25 avril 2002 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République et candidat à l'élection présidentielle 2002, sur la nécessité du rassemblement pour le second tour, sur ses propositions, notamment en matière de sécurité et d'emploi et sur l'engagement de la France pour l'Europe, Lyon le 25 avril 2002.

Messieurs les Premiers ministres,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mes chers amis,
Je suis heureux d'être avec vous ce soir. Heureux de retrouver votre chaleur, votre enthousiasme.
En 1995, c'est avec vous, à Lyon, que j'avais terminé ma campagne présidentielle. J'en garde un souvenir très fort. Aujourd'hui, vous avez à nouveau répondu présents, et je vous en remercie.
Le premier tour de cette élection présidentielle a révélé l'ampleur du trouble qui place notre pays devant un enjeu grave.
Ce qui est en cause aujourd'hui, c'est le respect des valeurs qui sont au coeur de notre pacte républicain. C'est notre capacité à résister aux fausses évidences de la démagogie. C'est notre volonté de nous rassembler autour de l'essentiel, notre aptitude à trouver les voies d'une action responsable au service de l'intérêt national.
Ce qui est en cause, c'est aussi l'image que nous donnons de nous-mêmes en Europe et dans le monde. C'est la capacité de la France à faire entendre la voix de la paix, de la tolérance, de la démocratie et des droits de l'homme. C'est l'honneur de notre grande nation. C'est la vocation que tant de peuples lui reconnaissent.
La France a pris une large part dans la proclamation des principes d'un humanisme universel. Ces principes, je veux qu'elle continue à les incarner.
Les Françaises et les Français devront se déterminer d'abord en fonction de l'idée qu'ils se font de l'homme, de sa liberté, et du respect dû à chaque personne. Ils devront se déterminer en fonction de l'idée qu'ils se font de la Nation, de son unité, de sa cohésion, de son histoire. Ils devront se déterminer en fonction de l'idée qu'ils se font de la démocratie, de ses exigences, et des responsabilités qui en découlent pour chacun d'entre nous.
Dans le désarroi que beaucoup de Français ont ressenti en découvrant les résultats du scrutin de dimanche dernier, il y aura au moins une leçon utile pour notre démocratie : c'est que le vote n'est pas seulement l'expression d'un sentiment, d'une opinion, d'une frustration, le vote n'est pas seulement l'expression d'une attente, d'un besoin, d'une exigence, il n'est pas seulement l'expression d'un mécontentement, d'une inquiétude, d'un trouble. Non, le vote n'est pas seulement un message, le vote, en démocratie, c'est toujours, d'abord, avant tout et par-dessus tout, une décision. Une décision souveraine. Une décision qui s'impose à tous. Une décision irrévocable. Une décision qui dépasse chacune de nos personnes et devient aussitôt la volonté de la Nation.
Chaque citoyen détient entre ses mains une parcelle du pouvoir souverain du peuple français. Chacun est responsable du destin de la France.
Le 5 mai, vous déciderez qui sera votre Président pour les cinq années à venir. Au mois de juin, vous déciderez de lui donner ou non les moyens de l'action. Et toujours, en votre âme et conscience, vous déciderez ainsi de l'avenir de la Nation.
Mais cette fois, ce qui est en jeu, c'est, bien sûr, la politique des cinq prochaines années, mais c¿est surtout d'écarter les vieux démons de la tentation extrémiste qui a déjà causé tant de malheurs dans l'histoire des peuples.
Avec vous, avec moi, beaucoup de nos compatriotes, beaucoup de jeunes, dans un grand élan démocratique, ont envie de dire leur amour de la France. La France, berceau des droits de l'homme. La France, terre de liberté et de fraternité. La France, démocratie de l'alternance républicaine. Ils veulent dire leur refus de l'extrémisme et du rejet de l'autre.
Ils récusent les slogans haineux, les solutions simplistes.
Ils rejettent les réflexes de repli sur les peurs et les vieilles nostalgies.
Ils proclament leur attachement à l'Europe, qui est notre histoire et notre avenir. L'Europe, qui garantit la paix, la liberté, le progrès, la prospérité.
Dans une démocratie, il est vital de ne pas rester sourds à ce que chacun veut dire. L'inquiétude, le mécontentement, l'exigence de renouveau, je les ai entendus. Je veux y répondre.
Les Français, dans la diversité de leurs choix, ont dit leur profond désarroi. Ils ont dit leur aspiration forte à davantage de sécurité et de considération. Leur besoin de repères et de références, alors que la société devient plus violente et le monde plus instable. Leur distance par rapport au système politique traditionnel. Leur exigence d'action et de résultats. Et aussi leur désir de voir la France retrouver une ambition à la hauteur de son histoire.
Ces messages doivent recevoir de vraies réponses. Des réponses dignes de la France et de ses valeurs.
Le 5 mai, la décision du peuple français sera capitale parce qu'il s'agit de donner le signal de l'action. Parce qu'il s'agit de marquer votre adhésion à une certaine idée de la démocratie, à une certaine idée de la République, à une certaine idée de la France.
J'appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler pour dire leur attachement à ce qui fait la France et pour défendre l'idéal républicain.
J'appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler pour affirmer l'unité de la Nation et restaurer l'autorité de l'Etat là où elle est aujourd'hui défaillante.
J'appelle toutes les Françaises et tous les Français à se rassembler pour que nous puissions résoudre les problèmes de notre pays, pour faire les réformes nécessaires, pour donner à notre nation un nouvel élan tout en préservant son âme.
Le moment du choix est désormais venu.
Ce qui est directement en cause, c'est notre capacité à vivre en France dans le respect mutuel de nos différences. C'est de garantir à chacun une place dans la société, et à tous la possibilité de travailler ensemble, d'avancer ensemble, de rêver ensemble.
Mes chers Amis, je vous remercie d'être venus si nombreux, ce soir, pour défendre cette vision de la France et cette idée de la République. Pour dire votre envie d'une France réconciliée avec elle-même. D'une France forte, toujours plus solidaire, fidèle à ses traditions, ouverte sur l'avenir et sur l'Europe, fière de ses valeurs, confiante dans ses talents.
Vous êtes, ici à Lyon, la France de toujours, l'antique capitale des Gaules. Avec la passion d'entreprendre et de réussir, qui fait de la région Rhône-Alpes l'un des plus beaux symboles de notre industrie et de notre économie.
Cette France que vous incarnez si bien, vous la voulez ouverte sur l'extérieur. Vos regards se tournent résolument vers l'Europe, vers l'Allemagne, vers l'Italie, vers l'Espagne, qui sont depuis longtemps vos partenaires.
Tous ici rassemblés, nous voulons que la France, à l'image de votre belle région, continue à s'ouvrir au monde et ne se replie pas sur elle-même. La France est non seulement un grand pays, mais aussi une grande nation. Elle est une volonté en mouvement, une force en action.
L'élection présidentielle est l'occasion d'affirmer cette ambition, et de dire ce que nous voulons pour la France et les Français.
En votant dans dix jours, puis dans six semaines quand vous choisirez vos députés, c'est cette ambition que vous ferez vivre.
Vous connaissez mon projet. Je l'ai développé avant le premier tour. Je continue à le faire pour le second tour. Je le ferai encore pour les élections législatives de juin prochain qui seront le dernier acte du grand débat électoral de 2002.
Je m'engage à conduire les réformes dont notre pays a besoin, pour que la France soit un espace de solidarité et d'entraide, un lieu de création, d'intelligence, d'excellence. Pour qu'elle progresse parmi les grandes économies du monde. Pour qu'elle soit toujours au service d'une certaine vision de l'homme et de la société.
Je m'engage à ce que la sécurité de chacun soit assurée, à ce que des réponses soient apportées aux besoins fondamentaux de nos compatriotes, l'emploi, la santé, les retraites, le logement, la famille.
Je refuse que la France soit une addition d'intérêts particuliers, de féodalités corporatistes ou de communautés. La France est une et indivisible parce qu'elle est fondée sur l'égalité des chances et la citoyenneté. Le respect de la loi est au coeur de notre pacte social. Personne ne saurait s'y soustraire.
Je refuse que la France soit l'otage ou la victime passive des cycles économiques mondiaux. Notre économie n'a pas vocation à tourner au ralenti, entravée par le poids des impôts, des charges et des contraintes de tous ordres qui freinent nos entreprises. Elle doit au contraire libérer les énergies, explorer les voies nouvelles de la croissance et se porter à la pointe du progrès économique et social.
Je m¿engage à ce que la France soit l'un des principaux moteurs de la construction européenne. Pour qu¿elle soit une force d'entraînement et de proposition, alors que l'élargissement va ouvrir l'ère d'une grande fédération d'Etats-Nations.
La France, c'est une culture, une langue parlée dans le monde entier, un message universel qui va bien au-delà de son poids démographique et économique.
C'est cette France que je veux défendre, que je veux promouvoir. Une France debout, au coeur de l'aventure européenne et des défis du monde moderne. Notre pays a tout pour réussir, s'il évite les pièges de l'extrémisme ou de la division. Si une volonté nationale puissante s'exprime pour répondre, point par point, aux attentes, aux espoirs de nos compatriotes.
Chers Amis, ce que je vous propose, c'est le rassemblement pour l'action.
Nous n'avons pas le temps d'attendre. Si notre pays ne renoue pas fortement son lien social. S'il ne libère pas tout son dynamisme. S'il ne se donne pas les moyens d'être attractif, compétitif, il sera menacé de morcellement, de stagnation. Il perdra une partie de ses talents. Beaucoup de nos entreprises se délocaliseront, et les investissements se feront ailleurs que chez nous.
Pour retrouver le vrai visage de notre nation, nous devons nous donner les moyens de conduire le changement :
Construire une France plus confiante et plus sûre.
Rassembler les Français dans leur diversité.
Libérer les énergies de notre nation.
Faire vivre, en Europe et dans le monde, l'ambition française.
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La France doit retrouver confiance en elle, dans ses Institutions, dans sa justice, dans son système d'assurance sociale. Le principal devoir de l'Etat, c'est de garantir la sécurité. Sécurité quotidienne, grâce au maintien de l'ordre républicain. Sécurité contre les aléas de la vie, grâce à une protection sociale qui ne laisse personne à l'écart.
S'il est un message qui ressort du scrutin du 21 avril, c'est bien celui de l'exaspération de tant de nos compatriotes, excédés de voir que le plus élémentaire de leurs droits, le droit à la sécurité, n'est pas respecté.
Je refuse le discours de la facilité qui fait de l'insécurité, tantôt une illusion statistique qu'il faudrait relativiser, tantôt une fatalité irrésistible contre laquelle la collectivité serait par nature impuissante.
L'insécurité n'est pas une illusion : c'est un fardeau avec lequel trop de Français doivent vivre. Elle n'est pas non plus une fatalité. Avec courage et dévouement, certains élus locaux démontrent chaque jour qu'il est possible d'agir efficacement en conciliant prévention et répression. En aidant la police et la justice à travailler ensemble. En s'attaquant avec fermeté à la délinquance et au désespoir qui la nourrit.
Nous savons aujourd'hui ce qui marche et ce qui ne marche pas. Nous savons que toute faute doit être sanctionnée. N'oublions jamais que le discours de l'excuse, qui fut si souvent l'alibi de l'inaction, fait au bout de compte le jeu de l'exclusion et de l'injustice. Il creuse l'inégalité entre ceux qui vivent en sécurité et ceux qui sont exposés aux actes d'incivilité et aux violences de la vie quotidienne.
Nous voulons nous donner les moyens de lutter fermement contre la délinquance, dans les villes comme dans les campagnes, en créant une justice de proximité qui apportera une réponse immédiate et proportionnée aux petits délits. Nous voulons que les multirécidivistes, souvent bien connus, soient placés en détention ou, lorsqu'ils sont mineurs, dans des centres fermés. Nous voulons aussi organiser la lutte contre la criminalité organisée, en mettant en place, dans chaque région, des équipes qui coordonneront, au sein de Groupements Opérationnels d'Intervention, l'action de l'ensemble des services de l'Etat face aux réseaux mafieux : magistrats, douaniers, policiers, gendarmes et fonctionnaires des impôts.
Ce retour à la sécurité est un préalable indispensable. Les Français ne nous jugeront pas sur nos intentions. Ils nous jugeront sur nos résultats.
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Remettre la France sur pied, restaurer les fondements de notre modèle républicain, c'est aussi préserver l'avenir de notre protection sociale.
Là encore, il s'agit de rompre avec l'inaction. Je sais combien le problème des retraites vous inquiète. Je m'engage à ce que des décisions rapides soient prises, en concertation avec les partenaires sociaux, pour garantir son équilibre. Je veux sauvegarder notre retraite par répartition, pierre angulaire de la solidarité entre les générations. Je veux maintenir les retraites à un bon niveau par rapport au salaire d'activité. Je veux renforcer l'équité entre tous les Français. Enfin, je veux assurer la liberté de choix : liberté, pour ceux qui le souhaitent, de travailler plus longtemps et d'améliorer ainsi leur retraite. Liberté d'épargner en franchise d'impôt, en rendant accessible à tous les fonds de pension à la française, dont bénéficient déjà les agents de l'Etat.
Défendre la protection sociale, c'est préserver votre droit à la santé.
L'Organisation mondiale de la santé a classé la France au premier rang pour les conditions dans lesquelles nous sommes soignés. Nous pouvons être fiers de cet hommage rendu aux médecins, aux infirmières, à tous les professionnels de la santé. C'est la preuve que lorsqu'il s'engage, notre pays atteint l'excellence.
Et pourtant notre système de santé traverse aujourd'hui une crise grave, qui va du médecin de famille à l'hôpital. Et pourtant l'égalité face à la santé n'est toujours pas bien assurée.
Cette crise, il est urgent de l'éteindre en redonnant confiance aux professions de santé, dont les conditions de travail et de rémunération doivent être améliorées. Il est urgent de répondre aux besoins du secteur hospitalier, public ou privé, qui sont immenses.
Enfin, nous devons permettre aux Français qui, malgré leurs revenus modestes, ne bénéficient pas de la Couverture Maladie Universelle, d'adhérer à une mutuelle ou à une assurance complémentaire.
Ainsi, nous conforterons la protection sociale et nous répondrons à un besoin très fort de sécurité.
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Je souhaite une France diverse et rassemblée.
Diversité des territoires.
La ruralité ne doit pas être la grande oubliée des politiques publiques, alors qu'un Français sur quatre vit à la campagne. L'une des forces de notre modèle républicain a été d'offrir à tous un égal accès au service public, à l'hôpital, à l'éducation. Il faut préserver cet acquis et l'approfondir, en assurant à tous les Français un égal accès aux nouvelles technologies, à l'Internet haut débit, au téléphone mobile. Je tiens à la qualité de nos infrastructures, qui a toujours participé de l'attrait et de la compétitivité de notre pays. Je tiens à la vitalité de notre agriculture, que je veux économiquement forte et écologiquement responsable.
Dans nos villes, nous devons refuser la logique de l'exclusion, qui génère tant de fractures, tant de violences. La ségrégation géographique, qui transforme certains quartiers en ghettos et qui défigure notre République, n'a que trop duré. Il y a urgence à développer l'activité économique et l'emploi dans les quartiers en difficulté en relançant la politique des zones franches, qui s'était traduite par la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois. Il y a urgence à lancer un vaste programme de reconstruction pour donner vie à un urbanisme plus humain et mieux intégré à la cité. Enfin, depuis trop longtemps, les aides au logement ne suivent plus l'augmentation des loyers. Un effort important devra être fait pour que les familles de travailleurs à revenus modestes soient mieux aidées à payer leurs loyers.
Une France diverse et rassemblée, c'est une France qui réapprend à faire vivre ensemble des femmes et des hommes de toutes origines.
J'ai conscience que ce n'est pas toujours le cas aujourd'hui. La solution n'est pas dans la tentation communautariste, qui dresse les Français les uns contre les autres, et qui place l'appartenance à un groupe social, à une catégorie, à une religion avant l'appartenance citoyenne et nationale.
La solution n'est pas non plus, évidemment, dans le rejet de l'autre.
Elle est dans l'affirmation de nos valeurs. Elle est dans la rénovation de notre modèle d'intégration. Elle est dans l'application ferme de nos lois, notamment contre l'immigration clandestine organisée et mafieuse et les trafics ignobles et inhumains auxquels elle donne lieu. Elle est dans une aide accrue, plus transparente et plus efficace, pour le développement des pays pauvres.
Elle est enfin dans un combat déterminé contre toutes les discriminations dont font l'objet tant de Français issus de l'immigration et d'étrangers pleinement intégrés dans notre société.
Voilà les chemins de notre cohésion nationale.
Cette France diverse et rassemblée, c'est aussi une France qui doit vivre pleinement sa richesse démocratique.
Je veux donner plus souvent la parole aux Français. Ils veulent pouvoir se prononcer sur les grands sujets qui les concernent. C'est pourquoi je souhaite qu'ils soient régulièrement interrogés sur les grandes réformes par la voie du référendum.
Je veux également rapprocher les pouvoirs des lieux de vie en libérant la démocratie locale. Les Français veulent pouvoir compter sur des services proches, gérés par des collectivités responsables. Sans remettre en cause l'unité de la République, nous devons renforcer les compétences et l'autonomie financière de nos régions, de nos départements, de nos communes et de leurs groupements.
Je veux aussi restaurer la démocratie sociale, de plus en plus étouffée depuis quelques années. Il faut cesser de tout imposer d'en haut et de loin. Il faut cesser de vouloir appliquer partout les mêmes règles, sans prendre en compte les différences de situations. Il faut apprendre à réformer par le dialogue plutôt que par la contrainte.
Le temps est venu de faire vraiment confiance aux partenaires sociaux. Ils ont montré qu'ils pouvaient conduire des négociations utiles, parvenir à des accords importants, ouvrir des voies nouvelles. L'assouplissement des 35 heures, l'organisation du travail, les salaires, les carrières des femmes dans les entreprises : autant de nouveaux champs à explorer pour le dialogue social.
Bien sûr, la loi restera la norme suprême. Le Parlement conservera le dernier mot. Mais en privilégiant la négociation, la concertation, nous éviterons d'imposer des réglementations rigides ou irréalistes, tellement pénalisantes pour les Français et leurs entreprises. Notre économie, notre modèle social y gagneront en souplesse, en efficacité et en maturité.
Je veux aussi libérer nos énergies pour que la France soit tournée vers l'avenir, vers l'emploi et vers la création de richesses.
Le chômage et la crainte du chômage sont au coeur de vos préoccupations. Il frappe d'abord les travailleurs aux revenus moyens et modestes, les salariés des petites entreprises enfermées dans la sous-traitance et exposées aux risques des délocalisations.
La priorité, c'est de baisser les charges. Non pas pour des raisons idéologiques, mais parce que c'est le moyen le plus efficace de relancer l'emploi. C'est ainsi que près de 500 000 emplois ont été créés par les mesures prises en 1993 et 1995.
A cause des charges, beaucoup d'entreprises fonctionnent à effectif réduit, alors même que tant de Français peinent à retrouver un emploi ! C'est une logique absurde, qui favorise le chômage !
Sur le chemin de l'emploi, les jeunes méritent d'être particulièrement aidés. Quoi de plus désespérant pour eux que de ne pas trouver leur place dans le monde du travail ? Aujourd'hui, plus de 60 000 d'entre eux sortent chaque année du système éducatif sans la moindre qualification ! La priorité, c'est donc la formation. Tous les jeunes Français doivent recevoir une qualification conforme à leurs aptitudes. Pas un jeune ne doit rester au bord du chemin !
La formation en alternance, via l'apprentissage ou l'enseignement professionnel, est un passeport pour l'emploi. Nous devons donc la développer et en faire un droit. Ce sera l'un des axes d'action du prochain gouvernement. Je m'engage également à ce que soit créé un contrat exonéré de toute charge pour les jeunes qui n'ont pas pu poursuivre leurs études au-delà du niveau " bac+2 ". Les vrais " emplois jeunes " ne peuvent être conçus autrement que comme des emplois en entreprise.
Pour lutter contre le chômage de longue durée, qui atteint les travailleurs dans leur dignité et qui peut mener à l'exclusion, je propose de redéfinir nos politiques d'insertion. Avec deux engagements forts : signer un contrat d'insertion avec l'ensemble des allocataires du RMI. Accompagner toute reprise d'activité d'une augmentation significative du pouvoir d'achat par le revenu minimum d'activité. Il est inacceptable que 25 % des allocataires du RMI voient leurs revenus diminuer quand ils retrouvent un emploi. Cela revient à ôter toute valeur au travail et à l'effort.
Enfin, je voudrais qu'une attention toute particulière soit désormais apportée aux travailleurs des plus petites entreprises, qui n'ont ni les mêmes droits, ni la même stabilité d'emploi, ni souvent les mêmes salaires et les mêmes horaires que dans la plupart des grandes. C'est d'abord en pensant à eux que j'ai proposé, pour tous les salariés, un système d'assurance-emploi qui étendra leurs droits à formation, à reconversion et à reclassement. C'est le moyen de leur donner des garanties nouvelles face à l'évolution des technologies et des marchés qui peuvent mettre en cause leur emploi. Désormais, chaque Français devra pouvoir bénéficier d'un compte personnel de formation.
Nos entreprises sont compétitives £ elles innovent et elles exportent. Mais il y a beaucoup à faire pour rendre la France vraiment attractive. Notre fiscalité reste trop lourde, et c'est pourquoi j'ai proposé de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés à la moyenne européenne. Nos contraintes bureaucratiques n'ont pas d'équivalent en Europe. Trop de projets se perdent dans le dédale des démarches administratives et des formulaires ! Il faut rendre la création d'entreprise aussi simple que l'est, par exemple, la création d'une association. C'est ainsi que nous ouvrirons les portes de l'audace créatrice.
Je m'engage, enfin, à ce que votre travail et vos efforts soient mieux récompensés par une baisse de la fiscalité personnelle, qui est souvent confiscatoire aujourd'hui. L'impôt sur le revenu sera réduit de 5 % dès 2002 et d'un tiers en cinq ans. Le régime de la taxe d'habitation sera remis à plat. De manière plus générale, notre système fiscal doit être simplifié et gagner en stabilité. Ce n'est pas en changeant constamment les règles du jeu, en désorientant les contribuables, particuliers ou entreprises, que nous inciterons au travail, que nous favoriserons l'activité, la création de richesses et donc d'emploi.
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Une France unie par un même esprit républicain. Une France confortée dans son exigence de sécurité et de solidarité. Une France libérée dans ses énergies et son esprit de conquête portera avec force, avec panache, en Europe et dans le monde, l'ambition française.
La longue histoire de notre nation nous assigne des responsabilités particulières. La France doit les assumer. Elle doit garder la maîtrise de son destin dans des temps marqués par les incertitudes et les menaces nouvelles.
Je veux que notre pays ait les moyens de défendre en toutes circonstances ses intérêts et ses valeurs. Qu'il tienne son rang parmi ses alliés. Qu'il puisse apporter son soutien à l'action des Nations Unies.
Pour cela, il nous faut des armées modernes et bien équipées s'appuyant sur une plus grande solidarité européenne. Dans cet esprit, avec Tony Blair, j'ai ouvert la voie à l'Europe de la défense. Dès l'an prochain, nous pourrons projeter ensemble jusqu'à 60 000 hommes à l'extérieur des frontières de l'Union.
Mais pour construire l'Europe de la défense, nous devons consolider nos propres capacités militaires. Vous le savez, j'ai décidé en 1996 de professionnaliser nos armées pour répondre aux besoins d'une grande nation moderne. Malheureusement, cinq ans de restrictions budgétaires ont eu de graves conséquences : des programmes retardés, une condition militaire dévaluée, une armée parfois démoralisée.
Pour mettre fin à cette dérive, je rétablirai nos crédits militaires, qui seront remis à niveau dès la prochaine loi de programmation, en tenant compte des opérations récentes et des exigences de la lutte contre le terrorisme. Je m'engage à ce que le Plan Armée 2015 soit entièrement appliqué.
Notre armée mérite cet effort de notre pays. C'est l'armée de la Nation et de la République. Elle est aimée et respectée des Français pour son courage et sa compétence. Elle a su mener à bien sa propre réforme, donnant ainsi un exemple fort à l'ensemble de notre fonction publique et à notre pays. Je veillerai à ce qu'elle ait tous les moyens qui doivent être ceux de l'armée de la France.
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L'ambition française doit se déployer en Europe et par l'Europe.
L'Europe est notre nouvelle frontière. Il appartient à la France de porter le rêve européen. J'ai fait depuis longtemps le choix de l'ouverture de la France. L'Europe nous protège. Elle nous stimule. Elle nous ouvre de nouvelles perspectives. Elle est un rempart naturel contre les chocs de la mondialisation. Sans l'Europe, nous aurions plus de chômeurs, moins d'activité, moins d'investissements. Sans l'Europe, nous aurions moins de sécurité face à tous les risques. Sans l'Europe, nos perspectives de développement seraient plus étroites.
Je souhaite une Europe proche des citoyens, de leurs préoccupations, des grandes questions qui se posent à nos sociétés modernes.
La lutte contre le terrorisme et les grands trafics internationaux, la protection de l'environnement, le combat pour le développement durable, la recherche et notamment la recherche médicale, les grandes infrastructures, la gestion de l'énergie, la maîtrise de l'immigration. Aucun de ces domaines ne peut plus être traité efficacement dans le seul cadre national. Les solutions relèvent d'une volonté politique à l'échelle de l'Europe. Je veux que la France pèse de tout son poids pour faire vivre cette volonté.
Je souhaite une Europe de la croissance. Grâce à l'euro, dont le succès doit beaucoup à la mobilisation de nos compatriotes. Grâce à la coordination de nos politiques économiques. A la relance des grands projets technologiques, comme Airbus et Ariane hier, Galileo aujourd'hui. A la politique agricole commune et à la politique commune de la pêche. Grâce aussi à l'harmonisation fiscale, qui est l'un des plus sûrs moyens de favoriser la baisse des impôts en France.
Je veux que l'Europe de la culture et de l'éducation devienne une réalité. Que chaque étudiant effectue une partie de son cursus à l'étranger. Que chaque jeune Européen parle plusieurs langues, c'est-à-dire deux langues en plus de sa langue maternelle. Je veux que l'Europe soit notre seconde citoyenneté.
Mais pour cela, il faut réussir la profonde réforme de l'Europe que nous avons engagée.
L'union Européenne n'a pas vocation à s'occuper de tout, dans tous les domaines. Les citoyens doivent savoir, beaucoup plus clairement, qui fait quoi en Europe. C'est pourquoi j'ai proposé que l'Union européenne se dote d'une constitution. Elle est en cours d'élaboration. Et lorsqu'elle sera prête, je la soumettrai pour approbation aux Français, par référendum.
Car le projet européen doit se faire au bénéfice des citoyens et avec eux. La France ne veut pas d'une Europe lointaine et abstraite. Ceux qui décident doivent être responsables. Je proposerai donc, très rapidement, de changer le mode d'élection des députés européens pour les rendre plus accessibles, afin qu'ils puissent mieux rendre compte à leurs électeurs, comme il est normal. Et les parlementaires nationaux, qui incarnent notre démocratie, seront à l'avenir plus directement associés aux décisions européennes.
Oui, en Europe comme en France, il faut affirmer le primat du politique et l'exigence d'efficacité.
De grands rendez-vous nous attendent, notamment la réforme des Institutions et l'élargissement de l'Union à plus de dix nouveaux pays. La France doit être en situation de faire entendre sa voix, de défendre ses intérêts, d'être une puissance d'initiative, de donner une impulsion forte à l'Europe qu'elle souhaite. Une Europe citoyenne. Une Europe sociale. Une Europe de la sécurité. Une Europe soucieuse de son développement agricole et économique. Une Europe de l'éducation, de la recherche et de la culture.
La France sera plus grande dans une Europe puissante.
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Mais l'ambition française ne se borne pas aux frontières européennes.
Notre nation, fidèle à son génie, à son message, doit pouvoir défendre dans le monde une éthique internationale. Mondialiser la solidarité. Humaniser la mondialisation. La réguler, pour qu'elle ne soit pas une jungle. Pour qu'elle ne conduise pas à l'accroissement des injustices et des inégalités. Pour que les riches ne soient pas de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres.
Comment accepter un monde où tant de femmes, d'enfants et d'hommes meurent de maladies qui sont soignées et guéries ailleurs ? Comment accepter que tant d'êtres humains vivent avec moins de 2 euros par jour ?
Il appartient aussi à la France d'apporter sa pierre à l'édification de la paix. C'est sa responsabilité aux Nations Unies. C'est sa vocation parce que notre pays tient le langage de la vérité et de la dignité des peuples. Parce qu'il comprend les Nations et leurs aspirations. Parce qu'il sait le prix de la guerre. Parce qu'il refuse toute confrontation entre civilisations mais parle le langage de la tolérance.
Cet engagement pour la paix, je l'ai assumé avec passion, avec fermeté. Comme dans les Balkans, où, dès 1995, j'ai lancé l'action qui a permis de vaincre la dictature de Milosevic, avec ses crimes contre l'humanité, jugés aujourd'hui par le Tribunal international de La Haye.
Cet engagement requiert de la ténacité. Comme au Moyen-Orient où inlassablement, nous devons aider Palestiniens et Israéliens à renouer le dialogue. C'est la seule voie que leur assigne l'histoire, la géographie et le droit. Je le redis à ces deux peuples amis de la France: il n'y a pas d'issue par les armes. C'est dans la paix que se ferment les blessures du c¿ur et de la mémoire.
Il appartient enfin à la France de défendre, partout dans le monde, la liberté et la dignité. De défendre les droits des hommes, les droits des femmes, les droits des enfants. De mener, sans arrogance mais sans faiblesse, le combat de la tolérance et de l'idéal démocratique. De conforter la francophonie. De promouvoir le dialogue des cultures, passerelle entre tous les hommes, garantie de compréhension et de respect mutuel.
Tels sont les idéaux qui fondent l'ambition française.
Seule une France forte, moderne, apaisée, qui occupe toute sa place en Europe et dans le monde pourra les servir efficacement.
Vous le voyez, les enjeux du 5 mai sont immenses, parce qu'il en va de l'image de la France sur la scène internationale, de sa capacité à être écoutée, respectée, de peser sur les événements du monde.
La France n'est pas un petit pays insoucieux des autres, barricadé frileusement derrière ses frontières. La France est une grande nation qui doit faire entendre son message et sa singularité.
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Chers Amis,
Avec vous, avec votre soutien et la force que vous me donnez, je veux agir.
Avec votre confiance, j'engagerai la bataille des élections législatives, pour que le gouvernement que je désignerai soit soutenu par une majorité de députés, et qu'il ait les moyens de son efficacité.
Chaque année, il mettra en jeu sa responsabilité devant l'Assemblée Nationale sur les résultats de la politique conduite.
Dès le mois de mai, un ministre de la sécurité sera nommé, et je réunirai le Conseil de sécurité intérieure. Les grandes lois-programmes pour la justice et les forces de l'ordre seront élaborées en vue d'être adoptées au cours d'une session extraordinaire du Parlement qui sera réunie à l'été. Au cours de la même session, sera actée la baisse de 5 % de l'impôt sur le revenu payable en 2002, ainsi que la première étape de la baisse des charges pour l'emploi.
Le gouvernement engagera, dans la concertation avec tous les acteurs concernés, l'indispensable réforme des retraites.
Dans le même temps, les grandes négociations sociales seront lancées pour l'assouplissement des 35 heures, l'égalité professionnelle des femmes et des hommes, la mise en place de l'assurance-emploi et du compte personnel de formation.
Voici les premières étapes de l'action.
Ce qui importe, c'est l'avenir de la France.
Par-delà les inquiétudes qu'a pu exprimer ou faire naître le premier tour de l'élection présidentielle. Par-delà les interrogations, les doutes, parfois le désarroi, c'est vers l'avenir que nous devons nous tourner.
Unissons-nous pour le construire selon nos rêves.
Si nous retrouvons confiance. Si nous libérons toutes nos forces. Si nous apportons de vraies réponses aux inquiétudes de nos compatriotes. Si nous affirmons nos valeurs, celles de la démocratie, celles de la République, celles de la Nation, ensemble, nous ferons réussir la France !
Notre France.
La France du respect.
La France de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
Vive la République !
Vive la France !