20 mars 2002 - Seul le prononcé fait foi

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Extraits d'une interview de M. Jacques Chirac, Président de la République et candidat à l'élection présidentielle 2002, à France 3 le 20 mars 2002, sur la comparaison de son programme avec celui de M. Jospin, notamment en matière de sécurité et d'impôt.

Les attaques personnelles ne sont pas dignes du débat démocratique
Au c¿ur de la démocratie, il y a, pour moi, une certaine vision de la France et des Français, qui doit exclure toute attaque personnelle. Ces attaques ne sont pas dignes d'un débat démocratique. J'espère que tous les candidats comprendront bien que les attaques personnelles n'ont pas leur place dans une grande nation démocratique.
Les différences entre les projets sont considérables
Ces projets sont très différents. Il y a des domaines bien sûr, comme l'Europe, ou comme certains aspects de la politique étrangère, où les différences sont moins fortes. Mais pour tout ce qui touche à la politique intérieure, elles sont considérables.
La sécurité n'est pas qu'un point parmi d'autres, c'est un préalable
Sur l'insécurité, ce ne sont même plus des différences, ce sont des projets qui n'ont rien à voir !
Il y d'abord des différences de résultats. En deux ans de gouvernement Juppé, la délinquance a baissé de 12%, en cinq ans de gouvernement Jospin, elle a augmenté de 16%.
Il y a ensuite des différences de diagnostic. Pour le parti socialiste, c'est la société qui est violente. Pour nous, ce n'est pas du tout ça, c'est une défaillance de l'Etat, qui devient responsable de l'insécurité.
Je suis convaincu que les socialistes ne feront pas demain ce qu'ils n'ont pas fait hier.
Je fais des propositions qui ne sont pas du tout les mêmes que celles de Lionel Jospin.
S'agissant de la délinquance, il faut lutter contre l'impunité, qui efface tout sens des responsabilités, tout repère. La mise en place d'une justice de proximité permettra de sanctionner de façon immédiate tout acte délictueux.
Pour les multirécidivistes très nombreux, qui provoquent l'insécurité, il faut des centres fermés préventifs ou éducatifs. C'est très différent ! La majorité plurielle n'a pas pu se mettre d'accord là-dessus. Elle a bloqué une proposition en ce sens.
Cette délinquance vient très souvent dans les quartiers, de l'implantation très profonde de véritables réseaux mafieux, qui vicient le climat général à partir duquel trop de jeunes sont engagés sur la voie de la délinquance.
Je propose des groupements régionaux d'intervention, pour rétablir l'ordre dans ces quartiers et éradiquer ces réseaux, ce qui est hors de portée des polices locales. Il faut un ensemble de moyens, qui regroupent la police, la gendarmerie, les représentants des douanes, et d'autres inspections, notamment sociales.
Il faut aussi agir au niveau national, c'est pourquoi je propose un conseil de sécurité intérieure.
Il faut enfin intégrer ces actions dans une politique à long terme, qui soit une vraie politique de la ville, qui n'existe pas aujourd'hui.
Il y a une autre différence essentielle : dans le programme du candidat socialiste, la sécurité n'est qu'un point parmi d'autres. Dans mon programme, c'est un préalable. Car si nous ne réglons pas l'insécurité, nous ne réglerons aucun autre problème.
Il est indispensable de baisser les impôts et les charges
Mon projet est simple. Nous avons des contraintes.
Il est indispensable de baisser les impôts et les charges. J'y affecte 30 milliards d'euros.
Nous devons assumer des dépenses nouvelles : sécurité intérieure et extérieure, formation professionnelle et justice.
Nous devons réduire nos déficits pour respecter le pacte de stabilité européen.
En face de ces contraintes, nous avons une croissance dont chacun s'accorde à estimer qu'elle sera de l'ordre de 3%. C'est une prévision normale, sur laquelle s'appuient l'ensemble des pays européens.
Nous devons limiter la croissance annuelle des dépenses de l'Etat.
J'ai regardé attentivement les avis de tous les économistes. Tous sont d'accord sur un point : le projet que j'ai présenté est équilibré et fiable.
Le chiffrage est très simple : 30 milliards d'euros sur cinq ans pour les baisses de charges et d'impôts, 4 milliards d'euros pour les dépenses nouvelles (sécurité intérieures et extérieure, formation professionnelle, justice) et le solde pour la réduction des déficits.
Il y a simplement une volonté politique.
L'impôt sur le revenu est payé par 16 millions de Français. Un ménage sans enfant, dont le mari et la femme touchent le SMIC, sont soumis à l'impôt sur le revenu. Ils paient 1000 euros d'impôt. Ce ne sont pas les riches, qui paient l'impôt sur le revenu, c'est une grande majorité de Français qui travaillent.
Quand on dit qu'il faut baisser l'impôt sur le revenu pour rendre aux Français une part de la croissance, c'est tout à fait légitime. Le programme que je propose permet la croissance et la dynamisation de notre économie, alors que le programme du parti socialiste est, comme toujours, un programme de redistribution. Je ne suis pas contre la redistribution, je suis pour, mais je pars du principe qu'il vaut mieux gagner plus pour redistribuer plus que de se contenter de ce que l'on a.
Monterrey : la mondialisation de la solidarité
Je ferai 15 heures d'avion aller, je resterai 15 heures sur place et 15 heures retour, ce qui peut surprendre dans la période actuelle, mais la France a une voix qui doit être entendue, dans un domaine aussi important, qui concerne le tiers de la population mondiale. Plus de deux milliards d'hommes, de femmes et d'enfants vivent avec moins de deux dollars par jour.
La France, qui a trouvé une grande part de sa force dans l'affirmation des principes de liberté, d'égalité et de fraternité, doit aujourd'hui affirmer ces principes au niveau mondial.
Il faut que la mondialisation de l'économie soit accompagnée par la mondialisation de la solidarité. Il est important que la France, une fois de plus, porte ce message et soit le moteur de cette évolution.
J'ai appris qu'un mur a été construit [pour séparer le lieu de la conférence et des bidonvilles] et cela me choque profondément. Si j'ai la possibilité de " faire le mur ", je le ferai.
Les problèmes de la mondialisation concernent tout le monde. Si 300 000 personnes ont manifesté à Barcelone, c'est qu'il y a un vrai problème. Ce problème, c'est la mondialisation de la solidarité.
La commémoration des accords d'Evian
Il revient aux grandes associations de se mettre d'accord sur une date. Après le 19 mars 1962, en Algérie, il y a eu beaucoup de victimes, militaires, mais surtout civiles, en très grand nombre. Pour les harkis, c'est une page dramatique, douloureuse de notre histoire commune.
Je ressens un moment d'émotion particulier à l'égard de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants qui ont été déchirés, obligés de quitter leur terre, qu'ils soient pieds noirs ou harkis.
Je voudrais aussi rendre hommage à tous les militaires du contingent et aux militaires d'active qui se sont battus avec honneur et dignité en Algérie et qui parfois sont suspectés de façon tout à fait indigne. J'ai été l'un d'eux. Je voudrais ici leur rendre, en tant que chef de l'Etat, un solennel hommage.
L'actuelle opposition est unie autour d'un projet, alors que la majorité sortante a éclaté
Je n'étais pas à Toulouse [à la convention de l'Union en Mouvement], mais j'ai observé et j'en retiens une chose : enfin, l'actuelle opposition est unie, politiquement et autour d'un programme. Tous les participants ont dit qu'ils se retrouveront au second tour, sans état d'âme et sans problème, autour du candidat qui sera le mieux placé. Une opposition unie sur un projet, c'est très important.
En face, je ne vois pas de majorité. Que voyez-vous de commun dans les programmes des Verts, des communistes, des chevènementistes, des socialistes ? Rien !
La majorité plurielle sortante a aujourd'hui complètement éclaté. Quelle crédibilité peut-on donner à un projet dont on sait très bien qu'il ne peut pas être soutenu par une majorité ?
J'ajoute que ce projet est une synthèse difficile entre une partie très socialiste et une autre plus sociale-démocrate, alors que l'ensemble de l'opposition actuelle est unie autour d'un projet qu'elle pourra mettre en ¿uvre quand elle sera, demain, la majorité.