20 juin 2007 - Seul le prononcé fait foi
Déclaration de M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, sur les grandes priorités de sa présidence, notamment la revalorisation du travail, l'augmentation du pouvoir d'achat, les réformes fiscales, de l'Etat et de la protection sociale, les efforts en faveur de la santé et de l'université, à Paris le 20 juin 2007.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Je me réjouis de vous accueillir et, naturellement, je félicite ceux d'entre vous qui viennent d'être élus.
C'est un honneur d'être choisi par le peuple français pour parler et pour agir en son nom. Cet honneur, je sais que chacun d'entre vous le mesure et que chacun d'entre vous a conscience des devoirs qu'il implique. Etre élu du suffrage universel ne confère qu'un seul droit : celui de tout donner, de tout donner aux autres, de tout donner à son pays, de tout donner pour ses convictions, pour les valeurs au nom desquelles on a fait campagne et sur lesquelles on a été élu. Ces convictions, ces valeurs, nul ne peut les renier sans trahir le mandat qu'il a reçu, sans trahir la confiance de ceux qui ont voté pour lui.
La vie publique n'est pas un métier comme les autres. Ce n'est pas une carrière. C'est un don de soi, c'est une ascèse, parfois très dure, parfois très cruelle. En cet instant ma pensée va vers tous ceux qui pendant des années ont accompli leur mandat avec dignité, avec sincérité, avec abnégation et qui ont été battus, parfois de quelques voix seulement. Ils n'avaient pas démérité.
Je pense à tous ces visages familiers qui m'ont accompagné si longtemps dans ma vie politique et qui ne sont plus là, parmi vous. Je veux leur dire mon estime et mon amitié. Je pense aussi à ceux qui sont là pour la première fois et auxquels je souhaite la bienvenue. Et je pense bien sûr à l'avenir, à la tâche absolument immense qui nous attend et ce que nous allons accomplir ensemble.
Le 22 avril et le 6 mai, les Français ont fait un choix. Ils l'ont fait sans ambiguïté. Ils ont choisi le changement. Ils ont approuvé un projet de rupture avec les idées, avec les valeurs, avec les comportements du passé.
J'ai tout dit avant les élections pour pouvoir tout faire après. Je n'ai rien caché, j'ai dit la vérité, j'ai pris tous les risques, et les Français m'ont accordé leur confiance. Ils me l'ont accordée en toute connaissance de cause. Ils me l'ont accordée pour que je fasse ce que j'ai dit, pour que je change ce que je m'étais engagé à changer.
Mais si les Français sont allés voter en si grand nombre lors de l'élection présidentielle ce n'était pas pour exprimer leur satisfaction devant le fonctionnement de notre démocratie. Ce n'était pas pour exprimer leur contentement devant la manière dont se déroule la vie politique. C'était pour exprimer une attente. Une attente forte. L'attente d'une politique qui tient ses promesses et qui ne fait pas, comme si souvent, au lendemain des élections, le contraire de ce que l'on a promis la veille.
Les Français ont fait un choix. Ce choix, ils l'ont confirmé le 10 et le 17 juin. Ce choix sera respecté.
Tout ce que j'ai promis de changer, je le changerai.
Tout ce que j'ai promis de réformer, je le réformerai.
Tout ce que je ferai, je le ferai avec vous.
Tout ce que je réformerai, je le réformerai avec vous.
C'est le mandat que nous avons reçu du peuple. C'est le mandat de la majorité présidentielle. C'est l'exigence qui nous réunit. Nous réussirons ou nous échouerons tous ensemble.
Quand je dis : "nous réussirons", là, je ne veux pas dire que mon but est de durer le plus longtemps possible. Ce qui est en jeu, c'est autre chose que de durer. C'est notre responsabilité face à l'Histoire. C'est notre responsabilité envers la France. C'est notre responsabilité envers les Français. Les Français ont mis entre nos mains le destin de la France. Les Français nous ont confié pour cinq ans la responsabilité d'écrire l'histoire de France. Les Français ont fait en ce moment décisif, l'un de ces moments historiques où tout se joue, l'un de ces moments où l'erreur n'est plus permise parce que trop d'occasions ont été perdues, un moment que nous devons réussir.
Regardons le monde autour de nous. Il bouge, il se transforme, il se développe. Mais regardons ce monde qui nous entoure, tout change, ce monde où l'innovation, la création, l'invention sont absolument partout. Regardons ce monde, ce monde au milieu des passions, des déchirures, des tragédies, la vie éclate.
Regardons ce monde où tant de forces nouvelles enfantent un avenir dont nous ne savons au fond qu'une seule chose, c'est qu'il ne ressemblera en rien à ce que nous sommes capables d'imaginer.
Dans ce monde qui recèle tant d'opportunités et tant de menaces, rien ne serait plus périlleux pour les Français que de rester immobile. Rien n'est plus dangereux que de regarder le monde changer plus vite qu'il n'a jamais changé, sans changer nous-mêmes. Dans le monde tel qu'il est, rien ne serait plus terrible, rien ne condamnerait davantage la France au déclin que le conservatisme et la frilosité. Je ne suis pas un conservateur. Je ne connais pas la frilosité.
Au Havre, j'ai cité Danton criant devant la Convention quand la France était assiégée par toute l'Europe : "De l'audace, toujours de l'audace, encore de l'audace et la France sera sauvée !"
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, face à la toute-puissance des marchés, face à l'émergence de l'Inde et de la Chine, face aux dumpings monétaires, sociaux, écologiques, il n'y a pas d'autre choix possible que l'audace et que la vérité.
Face à la pauvreté du Tiers-monde qui tire les salaires et les conditions de travail vers le bas en faussant la concurrence, il n'y a pas d'autre choix possible que celui de l'audace et de la vérité.
Face à la multitude de ceux que la misère, la sécheresse, la famine ou la guerre contraignent à émigrer, face au réchauffement climatique, face aux fanatismes, face aux intégristes qui attisent le choc des civilisations, il n'y a pas d'autre choix possible que l'audace et la vérité.
Face aux défis de la technologie, de la science, du progrès, il n'y a pas d'autre voie possible que l'audace et la vérité.
Dans le combat pour la paix, pour la liberté, pour la justice, pour la tolérance, nous n'y arriverons qu'avec de l'audace.
Regardez la France d'aujourd'hui : les Français ne manquent ni de talent, ni d'intelligence, ni de courage, ni d'esprit d'entreprise.
Le peuple français est un grand peuple, qui a une grande histoire, qui a une grande culture, qui peut encore étonner le monde.
Et pourtant, la France souffre. Et pourtant, la France doute d'elle-même, de ses valeurs, de son identité, de son avenir, et pourtant, tant de Français ne croient plus au progrès. C'est parce que la politique en France a trop longtemps manqué d'audace, c'est parce que depuis trop longtemps nous n'étions plus capables d'imaginer une autre façon de faire de la politique, une autre façon de penser, une autre façon d'agir.
Le politiquement correct, la pensée unique, le conformisme nous ont empêchés de penser par nous-mêmes, d'entendre la voix de ceux qui n'en peuvent plus des difficultés de la vie.
Depuis trop longtemps, et de ce point de vue, gauche ou droite, nous avons une responsabilité, nous répondons à toutes les interpellations que le peuple nous adresse : "je n'y peux rien", "on a tout essayé" £ "ce n'est pas possible" £ "c'est trop difficile".
Depuis trop longtemps, on baisse les bras.
Depuis trop longtemps, on n'exprime plus assez une volonté collective.
Depuis trop longtemps, la politique est placée sous le signe du renoncement. Alors, ce renoncement, on a pris l'habitude de l'appeler "culture de gouvernement".
Comme si ce que nous avons dit pendant les campagnes électorales, au fond, ce n'était pas très sérieux.
Comme si ce que l'on racontait aux Français pour être élu n'avait au fond absolument aucune importance.
Comme s'il n'y avait qu'une seule politique possible.
Comme si la démocratie était forcément un leurre parce qu'en réalité il n'y a pas d'autre choix.
Comme si faire le lendemain des élections le contraire de ce que l'on avait promis la veille était non seulement inéluctable, mais le gage du sérieux.
Comme si le grand homme politique était d'abord celui qui est le mieux capable de gérer ce soi-disant et détestable retour au réel, ce moment fatal où chacun prend conscience qu'on lui a menti.
Ce n'est pas ma conception de la politique.
Ce n'est pas ma conception de la morale.
Je veux vous dire quelque chose. Ce que j'ai dit pendant la campagne, j'y croyais et j'y crois toujours.
Ce que j'ai dit pendant la campagne et qui a été approuvé par les Français va être mis en oeuvre.
Je le dis à tous ceux qui auraient tendance à l'oublier. Je le dis à tous ceux qui auraient un peu de mal à accepter cette idée simple selon laquelle les programmes politiques ont vocation à être appliqués. Je le dis à tous ceux qui ont un problème avec la démocratie. Je ne laisserai pas faire cela.
Les députés de la majorité présidentielle viennent d'être élus, un gouvernement vient d'être nommé, il est responsable devant la majorité. Ce gouvernement portera la politique qu'ont choisie les Français.
Cela n'interdit pas la discussion.
Cela n'interdit pas le débat.
Cela n'interdit pas le dialogue.
Cela n'interdit pas la négociation sur les modalités et même le contenu des réformes.
Mais cela interdit le reniement.
Je ferme la porte au reniement.
A ceux qui tous les jours guettent de ma part le reniement, à ceux qui prédisent que fatalement je reviendrai à la pensée unique et à la politique unique, dont je rappelle qu'elle a toujours échoué, à tous ceux qui espèrent, à tous ceux qui attendent ce reniement, je veux leur dire qu'ils attendront encore à un endroit où je ne serai plus depuis longtemps.
Je ne renierai pas mes engagements et je ne laisserai personne les renier.
Parce qu'accepter cela, ce serait une faute morale.
Je veux conduire une autre politique pour répondre au défi de la mondialisation.
Je veux conduire une autre politique que cette politique par laquelle depuis des décennies une petite élite qui croit tout savoir, veut imposer au plus grand nombre les sacrifices que, par ailleurs, elle s'est révélée incapable de s'appliquer à elle-même.
Je veux conduire une autre politique que cette politique des contraintes qui ne peut rien, non parce qu'elle se heurterait à des obstacles insurmontables, mais parce qu'elle ne veut rien.
Je veux conduire une autre politique que celle qui oublie toujours que derrière les chiffres il y a des femmes et des hommes, et que ce sont eux qui font l'économie, ce sont eux qui entreprennent, qui produisent, qui investissent et qui consomment.
L'économie, ce n'est pas que de la statistique. L'économie, ce n'est pas que de l'arithmétique.
L'économie, elle se fait aussi avec des passions humaines, avec des sentiments, avec des croyances.
L'économie, elle dépend de ce à quoi chacun aspire, de ce qu'il veut pour lui-même, pour sa famille, pour son entreprise, pour la France. Elle dépend de la manière dont chacun perçoit son avenir, s'il le perçoit comme une promesse ou comme une menace.
Elle dépend de ce que le passé, l'histoire, l'expérience, l'éducation, la culture ont déposé en chacun de nous, des traces qu'elles ont laissées dans notre mémoire, dans notre identité.
L'avoir oublié, avoir oublié que chaque être est une personne, que chaque pays a une identité, une personnalité, avoir oublié qu'un pays comme une personne ce n'est pas une page blanche et que dans la succession des jours et dans la succession des générations il faut toujours prendre l'histoire là où elle en est, avoir oublié dans la politique et dans l'économie la part de l'humain, je vous le dis, ce fut l'erreur fatale qui a si souvent fait échouer les réformes, si souvent fait obstacle au changement.
Moi, si j'ai voulu mettre l'identité, la morale, les valeurs au coeur de la campagne présidentielle, c'est parce que je suis convaincu que cela joue un rôle central dans l'économie. C'est parce que je suis convaincu qu'avec de l'identité, de la morale, des valeurs, on va aller chercher le ressort principal de la croissance.
Si j'ai tant parlé de l'identité et de la morale, c'est parce que je suis convaincu que si nous n'arrivons pas à résoudre la crise d'identité et la crise morale que nous traversons, nous ne retrouverons pas la croissance.
Si j'ai tant parlé des valeurs, c'est parce que je suis convaincu que l'on ne va pas sortir durablement du marasme social et du marasme économique qui nous accablent tant qu'on n'aura pas réconcilier les Français avec les mots : réussite, travail, mérite et risque.
Si j'ai tant parlé de la réussite et du mérite, c'est parce que si la réussite n'est pas valorisée, si le mérite n'est pas récompensé, alors tous les talents, tous les créateurs, tous les entrepreneurs s'en vont. L'égalitarisme, c'est l'assurance de l'immobilisme et de la stagnation. C'est le contraire du mouvement, le contraire du progrès.
Si j'ai tant parlé de protection, c'est parce que je suis convaincu qu'une certaine dose de protection est nécessaire pour faire accepter le risque, pour faire aimer le risque. On ne prend pas de risque quand on a peur de tout perdre, quand on a peur de l'exclusion, quand on est angoissé par l'avenir.
Je veux protéger les Français parce que c'est la condition du changement, parce que c'est la condition de la réforme. Protéger c'est le rôle du Président de la République. C'est la raison d'être de la nation, c'est la première mission de l'Etat, c'est la condition de l'ouverture d'esprit.
Et je le dis à tous ceux auxquels le mot "protection" fait peur et notamment à nos amis européens, si les Français ne se sentent pas assez protégés, s'ils se sentent exposés à tous les dangers, à toutes les menaces, alors vous verrez la montée du nationalisme, de l'étatisme et du protectionnisme.
Si j'ai tant parlé de la valeur travail, c'est parce qu'elle est centrale.
Il manque à la France un point de croissance en moyenne par an.
S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce globalement et quels que soient les efforts de nos compatriotes, la France ne travaille pas assez. C'est une vérité.
S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce qu'on a dévalorisé le travail. C'est parce qu'on fait tout pour décourager les Français de travailler. C'est parce que le chômage de masse, l'insécurité dans l'emploi, la stagnation du pouvoir d'achat des salaires, la dégradation des conditions de travail ont abîmé le travail. Alors comment croire au travail quand il y a des travailleurs pauvres ? Comment croire au travail quand de plus en plus de travailleurs n'arrivent plus à faire vivre leur famille en travaillant ? Comment croire au travail quand le travail ne garantit même plus l'intégration sociale ?
Alors ma politique, celle que nous allons défendre avec le Premier ministre, ce n'est pas la politique de l'offre, ce n'est pas la politique de la demande. Ces querelles d'écoles n'ont aucun intérêt.
Ma politique ce n'est pas la politique des entreprises, ce n'est pas la politique des ménages. Ma politique c'est la politique pour tout le monde. Et je vous propose de faire comme politique celle du
travail.
Libérer le travail.
Récompenser le travail.
Améliorer les conditions de travail.
Développer la productivité du travail.
Et je propose à la majorité présidentielle le choix suivant :
Politique sociale : le travail.
Politique éducative : le travail.
Politique économique : le travail.
Politique fiscale : le travail.
Politique de concurrence : le travail.
Politique commerciale : le travail.
Politique de l'immigration : le travail.
Politique monétaire, politique budgétaire, je ne les jugerai que par rapport à un seul critère : cela récompense le travail ou cela dévalorise le travail. Tout ce qui récompense le travail sera choisi, tout ce qui dévalorise le travail sera écarté.
C'est cela la rupture : la rupture avec le malthusianisme. La rupture avec un modèle social, un modèle économique, un modèle éducatif d'où le travail est exclu en tant que valeur.
Il faut tout remettre à plat. Il faut une révolution dans les mentalités, dans les comportements, dans les méthodes. Je suis conscient que c'est un chantier immense. Je suis conscient que cela va exiger beaucoup d'énergie, beaucoup de courage, beaucoup d'imagination. Mais mes chers amis, c'est maintenant ou c'est jamais. Si vous hésitez, si vous reculez, alors nous ne ferons rien et c'est la France qui en pâtira. Ce sont les Français qui en souffriront. C'est l'avenir de nos enfants qui s'en trouvera compromis.
Nous avons été élus pour agir.
Je prendrai mes responsabilités. Je le ferai sans précipitation, calmement, mais sans attendre parce que nous n'avons plus le droit d'attendre. Parce que nous avons déjà trop attendu. Et parce que chacun d'entre vous, au fond, le sait : la France a pris du retard.
Mes responsabilités, je veux les prendre d'abord sur les mots qui étaient devenus tabous et que je vais remettre, avec le Premier ministre, au premier plan du débat politique : les mots pouvoir d'achat. Il y a en France un problème de pouvoir d'achat. Nier que ce problème existe, c'est se moquer des Français. C'est mépriser ceux qui travaillent et qui ont tant de mal à s'en sortir.
Nier l'austérité salariale, qui à l'exception de la fin des années 90 et du SMIC dure depuis 30 ans, c'est mépriser les salariés.
Faire croire que l'euro n'a pas fait monter les prix et que depuis 25 ans l'augmentation des salaires couvre l'inflation, c'est parfaitement ignorer la réalité quotidienne de dizaines de millions de Français. En tant que Président de la République je prends mes responsabilités.
Les prix sont trop hauts et les salaires sont trop bas. Voilà la vérité. On ne peut pas sans risque dissimuler la vérité tout le temps à tout le monde.
Le pouvoir d'achat qui est trop bas, c'est la faute à la concurrence des pays à bas salaires, au dumping social, écologique, monétaire, à la monnaie chinoise qui est trop basse, à l'euro qui est trop fort, aux prélèvements qui sont trop élevés, aux taux d'intérêt français qui sont supérieurs à l'inflation, au prix de l'immobilier qui a beaucoup plus augmenté que les revenus des Français. C'est aussi la faute au chômage de masse···
Mais quel est le résultat ? C'est la démoralisation des travailleurs qui ont une vie de plus en plus dure, de ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre et qui voient que l'écart se creuse entre les générations des trente Glorieuses et celles qui sont venues après. Avec la certitude pour ces enfants de vivre moins bien que n'avaient vécu leurs parents.
On ne peut pas espérer bâtir une croissance durable sur la démoralisation des travailleurs et la dévalorisation du travail. Quand on est hanté par les fins de mois difficiles, on n'est pas entreprenant, on est pas dynamique, on n'est pas productif. Je vois avec plaisir tous ces théoriciens de l'économie qui m'expliquent que le problème du pouvoir d'achat cela n'existe pas, c'est la compétitivité des entreprises. Parfait. Mais comment peuvent elles être compétitives, les entreprises, avec des salariés qui sont eux-mêmes démoralisés et qui ont le sentiment qu'ils ne sont pas payés au juste prix de leur investissement personnel ? Le défi que je vous propose avec le Premier ministre, il est le suivant :
Augmenter le pouvoir d'achat sans augmenter le coût du travail, telle est la stratégie que je souhaite mettre en oeuvre parce qu'elle est le préalable absolument nécessaire pour que l'on puisse enclencher le cercle vertueux de l'optimisme, de la productivité et de la croissance, à la place du cercle vicieux du pessimisme, de la frustration et de la stagnation qui nous tire vers le bas.
Je dis à ceux qui répètent partout qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat en France qu'ils ne me feront pas changer d'avis, qu'ils ne me feront pas dévier de ma ligne de conduite.
Je suis décidé à tirer moi-même toutes les conséquences de la conférence sur le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux, qui va commencer à travailler dès la rentrée. En particulier sur la possibilité de conditionner les allégements de charges aux négociations salariales.
Créer un choc de confiance et de pouvoir d'achat et les conditions psychologiques et économiques de l'accélération de la croissance, c'est la raison d'être des mesures fiscales ambitieuses que le Conseil des ministres vient d'adopter. Désormais, si vous voulez bien voter ces textes, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les heures supplémentaires seront exonérées de charges et d'impôts, les intérêts des emprunts immobiliers seront déductibles, les droits de succession seront supprimés pour 95% des ménages de façon à ce que chacun puisse transmettre à ses enfants le fruit d'une vie de travail, de façon à ce qu'à chaque génération tout ne recommence pas à zéro. Dans le même temps nul ne pourra plus être taxé au-delà de 50% de son revenu et les sommes investies dans les PME seront exonérées d'ISF jusqu'à 50 000 euros.
Alors la politique du travail, ce ne peut pas être seulement l'exonération des charges sur les heures supplémentaires pour ceux qui veulent travailler plus en gagnant plus.
Je veux prendre mes responsabilités. Je veux ouvrir le chantier de la réforme de la prime pour l'emploi pour que l'on en revienne à sa raison d'être, qui était d'encourager la reprise du travail.
Aujourd'hui, les bénéficiaires des minima sociaux voient leurs revenus baisser lorsqu'ils reprennent un travail. C'est absurde, c'est injuste, c'est un scandale. Mais nous ne voulons pas d'une société où l'assistanat paye davantage que le travail. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à Martin HIRSCH de mettre en chantier l'expérimentation d'un revenu de solidarité active afin que le retour à l'emploi se traduise toujours par une augmentation du revenu. Cette expérimentation préparera une remise à plat de tous les dispositifs des minima sociaux et la création d'un contrat unique d'insertion. Avec toujours le même projet : valoriser le travail, encourager le travail, respecter le travail.
Mais Il faut aller plus loin.
Nous allons ouvrir le dossier des exonérations de charges et examiner les possibilités d'en modifier les modalités pour qu'elles ne tirent pas les salaires vers le bas à cause des effets de seuil.
Nous allons ouvrir le dossier de l'interdiction du cumul emploi-retraite qui est inadmissible.
Nous allons ouvrir le dossier de la préretraite.
Je veux prendre mes responsabilités : je souhaite que disparaissent au plus vite les préretraites et que les sommes considérables qui sont consacrées à empêcher les Français de travailler soient utilisées pour investir et créer des emplois. Je souhaite que disparaisse le mécanisme de la dispense de recherche d'emploi.
Je veux prendre mes responsabilités et je les assume devant vous : il n'y aura pas de coup de pouce au SMIC parce qu'il aurait un effet négatif sur l'emploi des moins qualifiés et parce qu'à force d'augmenter le SMIC plus rapidement que les autres salaires, on a provoqué la smicardisation de la société française. Cette vérité elle est dérangeante, mais je la dois aux Français. Depuis le temps qu'on augmente et qu'on donne des coups de pouce au SMIC et qu'on l'éloigne un peu plus à chaque fois des gens qui ont besoin de travailler, du travail. L'injustice, ça serait de continuer comme cela. Dès la rentrée une commission de sages indépendants sera créée pour donner son avis, publiquement, sur la revalorisation du SMIC. Ce qui permettra un peu de rationalité économique dans la décision. Un peu moins de démagogie, un peu plus d'efficacité. N'est-ce pas ce que les Français attendent de nous ?
Il ne s'agit là que d'une première étape, simplement pour recréer une dynamique, parce que le pays a besoin de ces réformes pour augmenter durablement sa capacité à créer des richesses. Mais la recette de la croissance à long terme, tout le monde la connaît : compétitivité, productivité des entreprises, formation des hommes, investissement.
Alors on va d'abord lever tous les obstacles à la croissance.
La réforme du marché du travail, je le dis aux partenaires sociaux, elle est prioritaire. Elle sera mise en oeuvre après que le dialogue social ait pu avoir lieu. Mais le dialogue social, ce n'est pas gagner du temps. Ce n'est pas se regarder dans le blanc des yeux. Le dialogue social c'est de discuter sérieusement pour prendre des décisions.
Je veux prendre mes responsabilités : il faut plus de souplesse pour les entreprises et plus de sécurité pour les personnes.
Hier les partenaires sociaux ont entamé leur discussion sur le contrat de travail, sur la réforme de l'assurance chômage, sur la sécurisation des parcours professionnels. Il faut aussi arrêter avec eux les modalités de rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC pour améliorer le suivi des chômeurs. On ne peut pas être le seul pays à faire comme nous faisons aujourd'hui.
Bientôt on disposera des évaluations sur les expérimentations qu'avait conduites Jean-Louis BORLOO du contrat de transition professionnelle. Je souhaite que l'on en tire toutes les conséquences utiles en vue de la création d'une véritable sécurité sociale professionnelle. Nous l'avons promis, nous le ferons parce que c'est la contrepartie de l'assouplissement du droit du travail. On assouplit le droit du travail d'un côté, on renforce la sécurité des salariés de l'autre, avec le contrat, avec la sécurité sociale professionnelle.
Alors il y a bien d'autres obstacles à la croissance dans l'amoncellement des réglementations.
Cela s'appelle la déréglementation, c'est difficile. Mais c'est un investissement à long terme.
Je veux prendre mes responsabilités : le Premier ministre créera dans les semaines qui viennent une commission sur le modèle de la commission Rueff-Armand créée par le Général de GAULLE au début des années 60. Cette commission aura la même mission : recenser tous les obstacles à l'expansion qui seront supprimés. Mais cette commission aura trois mois, par un jour de plus, pour remplir sa mission.
Et il ne faut pas seulement lever les obstacles à la croissance. Il faut aussi encourager le travail, la production, l'investissement.
Je veux prendre mes responsabilités : toute notre fiscalité doit être revue en fonction de ces trois objectifs : travail, production, investissement, auxquels j'en rajoute un quatrième, fiscalité écologique.
La réforme globale de la fiscalité je l'appelle de mes voeux. Il faut taxer la richesse produite plutôt que la production de richesse si l'on veut garder des usines sur notre territoire. Il faut détaxer le travail qui se délocalise et taxer davantage ce qui est moins aisément délocalisable. Il faut alléger les charges fixes qui amplifient les chocs, pour les remplacer par des charges variables qui au contraire les amortissent. Il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire.
Cette remise à plat, je vous propose qu'elle concerne tous les grands prélèvements : cotisations sociales, taxe professionnelle, taxe sur les salaires, TVA, impôt sur le revenu, CSG. Mesdames et Messieurs, si vous pensez que l'on peut s'attaquer à un petit bout sans toucher au reste, c'est que nous n'avons pas la même vision de l'entremêlement de la société française. Je souhaite notamment que le crédit d'impôt recherche soit porté à 100% et que soit étudiée la possibilité de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés en fonction des investissements et des créations d'emplois, de sorte que les entreprises qui créent des emplois et qui investissent dans notre pays paient très peu d'impôts et que les entreprises qui désinvestissent et qui suppriment des emplois alors qu'elles font des profits paient davantage d'impôts. Je souhaite également que la TVA sur les produits écologiques soit systématiquement abaissée au taux réduit. Nous nous battrons au Conseil européen pour obtenir l'accord de nos partenaires.
Pour qu'il y ait de la croissance il faut investir.
L'effort d'investissement est énorme : révolution numérique, biotechnologies, nucléaire, transports, santé, technologies propres, logement, recherche, innovation, éducation, enseignement supérieur, formation, intelligence économique···
Je veux prendre mes responsabilités : l'aide à l'innovation ne peut pas être qu'en direction des très grandes entreprises, même si elles ont un rôle essentiel à jouer.
Je souhaite que sur les 2 milliards d'euros qui sont affectés à l'Agence pour l'innovation industrielle nous arrivions à ce qu'1 milliard soit consacré aux entreprises moyennes, qui sont les oubliées de tous les systèmes d'aides. Je souhaite également que la politique des pôles de compétitivité soit amplifiée.
Il nous faut une nouvelle politique d'aménagement du territoire, une nouvelle politique industrielle. Mais au coeur de ces priorités, je veux placer le développement durable. Le développement durable, cela ne doit pas être seulement une politique de protection et de précaution. Je vais peut-être vous étonner. Le développement durable, cela doit être une politique de production, qui ne soit pas simplement un frein à la croissance quantitative mais qui doit renouveler le contenu de la croissance, qui doit mettre la qualité, la modération et le bien-être au coeur de cette nouvelle croissance et qui va tirer la croissance, qui va même stimuler la croissance.
La politique du développement durable, c'est tout simplement la politique de croissance de l'avenir. C'est dire si dans cette nouvelle stratégie de croissance, le grand ministère de l'Ecologie, de l'Aménagement et du Développement durable, qu'avec le Premier ministre nous avons confié à Jean-Louis BORLOO, aura un rôle décisif à jouer. Cher Jean-Louis, tu as toutes les qualités pour imaginer et pour conduire cette nouvelle politique.
Dans le même esprit, avec la même volonté, nous avons décidé avec le Premier ministre que la révolution numérique serait un grand chantier présidentiel.
L'investissement, c'est aussi l'investissement dans le savoir et dans la connaissance.
On ne peut pas dire sans arrêt que le XXIe siècle sera le siècle de la société de la connaissance et garder notre système universitaire à l'abandon pour la seule raison qu'il serait trop risqué politiquement de le réformer. Tout le monde est d'accord sur la nécessité de réformer notre système universitaire. Un seul argument s'y oppose. Un seul : " C'est dangereux ". Ceux qui n'aiment pas le danger, il faut qu'ils choisissent une autre activité.
Je veux prendre mes responsabilités : la réforme des universités, nous en avons parlé avec le Premier ministre, et c'est ce que nous avons fixé comme objectif à Valérie PECRESSE. Nous l'avons promise, nous la ferons. Chaque université pourra choisir de rester dans l'ancien système qui est paralysé ou d'adopter un nouveau statut fondé sur le principe de la liberté. Ceux qui choisiront le nouveau statut recevront des moyens supplémentaires. Valérie PECRESSE, c'est le mérite, c'est le travail, c'est l'innovation. Valérie PECRESSE a déjà beaucoup travaillé. Notre réforme est quasiment prête. Elle sera votée si les parlementaires la votent dès cet été.
Et je souhaite, de surcroît, que le chantier de la formation tout au long de la vie soit ouvert rapidement de sorte que les réformes nécessaires puissent être engagées dès le début de l'année prochaine.
Au fond, de quoi s'agit-il ? Jeter les fondements de l'économie française du XXIe siècle.
Nous le ferons en délestant l'Etat des missions et des dépenses du passé pour en faire l'instrument décisif de l'avenir.
C'est tout l'enjeu de la réforme de l'Etat que nous ne pouvons plus différer. Là aussi je veux prendre mes responsabilités. La réforme de l'Etat, nous la ferons, nous la ferons en profondeur, nous la ferons jusqu'au bout. C'est un chantier prioritaire qui s'ouvre aujourd'hui et nous le piloterons directement, le Premier ministre et moi-même. Cette réforme contribuera à la réduction de la dette et des déficits mais je veux dire que dans mon esprit la réforme de l'Etat ce n'est pas simplement de la rigueur. Ce n'est pas simplement un acte de bonne gestion. C'est quelque chose de beaucoup plus ambitieux qui repose sur une très haute idée de l'Etat, conforme au rôle que l'Etat a toujours joué dans l'histoire de France.
Dans mon esprit, il ne s'agit rien moins que de faire en sorte que l'Etat cesse d'être un obstacle à l'expansion et au progrès pour devenir un acteur essentiel du changement.
C'est dans cette perspective qu'il faut replacer la stratégie budgétaire pour les cinq années à venir.
Je veux prendre mes responsabilités.
La France a des engagements européens. Chère Christine LAGARDE, elle les tiendra. Elle les tiendra parce que l'on ne peut pas partager l'euro sans en partager les responsabilités, les contraintes et les disciplines. Elle les tiendra parce que le rééquilibrage du budget et le désendettement de l'Etat sont des objectifs que la France est décidée à atteindre pour elle-même. Naturellement, cet effort concernera aussi les collectivités territoriales. Je le dis à Monsieur le Président du Sénat, comme aux sénateurs, que nous aurons une discussion avec les collectivités territoriales. On ne peut pas avoir un système où l'Etat s'impose des règles, dont s'exonéreraient les régimes sociaux d'un côté et dont s'exonéreraient les collectivités territoriales de l'autre. Il faut que l'on en discute de façon apaisée, transparente et loyale. Mais qui comprendrait que les uns fassent un effort sans que l'on en discute avec les autres ?
Je prendrai donc mes responsabilités. Je pense en particulier au problème de la santé. Et je parle très sérieusement de ces questions. Nous le savons tous, de nouvelles dépenses sont inévitables. Je ne serai pas celui qui ira raconter aux Français que l'on ne dépensera pas plus pour la santé des Français. On dépensera davantage. Ces dépenses sont inévitables à cause des progrès de la médecine, du vieillissement, des maladies pour lesquelles il faut que nous fassions des efforts supplémentaires. Je ne serai pas celui qui expliquerait aux Français : on va faire des économies sur la recherche du cancer, alors que le cancer brise atrocement des centaines de milliers de familles. Il faut trouver des solutions. Je ne serai pas celui qui regarderait les bras ballants progresser la maladie d'Alzheimer, alors qu'à l'horizon de 25 ans, dans chaque famille de France, il y aura une personne, pas si âgée que cela, qui sera sortie d'elle-même. Je ne dirai pas aux Français : nous n'avons pas d'argent pour répondre à cette terrifiante maladie. Je ne serai pas celui qui expliquerait aux Français qu'il n'y a pas d'argent pour qu'un membre de vos familles ait le droit de mourir dans la dignité, parce qu'en France, nous avons moitié moins de lits de soins palliatifs qu'en Grande-Bretagne. Alors, que les choses soient claires, je ferai du cancer, d'Alzheimer et des soins palliatifs, un chantier présidentiel.
Pour financer ces dépenses nouvelles, naturellement qu'un effort supplémentaire sera nécessaire. Je mettrai sur la table ce dont j'ai parlé pendant la campagne présidentielle : la question de la franchise. Le gouvernement et le Premier ministre, comme moi-même avec le ministre de la Santé, nous serons ouverts à toutes les modalités. Peu importe que la franchise soit annuelle ou à l'acte, qu'elle soit assurable ou qu'elle ne le soit pas. On en discutera, y compris de son montant. On en discutera. Mais ces sommes dégagées par les ressources supplémentaires serviront à financer les dépenses de santé dont on a besoin.
Et quant au plan d'économie proposé par la Caisse nationale d'assurance maladie, il servira à couvrir, si le Gouvernement accepte telle ou telle de ces mesures, les déficits accumulés. Que les Français le sachent : s'il y a des recettes supplémentaires, ce sera pour financer des dépenses supplémentaires au service de leur santé. Et s'il y a des économies à faire, en luttant contre la fraude scandaleuse, contre la gabegie scandaleuse, contre ce qui n'est pas utile, ce sera pour rembourser les dettes accumulées.
Donc vous voyez, Mesdames et Messieurs, une grande souplesse sur les modalités, une grande créativité sur les conditions de mise en oeuvre. Mais une chose est sûre : pour lutter contre Alzheimer, pour lutter contre le cancer, pour avoir les soins palliatifs, pour avoir les maisons médicalisées pour les personnes âgées, il faudra une recette supplémentaire. Je ne fuirai pas, je ne mentirai pas, je ne me cacherai pas et ceux qui ne voudront pas des recettes supplémentaires devront expliquer aux Français qu'ils ne voudront pas non plus des investissements supplémentaires au service de la santé des Français.
Je me fixais pour objectif sur 5 ans d'atteindre l'équilibre budgétaire et de ramener le poids de la dette à 60% du produit intérieur.
Mais je le dis clairement : pour y parvenir je ne mettrai pas en oeuvre une politique qui puisse avoir pour effet de ralentir la croissance ou de rendre impossibles les grandes réformes structurelles qui s'imposent.
L'assainissement durable de nos finances publiques ne peut aller de paire qu'avec non seulement l'assainissement durable de la gestion de l'Etat, mais aussi l'assainissement durable de notre situation économique. Il faut réduire les dépenses chaque fois que c'est nécessaire, mais il faut créer les conditions de la croissance aussi.
L'urgence c'est la réforme. Non la réforme pour souffrir mais la réforme pour la croissance. Et d'ailleurs, pour que les choses soient bien entendues en Europe, je prendrai mes responsabilités. Et si Christine LAGARDE l'accepte, nous irons ensemble expliquer la stratégie économique de la France au prochain Conseil ECOFIN.. Cela témoignera de la force de notre engagement et de la logique de rigueur dans la maîtrise de la dépense, mais aussi de la croissance.
On posera également d'autres questions sur la politique monétaire et sur la politique économique. On ne peut pas être la seule zone du monde où la monnaie n'est pas mise au service de la croissance parce que partout ailleurs dans le monde, les Chinois, les Japonais, les Anglais et les Américains mettent leur monnaie au service de la croissance.
C'est également dans cette logique que sera effectuée d'ici à la fin de l'année une revue de toutes les politiques publiques sous la responsabilité directe du Premier Ministre. C'est dans cette logique que seront créées les conditions pour qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne soit plus remplacé.
Mesdames et Messieurs, on en parle depuis longtemps, le temps est venu d'en parler moins et d'en faire plus.
Sur la réforme de l'Etat, il va falloir faire le rapprochement de la DGI et de la Comptabilité Publique et il faudra enfin poser la question du regroupement des services de renseignement à Madame le Ministre de l'Intérieur.
On ne peut pas dire " la réforme de l'Etat, c'est un des grands projets pour nous " et à chaque fois qu'on le concrétise on dit " mon Dieu c'est difficile ".
Mais le plus important c'est de changer les manières de raisonner, les méthodes, les comportements. C'est la raison pour laquelle je me suis engagé sur la réforme de la procédure budgétaire. Le premier pas, le Premier ministre l'a franchi avec la création d'un Ministère des Comptes.
La deuxième étape consistera à lui confier la responsabilité de défendre devant le Parlement les budgets de tous les ministères. Je souhaite que cette nouvelle procédure soit mise en place dès la discussion de la loi de finances pour 2009, pour qu'on sorte de cette situation insensée où on fait tous campagne sur la réduction des dépenses et où un grand ministre est un ministre qui obtient l'augmentation de son budget, où la discussion passionnante au Parlement se fait sur les crédits que l'on a obtenus de Bercy, et où il n'y a jamais de discussion sur l'évaluation de la politique et l'utilisation du crédit obtenu.
La troisième étape consistera à faire prévaloir dans la présentation et la discussion du budget une approche économique de la dépense publique qui permettrait de mieux distinguer les dépenses d'investissement qui, du fait que l'on peut en attendre un retour dans l'avenir, peuvent en bonne orthodoxie être financées par l'emprunt. Franchement, quand on voit le temps qu'il nous a fallu pour amener le TGV jusqu'à Strasbourg, ce n'est pas la peine d'avoir un tel déficit et un tel endettement pour ne pas avoir les moyens de financer les infrastructures dont un certain nombre de nos régions ont un besoin vital pour assurer la croissance et l'expansion.
Je le dis comme je le pense, je veux que l'on soit impitoyable avec le gaspillage et avec la fraude. Nul n'a le droit de dilapider l'argent. Cette approche économique, nous la ferons privilégiér par rapport à l'approche juridique et à l'approche comptable.
Mesdames et Messieurs, je voudrais terminer sur un certain nombre de sujets rapides qui ont fait débat dans la campagne législative. Mon devoir c'est de prendre mes responsabilités. Avec le Ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard KOUCHNER, avec Jean-Pierre JOUYET, nous allons avoir deux jours très difficiles, demain, où il s'agit ni plus ni moins que de sortir l'Europe de l'immobilisme.
Je veux que nos partenaires comprennent que la préférence communautaire ce n'est pas un gros mot, que l'Europe est faite pour protéger pas pour inquiéter, que la politique de l'Euro, nous aurons à en reparler, que la politique de la concurrence, elle ne doit pas servir à empêcher de mettre en oeuvre des politiques industrielles, mais qu'elle doit au contraire les encourager.
Je veux prendre mes responsabilités aussi sur ce qu'on a appelé le débat sur la TVA sociale. Dans le monde tel qu'il est, face aux pays à bas salaire, financer notre protection sociale en taxant le travail incite à la délocalisation et contribue à faire de l'emploi une variable d'ajustement. On ne peut pas continuer comme cela. Et toute personne sérieuse qui réfléchit à cette question doit se poser cette question. On ne peut pas continuer à exonérer les importations du financement de notre protection sociale. On ne peut pas continuer à surtaxer le travail. On ne peut pas rester les bras croisés devant les délocalisations. Les délocalisations, c'est un vrai problème. Ce serait indigne de la confiance que m'ont témoignée les Français que de ne pas poser la question de la délocalisation. Alors, contrairement à ce que disent certains observateurs, s'abstenir sur la TVA sociale et regarder passer le train des délocalisations serait non seulement une faute économique, mais une faute morale et une faute politique. J'ai décidé de négliger aucune piste. Les Allemands viennent de l'expérimenter, les Danois l'ont adoptée. Est-ce que vous croyez que la France s'honorerait d'avoir un gouvernement qui dit : "Ce que les Allemands viennent de réussir, ce que les Danois ont expérimenté, ce qui est dans le débat politique français, n'est-ce pas Jean ARTHUIS, depuis des années, on ne va même pas l'étudier, parce que si on l'étudie on est suspecté. Mesdames et Messieurs, si être un responsable politique c'est manquer à ce point de courage c'est que l'on n'est pas un responsable politique. Moi je ne veux pas rester les bras croisés devant les délocalisations.
Je vais prendre mes responsabilités et je vais vous dire les choses telles que je les pense : si la TVA sociale n'est pas efficace contre les délocalisations, si la TVA sociale n'est pas bonne pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat, on ne fera pas la TVA sociale. Si la TVA sociale contribue à freiner les délocalisations. Si elle est bonne pour l'emploi. Si elle est bonne pour la croissance, si elle ne pénalise pas le pouvoir d'achat, alors nous ferons la TVA sociale.
Je l'expliquerai aux Français, qui comprennent très bien que l'on ne peut plus taxer le travail et le capital qui peuvent s'en aller du jour au lendemain. Ils comprennent très bien qu'il vaut mieux taxer la richesse produite plutôt que la production de richesse. Ils comprennent très bien que derrière ce débat c'est l'avenir de notre protection sociale qui est en jeu. Qui pourrait nous reprocher de vouloir faire financer notre protection sociale par les importations ? Les Français comprennent très bien que lorsque l'Euro monte, cela pose le problème de la perte de notre compétitivité monétaire et que l'on ne peut pas continuer à détaxer les exportations tout en détaxant les importations.
Je prendrai mes responsabilités, je ne veux pas de sujet tabou. Le Premier ministre a demandé à deux de ses ministres, Mme LAGARDE et M. BESSON, d'étudier la question de la TVA sociale. lls vont étudier. Mais si l'on s'avance vers la mondialisation, en disant : les idées nouvelles on ne veut même pas les regarder parce que l'on a peur, alors nous avons à craindre que les autres ne continuent à avancer et que nous restions en arrière. Si le Parti socialiste a voulu faire de cette question une arme contre la majorité, c'est de bonne guerre politicienne, ce n'est pas de l'intérêt de la France. J'en veux d'ailleurs pour preuve que les meilleurs esprits socialistes eux-mêmes travaillent sur cette question. Ce n'est pas un problème de droite, ce n'est pas un problème de gauche, et je vous garantis que le Premier ministre, comme moi-même, nous n'avons rien décidé sur ce que nous ferons en définitive, la seule chose que nous avons décidée, c'est que nous allons purger vraiment le débat. Qu'une fois le débat éclairé, nous ferons une expérimentation et que si cette expérimentation est réussie nous ferons une généralisation. Si ce n'est pas important, si ce n'est pas utile, nous ne le ferons pas.
Je voudrais terminer par cela parce qu'il me faut prendre mes responsabilités sur un dernier sujet. Je vous demanderai après que le gouvernement l'ait écrit, de voter très vite une loi de moralisation de la vie économique. Les premiers éléments seront dans le cadre de la session extraordinaire, parce moi j'estime que la situation actuelle, je le dis comme je le pense, n'est pas tenable. Aucun système économique ne peut fonctionner sans un minimum de morale. Parce que si l'on veut réconcilier les Français avec l'entreprise, avec l'économie, avec le marché, il ne faut pas accepter les excès, il ne faut pas accepter les dérapages, il ne faut pas défendre qui l'indéfendable, il ne faut pas excuser l'inexcusable. C'est aussi une manière de revaloriser le travail et de témoigner du respect au travailleur qui ne peut pas comprendre que celui qui échoue soit récompensé et qui vit comme une forme de mépris à son égard les pratiques en matière de parachutes en or ou de stock options.
Je prendrai enfin mes responsabilités en disant à l'OMC que pour la politique d'aide aux PME, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures, il ne peut pas y avoir une dérogation pour les Etats-Unis et une interdiction pour l'Europe. Personne ne peut le comprendre. Je leur dirai également et ce sera toute la tâche de Michel BARNIER, que nous sommes décidés à préserver l'indépendance alimentaire de l'Europe en sauvant l'agriculture française. De la même façon, je dirai à nos amis canadiens qu'ils ne peuvent pas vendre leurs trains en France et nous interdire d'aller vendre les nôtres au Canada. La politique commerciale de la France, sera placée sur la réciprocité, sur l'absence de naïveté, et sur une forme de fermeté qui n'a rien à voir avec l'idéologie de la concurrence.
Vous l'avez compris, avec François FILLON, nous allons mettre en chantier toutes les réformes.
Je veux d'ailleurs dire à François FILLON ma confiance, mon amitié et ma fierté de la façon dont il a su conduire la composition de ces deux gouvernements successifs.
Mes chers amis, il y a urgence à renouer avec la croissance. On va réussir ou échouer là-dessus. Ce point qui nous manque, on va aller le chercher. La croissance c'est un tout. La croissance c'est tous les secteurs qui s'entraînent les uns les autres. On va agir sur tous les leviers à la fois. Nous allons créer une masse critique de dynamisme, d'énergie, d'innovation et d'optimisme. Nous allons nous efforcer de le faire dans les semaines et mois qui viennent sans perdre une minute, sans mesurer nos efforts et en ayant toujours à l'esprit que nous avons le devoir de parler à tous les Français. Je veux que les Français qui nous écoutent le sachent. Je veux conduire une politique pour chacun d'entre eux. Moi je me suis exonéré de toutes mes amitiés, de toutes mes attaches partisanes. Je n'ai qu'une seule ambition, être à la hauteur des responsabilités que les Français m'ont confiées. Je suis le Président de tous les Français. La politique que le gouvernement va conduire sera une politique pour tous les Français. Elle sera juste, je ferai tout pour qu'elle soit efficace, mais je n'aurai pas peur parce que vous ne m'avez pas élu pour conduire un message de frilosité.
Pour renouer avec la croissance, pour renouer avec la prospérité il faut de l'enthousiasme, de la force et de la vie. Et je voudrais vous dire que si j'ai été chercher des personnalités si différentes pour le gouvernement de la France, qui est un gouvernement de rupture, c'est parce que je ne supportais plus cette idée que la France a la base soit diverse et que la France au sommet ne porte pas cette diversité. Si j'ai été cherché des gens venus de bords politiques différents, qui ont eu le courage de prendre la main tendue, c'est tout simplement parce que l'on ne fait pas des grandes réformes avec une petite équipe. C'est parce que quand on a gagné à quatre reprises les élections on a le devoir de tendre la main. Et peut importe que certains ne la saisissent pas. Parce que quand on a gagné quatre fois consécutivement on n'a pas le droit d'être sectaire. On doit être généreux, on doit être ouvert, on doit associer ceux dont on a besoin. Je n'ignore nullement les problèmes que cela a posés. Je vais vous dire une chose, ils ne sont pas à la hauteur des défis que je me suis fixés.
J'ai été Président de Parti politique, et animateur d'un Parti politique, peut-être plus longtemps qu'aucun autre ici. Mais je n'ai plus le droit de raisonner comme un chef de Parti, je dois raisonner comme un Président de la République à la hauteur de ses responsabilités. Un Président de la République cela ne constitue pas un gouvernement en fonction de ses amitiés, en fonction de l'ancienneté, en fonctions des équilibres territoriaux de telle ou telle famille politique. Ça compose un gouvernement capable d'entraîner la France et de représenter la France. Voilà pourquoi je suis fier d'eux. Que les choses soient très claires ce n'est pas au Premier ministre qu'il faut en vouloir, de telle ou telle ambition déçue pour l'instant, c'est à moi. Parce que les choix je les assume. Je vais vous dire une chose, ce que j'ai fait, cela fait longtemps que j'y pensais. Mais je vais vous dire quelque chose, cela soulage de faire ce à quoi on croit profondément.
Je vous remercie.
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Je me réjouis de vous accueillir et, naturellement, je félicite ceux d'entre vous qui viennent d'être élus.
C'est un honneur d'être choisi par le peuple français pour parler et pour agir en son nom. Cet honneur, je sais que chacun d'entre vous le mesure et que chacun d'entre vous a conscience des devoirs qu'il implique. Etre élu du suffrage universel ne confère qu'un seul droit : celui de tout donner, de tout donner aux autres, de tout donner à son pays, de tout donner pour ses convictions, pour les valeurs au nom desquelles on a fait campagne et sur lesquelles on a été élu. Ces convictions, ces valeurs, nul ne peut les renier sans trahir le mandat qu'il a reçu, sans trahir la confiance de ceux qui ont voté pour lui.
La vie publique n'est pas un métier comme les autres. Ce n'est pas une carrière. C'est un don de soi, c'est une ascèse, parfois très dure, parfois très cruelle. En cet instant ma pensée va vers tous ceux qui pendant des années ont accompli leur mandat avec dignité, avec sincérité, avec abnégation et qui ont été battus, parfois de quelques voix seulement. Ils n'avaient pas démérité.
Je pense à tous ces visages familiers qui m'ont accompagné si longtemps dans ma vie politique et qui ne sont plus là, parmi vous. Je veux leur dire mon estime et mon amitié. Je pense aussi à ceux qui sont là pour la première fois et auxquels je souhaite la bienvenue. Et je pense bien sûr à l'avenir, à la tâche absolument immense qui nous attend et ce que nous allons accomplir ensemble.
Le 22 avril et le 6 mai, les Français ont fait un choix. Ils l'ont fait sans ambiguïté. Ils ont choisi le changement. Ils ont approuvé un projet de rupture avec les idées, avec les valeurs, avec les comportements du passé.
J'ai tout dit avant les élections pour pouvoir tout faire après. Je n'ai rien caché, j'ai dit la vérité, j'ai pris tous les risques, et les Français m'ont accordé leur confiance. Ils me l'ont accordée en toute connaissance de cause. Ils me l'ont accordée pour que je fasse ce que j'ai dit, pour que je change ce que je m'étais engagé à changer.
Mais si les Français sont allés voter en si grand nombre lors de l'élection présidentielle ce n'était pas pour exprimer leur satisfaction devant le fonctionnement de notre démocratie. Ce n'était pas pour exprimer leur contentement devant la manière dont se déroule la vie politique. C'était pour exprimer une attente. Une attente forte. L'attente d'une politique qui tient ses promesses et qui ne fait pas, comme si souvent, au lendemain des élections, le contraire de ce que l'on a promis la veille.
Les Français ont fait un choix. Ce choix, ils l'ont confirmé le 10 et le 17 juin. Ce choix sera respecté.
Tout ce que j'ai promis de changer, je le changerai.
Tout ce que j'ai promis de réformer, je le réformerai.
Tout ce que je ferai, je le ferai avec vous.
Tout ce que je réformerai, je le réformerai avec vous.
C'est le mandat que nous avons reçu du peuple. C'est le mandat de la majorité présidentielle. C'est l'exigence qui nous réunit. Nous réussirons ou nous échouerons tous ensemble.
Quand je dis : "nous réussirons", là, je ne veux pas dire que mon but est de durer le plus longtemps possible. Ce qui est en jeu, c'est autre chose que de durer. C'est notre responsabilité face à l'Histoire. C'est notre responsabilité envers la France. C'est notre responsabilité envers les Français. Les Français ont mis entre nos mains le destin de la France. Les Français nous ont confié pour cinq ans la responsabilité d'écrire l'histoire de France. Les Français ont fait en ce moment décisif, l'un de ces moments historiques où tout se joue, l'un de ces moments où l'erreur n'est plus permise parce que trop d'occasions ont été perdues, un moment que nous devons réussir.
Regardons le monde autour de nous. Il bouge, il se transforme, il se développe. Mais regardons ce monde qui nous entoure, tout change, ce monde où l'innovation, la création, l'invention sont absolument partout. Regardons ce monde, ce monde au milieu des passions, des déchirures, des tragédies, la vie éclate.
Regardons ce monde où tant de forces nouvelles enfantent un avenir dont nous ne savons au fond qu'une seule chose, c'est qu'il ne ressemblera en rien à ce que nous sommes capables d'imaginer.
Dans ce monde qui recèle tant d'opportunités et tant de menaces, rien ne serait plus périlleux pour les Français que de rester immobile. Rien n'est plus dangereux que de regarder le monde changer plus vite qu'il n'a jamais changé, sans changer nous-mêmes. Dans le monde tel qu'il est, rien ne serait plus terrible, rien ne condamnerait davantage la France au déclin que le conservatisme et la frilosité. Je ne suis pas un conservateur. Je ne connais pas la frilosité.
Au Havre, j'ai cité Danton criant devant la Convention quand la France était assiégée par toute l'Europe : "De l'audace, toujours de l'audace, encore de l'audace et la France sera sauvée !"
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, face à la toute-puissance des marchés, face à l'émergence de l'Inde et de la Chine, face aux dumpings monétaires, sociaux, écologiques, il n'y a pas d'autre choix possible que l'audace et que la vérité.
Face à la pauvreté du Tiers-monde qui tire les salaires et les conditions de travail vers le bas en faussant la concurrence, il n'y a pas d'autre choix possible que celui de l'audace et de la vérité.
Face à la multitude de ceux que la misère, la sécheresse, la famine ou la guerre contraignent à émigrer, face au réchauffement climatique, face aux fanatismes, face aux intégristes qui attisent le choc des civilisations, il n'y a pas d'autre choix possible que l'audace et la vérité.
Face aux défis de la technologie, de la science, du progrès, il n'y a pas d'autre voie possible que l'audace et la vérité.
Dans le combat pour la paix, pour la liberté, pour la justice, pour la tolérance, nous n'y arriverons qu'avec de l'audace.
Regardez la France d'aujourd'hui : les Français ne manquent ni de talent, ni d'intelligence, ni de courage, ni d'esprit d'entreprise.
Le peuple français est un grand peuple, qui a une grande histoire, qui a une grande culture, qui peut encore étonner le monde.
Et pourtant, la France souffre. Et pourtant, la France doute d'elle-même, de ses valeurs, de son identité, de son avenir, et pourtant, tant de Français ne croient plus au progrès. C'est parce que la politique en France a trop longtemps manqué d'audace, c'est parce que depuis trop longtemps nous n'étions plus capables d'imaginer une autre façon de faire de la politique, une autre façon de penser, une autre façon d'agir.
Le politiquement correct, la pensée unique, le conformisme nous ont empêchés de penser par nous-mêmes, d'entendre la voix de ceux qui n'en peuvent plus des difficultés de la vie.
Depuis trop longtemps, et de ce point de vue, gauche ou droite, nous avons une responsabilité, nous répondons à toutes les interpellations que le peuple nous adresse : "je n'y peux rien", "on a tout essayé" £ "ce n'est pas possible" £ "c'est trop difficile".
Depuis trop longtemps, on baisse les bras.
Depuis trop longtemps, on n'exprime plus assez une volonté collective.
Depuis trop longtemps, la politique est placée sous le signe du renoncement. Alors, ce renoncement, on a pris l'habitude de l'appeler "culture de gouvernement".
Comme si ce que nous avons dit pendant les campagnes électorales, au fond, ce n'était pas très sérieux.
Comme si ce que l'on racontait aux Français pour être élu n'avait au fond absolument aucune importance.
Comme s'il n'y avait qu'une seule politique possible.
Comme si la démocratie était forcément un leurre parce qu'en réalité il n'y a pas d'autre choix.
Comme si faire le lendemain des élections le contraire de ce que l'on avait promis la veille était non seulement inéluctable, mais le gage du sérieux.
Comme si le grand homme politique était d'abord celui qui est le mieux capable de gérer ce soi-disant et détestable retour au réel, ce moment fatal où chacun prend conscience qu'on lui a menti.
Ce n'est pas ma conception de la politique.
Ce n'est pas ma conception de la morale.
Je veux vous dire quelque chose. Ce que j'ai dit pendant la campagne, j'y croyais et j'y crois toujours.
Ce que j'ai dit pendant la campagne et qui a été approuvé par les Français va être mis en oeuvre.
Je le dis à tous ceux qui auraient tendance à l'oublier. Je le dis à tous ceux qui auraient un peu de mal à accepter cette idée simple selon laquelle les programmes politiques ont vocation à être appliqués. Je le dis à tous ceux qui ont un problème avec la démocratie. Je ne laisserai pas faire cela.
Les députés de la majorité présidentielle viennent d'être élus, un gouvernement vient d'être nommé, il est responsable devant la majorité. Ce gouvernement portera la politique qu'ont choisie les Français.
Cela n'interdit pas la discussion.
Cela n'interdit pas le débat.
Cela n'interdit pas le dialogue.
Cela n'interdit pas la négociation sur les modalités et même le contenu des réformes.
Mais cela interdit le reniement.
Je ferme la porte au reniement.
A ceux qui tous les jours guettent de ma part le reniement, à ceux qui prédisent que fatalement je reviendrai à la pensée unique et à la politique unique, dont je rappelle qu'elle a toujours échoué, à tous ceux qui espèrent, à tous ceux qui attendent ce reniement, je veux leur dire qu'ils attendront encore à un endroit où je ne serai plus depuis longtemps.
Je ne renierai pas mes engagements et je ne laisserai personne les renier.
Parce qu'accepter cela, ce serait une faute morale.
Je veux conduire une autre politique pour répondre au défi de la mondialisation.
Je veux conduire une autre politique que cette politique par laquelle depuis des décennies une petite élite qui croit tout savoir, veut imposer au plus grand nombre les sacrifices que, par ailleurs, elle s'est révélée incapable de s'appliquer à elle-même.
Je veux conduire une autre politique que cette politique des contraintes qui ne peut rien, non parce qu'elle se heurterait à des obstacles insurmontables, mais parce qu'elle ne veut rien.
Je veux conduire une autre politique que celle qui oublie toujours que derrière les chiffres il y a des femmes et des hommes, et que ce sont eux qui font l'économie, ce sont eux qui entreprennent, qui produisent, qui investissent et qui consomment.
L'économie, ce n'est pas que de la statistique. L'économie, ce n'est pas que de l'arithmétique.
L'économie, elle se fait aussi avec des passions humaines, avec des sentiments, avec des croyances.
L'économie, elle dépend de ce à quoi chacun aspire, de ce qu'il veut pour lui-même, pour sa famille, pour son entreprise, pour la France. Elle dépend de la manière dont chacun perçoit son avenir, s'il le perçoit comme une promesse ou comme une menace.
Elle dépend de ce que le passé, l'histoire, l'expérience, l'éducation, la culture ont déposé en chacun de nous, des traces qu'elles ont laissées dans notre mémoire, dans notre identité.
L'avoir oublié, avoir oublié que chaque être est une personne, que chaque pays a une identité, une personnalité, avoir oublié qu'un pays comme une personne ce n'est pas une page blanche et que dans la succession des jours et dans la succession des générations il faut toujours prendre l'histoire là où elle en est, avoir oublié dans la politique et dans l'économie la part de l'humain, je vous le dis, ce fut l'erreur fatale qui a si souvent fait échouer les réformes, si souvent fait obstacle au changement.
Moi, si j'ai voulu mettre l'identité, la morale, les valeurs au coeur de la campagne présidentielle, c'est parce que je suis convaincu que cela joue un rôle central dans l'économie. C'est parce que je suis convaincu qu'avec de l'identité, de la morale, des valeurs, on va aller chercher le ressort principal de la croissance.
Si j'ai tant parlé de l'identité et de la morale, c'est parce que je suis convaincu que si nous n'arrivons pas à résoudre la crise d'identité et la crise morale que nous traversons, nous ne retrouverons pas la croissance.
Si j'ai tant parlé des valeurs, c'est parce que je suis convaincu que l'on ne va pas sortir durablement du marasme social et du marasme économique qui nous accablent tant qu'on n'aura pas réconcilier les Français avec les mots : réussite, travail, mérite et risque.
Si j'ai tant parlé de la réussite et du mérite, c'est parce que si la réussite n'est pas valorisée, si le mérite n'est pas récompensé, alors tous les talents, tous les créateurs, tous les entrepreneurs s'en vont. L'égalitarisme, c'est l'assurance de l'immobilisme et de la stagnation. C'est le contraire du mouvement, le contraire du progrès.
Si j'ai tant parlé de protection, c'est parce que je suis convaincu qu'une certaine dose de protection est nécessaire pour faire accepter le risque, pour faire aimer le risque. On ne prend pas de risque quand on a peur de tout perdre, quand on a peur de l'exclusion, quand on est angoissé par l'avenir.
Je veux protéger les Français parce que c'est la condition du changement, parce que c'est la condition de la réforme. Protéger c'est le rôle du Président de la République. C'est la raison d'être de la nation, c'est la première mission de l'Etat, c'est la condition de l'ouverture d'esprit.
Et je le dis à tous ceux auxquels le mot "protection" fait peur et notamment à nos amis européens, si les Français ne se sentent pas assez protégés, s'ils se sentent exposés à tous les dangers, à toutes les menaces, alors vous verrez la montée du nationalisme, de l'étatisme et du protectionnisme.
Si j'ai tant parlé de la valeur travail, c'est parce qu'elle est centrale.
Il manque à la France un point de croissance en moyenne par an.
S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce globalement et quels que soient les efforts de nos compatriotes, la France ne travaille pas assez. C'est une vérité.
S'il manque à la France un point de croissance, c'est parce qu'on a dévalorisé le travail. C'est parce qu'on fait tout pour décourager les Français de travailler. C'est parce que le chômage de masse, l'insécurité dans l'emploi, la stagnation du pouvoir d'achat des salaires, la dégradation des conditions de travail ont abîmé le travail. Alors comment croire au travail quand il y a des travailleurs pauvres ? Comment croire au travail quand de plus en plus de travailleurs n'arrivent plus à faire vivre leur famille en travaillant ? Comment croire au travail quand le travail ne garantit même plus l'intégration sociale ?
Alors ma politique, celle que nous allons défendre avec le Premier ministre, ce n'est pas la politique de l'offre, ce n'est pas la politique de la demande. Ces querelles d'écoles n'ont aucun intérêt.
Ma politique ce n'est pas la politique des entreprises, ce n'est pas la politique des ménages. Ma politique c'est la politique pour tout le monde. Et je vous propose de faire comme politique celle du
travail.
Libérer le travail.
Récompenser le travail.
Améliorer les conditions de travail.
Développer la productivité du travail.
Et je propose à la majorité présidentielle le choix suivant :
Politique sociale : le travail.
Politique éducative : le travail.
Politique économique : le travail.
Politique fiscale : le travail.
Politique de concurrence : le travail.
Politique commerciale : le travail.
Politique de l'immigration : le travail.
Politique monétaire, politique budgétaire, je ne les jugerai que par rapport à un seul critère : cela récompense le travail ou cela dévalorise le travail. Tout ce qui récompense le travail sera choisi, tout ce qui dévalorise le travail sera écarté.
C'est cela la rupture : la rupture avec le malthusianisme. La rupture avec un modèle social, un modèle économique, un modèle éducatif d'où le travail est exclu en tant que valeur.
Il faut tout remettre à plat. Il faut une révolution dans les mentalités, dans les comportements, dans les méthodes. Je suis conscient que c'est un chantier immense. Je suis conscient que cela va exiger beaucoup d'énergie, beaucoup de courage, beaucoup d'imagination. Mais mes chers amis, c'est maintenant ou c'est jamais. Si vous hésitez, si vous reculez, alors nous ne ferons rien et c'est la France qui en pâtira. Ce sont les Français qui en souffriront. C'est l'avenir de nos enfants qui s'en trouvera compromis.
Nous avons été élus pour agir.
Je prendrai mes responsabilités. Je le ferai sans précipitation, calmement, mais sans attendre parce que nous n'avons plus le droit d'attendre. Parce que nous avons déjà trop attendu. Et parce que chacun d'entre vous, au fond, le sait : la France a pris du retard.
Mes responsabilités, je veux les prendre d'abord sur les mots qui étaient devenus tabous et que je vais remettre, avec le Premier ministre, au premier plan du débat politique : les mots pouvoir d'achat. Il y a en France un problème de pouvoir d'achat. Nier que ce problème existe, c'est se moquer des Français. C'est mépriser ceux qui travaillent et qui ont tant de mal à s'en sortir.
Nier l'austérité salariale, qui à l'exception de la fin des années 90 et du SMIC dure depuis 30 ans, c'est mépriser les salariés.
Faire croire que l'euro n'a pas fait monter les prix et que depuis 25 ans l'augmentation des salaires couvre l'inflation, c'est parfaitement ignorer la réalité quotidienne de dizaines de millions de Français. En tant que Président de la République je prends mes responsabilités.
Les prix sont trop hauts et les salaires sont trop bas. Voilà la vérité. On ne peut pas sans risque dissimuler la vérité tout le temps à tout le monde.
Le pouvoir d'achat qui est trop bas, c'est la faute à la concurrence des pays à bas salaires, au dumping social, écologique, monétaire, à la monnaie chinoise qui est trop basse, à l'euro qui est trop fort, aux prélèvements qui sont trop élevés, aux taux d'intérêt français qui sont supérieurs à l'inflation, au prix de l'immobilier qui a beaucoup plus augmenté que les revenus des Français. C'est aussi la faute au chômage de masse···
Mais quel est le résultat ? C'est la démoralisation des travailleurs qui ont une vie de plus en plus dure, de ceux qui n'ont que leur salaire pour vivre et qui voient que l'écart se creuse entre les générations des trente Glorieuses et celles qui sont venues après. Avec la certitude pour ces enfants de vivre moins bien que n'avaient vécu leurs parents.
On ne peut pas espérer bâtir une croissance durable sur la démoralisation des travailleurs et la dévalorisation du travail. Quand on est hanté par les fins de mois difficiles, on n'est pas entreprenant, on est pas dynamique, on n'est pas productif. Je vois avec plaisir tous ces théoriciens de l'économie qui m'expliquent que le problème du pouvoir d'achat cela n'existe pas, c'est la compétitivité des entreprises. Parfait. Mais comment peuvent elles être compétitives, les entreprises, avec des salariés qui sont eux-mêmes démoralisés et qui ont le sentiment qu'ils ne sont pas payés au juste prix de leur investissement personnel ? Le défi que je vous propose avec le Premier ministre, il est le suivant :
Augmenter le pouvoir d'achat sans augmenter le coût du travail, telle est la stratégie que je souhaite mettre en oeuvre parce qu'elle est le préalable absolument nécessaire pour que l'on puisse enclencher le cercle vertueux de l'optimisme, de la productivité et de la croissance, à la place du cercle vicieux du pessimisme, de la frustration et de la stagnation qui nous tire vers le bas.
Je dis à ceux qui répètent partout qu'il n'y a pas de problème de pouvoir d'achat en France qu'ils ne me feront pas changer d'avis, qu'ils ne me feront pas dévier de ma ligne de conduite.
Je suis décidé à tirer moi-même toutes les conséquences de la conférence sur le pouvoir d'achat avec les partenaires sociaux, qui va commencer à travailler dès la rentrée. En particulier sur la possibilité de conditionner les allégements de charges aux négociations salariales.
Créer un choc de confiance et de pouvoir d'achat et les conditions psychologiques et économiques de l'accélération de la croissance, c'est la raison d'être des mesures fiscales ambitieuses que le Conseil des ministres vient d'adopter. Désormais, si vous voulez bien voter ces textes, Mesdames et Messieurs les parlementaires, les heures supplémentaires seront exonérées de charges et d'impôts, les intérêts des emprunts immobiliers seront déductibles, les droits de succession seront supprimés pour 95% des ménages de façon à ce que chacun puisse transmettre à ses enfants le fruit d'une vie de travail, de façon à ce qu'à chaque génération tout ne recommence pas à zéro. Dans le même temps nul ne pourra plus être taxé au-delà de 50% de son revenu et les sommes investies dans les PME seront exonérées d'ISF jusqu'à 50 000 euros.
Alors la politique du travail, ce ne peut pas être seulement l'exonération des charges sur les heures supplémentaires pour ceux qui veulent travailler plus en gagnant plus.
Je veux prendre mes responsabilités. Je veux ouvrir le chantier de la réforme de la prime pour l'emploi pour que l'on en revienne à sa raison d'être, qui était d'encourager la reprise du travail.
Aujourd'hui, les bénéficiaires des minima sociaux voient leurs revenus baisser lorsqu'ils reprennent un travail. C'est absurde, c'est injuste, c'est un scandale. Mais nous ne voulons pas d'une société où l'assistanat paye davantage que le travail. C'est pourquoi le Premier ministre a demandé à Martin HIRSCH de mettre en chantier l'expérimentation d'un revenu de solidarité active afin que le retour à l'emploi se traduise toujours par une augmentation du revenu. Cette expérimentation préparera une remise à plat de tous les dispositifs des minima sociaux et la création d'un contrat unique d'insertion. Avec toujours le même projet : valoriser le travail, encourager le travail, respecter le travail.
Mais Il faut aller plus loin.
Nous allons ouvrir le dossier des exonérations de charges et examiner les possibilités d'en modifier les modalités pour qu'elles ne tirent pas les salaires vers le bas à cause des effets de seuil.
Nous allons ouvrir le dossier de l'interdiction du cumul emploi-retraite qui est inadmissible.
Nous allons ouvrir le dossier de la préretraite.
Je veux prendre mes responsabilités : je souhaite que disparaissent au plus vite les préretraites et que les sommes considérables qui sont consacrées à empêcher les Français de travailler soient utilisées pour investir et créer des emplois. Je souhaite que disparaisse le mécanisme de la dispense de recherche d'emploi.
Je veux prendre mes responsabilités et je les assume devant vous : il n'y aura pas de coup de pouce au SMIC parce qu'il aurait un effet négatif sur l'emploi des moins qualifiés et parce qu'à force d'augmenter le SMIC plus rapidement que les autres salaires, on a provoqué la smicardisation de la société française. Cette vérité elle est dérangeante, mais je la dois aux Français. Depuis le temps qu'on augmente et qu'on donne des coups de pouce au SMIC et qu'on l'éloigne un peu plus à chaque fois des gens qui ont besoin de travailler, du travail. L'injustice, ça serait de continuer comme cela. Dès la rentrée une commission de sages indépendants sera créée pour donner son avis, publiquement, sur la revalorisation du SMIC. Ce qui permettra un peu de rationalité économique dans la décision. Un peu moins de démagogie, un peu plus d'efficacité. N'est-ce pas ce que les Français attendent de nous ?
Il ne s'agit là que d'une première étape, simplement pour recréer une dynamique, parce que le pays a besoin de ces réformes pour augmenter durablement sa capacité à créer des richesses. Mais la recette de la croissance à long terme, tout le monde la connaît : compétitivité, productivité des entreprises, formation des hommes, investissement.
Alors on va d'abord lever tous les obstacles à la croissance.
La réforme du marché du travail, je le dis aux partenaires sociaux, elle est prioritaire. Elle sera mise en oeuvre après que le dialogue social ait pu avoir lieu. Mais le dialogue social, ce n'est pas gagner du temps. Ce n'est pas se regarder dans le blanc des yeux. Le dialogue social c'est de discuter sérieusement pour prendre des décisions.
Je veux prendre mes responsabilités : il faut plus de souplesse pour les entreprises et plus de sécurité pour les personnes.
Hier les partenaires sociaux ont entamé leur discussion sur le contrat de travail, sur la réforme de l'assurance chômage, sur la sécurisation des parcours professionnels. Il faut aussi arrêter avec eux les modalités de rapprochement entre l'ANPE et l'UNEDIC pour améliorer le suivi des chômeurs. On ne peut pas être le seul pays à faire comme nous faisons aujourd'hui.
Bientôt on disposera des évaluations sur les expérimentations qu'avait conduites Jean-Louis BORLOO du contrat de transition professionnelle. Je souhaite que l'on en tire toutes les conséquences utiles en vue de la création d'une véritable sécurité sociale professionnelle. Nous l'avons promis, nous le ferons parce que c'est la contrepartie de l'assouplissement du droit du travail. On assouplit le droit du travail d'un côté, on renforce la sécurité des salariés de l'autre, avec le contrat, avec la sécurité sociale professionnelle.
Alors il y a bien d'autres obstacles à la croissance dans l'amoncellement des réglementations.
Cela s'appelle la déréglementation, c'est difficile. Mais c'est un investissement à long terme.
Je veux prendre mes responsabilités : le Premier ministre créera dans les semaines qui viennent une commission sur le modèle de la commission Rueff-Armand créée par le Général de GAULLE au début des années 60. Cette commission aura la même mission : recenser tous les obstacles à l'expansion qui seront supprimés. Mais cette commission aura trois mois, par un jour de plus, pour remplir sa mission.
Et il ne faut pas seulement lever les obstacles à la croissance. Il faut aussi encourager le travail, la production, l'investissement.
Je veux prendre mes responsabilités : toute notre fiscalité doit être revue en fonction de ces trois objectifs : travail, production, investissement, auxquels j'en rajoute un quatrième, fiscalité écologique.
La réforme globale de la fiscalité je l'appelle de mes voeux. Il faut taxer la richesse produite plutôt que la production de richesse si l'on veut garder des usines sur notre territoire. Il faut détaxer le travail qui se délocalise et taxer davantage ce qui est moins aisément délocalisable. Il faut alléger les charges fixes qui amplifient les chocs, pour les remplacer par des charges variables qui au contraire les amortissent. Il faut nettoyer les niches fiscales qui rendent notre système opaque et inégalitaire.
Cette remise à plat, je vous propose qu'elle concerne tous les grands prélèvements : cotisations sociales, taxe professionnelle, taxe sur les salaires, TVA, impôt sur le revenu, CSG. Mesdames et Messieurs, si vous pensez que l'on peut s'attaquer à un petit bout sans toucher au reste, c'est que nous n'avons pas la même vision de l'entremêlement de la société française. Je souhaite notamment que le crédit d'impôt recherche soit porté à 100% et que soit étudiée la possibilité de moduler le taux de l'impôt sur les sociétés en fonction des investissements et des créations d'emplois, de sorte que les entreprises qui créent des emplois et qui investissent dans notre pays paient très peu d'impôts et que les entreprises qui désinvestissent et qui suppriment des emplois alors qu'elles font des profits paient davantage d'impôts. Je souhaite également que la TVA sur les produits écologiques soit systématiquement abaissée au taux réduit. Nous nous battrons au Conseil européen pour obtenir l'accord de nos partenaires.
Pour qu'il y ait de la croissance il faut investir.
L'effort d'investissement est énorme : révolution numérique, biotechnologies, nucléaire, transports, santé, technologies propres, logement, recherche, innovation, éducation, enseignement supérieur, formation, intelligence économique···
Je veux prendre mes responsabilités : l'aide à l'innovation ne peut pas être qu'en direction des très grandes entreprises, même si elles ont un rôle essentiel à jouer.
Je souhaite que sur les 2 milliards d'euros qui sont affectés à l'Agence pour l'innovation industrielle nous arrivions à ce qu'1 milliard soit consacré aux entreprises moyennes, qui sont les oubliées de tous les systèmes d'aides. Je souhaite également que la politique des pôles de compétitivité soit amplifiée.
Il nous faut une nouvelle politique d'aménagement du territoire, une nouvelle politique industrielle. Mais au coeur de ces priorités, je veux placer le développement durable. Le développement durable, cela ne doit pas être seulement une politique de protection et de précaution. Je vais peut-être vous étonner. Le développement durable, cela doit être une politique de production, qui ne soit pas simplement un frein à la croissance quantitative mais qui doit renouveler le contenu de la croissance, qui doit mettre la qualité, la modération et le bien-être au coeur de cette nouvelle croissance et qui va tirer la croissance, qui va même stimuler la croissance.
La politique du développement durable, c'est tout simplement la politique de croissance de l'avenir. C'est dire si dans cette nouvelle stratégie de croissance, le grand ministère de l'Ecologie, de l'Aménagement et du Développement durable, qu'avec le Premier ministre nous avons confié à Jean-Louis BORLOO, aura un rôle décisif à jouer. Cher Jean-Louis, tu as toutes les qualités pour imaginer et pour conduire cette nouvelle politique.
Dans le même esprit, avec la même volonté, nous avons décidé avec le Premier ministre que la révolution numérique serait un grand chantier présidentiel.
L'investissement, c'est aussi l'investissement dans le savoir et dans la connaissance.
On ne peut pas dire sans arrêt que le XXIe siècle sera le siècle de la société de la connaissance et garder notre système universitaire à l'abandon pour la seule raison qu'il serait trop risqué politiquement de le réformer. Tout le monde est d'accord sur la nécessité de réformer notre système universitaire. Un seul argument s'y oppose. Un seul : " C'est dangereux ". Ceux qui n'aiment pas le danger, il faut qu'ils choisissent une autre activité.
Je veux prendre mes responsabilités : la réforme des universités, nous en avons parlé avec le Premier ministre, et c'est ce que nous avons fixé comme objectif à Valérie PECRESSE. Nous l'avons promise, nous la ferons. Chaque université pourra choisir de rester dans l'ancien système qui est paralysé ou d'adopter un nouveau statut fondé sur le principe de la liberté. Ceux qui choisiront le nouveau statut recevront des moyens supplémentaires. Valérie PECRESSE, c'est le mérite, c'est le travail, c'est l'innovation. Valérie PECRESSE a déjà beaucoup travaillé. Notre réforme est quasiment prête. Elle sera votée si les parlementaires la votent dès cet été.
Et je souhaite, de surcroît, que le chantier de la formation tout au long de la vie soit ouvert rapidement de sorte que les réformes nécessaires puissent être engagées dès le début de l'année prochaine.
Au fond, de quoi s'agit-il ? Jeter les fondements de l'économie française du XXIe siècle.
Nous le ferons en délestant l'Etat des missions et des dépenses du passé pour en faire l'instrument décisif de l'avenir.
C'est tout l'enjeu de la réforme de l'Etat que nous ne pouvons plus différer. Là aussi je veux prendre mes responsabilités. La réforme de l'Etat, nous la ferons, nous la ferons en profondeur, nous la ferons jusqu'au bout. C'est un chantier prioritaire qui s'ouvre aujourd'hui et nous le piloterons directement, le Premier ministre et moi-même. Cette réforme contribuera à la réduction de la dette et des déficits mais je veux dire que dans mon esprit la réforme de l'Etat ce n'est pas simplement de la rigueur. Ce n'est pas simplement un acte de bonne gestion. C'est quelque chose de beaucoup plus ambitieux qui repose sur une très haute idée de l'Etat, conforme au rôle que l'Etat a toujours joué dans l'histoire de France.
Dans mon esprit, il ne s'agit rien moins que de faire en sorte que l'Etat cesse d'être un obstacle à l'expansion et au progrès pour devenir un acteur essentiel du changement.
C'est dans cette perspective qu'il faut replacer la stratégie budgétaire pour les cinq années à venir.
Je veux prendre mes responsabilités.
La France a des engagements européens. Chère Christine LAGARDE, elle les tiendra. Elle les tiendra parce que l'on ne peut pas partager l'euro sans en partager les responsabilités, les contraintes et les disciplines. Elle les tiendra parce que le rééquilibrage du budget et le désendettement de l'Etat sont des objectifs que la France est décidée à atteindre pour elle-même. Naturellement, cet effort concernera aussi les collectivités territoriales. Je le dis à Monsieur le Président du Sénat, comme aux sénateurs, que nous aurons une discussion avec les collectivités territoriales. On ne peut pas avoir un système où l'Etat s'impose des règles, dont s'exonéreraient les régimes sociaux d'un côté et dont s'exonéreraient les collectivités territoriales de l'autre. Il faut que l'on en discute de façon apaisée, transparente et loyale. Mais qui comprendrait que les uns fassent un effort sans que l'on en discute avec les autres ?
Je prendrai donc mes responsabilités. Je pense en particulier au problème de la santé. Et je parle très sérieusement de ces questions. Nous le savons tous, de nouvelles dépenses sont inévitables. Je ne serai pas celui qui ira raconter aux Français que l'on ne dépensera pas plus pour la santé des Français. On dépensera davantage. Ces dépenses sont inévitables à cause des progrès de la médecine, du vieillissement, des maladies pour lesquelles il faut que nous fassions des efforts supplémentaires. Je ne serai pas celui qui expliquerait aux Français : on va faire des économies sur la recherche du cancer, alors que le cancer brise atrocement des centaines de milliers de familles. Il faut trouver des solutions. Je ne serai pas celui qui regarderait les bras ballants progresser la maladie d'Alzheimer, alors qu'à l'horizon de 25 ans, dans chaque famille de France, il y aura une personne, pas si âgée que cela, qui sera sortie d'elle-même. Je ne dirai pas aux Français : nous n'avons pas d'argent pour répondre à cette terrifiante maladie. Je ne serai pas celui qui expliquerait aux Français qu'il n'y a pas d'argent pour qu'un membre de vos familles ait le droit de mourir dans la dignité, parce qu'en France, nous avons moitié moins de lits de soins palliatifs qu'en Grande-Bretagne. Alors, que les choses soient claires, je ferai du cancer, d'Alzheimer et des soins palliatifs, un chantier présidentiel.
Pour financer ces dépenses nouvelles, naturellement qu'un effort supplémentaire sera nécessaire. Je mettrai sur la table ce dont j'ai parlé pendant la campagne présidentielle : la question de la franchise. Le gouvernement et le Premier ministre, comme moi-même avec le ministre de la Santé, nous serons ouverts à toutes les modalités. Peu importe que la franchise soit annuelle ou à l'acte, qu'elle soit assurable ou qu'elle ne le soit pas. On en discutera, y compris de son montant. On en discutera. Mais ces sommes dégagées par les ressources supplémentaires serviront à financer les dépenses de santé dont on a besoin.
Et quant au plan d'économie proposé par la Caisse nationale d'assurance maladie, il servira à couvrir, si le Gouvernement accepte telle ou telle de ces mesures, les déficits accumulés. Que les Français le sachent : s'il y a des recettes supplémentaires, ce sera pour financer des dépenses supplémentaires au service de leur santé. Et s'il y a des économies à faire, en luttant contre la fraude scandaleuse, contre la gabegie scandaleuse, contre ce qui n'est pas utile, ce sera pour rembourser les dettes accumulées.
Donc vous voyez, Mesdames et Messieurs, une grande souplesse sur les modalités, une grande créativité sur les conditions de mise en oeuvre. Mais une chose est sûre : pour lutter contre Alzheimer, pour lutter contre le cancer, pour avoir les soins palliatifs, pour avoir les maisons médicalisées pour les personnes âgées, il faudra une recette supplémentaire. Je ne fuirai pas, je ne mentirai pas, je ne me cacherai pas et ceux qui ne voudront pas des recettes supplémentaires devront expliquer aux Français qu'ils ne voudront pas non plus des investissements supplémentaires au service de la santé des Français.
Je me fixais pour objectif sur 5 ans d'atteindre l'équilibre budgétaire et de ramener le poids de la dette à 60% du produit intérieur.
Mais je le dis clairement : pour y parvenir je ne mettrai pas en oeuvre une politique qui puisse avoir pour effet de ralentir la croissance ou de rendre impossibles les grandes réformes structurelles qui s'imposent.
L'assainissement durable de nos finances publiques ne peut aller de paire qu'avec non seulement l'assainissement durable de la gestion de l'Etat, mais aussi l'assainissement durable de notre situation économique. Il faut réduire les dépenses chaque fois que c'est nécessaire, mais il faut créer les conditions de la croissance aussi.
L'urgence c'est la réforme. Non la réforme pour souffrir mais la réforme pour la croissance. Et d'ailleurs, pour que les choses soient bien entendues en Europe, je prendrai mes responsabilités. Et si Christine LAGARDE l'accepte, nous irons ensemble expliquer la stratégie économique de la France au prochain Conseil ECOFIN.. Cela témoignera de la force de notre engagement et de la logique de rigueur dans la maîtrise de la dépense, mais aussi de la croissance.
On posera également d'autres questions sur la politique monétaire et sur la politique économique. On ne peut pas être la seule zone du monde où la monnaie n'est pas mise au service de la croissance parce que partout ailleurs dans le monde, les Chinois, les Japonais, les Anglais et les Américains mettent leur monnaie au service de la croissance.
C'est également dans cette logique que sera effectuée d'ici à la fin de l'année une revue de toutes les politiques publiques sous la responsabilité directe du Premier Ministre. C'est dans cette logique que seront créées les conditions pour qu'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ne soit plus remplacé.
Mesdames et Messieurs, on en parle depuis longtemps, le temps est venu d'en parler moins et d'en faire plus.
Sur la réforme de l'Etat, il va falloir faire le rapprochement de la DGI et de la Comptabilité Publique et il faudra enfin poser la question du regroupement des services de renseignement à Madame le Ministre de l'Intérieur.
On ne peut pas dire " la réforme de l'Etat, c'est un des grands projets pour nous " et à chaque fois qu'on le concrétise on dit " mon Dieu c'est difficile ".
Mais le plus important c'est de changer les manières de raisonner, les méthodes, les comportements. C'est la raison pour laquelle je me suis engagé sur la réforme de la procédure budgétaire. Le premier pas, le Premier ministre l'a franchi avec la création d'un Ministère des Comptes.
La deuxième étape consistera à lui confier la responsabilité de défendre devant le Parlement les budgets de tous les ministères. Je souhaite que cette nouvelle procédure soit mise en place dès la discussion de la loi de finances pour 2009, pour qu'on sorte de cette situation insensée où on fait tous campagne sur la réduction des dépenses et où un grand ministre est un ministre qui obtient l'augmentation de son budget, où la discussion passionnante au Parlement se fait sur les crédits que l'on a obtenus de Bercy, et où il n'y a jamais de discussion sur l'évaluation de la politique et l'utilisation du crédit obtenu.
La troisième étape consistera à faire prévaloir dans la présentation et la discussion du budget une approche économique de la dépense publique qui permettrait de mieux distinguer les dépenses d'investissement qui, du fait que l'on peut en attendre un retour dans l'avenir, peuvent en bonne orthodoxie être financées par l'emprunt. Franchement, quand on voit le temps qu'il nous a fallu pour amener le TGV jusqu'à Strasbourg, ce n'est pas la peine d'avoir un tel déficit et un tel endettement pour ne pas avoir les moyens de financer les infrastructures dont un certain nombre de nos régions ont un besoin vital pour assurer la croissance et l'expansion.
Je le dis comme je le pense, je veux que l'on soit impitoyable avec le gaspillage et avec la fraude. Nul n'a le droit de dilapider l'argent. Cette approche économique, nous la ferons privilégiér par rapport à l'approche juridique et à l'approche comptable.
Mesdames et Messieurs, je voudrais terminer sur un certain nombre de sujets rapides qui ont fait débat dans la campagne législative. Mon devoir c'est de prendre mes responsabilités. Avec le Ministre des Affaires étrangères et européennes, Bernard KOUCHNER, avec Jean-Pierre JOUYET, nous allons avoir deux jours très difficiles, demain, où il s'agit ni plus ni moins que de sortir l'Europe de l'immobilisme.
Je veux que nos partenaires comprennent que la préférence communautaire ce n'est pas un gros mot, que l'Europe est faite pour protéger pas pour inquiéter, que la politique de l'Euro, nous aurons à en reparler, que la politique de la concurrence, elle ne doit pas servir à empêcher de mettre en oeuvre des politiques industrielles, mais qu'elle doit au contraire les encourager.
Je veux prendre mes responsabilités aussi sur ce qu'on a appelé le débat sur la TVA sociale. Dans le monde tel qu'il est, face aux pays à bas salaire, financer notre protection sociale en taxant le travail incite à la délocalisation et contribue à faire de l'emploi une variable d'ajustement. On ne peut pas continuer comme cela. Et toute personne sérieuse qui réfléchit à cette question doit se poser cette question. On ne peut pas continuer à exonérer les importations du financement de notre protection sociale. On ne peut pas continuer à surtaxer le travail. On ne peut pas rester les bras croisés devant les délocalisations. Les délocalisations, c'est un vrai problème. Ce serait indigne de la confiance que m'ont témoignée les Français que de ne pas poser la question de la délocalisation. Alors, contrairement à ce que disent certains observateurs, s'abstenir sur la TVA sociale et regarder passer le train des délocalisations serait non seulement une faute économique, mais une faute morale et une faute politique. J'ai décidé de négliger aucune piste. Les Allemands viennent de l'expérimenter, les Danois l'ont adoptée. Est-ce que vous croyez que la France s'honorerait d'avoir un gouvernement qui dit : "Ce que les Allemands viennent de réussir, ce que les Danois ont expérimenté, ce qui est dans le débat politique français, n'est-ce pas Jean ARTHUIS, depuis des années, on ne va même pas l'étudier, parce que si on l'étudie on est suspecté. Mesdames et Messieurs, si être un responsable politique c'est manquer à ce point de courage c'est que l'on n'est pas un responsable politique. Moi je ne veux pas rester les bras croisés devant les délocalisations.
Je vais prendre mes responsabilités et je vais vous dire les choses telles que je les pense : si la TVA sociale n'est pas efficace contre les délocalisations, si la TVA sociale n'est pas bonne pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat, on ne fera pas la TVA sociale. Si la TVA sociale contribue à freiner les délocalisations. Si elle est bonne pour l'emploi. Si elle est bonne pour la croissance, si elle ne pénalise pas le pouvoir d'achat, alors nous ferons la TVA sociale.
Je l'expliquerai aux Français, qui comprennent très bien que l'on ne peut plus taxer le travail et le capital qui peuvent s'en aller du jour au lendemain. Ils comprennent très bien qu'il vaut mieux taxer la richesse produite plutôt que la production de richesse. Ils comprennent très bien que derrière ce débat c'est l'avenir de notre protection sociale qui est en jeu. Qui pourrait nous reprocher de vouloir faire financer notre protection sociale par les importations ? Les Français comprennent très bien que lorsque l'Euro monte, cela pose le problème de la perte de notre compétitivité monétaire et que l'on ne peut pas continuer à détaxer les exportations tout en détaxant les importations.
Je prendrai mes responsabilités, je ne veux pas de sujet tabou. Le Premier ministre a demandé à deux de ses ministres, Mme LAGARDE et M. BESSON, d'étudier la question de la TVA sociale. lls vont étudier. Mais si l'on s'avance vers la mondialisation, en disant : les idées nouvelles on ne veut même pas les regarder parce que l'on a peur, alors nous avons à craindre que les autres ne continuent à avancer et que nous restions en arrière. Si le Parti socialiste a voulu faire de cette question une arme contre la majorité, c'est de bonne guerre politicienne, ce n'est pas de l'intérêt de la France. J'en veux d'ailleurs pour preuve que les meilleurs esprits socialistes eux-mêmes travaillent sur cette question. Ce n'est pas un problème de droite, ce n'est pas un problème de gauche, et je vous garantis que le Premier ministre, comme moi-même, nous n'avons rien décidé sur ce que nous ferons en définitive, la seule chose que nous avons décidée, c'est que nous allons purger vraiment le débat. Qu'une fois le débat éclairé, nous ferons une expérimentation et que si cette expérimentation est réussie nous ferons une généralisation. Si ce n'est pas important, si ce n'est pas utile, nous ne le ferons pas.
Je voudrais terminer par cela parce qu'il me faut prendre mes responsabilités sur un dernier sujet. Je vous demanderai après que le gouvernement l'ait écrit, de voter très vite une loi de moralisation de la vie économique. Les premiers éléments seront dans le cadre de la session extraordinaire, parce moi j'estime que la situation actuelle, je le dis comme je le pense, n'est pas tenable. Aucun système économique ne peut fonctionner sans un minimum de morale. Parce que si l'on veut réconcilier les Français avec l'entreprise, avec l'économie, avec le marché, il ne faut pas accepter les excès, il ne faut pas accepter les dérapages, il ne faut pas défendre qui l'indéfendable, il ne faut pas excuser l'inexcusable. C'est aussi une manière de revaloriser le travail et de témoigner du respect au travailleur qui ne peut pas comprendre que celui qui échoue soit récompensé et qui vit comme une forme de mépris à son égard les pratiques en matière de parachutes en or ou de stock options.
Je prendrai enfin mes responsabilités en disant à l'OMC que pour la politique d'aide aux PME, il ne peut pas y avoir deux poids deux mesures, il ne peut pas y avoir une dérogation pour les Etats-Unis et une interdiction pour l'Europe. Personne ne peut le comprendre. Je leur dirai également et ce sera toute la tâche de Michel BARNIER, que nous sommes décidés à préserver l'indépendance alimentaire de l'Europe en sauvant l'agriculture française. De la même façon, je dirai à nos amis canadiens qu'ils ne peuvent pas vendre leurs trains en France et nous interdire d'aller vendre les nôtres au Canada. La politique commerciale de la France, sera placée sur la réciprocité, sur l'absence de naïveté, et sur une forme de fermeté qui n'a rien à voir avec l'idéologie de la concurrence.
Vous l'avez compris, avec François FILLON, nous allons mettre en chantier toutes les réformes.
Je veux d'ailleurs dire à François FILLON ma confiance, mon amitié et ma fierté de la façon dont il a su conduire la composition de ces deux gouvernements successifs.
Mes chers amis, il y a urgence à renouer avec la croissance. On va réussir ou échouer là-dessus. Ce point qui nous manque, on va aller le chercher. La croissance c'est un tout. La croissance c'est tous les secteurs qui s'entraînent les uns les autres. On va agir sur tous les leviers à la fois. Nous allons créer une masse critique de dynamisme, d'énergie, d'innovation et d'optimisme. Nous allons nous efforcer de le faire dans les semaines et mois qui viennent sans perdre une minute, sans mesurer nos efforts et en ayant toujours à l'esprit que nous avons le devoir de parler à tous les Français. Je veux que les Français qui nous écoutent le sachent. Je veux conduire une politique pour chacun d'entre eux. Moi je me suis exonéré de toutes mes amitiés, de toutes mes attaches partisanes. Je n'ai qu'une seule ambition, être à la hauteur des responsabilités que les Français m'ont confiées. Je suis le Président de tous les Français. La politique que le gouvernement va conduire sera une politique pour tous les Français. Elle sera juste, je ferai tout pour qu'elle soit efficace, mais je n'aurai pas peur parce que vous ne m'avez pas élu pour conduire un message de frilosité.
Pour renouer avec la croissance, pour renouer avec la prospérité il faut de l'enthousiasme, de la force et de la vie. Et je voudrais vous dire que si j'ai été chercher des personnalités si différentes pour le gouvernement de la France, qui est un gouvernement de rupture, c'est parce que je ne supportais plus cette idée que la France a la base soit diverse et que la France au sommet ne porte pas cette diversité. Si j'ai été cherché des gens venus de bords politiques différents, qui ont eu le courage de prendre la main tendue, c'est tout simplement parce que l'on ne fait pas des grandes réformes avec une petite équipe. C'est parce que quand on a gagné à quatre reprises les élections on a le devoir de tendre la main. Et peut importe que certains ne la saisissent pas. Parce que quand on a gagné quatre fois consécutivement on n'a pas le droit d'être sectaire. On doit être généreux, on doit être ouvert, on doit associer ceux dont on a besoin. Je n'ignore nullement les problèmes que cela a posés. Je vais vous dire une chose, ils ne sont pas à la hauteur des défis que je me suis fixés.
J'ai été Président de Parti politique, et animateur d'un Parti politique, peut-être plus longtemps qu'aucun autre ici. Mais je n'ai plus le droit de raisonner comme un chef de Parti, je dois raisonner comme un Président de la République à la hauteur de ses responsabilités. Un Président de la République cela ne constitue pas un gouvernement en fonction de ses amitiés, en fonction de l'ancienneté, en fonctions des équilibres territoriaux de telle ou telle famille politique. Ça compose un gouvernement capable d'entraîner la France et de représenter la France. Voilà pourquoi je suis fier d'eux. Que les choses soient très claires ce n'est pas au Premier ministre qu'il faut en vouloir, de telle ou telle ambition déçue pour l'instant, c'est à moi. Parce que les choix je les assume. Je vais vous dire une chose, ce que j'ai fait, cela fait longtemps que j'y pensais. Mais je vais vous dire quelque chose, cela soulage de faire ce à quoi on croit profondément.
Je vous remercie.