14 mars 2002 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Interview de M. Jacques Chirac, Président de la République et candidat à l'élection présidentielle 2002, à RTL le 14 mars 2002, sur la libéralisation du marché de l'électricité, l'euro, le Proche-Orient et la cohabitation.

Ruth ELKRIEF : Bonjour Jacques Chirac.
Jacques CHIRAC : Bonjour Ruth Elkrief.
Merci beaucoup de réserver à RTL votre premier entretien radio de candidat.
Merci de votre accueil.
On vient d'écouter Alain Duhamel. Il parlait du Proche Orient. Cette résolution du Conseil de sécurité sur un Etat palestinien. Qu'est-ce que l'Europe, et qu'est-ce que la France peut faire de plus que de se féliciter de cette résolution ?
Je crois que Monsieur Duhamel a dit les choses parfaitement et complètement. Je souscris tout à fait à ce qu'il a dit. Initiative de l'ONU, initiative des Etats-Unis, initiative du prince Abdallah au nom des pays arabes, qui va dans le sens de ce que la France et l'Europe ont toujours proposé, et qui devrait, je l'espère, déboucher sur geste positif...
Vous y croyez à cette heure-ci ?
Oui je le crois, un geste positif à Barcelone qui ira dans le même sens que l'ensemble de ces initiatives. Un seul point à ajouter à ce qu'a dit Monseur Duhamel: c'est le sommet arabe de Beyrouth, le 27 mars, qui devrait -à mon avis- renforcer encore les propositions du prince Abdallah, et donc une proposition positive des pays arabes.
Donc la France peut, dans ce cadre-là, jouer un rôle par exemple auprès des pays arabes pour les encourager à accepter à aller plus loin ?
Je crois qu'il ne s'agit pas d'un rôle seulement auprès des pays arabes, je crois que la France peut faire entendre sa voix, qui s'est toujours exprimée dans le sens qui est aujourd'hui celui qui soutien ces initiatives, et qu'elle doit le faire au sein de l'Union européenne, qui doit parler dans ce domaine d'une voix unique et ferme.
On parle bien sûr de la campagne électorale, qui est très vive maintenant, il ne reste plus que 38 jours avant le premier tour. Vous avez retrouvé Lionel Jospin hier matin, avant le Conseil des ministres, pour un entretien comme d'habitude, et puis après ces derniers jours les relations étaient un peu tendues, chacun est candidat, c'est la campagne. Comment ça s'est passé ?
Oh vous savez, je fais en sorte chaque fois que je reçois dans mon bureau le Premier ministre, ou que nous nous retrouvons à la table du Conseil des ministres ou à la table du Conseil restreint, comme c'était le cas hier à l'Elysée, je fais en sorte que chacun se consacre uniquement, et entièrement à la défense des intérêts de la France, et notamment à la préparation de telle ou telle échéance internationale, et par conséquent rien d'autre ne s'insère.
Il n'y a pas eu de dérapage ?
Non, non¿
Parce quand même, les mots assez durs. Les échanges étaient quand même assez musclés...
Quand nous sommes à l'Elysée, nous travaillons, et nous travaillons en qualité, en tant que Président de la République, Premier Ministre, ministres le cas échéant, et je le répète, je fais en sorte qu'il n'y ait pas d'autres...
Et lui aussi...
D'autres considérations¿
Et lui aussi ?
Forcément, forcément¿
Parce que peut-être que les Français se demandent si, après cinq ans de cohabitation, c'est un peu comme dans les couples qui se détestent un peu mais qui font bonne figure pour les enfants... et puis qui, à la fin, ressortent un peu les mots difficiles...
Ecoutez Ruth Elkrief, vous observerez à partir de demain, à Barcelone, que la délégation française que je préside, et que je conduis, défendra les intérêts de la France, avec responsabilité, avec autorité et avec dignité¿
Il n'y aura aucun moment de tension ?
Je crois qu'il n'y a rien de plus à ajouter.
Les Français auront peut-être envie de savoir un peu plus personnellement comment ça se passe entre deux hommes, après cinq ans de vie commune.
Je vous l'ai dit¿
Le sommet de Barcelone donc, sur cette affaire de la privatisation du service public de l'électricité. Vous aurez la même position de fond, alors que vous êtes candidat, je dirais, sur deux thèmes différents...
Sur la privatisation comme vous dites de l'EDF, il n'en est évidemment pas question, et la position de la France est "une", comme nous avons pu encore le vérifier, et le réaffirmer hier à l'occasion du Conseil restreint que nous avons tenu, que j'ai tenu, pour arrêter définitivement la position de la France, et sa stratégie dans cette négociation de Barcelone. L'EDF est une des plus belles entreprises d'électricité du monde, peut-être la plus belle, et il est tout à fait hors de question de lui porter des coups qui pourraient l'affaiblir, la privatisation n'a pas de sens.
Donc elle ne sera pas dans le programme de Jacques Chirac.
Non pas du tout, ni de personne en France. L'ouverture est une chose, la privatisation en est une autre.
... ouverture du capital.
L'ouverture du capital, pas pour privatiser naturellement, mais pour permettre - comme le demande l'entreprise - à EDF, de prendre des participations en Europe pour affirmer sa puissance, pour affirmer son développement £ ça c'est autre chose, nous n'y sommes pas hostiles naturellement, mais la privatisation est hors de question. Et vous savez, là où on a été très loin en matière de libéralisation dans ce domaine, les résultats n'ont pas été très probants... Je crois par exemple qu'en Angleterre cette politique a conduit à une augmentation très substantielle, de l'ordre je crois de 16 %, du prix de l'électricité. Ce n'est pas sur le plan économique, ni sur le plan social un résultat séduisant.
Donc, non de la France à l'ouverture à la concurrence...
... oui, et respect plus généralement de ce que nous appelons "les services publics", de ce que l'Europe appelle "les services d'intérêts généraux", c'est-à-dire au fond, tout simplement, le principe que les services publics essentiels doivent être accessibles à tous les citoyens dans les mêmes conditions et les meilleures possibles. Le service public n'a pas comme vocation fondamentale la recherche du profit... Il a vocation à se moderniser, il a vocation à s'adapter, il n'a pas vocation à rechercher du profit. En revanche, il a vocation à donner son service de la même façon, à tous les Français s'il s'agit de la France, où qu'ils habitent, où qu'ils soient.
Mais Jacques Chirac, finalement Lionel Jospin, candidat, pourrait dire exactement la même chose... il dit exactement la même chose !
Ruth Elkrief, c'est pas un problème de candidat... Je viens d'exprimer là la position de la France, celle que la France soutiendra demain à Barcelone, face à des partenaires qui ne sont pas tous animés par le même esprit, c'est vrai. Alors nous discuterons.
On va parler de l'insécurité... je rappelle qu'aujourd'hui votre programme : "Mon engagement pour la France", sort dans une brochure : la France en grand, la France ensemble... tous les Français pourront la consulter... Evidemment, la France entière a été choquée par le drame d' Evreux, la mort du père qui a défendu son fils... Dans votre programme, vous proposez "l'impunité zéro"... mais finalement est-ce que vous ne croyez pas que sur ce thème, la sécurité, c'est comme pour le chômage dans les années 80... Les Français, finalement, croient que ni la gauche ni la droite ne peut résoudre ce problème. Que c'est bien plus compliqué...
Ah que ce soit compliqué, ça n'a échappé à personne !... Il n'en reste pas moins que si l'on veut relancer le dynamisme de la France, il faut que les Français se sentent à l'aise. Pour qu'ils se sentent plus à l'aise, il faut notamment qu'ils n'aient pas de craintes. Qu'un certain nombre de garanties auxquelles ils estiment à juste titre avoir droit, soient assurées. C'est vrai dans un certain nombre de domaines, c'est vrai pour la santé, c'est vrai pour la retraite, c'est vrai aussi pour la sécurité, car le climat croissant d'insécurité dans notre pays est paralysant pour les Français, et notamment pour les plus modestes d'entre eux.
Vous dites : "C'est le socialisme des gouvernements qui précèdent qui créé un peu l'insécurité"... c'est un peu ce que les gens ont entendu...
... je ne vais pas polémiquer, je considère en effet qu'il y a deux cultures différentes en France : une culture je dirais, laxiste et permissive, qui a été traditionnellement la culture de la gauche, et qui implique des comportements qui sont des comportements, dont on a pu voir qu'ils n'étaient pas satisfaisants en matière de sécurité. Et puis une culture je dirais plus réaliste, plus respectueuse des droits, et notamment du droit à vivre normalement pour chacun, et qui est celle que je privilégie. Alors vous dites : comment ? et vous parlez de l'impunité...
Mais, pardon, est-ce que finalement les deux camps de la politique ne sont pas autant responsables ? Concrètement, quand 30 % des peines de prison ne sont pas appliqués, c'est une tendance lourde, qui date de bien plus longtemps que 1997... La loi de présomption d'innocence, vous-même vous en avez été le parrain... enfin, est-ce que ce n'est pas trop simple de toujours dire : c'est les autres ?
Non. Non, je crois que c'est un peu simple de dire ce que vous dites. Si je prends les réalités, les réalités et notamment les statistiques officielles, pour qu'elles ne soient pas contestées... 95/98, deux ans de gouvernement Juppé : diminution de l'insécurité de 11,5 %. Je sais qu'on peut contester les chiffres, peu importe ce sont les chiffres officiels. Le gouvernement Jospin, période suivante : augmentation de l'insécurité : 16 %. Bon, je veux dire simplement que ce n'est pas une fatalité ! il y a des comportements, la conduite de politiques qui permettent de maitriser les choses, et d'autres qui ne le permettent pas ! Alors quand je parle "d'impunité zéro", je sais bien que c'est un objectif ! je veux simplement dire par là qu'il faut lutter contre cette situation où aujourd'hui beaucoup font n'importe quoi, en étant certains qu'ils ne seront pas sanctionnés. Et qui, s'ils passent en justice, n'effectuent pas les peines auxquelles ils sont condamnés ! d'ailleurs probablement parce que le système n'a pas les moyens nécessaires, et notamment la justice, pour les faire appliquer. Mais si nous n'arrivons pas à mettre en place un système, notamment par une justice de proximité, qui permette à chaque délit d'être sanctionné de façon raisonnable, mais immédiate, de façon juste...
... mais tout le monde dit ça !... tout le monde le dit presque aujourd'hui... heureusement peut-être...
Ecoutez je ne sais pas si tout le monde le dit, mais je constate que, par exemple, la proposition faite de mettre au point une justice de proximité, les anciens juges de paix, permettant de faire une sanction immédiate et exécutée immédiatement, je ne sais pas si tout le monde le dit... mais je constate qu'on ne le fait pas !... ou que le gouvernement actuel ne l'a pas fait ! Donc, de la même façon, nous savons très bien que ces multirécidivistes, souvent jeunes, et qui sont pris en flagrant délit, nous savons très bien qu'ils ne sont jamais sanctionnés, et qu'ils reviennent immédiatement sur le terrain de leurs exploits, renforcés par le prestige que leur donne le fait d'avoir provoqué la société, la police, la justice. Bon. Je propose que soient mis en place des centres fermés d'éducation, préventifs ou éducatifs...
... qui les isolent de leur quartier...
... qui permettent d'ailleurs de leur donner des chances de réinsertion dans la société, et qui permettent surtout de faire en sorte que leur sanction soit réellement exécutée ! Le gouvernement avait évoqué ce problème il y a quelque temps, et la majorité plurielle n'a pas pu se mettre d'accord. On n'a donc pas retenu cette réforme, qui est pourtant essentielle ! Le jour où notamment les jeunes qui sont une toute petite minorité, minuscule minorité de délinquants, mais une minorité très active, auront compris ce qu'est le respect que l'on doit à l'autre, l'auront compris par la sanction, ou par l'éducation, notamment à l'école, vous verrez que les choses s'amélioreront naturellement.
Jacques Chirac, dernière question quand même là-dessus : il y a un sondage BVA/Paris-Match aujourd'hui qui indique que Lionel Jospin est plus crédible que vous, sur l'insécurité. 31 % des Français pensent qu'il est plus crédible que vous, et 26 % seulement pensent que vous l'êtes...
Eh bien je pense que ceux qui ont répondu de cette façon-là devraient regarder exactement ce qui se passe autour de chez eux... Vous évoquiez tout-à-l'heure un drame, qui s'est produit à Evreux, un drame épouvantable, un drame de société au-delà même du drame lui-même... jamais nous n'avons eu autant d'informations dans tous les médias, la radio, la télévision, sur les drames de cette nature, sur les drames de l'insécurité, que depuis quelque temps ! vous le voyez bien vous-même... donc c'est qu'il se passe quelque chose qui n'est pas normal !il y a cinq ans, il y a six ans, vous n'aviez pas tous les jours, en ouverture des journaux d'informations radio-télévisés, vous n'aviez pas des problèmes liés à l'insécurité... aujourd'hui c'est devenu une obsession !
Alors ça restera évidemment un des grands thèmes de la campagne... Je voudrais qu'on passe à une de vos déclarations sur France 2, il y a deux jours... vous avez dit : "beaucoup de Français n'ont pas compris pourquoi je ne voulais pas répondre à un juge, comme n'importe quel Français". D'une certaine façon, vous admettez que votre stratégie qui était : je ne peux pas... n'est pas passée... Comment ça s'est passé dans votre tête, j'ai envie de dire ?
Ce n'était pas une "stratégie"... Je ne vais pas redire ce que j'ai dit à France 2... Je suis le gardien de nos institutions... je dois, par définition, appliquer la Constitution. Et la Constitution ne permet pas en France à un président de la République d'être entendu par un juge. Mais...
... vous l'avez largement dit Jacques Chirac, mais... je vais peut-être mieux formuler ma question : pourquoi finalement quand vous dites : on va réfléchir au statut pénal du président. Si je suis élu, je vais y réfléchir. D'une certaine façon vous désamorcez cette question. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait plus tôt en quelque sorte ? parce que ça vous aurait libéré de ce fardeau après tout !
Tous mes collaborateurs pourraient vous dire que je réfléchis à cette question depuis longtemps. Que j'ai consulté, déjà, un grand nombre de constitutionnalistes sur ce point. Car je considère que c'est un type de réforme mettant en cause le chef de l'Etat et tout ce que cela représente, à l'égard de la France, mais à l'égard de l'étranger, qui ne peut pas être prise dans le cadre de la passion politique ou électorale...
...ça fait plusieurs mois, ça fait un an, un an et demi qu'on en parle...
Oui, et je vous le dit : si je suis élu, je demanderai aux meilleurs constitutionnalistes, ils le savent déjà, de me faire des propositions dans ce domaine. Mais des propositions qui ne seront pas soumises à la pression ou à l'improvisation d'une campagne électorale. Parce qu'il s'agit de problèmes trop sérieux...
... pourquoi vous ne l'avez pas dit plus tôt ? finalement...
Eh bien je le dis maintenant. Voilà. Plus exactement, je le dis officiellement maintenant.
Dans votre meeting à Marseille, vous avez dénoncé le "socialisme archaïque" on a compris... Jospin est un peu un archaïque, un socialiste dogmatique, enfin on a bien saisi où vous vouliez le situer... Est-ce que ça signifie que, vous, vous êtes de
droite ?
Vous savez, j'appartiens, à l'origine - car maintenant je suis naturellement depuis que je suis élu, un homme libre - mais j'appartiens à une famille : le Gaullisme, qui a toujours voulu être au-dessus de ces clivages. A tort ou à raison, peu importe, mais qui ne s'est jamais sentie liée par des idéologies, et qui a voulu être une force de rassemblement. C'est donc je veux dire "ma culture". Alors j'appartiens, je suis issu aujourd'hui d'une famille politique en général, qui effectivement est située à droite, et voilà...
Vous l'assumez donc.
Je l'assume parfaitement.
Vous dites : je suis de droite.
- Non je ne dis pas : je suis de droite.
... c'est pas un péché hein !...
Non ce n'est pas un péché ! naturellement que ce n'est pas un péché ! Je dis simplement qu'en tant que président de la République, et donc aujourd'hui comme candidat, je me veux un homme de rassemblement et de réformes, et je suis soutenu par une famille qui est aujourd'hui classée comme étant la droite de notre pays. C'est tout.
Qu'est-ce que vous diriez à un électeur de droite, qui a l'air un peu de douter de vous, parce qu'on le voit dans les sondages, vos chiffres au premier tour peut-être ne sont pas les meilleurs pour un président sortant... Bon il y a un vote Le Pen, un vote protestataire, un vote Chevènement, qu'est-ce que vous dites à cet électeur de droite, qui est un peu sceptique à votre égard, qui est déçu, qui a envie de protester ?
Je lui dis simplement de réfléchir. De voir ce qui s'est passé depuis cinq ans, et d'arrêter sa position à partir de la question suivante : est-ce que vous voulez reconduire, pendant cinq ans, des hommes et des femmes qui ont fait ce qu'ils ont fait depuis cinq ans ? C'est à vous de juger... Un bilan, comme tous les bilans, comporte un aspect positif et un aspect négatif.
Vous êtes moins sévère qu'à Marseille là... vous êtes moins dur...
Non, non non ! vous me demandez ce que je dis à un sceptique... J'ai beaucoup de respect pour les sceptiques... je ne vais pas leur dire qu'ils ont tort ou qu'ils ont raison... je leur dis simplement : regardez les choses, réfléchissez, est-ce que vous voulez que ça continue comme ça, ou est-ce que vous voulez que ça change ?
Vous comprenez que certains électeurs de votre propre famille politique aient attendu de vous peut-être une forme d'autocritique, sur la dissolution, sur certaines décisions prises, certaines promesses, qui apparaissent comme non tenues...
J'ai déjà répondu à toutes ces questions, je veux bien recommencer, mais j'ai déjà répondu longuement à toutes ces questions...
Précisément...
Je suis tout à fait d'accord pour recommencer, je le répète : lorsque j'ai été élu, j'ai engagé le programme sur lequel j'avais été élu. Je me suis immédiatement heurté à un problème essentiel : est-ce que nous faisions le choix de l'euro et de l'Europe, ou est-ce que nous abandonnions ce choix ? c'était ça l'essentiel. J'ai fait le choix de l'euro et de l'Europe, avec les conséquences que cela comportait, qui ont conduits à un certain nombre de réformes, qui n'ont pas été appréciées à leur juste valeur, et qui m'ont amené à penser que la distorsion entre l'action menée par la majorité d'alors et le pays, devait tout naturellement être arbitrée par le pays même si les élections devaient être avancées de dix ou onze mois... Et c'est donc une position que j'assume. Et si c'était à refaire, je le referais ! car c'est conforme à l'idée que je me fais de la démocratie. A partir de là, l'élection ayant conduit les Français à choisir une majorité dite "de gauche", on m'a dit : mais pourquoi vous n'avez pas démissionné ?... tout simplement parce que nous étions en pleine entrée de la France dans l'euro, et que je ne voulais pas ajouter une crise institutionnelle à une crise politique. Et que, d'autre part, je suis respecteux simplement de ce que décident les Français. Ils ont voulu un gouvernement de gauche, j'ai mis en oeuvre une cohabitation que je voulais constructive...
... vous referiez ça la prochaine fois ?
Le problème ne se posera pas.
Il n'y aura pas de cohabitation...
Si je suis élu, je m'engagerai à demander à tous les Français d'en tirer les conséquences, car c'est vrai, et je suis peut-être le mieux placé pour l'affirmer, la cohabitation n'est pas un bon système ! elle doit être appliquée, et elle l'a été correctement vis-à-vis des Français, par respect pour les Français, mais ce n'est pas un système efficace sur le plan politique. Et par conséquent je demanderai, quand je serai élu, je demanderai aux Français de me donner une majorité qui permette à la France d'avancer en fonction des engagements et des programmes qui ont été arrêtés.
Le programme justement. La réduction des impôts : vous avez proposé une baisse de 33 % en cinq ans, et ça a été accueilli avec, aussi peut-être, un certain scepticisme... Est-ce que, lorsqu'on dit : on va réduire les impôts de 33 % en cinq ans, on va augmenter en même temps les budgets de la justice, de la défense, de la sécurité, est-ce que ça veut dire précisément - si vous permettez, j'aurai deux-trois questions très précises sur votre programme - est-ce que ça veut dire qu'on réduit pratiquement le nombre de fonctionnaires par exemple, pour alléger les dépenses de l'Etat ?
Non. Ce n'est pas du tout ce que ça veut dire ! Mais tout de même un mot : réduction des impôts, c'est évidemment un thème, voire un mythe populaire, et les Français sont toujours sceptiques quand on évoque ce sujet...
On se demande comment, c'est tout... Comment on y arrive.
Attendez ! Si nous ne le faisons pas, nous irons tout naturellement vers le déclin, c'est-à-dire que nos entreprises se délocaliseront, que les investisseurs étrangers n'investiront plus en France, que nos investisseurs français investiront ailleurs que dans notre pays ! Il y a donc là un grand, grand problème ! Par conséquent, ce n'est plus un problème de promesse électorale, c'est un problème vital pour la France, et donc il faudra bien le faire. Deuxièmement. Comment¿?
Est-ce que vous réduisez le nombre de fonctionnaires ? Vous m'avez dit "non"...
Attendez...
Parce que j'avais vu Nicolas Sarkozy à TF1, il avait dit : 'il ne faudra pas remplacer tous les départs à la retraite...'
Chère Ruth Elkrief, permettez-moi, ne prenons pas les choses toujours par le petit bout de la lorgnette.
Non, mais ce sont des données précises...
Il y a d'autres domaines... Mais je vais vous répondre. Nous sommes donc obligés d'avoir des dépenses supplémentaires dans certains domaines, et des recettes intérieures. Les recettes intérieures, je viens de le dire, c'est la baisse vitale des charges sur les entreprises et sur les Français, si on veut être compétitifs demain. Les charges supplémentaires, vous l'avez dit, c'est la sécurité intérieure et extérieure, et la justice. Voilà. Et la santé.
Notre temps va bientôt s'achever...
... Je termine, si vous le voulez. Il y a certes une réforme de l'Etat. Lorsque vous voyez le dernier rapport de la Cour des Comptes, qui vient de sortir, une fois de plus, qui dénonce les gaspillages considérables qu'il y a dans la gestion des affaires de l'Etat, vous vous dites qu'il y a des économies à faire... Quand vous voyez...
Et pas de suppressions de postes... ?
... Attendez ! Quand vous voyez que -je prends un exemple- 4.000 agents étaient affectés à la gestion de la vignette. Il n'y a plus de vignette. Que sont-ils devenus ? On peut se poser des questions ! On peut se demander s'il n'y a pas des efforts de redéploiement à faire. Quand vous voyez que la moitié pratiquement de la Fonction publique va partir dans les prochaines années à la retraite, il va falloir obligatoirement redéployer, utiliser les méthodes modernes. Pourquoi est-ce que la France, l l l'Administration serait le seul secteur où on n'essaie pas d'avoir de la productivité, comme dans toutes les entreprises ? Et donc il y a un effort de réforme de l'Etat. Il ne s'agit pas d'avoir pour objectif de diminuer ou de ne pas diminuer le nombre de fonctionnaires. il s'agit de faire en sorte...
Parce que Nicolas Sarkozy dit : il ne faudrait pas replacer...
... Non mais attendez, Nicolas Sarkozy...
C'est Nicolas Sarkozy et pas Jacques Chirac ! ... D'accord, j'ai bien entendu !
Vous me posez une question. Lorsque vous voudrez demander le détail de sa pensée à Nicolas Sarkozy, vous le ferez directement...
Bien sûr...
Non mais vous me demandez ça cinq fois ! Bon, moi je vous dis qu'il n'y a aucune raison que l' Administration française ne soit pas gérée, en améliorant constamment sa productivité, comme toutes les entreprises ! C'est l'intérêt des Français ! C'est l'argent des Français !
Dernière question : je pense que votre électorat, les Français se demandent aussi un peu "avec qui vous gouvernerez lorsque, si vous êtes élu". Je pensais à une phrase de Lionel Jospin à la télévision, il disait : il y a Martine, Laurent, François, Dominique, enfin on comprend, ses ministres, son entourage... Vous, j'ai envie de dire, c'est qui ? Alain, Nicolas on en parlait, Jean-Pierre ?...
Je vais vous répondre, un dernier mot n'est-ce pas. Je ne voudrais pas que l'on tombe dans cette idée que l'actuelle opposition souhaiterait faire des économies sur le dos des fonctionnaires. Nous avons une Fonction publique qui est excellente, et à laquelle on ne peut que rendre hommage. Elle est compétente et elle est dévouée. Elle est probablement l'une des meilleures d'Europe. Il ne s'agit en aucun cas de la mettre en cause. Ce qu'il faut, c'est lui donner les conditions de travail les plus efficaces possibles. Alors maintenant vous me parlez des hommes...
De votre bande en quelque sorte : qui sont vos amis ? qui est votre entourage ?
Le terme de "bande"...
... ne vous convient pas ?
C'est pas qu'il ne me convient pas. C'est qu'il n'est peut-être pas le mieux adapté. Je voudrais vous dire une chose : il y a dans l'actuelle opposition une génération nouvelle, importante, dynamique, cohérente, qui s'est d'ailleurs clairement exprimée notamment aux élections municipales, contrairement à l'avis -je le dis au passage- de tous les sondages à l'époque. Bien. Et cette génération nouvelle est une génération capable. Elle a une deuxième caractéristique, et elle l'a prouvé récemment à Toulouse dans la réunion de l'opposition à Toulouse, c'est qu'elle est capable d'être unie sur une vision, sur un projet, sur un programme... Je termine... Elle est cohérente. Vous me citez un certain nombre de prénoms... mais qu'y a t-il de commun entre la vision de la France, le projet, le programme de Martine Aubry et celui de Laurent Fabius ? qu'y a t-il de commun entre les positions des Verts, des communistes, des Chevènementistes et du parti socialiste ? Rien ! autrement dit : notre génération, elle a au moins le mérite d'être cohérente et d'être unie sur un projet. Tandis que l'équipe que le premier ministre évoquait, elle est totalement éclatée, elle n'est d'accord sur rien ! ce qui explique d'ailleurs probablement que le premier ministre mette tant de temps à faire ses propositions !
Juste un prénom alors... un ou deux prénoms peut-être ? Non... ils attendent pourtant !
Non... je ne suis pas ici pour former un gouvernement !
Merci beaucoup Jacques Chirac.
Merci Ruth Elkrief.
((Source http://www.2002pourlafrance.net, le 15 mars 2002)