25 mars 2002 - Seul le prononcé fait foi
Interview de M. Jacques Chirac, Président de la République et candidat à l'élection présidentielle 2002, au "Républicain lorrain" le 25 mars 2002, sur ses propositions en matière de sécurité.
RÉPUBLICAIN LORRAIN : - Les sondages montrent que les Français ont du mal à faire la différence entre votre programme et celui de Lionel Jospin. A quoi attribuez-vous cela ?
JACQUES CHIRAC : - Le temps du débat démocratique ne fait que commencer. Vous verrez que bientôt chacun fera la différence entre les projets. Sur la sécurité, par exemple. C'est pour moi un véritable préalable sans lequel rien ne serait possible. Ceux qui, pour des raisons politiques et idéologiques, ont refusé de regarder le problème en face depuis cinq ans ont perdu toute crédibilité. Je propose des juges de proximité pour appliquer des sanctions rapides, justes et efficaces£ des centres fermés pour éloigner les multirécidivistes des lieux de leurs agressions£ des groupements opérationnels d'intervention dans les régions pour démanteler les réseaux mafieux qui mettent des quartiers entiers en coupe réglée, et deux grandes lois de programmation, l'une pour la justice, l'autre pour la police et la gendarmerie, car l'Etat a besoin de moyens supplémentaires pour faire face à ces défis.
Je propose aussi une ambition dynamique pour la croissance et l'emploi. La baisse des impôts et des charges qui sont inscrits dans mon projet, les autres candidats ne les proposent pas et, par conséquent, ils ne les feront pas.
Et je propose aussi une Charte pour l'environnement, afin d'imposer à toutes les autorités publiques les principes de précaution et de prévention face aux risques£ un contrat sans charges pour les jeunes, car les emplois jeunes de demain seront des emplois en entreprises£ l'allocation unique pour l'accueil des jeunes enfants, que la mère travaille ou non£ l'assouplissement négocié des 35 heures, pour que tous les Français qui veulent gagner plus puissent travailler plus£ la réforme des retraites, si longtemps différée par manque de courage... Vraiment, croyez-moi, les différences ne manquent pas.
R: - L'utilisation de leur famille par les candidats ne traduit-elle pas, à sa manière, l'appauvrissement du débat politique ?
J: - Je ne partage pas cette analyse. Pour ma part, depuis que j'ai annoncé ma candidature, j'ai souhaité placer ma campagne sous le signe du débat d'idées et des propositions. Ce qu'attendent les Français à l'occasion de ce grand débat démocratique, c'est une vision de la France et un projet pour les Français.
R: - Comment réagissez-vous devant le nombre grandissant d'actes criminels qui impliquent des jeunes s'inspirant d'images de télévision mêlant hyperviolence, horreur et sexe ?
J: - Vous évoquez là un problème très inquiétant. Pour lutter contre la violence des mineurs, de plus en plus spectaculaire, il faut une réponse à la fois ferme et adaptée. J'insiste sur l'importance de la rapidité d'une sanction juste et adaptée, car elle conditionne son efficacité. Les groupements régionaux d'intervention ont une place centrale dans ce dispositif.
Quant aux programmes des chaînes de télévision, le CSA a pris l'initiative de définir une signalétique qui met en garde les parents. Il est sans doute possible de la préciser, mais j'en appelle surtout à la responsabilité des professionnels de l'audiovisuel et, bien sûr, aux parents.
R: - La lutte contre l'insécurité semble faire l'impasse sur la politique carcérale. Quels moyens faudrait-il engager ?
J: - La politique carcérale doit bénéficier de moyens lui permettant d'adapter ses réponses à la nature des délits commis ou de leurs auteurs. L'état de nos prisons n'est pas digne d'un grand pays moderne. Faute d'établissements adaptés, les mineurs condamnés purgent leur peine avec les adultes, contrairement à tous nos engagements internationaux en matière de droits de l'enfant. J'ai pris l'engagement de donner à la justice les moyens de prononcer des sanctions effectives en faisant voter une loi de programmation pour la justice dont je parlais tout à l'heure. Justice, police, gendarmerie : ce sont six milliards d'euros que je veux y consacrer.
R: - Quand comptez-vous vous rendre en Corse et quel message voulez-vous y faire passer après l'accueil peu républicain qu'y a reçu Jean-Pierre Chevènement ?
J: - J'aurai effectivement l'occasion d'aller m'exprimer dans l'île d'ici le premier tour pour dire à la population corse combien, après ces longues années de drames, je suis déterminé à trouver avec elles les voies d'un développement harmonieux dans le cadre de la République. Quant aux manifestations qui ont ponctué le déplacement de l'un des candidats, elles ne sont pas dignes de l'exigence démocratique qui doit caractériser un pays comme le nôtre. Je tiens à condamner ici encore la violence qui continue à s'exprimer, comme on l'a vu hier encore avec la tentative contre le maire de Bastia, Emile Zucarelli.
R: - N'avez-vous pas le sentiment que le débat démocratique serait faussé si Jean-Marie Le Pen n'arrivait pas à obtenir ses cinq cents signatures de parrainage ?
J: - Nous avons des institutions qui doivent être respectées par tous les candidats. Chacun est soumis aux mêmes contraintes. Ces règles ne sont pas nouvelles, et la plupart des candidats s'y sont soumis aux précédentes élections sans que cela suscite des réactions négatives. Quant aux pressions, je suis convaincu qu'elles n'existent pas.
R: - Depuis douze ans, les annulations de crédits au budget de la Défense ont servi de "variable d'ajustement" privilégiée de l'équilibre budgétaire général. Vous engagez-vous à y mettre fin ?
J: - Au cours des dix dernières années, nos armées ont dû s'adapter aux bouleversements géopolitiques qui ont marqué la fin des années quatre-vingts. Pour faire face à ces nouveaux enjeux, j'ai engagé la plus importante réforme des armées depuis les années soixante. Cette redéfinition du format de nos armées et leur professionnalisation supposaient des moyens financiers suffisants. La loi de programmation militaire votée en 1996 avait fixé un niveau de dépenses qui permettait d'atteindre les objectifs. Or, ces cinq dernières années, et malgré mes mises en garde successives, le gouvernement a renoncé à la respecter sur le plan budgétaire, retardant la modernisation de notre défense nationale. Il faudra bien évidemment un redressement en la matière pour répondre aux besoins d'équipement et revaloriser la condition militaire.
R: - Les Français étant de plus en plus sceptiques devant le discours politique, de quelle manière pouvez-vous les convaincre que vous appliquerez votre programme ?
J: - Le temps des choix et de l'action est arrivé. Ma volonté, mon engagement et ma détermination sont absolus. L'opposition a fait un travail considérable. Elle s'est unie sur un projet. Si je suis élu, je demanderai aux Français de choisir une majorité décidée à soutenir mon action. Par ailleurs, le gouvernement devra me rendre compte de l'exécution des engagements pris devant les Français. Il fera rapport au Parlement et engagera sa responsabilité devant l'Assemblée nationale. Je veux imprimer à l'action une nouvelle méthode.
Propos recueillis par Philippe WAUCAMPT.
(Source http://www.2002pourlafrance.net, le 25 mars 2002)
JACQUES CHIRAC : - Le temps du débat démocratique ne fait que commencer. Vous verrez que bientôt chacun fera la différence entre les projets. Sur la sécurité, par exemple. C'est pour moi un véritable préalable sans lequel rien ne serait possible. Ceux qui, pour des raisons politiques et idéologiques, ont refusé de regarder le problème en face depuis cinq ans ont perdu toute crédibilité. Je propose des juges de proximité pour appliquer des sanctions rapides, justes et efficaces£ des centres fermés pour éloigner les multirécidivistes des lieux de leurs agressions£ des groupements opérationnels d'intervention dans les régions pour démanteler les réseaux mafieux qui mettent des quartiers entiers en coupe réglée, et deux grandes lois de programmation, l'une pour la justice, l'autre pour la police et la gendarmerie, car l'Etat a besoin de moyens supplémentaires pour faire face à ces défis.
Je propose aussi une ambition dynamique pour la croissance et l'emploi. La baisse des impôts et des charges qui sont inscrits dans mon projet, les autres candidats ne les proposent pas et, par conséquent, ils ne les feront pas.
Et je propose aussi une Charte pour l'environnement, afin d'imposer à toutes les autorités publiques les principes de précaution et de prévention face aux risques£ un contrat sans charges pour les jeunes, car les emplois jeunes de demain seront des emplois en entreprises£ l'allocation unique pour l'accueil des jeunes enfants, que la mère travaille ou non£ l'assouplissement négocié des 35 heures, pour que tous les Français qui veulent gagner plus puissent travailler plus£ la réforme des retraites, si longtemps différée par manque de courage... Vraiment, croyez-moi, les différences ne manquent pas.
R: - L'utilisation de leur famille par les candidats ne traduit-elle pas, à sa manière, l'appauvrissement du débat politique ?
J: - Je ne partage pas cette analyse. Pour ma part, depuis que j'ai annoncé ma candidature, j'ai souhaité placer ma campagne sous le signe du débat d'idées et des propositions. Ce qu'attendent les Français à l'occasion de ce grand débat démocratique, c'est une vision de la France et un projet pour les Français.
R: - Comment réagissez-vous devant le nombre grandissant d'actes criminels qui impliquent des jeunes s'inspirant d'images de télévision mêlant hyperviolence, horreur et sexe ?
J: - Vous évoquez là un problème très inquiétant. Pour lutter contre la violence des mineurs, de plus en plus spectaculaire, il faut une réponse à la fois ferme et adaptée. J'insiste sur l'importance de la rapidité d'une sanction juste et adaptée, car elle conditionne son efficacité. Les groupements régionaux d'intervention ont une place centrale dans ce dispositif.
Quant aux programmes des chaînes de télévision, le CSA a pris l'initiative de définir une signalétique qui met en garde les parents. Il est sans doute possible de la préciser, mais j'en appelle surtout à la responsabilité des professionnels de l'audiovisuel et, bien sûr, aux parents.
R: - La lutte contre l'insécurité semble faire l'impasse sur la politique carcérale. Quels moyens faudrait-il engager ?
J: - La politique carcérale doit bénéficier de moyens lui permettant d'adapter ses réponses à la nature des délits commis ou de leurs auteurs. L'état de nos prisons n'est pas digne d'un grand pays moderne. Faute d'établissements adaptés, les mineurs condamnés purgent leur peine avec les adultes, contrairement à tous nos engagements internationaux en matière de droits de l'enfant. J'ai pris l'engagement de donner à la justice les moyens de prononcer des sanctions effectives en faisant voter une loi de programmation pour la justice dont je parlais tout à l'heure. Justice, police, gendarmerie : ce sont six milliards d'euros que je veux y consacrer.
R: - Quand comptez-vous vous rendre en Corse et quel message voulez-vous y faire passer après l'accueil peu républicain qu'y a reçu Jean-Pierre Chevènement ?
J: - J'aurai effectivement l'occasion d'aller m'exprimer dans l'île d'ici le premier tour pour dire à la population corse combien, après ces longues années de drames, je suis déterminé à trouver avec elles les voies d'un développement harmonieux dans le cadre de la République. Quant aux manifestations qui ont ponctué le déplacement de l'un des candidats, elles ne sont pas dignes de l'exigence démocratique qui doit caractériser un pays comme le nôtre. Je tiens à condamner ici encore la violence qui continue à s'exprimer, comme on l'a vu hier encore avec la tentative contre le maire de Bastia, Emile Zucarelli.
R: - N'avez-vous pas le sentiment que le débat démocratique serait faussé si Jean-Marie Le Pen n'arrivait pas à obtenir ses cinq cents signatures de parrainage ?
J: - Nous avons des institutions qui doivent être respectées par tous les candidats. Chacun est soumis aux mêmes contraintes. Ces règles ne sont pas nouvelles, et la plupart des candidats s'y sont soumis aux précédentes élections sans que cela suscite des réactions négatives. Quant aux pressions, je suis convaincu qu'elles n'existent pas.
R: - Depuis douze ans, les annulations de crédits au budget de la Défense ont servi de "variable d'ajustement" privilégiée de l'équilibre budgétaire général. Vous engagez-vous à y mettre fin ?
J: - Au cours des dix dernières années, nos armées ont dû s'adapter aux bouleversements géopolitiques qui ont marqué la fin des années quatre-vingts. Pour faire face à ces nouveaux enjeux, j'ai engagé la plus importante réforme des armées depuis les années soixante. Cette redéfinition du format de nos armées et leur professionnalisation supposaient des moyens financiers suffisants. La loi de programmation militaire votée en 1996 avait fixé un niveau de dépenses qui permettait d'atteindre les objectifs. Or, ces cinq dernières années, et malgré mes mises en garde successives, le gouvernement a renoncé à la respecter sur le plan budgétaire, retardant la modernisation de notre défense nationale. Il faudra bien évidemment un redressement en la matière pour répondre aux besoins d'équipement et revaloriser la condition militaire.
R: - Les Français étant de plus en plus sceptiques devant le discours politique, de quelle manière pouvez-vous les convaincre que vous appliquerez votre programme ?
J: - Le temps des choix et de l'action est arrivé. Ma volonté, mon engagement et ma détermination sont absolus. L'opposition a fait un travail considérable. Elle s'est unie sur un projet. Si je suis élu, je demanderai aux Français de choisir une majorité décidée à soutenir mon action. Par ailleurs, le gouvernement devra me rendre compte de l'exécution des engagements pris devant les Français. Il fera rapport au Parlement et engagera sa responsabilité devant l'Assemblée nationale. Je veux imprimer à l'action une nouvelle méthode.
Propos recueillis par Philippe WAUCAMPT.
(Source http://www.2002pourlafrance.net, le 25 mars 2002)