disent. Ca y est, cela se débloque. On comprend, on va donner de la liberté aux universités.
Là aussi, je ne suis pas d'accord. Il n'y a pas assez de jeunes qui sont étudiants. Tous vos enfants, il faut qu'ils aient une bonne formation, il faut qu'ils puissent faire des études, dans un domaine ou un autre, le bâtiment, l'apprentissage ou les études universitaires. Mais ce que je veux, c'est que tous puissent le faire et qu'ils le méritent par leur travail, eux aussi. C'est cela l'objectif. Je voudrais que vous compreniez que pour moi, c'est aussi important d'être ici, à Lyon, sur ce chantier, que d'être au G8 en train de parler de la mondialisation. Parler de la mondialisation, c'est important. Mais si, derrière, le pays n'augmente pas la quantité de travail, ce n'est pas possible de réussir.
Croyez bien que je le ferai pendant les cinq ans de mon mandat. J'irai en permanence sur le terrain pour être le Président de tous les Français. Et pour, psychologiquement, redonner de l'optimisme, de la force au pays, de l'énergie au pays et de la confiance dans l'avenir. Que vous vous disiez tous : "oui, on peut avoir une meilleure vie, on peut assurer la promotion sociale de nos familles", c'est cela qui compte pour moi. Que personne ne se dise le matin : "à quoi cela sert de me donner du mal puisque, de toute manière, tout le monde s'en moque". Non, celui qui se donne du mal, il doit en avoir la récompense, d'où qu'il vienne et quel qu'il soit. Voilà la stratégie d'économie qui est la nôtre.
Merci à tous.