9 janvier 2006 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur le rôle des anciens combattants dans l'intégration des jeunes en difficulté et sur le devoir de mémoire, à Paris le 9 janvier 2005.


Madame la Ministre de la Défense,
Monsieur le Ministre délégué aux anciens combattants,
Monsieur le Secrétaire d'Etat,
Mesdames, Messieurs,
Les voeux aux anciens combattants sont devenus, depuis quelques années, un rendez-vous traditionnel et je m'en réjouis.
Il est, en effet, naturel que le Chef de l'Etat honore tout particulièrement les représentants de celles et de ceux qui ont combattu et qui ont souffert pour la France. Il est légitime qu'il rende hommage à celles et à ceux qui ont été les victimes de cette folie des hommes, dont le vingtième siècle nous a, hélas, trop souvent donné le cruel témoignage.
A l'aube d'un siècle nouveau qui porte tous nos espoirs, il est bon que la Nation prenne le temps de s'arrêter sur ce que le passé lui a enseigné afin, notamment, de ne pas oublier.
C'est ce que nous avons fait, tout au long de l'année 2005, en nous souvenant avec gravité, avec émotion, de la terrible épreuve de la Déportation. En commémorant dignement la victoire finale de 1945 sur la barbarie, en Europe et en extrême-Orient.
Il était important que les manifestations du souvenir auxquelles nous avons participé soient vécues par nos compatriotes comme de grands rendez-vous de mémoire, de recueillement mais aussi de vigilance.
Ce fut le cas à Auschwitz, sur le parvis des droits de l'Homme à Paris ou au camp du Struthof. Ce fut également le cas le 8 mai.
Il était également essentiel que les nombreuses cérémonies organisées cette année, en France et à l'étranger -et notamment dans les camps-, constituent une occasion privilégiée de transmettre un fragment précieux de notre mémoire collective aux générations les plus jeunes.
Partout, les organisateurs ont exprimé ce souci en associant la jeunesse, et je tiens à les en féliciter chaleureusement.
J'ai, pour ma part, tenu à accueillir, ici même, une centaine d'élèves, avec leurs professeurs, à l'occasion de l'anniversaire de l'appel du 18 juin. A cette occasion, j'avais été frappé par l'intérêt que les témoignages des anciens de la France libre et de la Résistance intérieure suscitait parmi ces jeunes filles et jeunes gens provenant, pour la plupart, de lycées et des collèges de la banlieue.
Alors qu'une frange de notre jeunesse traverse une grave crise d'identité et -sans toujours en avoir bien conscience-, est à la recherche de repères, le monde combattant a plus que jamais un rôle essentiel à jouer pour transmettre les valeurs de la Nation et de la République.
Je sais que vous avez déjà manifesté collectivement votre volonté de vous engager davantage dans le domaine de la cohésion sociale, de la solidarité nationale. Partout en France, beaucoup d'entre vous assurent, dans les écoles, notamment, leur part d'un nécessaire travail de mémoire. J'ai observé avec quel enthousiasme et quelle générosité vous vous étiez mobilisés, cet été, autour du plan pour l'emploi proposé par le Ministre des anciens combattants.
Chacun comprend désormais qu'il faut aller plus loin, encore plus loin.
Certains d'entre vous ont déjà accepté d'assurer le tutorat d'un ou plusieurs jeunes en difficulté. J'encourage pleinement le développement de ce type d'initiative et j'invite naturellement vos associations à les multiplier en liaison avec les acteurs éducatifs et sociaux.
Vous devez être convaincus que vous avez votre place -toute votre place, une place éminente- pour participer, aux côtés des autres forces vives de la Nation, à cette grande cause en faveur de l'intégration qui engage l'avenir même du pays tout entier.
Parmi les valeurs de la République qui nous rassemblent, il en est une à laquelle je vous sais tous profondément attachés : c'est celle de la Fraternité, que la vie militaire ou l'expérience du combat qui est la vôtre, développent naturellement chez le soldat.
La Fraternité, c'est à la fois la camaraderie, qui crée l'esprit de cohésion, et le respect des différences, notamment lorsqu'elles tiennent à l'identité même des personnes.
La France est riche d'une histoire glorieuse qui a contribué à son rayonnement et à sa diversité. Cette histoire a aussi, comme dans tous les pays, connu des pages moins lumineuses. L'actualité récente vient de nous rappeler que la mémoire de certains évènements du passé reste d'une extrême sensibilité parmi nos concitoyens. Sans jamais renoncer à la vérité historique -que naturellement seuls les historiens peuvent éclairer- ni rien retrancher à notre très légitime fierté d'être français, il est de notre devoir de respecter la mémoire de chacun, surtout lorsqu'elle est douloureuse. Le dialogue et la compréhension doivent contribuer à l'apaisement des passions.
Je demande au monde combattant dans son ensemble d'y être plus que jamais attentif. Il en va de notre volonté de vivre ensemble, sans laquelle il n'y a pas de Nation possible.
Je voudrais enfin, dans le même esprit, saluer les initiatives originales prises par Monsieur MEKACHERA en faveur du développement de la mémoire partagée avec de nombreux pays. Je souhaite un plein succès à la première rencontre internationale qui sera organisée sur ce thème, à Paris, à l'automne prochain.
Voici, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions particuliers que je tenais à vous adresser en ce début d'année. Je vous invite à les relayer largement autour de vous.
Permettez-moi également de vous souhaiter, une très bonne, très heureuse et - je l'espère - une très active année 2006.
Naturellement, je vous demande de vous faire mes interprètes auprès de vos camarades afin de leur exprimer, avec mes voeux les plus chaleureux, toute mon estime, toute ma confiance, toute ma reconnaissance et toute mon amitié. Je vous remercie.