14 décembre 2000 - Seul le prononcé fait foi

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Interview de M. Jacques Chirac, Président de la République, à "TF1" le 14 décembre 2000, sur le bilan du Conseil européen de Nice, la construction européenne, la cohabitation, l'inversion du calendrier électoral, le futur statut de la Corse, la guerre d'Algérie, l'élection du nouveau Président des Etats Unis, les affaires, le financement des partis politiques, la justice et la position du Président de la République face à l'instruction des affaires par les juges.

QUESTION - Il y a des questions très nombreuses. Entrons tout de suite dans le vif du sujet. Voilà quatre jours que s'est terminé le sommet de Nice, un sommet qui a lui-même duré longtemps, quatre jours. Un sondage CSA-Le Parisien disait ce matin que, pour 46% des Français, ce sommet s'était soldé par un échec. 36% pensent le contraire. J'imagine que vous vous situez dans ces 36%.
LE PRESIDENT - Avant d'en parler, parce que le sujet le mérite, je voudrais simplement dire ma solidarité avec nos compatriotes du Finistère qui ont été frappés par ces crues. Et je souhaite que tout le nécessaire soit fait pour les aider à surmonter, surtout dans cette période de l'année, les conséquences de cette catastrophe naturelle.
QUESTION - Alors, de Quimper nous passons à Nice
LE PRESIDENT - Cette présidence française a été une présidence, je le confirme, extrêmement positive et d'ailleurs jugée comme telle dans le monde, et en particulier parmi tous les pays qui souhaitent entrer demain dans l'Union européenne. Elle comportait deux grands volets : le volet qui touchait aux choses concernant les citoyens, les Européens, et puis le volet plus technique, politique, qui était la réforme des institutions pour permettre à l'Europe de fonctionner avec un nombre plus élevé de pays.
QUESTION - En s'agrandissant ?
LE PRESIDENT - Oui, après l'élargissement. S'agissant du premier volet, l'acquis européen est considérable, sur des choses essentielles : la Charte des droits de l'Homme européen, si j'ose dire, c'est-à-dire des droits de l'Union, qui est un grand progrès dans notre temps d'incertitude et qui reconnaît à chaque Européen les droits essentiels qui sont ceux de la dignité de la personne humaine et du travailleur. C'est aussi des sujets très importants comme ceux qui touchent à la sécurité : la sécurité maritime pour laquelle, en quelques mois, nous avons apporté des modifications considérables qui permettront dorénavant de mieux contrôler les transports de matières dangereuses.
QUESTION - Ce n'est pas encore décidé tout à fait. Cela va l'être ?
LE PRESIDENT - Si, l'idée de l'accord est passée, les ministres des transports, le 20 décembre, vont achever de prendre ces décisions. La sécurité alimentaire, avec la création d'une Agence de sécurité alimentaire et l'ensemble des mesures prises, et qui seront encore confirmées par les ministres de l'agriculture dans quelques jours, pour ce qui concerne la lutte contre la vache folle. Et la France, vous le savez, a été tout à fait en pointe pour que soit respecté le principe de précaution.
QUESTION - De cela, on va en reparler¿
LE PRESIDENT - Nous en reparlerons, et des intérêts des consommateurs. Mais aussi beaucoup d'autres sujets. La défense : nous avons en deux ans réglé le problème de la création d'une défense européenne, qui était essentielle si l'Europe veut exister politiquement dans le monde et défendre ses intérêts. C'est vrai pour les décisions que nous avons prises afin de faciliter l'élargissement. C'est vrai pour la création d'un agenda social, c'est-à-dire que, pour la première fois, nous affirmons qu'il y a un modèle social européen et que ce modèle doit progresser. C'est vrai pour le paquet fiscal, comme nous l'appelions, c'est-à-dire une tentative d'harmonisation de la fiscalité. C'est vrai pour la création de la société européenne. Cela fait trente ans que le dossier sur une société européenne était sur la table et nous avons réussi à le régler. C'est vrai pour tout le programme de mobilité des étudiants, des chercheurs, des professeurs. C'est vrai pour la lutte contre le blanchiment de l'argent sale. Je vous rappelle que c'est moi qui, le premier, avait, au G8 de Lyon, lancé cette croisade contre l'argent sale et pour lutter contre le blanchiment de l'argent sale. Nous avons développé cela, les progrès se sont faits année après année. Nous avons conclu des progrès très importants à Nice sur ce point. C'est vrai pour les régions d'Outre Mer et l'aide que nous devons leur apporter. C'est vrai pour les services publics et chacun sait quelle importance ils ont un peu partout, notamment dans nos campagnes. C'est vrai aussi pour les problèmes du cinéma ou de l'audiovisuel.
Bref, nous avons fait des progrès considérables pour tout ce qui touche les problèmes quotidiens. De tout cela, on n'a pratiquement pas parlé, comme si cela allait de soit. Mais c'est un des progrès les plus substantiels que nous ayons connus depuis que l'Europe se réunit.
QUESTION - Alors, cela dit, Monsieur le Président, vous avez quand même entendu quelques voix, notamment celles de certains de vos partenaires, les plus petits pays notamment, qui dénonçaient un petit peu l'attitude parfois arrogante de la France. Or, on a l'impression que c'est quand même l'Allemagne qui a gagné, puisqu'elle se retrouve avec 27 députés de plus au Parlement européen de Strasbourg. Ce n'est pas une réussite totale.
LE PRESIDENT - Monsieur POIVRE D'ARVOR, voilà le type-même, permettez-moi de vous le dire¿
QUESTION - ¿de la mauvaise question ?
LE PRESIDENT - Non, de la bonne question. Mais de la mauvaise réponse. Autrement dit, voilà le type-même de la désinformation. Les Allemands, qui ont 22 millions d'habitants de plus que les trois autres grands pays, et notamment que la France, pouvaient légitimement estimer qu'ils avaient droit à une reconnaissance de ce fait par une plus grande importance dans la prise de décision. Ceci se fait au Conseil, où les Etats sont réunis. J'ai toujours dit que je n'acceptais pas cette vision des choses et que l'Europe n'était pas seulement la démographie. L'Europe s'est fondée à partir de la réconciliation franco-allemande. L'Allemagne avait déjà, sans l'Allemagne de l'est, 10 millions de plus d'habitants que la France et, néanmoins, nous avons toujours considéré qu'il y avait égalité entre nos deux pays. J'ai dit qu'on ne changerait pas cette règle.
QUESTION - Et vous avez gardé le même nombre de voix¿
LE PRESIDENT - Et cette règle a été respectée, puisque avant, les quatre grands pays, l'Allemagne, la France, l'Angleterre, l'Italie, avaient 10 voix chacun. Maintenant, avec la repondération, elles ont 29 voix : chacun le même nombre de voix.
QUESTION - En revanche, au Parlement européen¿
LE PRESIDENT - Mais c'est tout à fait normal ! Au Parlement, l'Allemagne avait déjà plus de voix que les autres, pour des raisons d'ordre démographique et elle conserve plus de voix que les autres. Cela, c'est la représentation des peuples et c'est normal. Mais l'Allemagne et la France, de même que les quatre pays, ont gardé exactement le même nombre de voix décisives, c'est-à-dire les voix au Conseil, dans le cadre d'une repondération générale qui permettra aux grands pays d'avoir, je dirai, plus de responsabilités, ce qui est nécessaire si on veut que l'Europe puisse être dirigée demain.
QUESTION - Alors, je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise question, mais vous en avez fait l'expérience, c'est déjà difficile de gouverner à quinze, qu'est-ce que ça va être quand ce sera à vingt-sept ? Et, sous-question, à quoi cela sert au fond de s'élargir ? On voit bien l'intérêt des Anglais qui aiment plutôt l'émiettement des pouvoirs ou des Allemands qui veulent se recentrer géographiquement. Mais quel est intérêt des Français, par exemple ?
LE PRESIDENT - Je voudrais tout d'abord vous dire qu'au-delà de la repondération des voix, comme je vous l'ai dit, nous avons pris des décisions très importantes concernant le fonctionnement de la Commission, qui va maintenant pouvoir fonctionner normalement dans une Europe élargie. Et c'est essentiel. Nous avons également pris des décisions très importantes en ce qui concerne ce que nous appelons les coopérations renforcées. Cela veut dire, en réalité, la possibilité pour quelques pays de se mettre ensemble pour aller de l'avant plus vite que les autres, s'ils le souhaitent, et ainsi servir de moteur à l'ensemble, éclairer le chemin. Enfin, nous avons décidé qu'un certain nombre de questions qui, jusqu'ici, étaient décidées à l'unanimité -ce qui faisait qu'un petit pays pouvait tout bloquer- seraient dorénavant décidées à la majorité qualifiée. Là aussi, il y a eu un progrès important.
Alors, l'élargissement. Pourquoi est-ce que nous avons fait l'Europe Monsieur POIVRE D'ARVOR ? On a fait l'Europe d'abord et avant tout pour sortir d'une situation que connaissait notre continent et qui était marquée par les guerres permanentes et de plus en plus meurtrières, qui épuisaient l'Europe littéralement et qui généraient toutes les misères du monde. Cela a commencé avec la réconciliation franco-allemande, l'Europe des Six. Et il est évident que si nous voulons la paix en Europe, on ne peut pas avoir des morceaux d'Europe qui sont en dehors et qui continueraient à se battre, comme par exemple dans les Balkans, ou ailleurs. Si nous voulons avoir la paix, il faut que la démocratie existe dans toute l'Europe. C'est d'abord souhaitable pour les peuples concernés et c'est souhaitable aussi pour avoir la paix. Donc, l'objectif de l'Europe c'était l'enracinement de la démocratie et de la paix.
QUESTION - Alors, à ce moment là il fallait aller jusqu'aux Russes, les Russes y compris, non ?
LE PRESIDENT - Non, ce n'est pas vraiment le continent. Et pour cela, il fallait le faire sur l'ensemble de l'Europe. Il n'y aura pas d'Europe pacifique et démocratique, et à partir de là d'Europe prospère et apte à conduire le progrès social, s'il n'y a pas l'élargissement. L'Europe divisée a toujours été une mauvaise chose pour la paix comme pour la démocratie.
QUESTION - Vous avez vu à Strasbourg, c'était avant-hier, que vous étiez plutôt sèchement accueilli par les parlementaires qui trouvaient qu'au fond, l'Europe manquait de souffle et que vous vous limitiez, les uns et les autres, à un accord qui va faire que, dans un an maintenant, il va y avoir une monnaie commune, qu'il va y avoir des embryons d'une armée, d'une défense commune¿
LE PRESIDENT - ¿pas des embryons¿
QUESTION - ¿une défense commune, mais qu'après les différents Etats ne vont plus se dépouiller de leurs attributs de souveraineté et donc qu'aujourd'hui, d'une certaine façon, on est assez loin peut être du rêve de Jean MONNET, de Robert SCHUMAN, et que l'on est arrivé à une Europe assez réaliste, très "petits pas après petits pas" ?
LE PRESIDENT - D'abord, ce que je vous ai dit, ce ne sont pas des petits pas, ce sont de très grands pas. Ensuite, on peut avoir une vision tout à fait bucolique de l'Europe et je le souhaite. Mais je voudrais vous dire une chose : pour faire l'Europe, il faut que l'on se mette d'accord et ensuite, il faut que d'une façon, ou d'une autre, c'est à dire par référendum ou par leur Parlement, chaque pays ratifie l'accord. Si vous avez un seul pays qui ne ratifie pas l'accord, alors l'accord n'existe plus. Tel chef d'Etat ou de gouvernement me disait sur un point qui était essentiel pour son opinion publique, moi, si je cède sur ce point, naturellement je peux céder au nom d'une certaine vision de l'Europe, mais je n'aurai pas la ratification et donc il n'y aura pas d'accord. Est-ce que c'est cela l'ambition ? Avant de porter des jugements aussi définitifs, il faut, je dirai, réfléchir un peu. Il y a toujours dans la vie le souhaitable et il faut avoir, en permanence, une vision du souhaitable. Mais ensuite, il y a le possible et il faut avoir la capacité d'intégrer ce qui est possible et d'essayer d'aller de l'avant vers le souhaitable en passant par le possible. Et c'est ce que nous avons fait. C'est la raison pour laquelle je vous le dis : cet accord de Nice restera dans l'histoire de l'Europe comme un bon accord et même comme un accord très positif.
QUESTION - Alors vous évoquiez vous-même un sujet qui intéresse les Français très directement, c'est la sécurité alimentaire, l'affaire de la vache folle. Là, nous avons, pendant assez longtemps, nagé dans l'incohérence. Parce qu'il y a dix ans, les Anglais, par exemple, ont interdit que les farines animales soient utilisées par leurs animaux, mais continuaient à les exporter. La France n'a décidé finalement de les interdire qu'il n'y a quelques semaines, et nos autres partenaires, en partie d'ailleurs parce que vous avez beaucoup poussé les uns et les autres, vont décider de le faire dans quinze jours. On peut quand même dire que ce point de vue-là, cela a été très chaotique ?
LE PRESIDENT - C'est difficile de porter un jugement lorsque l'on n'a pas tous les éléments pour le porter. Moi, j'ai toujours pensé que ce qui était essentiel, c'était la mise en oeuvre du principe de précaution lorsqu'il s'agit de santé publique. J'ai toujours dit que si la santé publique est en jeu et même si l'on n'est pas sûr de quelque chose, il faut appliquer le principe de précaution, c'est-à-dire prendre des mesures quel qu'en soit le coût, les assumer de façon à être sûr de ne pas prendre de risque. Quitte, le cas échéant, s'il est démontré ensuite que le risque n'existait pas à revenir sur les mesures que l'on a prises. C'est dans cet esprit que je suis intervenu, et ça été très diversement apprécié, pour demander en toute hypothèse, la suppression des farines carnées pour les animaux. D'ailleurs, il faut reconnaître que c'est assez anormal comme processus. C'est de la même façon que j'ai demandé les tests obligatoires. Je sais bien que, scientifiquement parlant, ils ne sont pas encore tout à fait sûrs, qu'ils ne sont pas parfaits. Que cela présente des problèmes techniques, des problèmes matériels importants. Mais ce que je sais, c'est que ces tests obligatoires, c'est un progrès important même si ça ne règle pas tous les problèmes, un progrès important en direction de la sécurité. Et c'est la raison pour laquelle je l'ai demandé. Et cette impulsion de la France qui, finalement, a adopté ces mesures que j'avais proposées, cette impulsion de la France a été décisive pour que nos partenaires nous suivent. Et nous sortirons de ce processus, et là encore, sous présidence française et sous l'impulsion de la présidence française avec une très sérieuse amélioration de la situation. Nous devons être, en permanence, très, très vigilants sur ce point.
QUESTION - Vous faisiez vous-même allusion à ce que vous aviez dit le 7 novembre dernier ici même à l'Elysée. Vous aviez demandé l'interdiction des farines animales alors que vous saviez que le Gouvernement était en train de préparer un projet sur le sujet.
LE PRESIDENT - On le disait depuis longtemps, j'avais déjà dit au Premier ministre qu'il y avait urgence¿
QUESTION - ¿Lionel JOSPIN a dit qu'il vous en avait parlé d'homme à homme, à son initiative¿
LE PRESIDENT - Vous n'imaginez pas que je vais ouvrir une polémique avec le Premier ministre, de quelle que nature qu'elle soit. Ce serait tout à fait ridicule. Nous avons maintenant une situation qui est sur ce point satisfaisante, grâce à l'initiative du Gouvernement, je l'avais souhaité. Nous sommes allés dans le même sens et le résultat est positif. C'est la seule chose qui compte.
QUESTION - Moi je retiens quand même cette image où on vous voit tous les deux vous quereller, pratiquement devant le Chancelier SCHROEDER qui a regardé cela avec étonnement !
LE PRESIDENT - Ce n'est pas exact, je ne crois pas qu'on puisse le dire, ni le présenter comme cela.
QUESTION - Il n'y avait pas de désaccord entre vous deux, entre le Premier ministre et le Président de la République sur ce sujet ?
LE PRESIDENT - Non, pas plus qu'il n'y a eu le moindre désaccord, ni entre nous, ni entre nos collaborateurs pendant toute cette période dense, difficile, où il a fallu à la fois soutenir les intérêts de l'Europe et défendre les intérêts de la France et où il n'y a pas eu l'ombre d'une divergence de vue sur aucun sujet et une coopération totale, notamment de nos collaborateurs, à qui je tiens à rendre hommage, parce qu'ils ont beaucoup travaillé et pas beaucoup dormi.
QUESTION - Lionel JOSPIN parlait lui-même de fusion des esprits. Globalement quand même la cohabitation, ça marche ? Là, on a l'impression que ça se tend quand même un peu en ce moment ?
LE PRESIDENT - Attendez, j'entends dire la cohabitation c'est bien, c'est mal. Je le vois d'ailleurs dans les sondages. Je voudrais vous dire une chose : la cohabitation, c'est les Français qui l'ont voulu !
QUESTION - Parce que vous les avez provoqués un jour, en 97.
LE PRESIDENT - Naturellement, les Français, l'ont voulu. A partir du moment où les Français ont voulu la cohabitation, au nom de quoi est-ce que nous aurions pu mal jouer le jeu. Et aussi bien le Premier ministre que moi avons eu pour souci, en permanence, de faire en sorte que, tout en gardant chacun nos convictions, bien entendu, tout en ayant chacun nos responsabilités dans les domaines qui étaient les nôtres, nous ayons un comportement qui soit digne de la France et des Français, et qui puisse être perçu comme le comportement de responsables qui n'ont qu'une seule préoccupation : certainement pas celle de se disputer, mais celle de soutenir, chacun à leurs manières ce qu'ils estiment être l'intérêt de la France et l'intérêt des Français. Alors je ne dis pas qu'il n'y a pas des difficultés ou des problèmes. Il ne peut pas ne pas y en avoir, à partir du moment où il y a une divergence de vues sur certaines orientations essentielles, tout est dans la manière de les exprimer.
QUESTION - A mesure que va se rapprocher le calendrier¿
LE PRESIDENT - Oui peut-être, je ne le souhaite pas. La seule chose qui compte et c'est ma conviction - je suis persuadé que c'est aussi celle du Premier ministre-, c'est d'avoir présent à l'esprit, que nous sommes là pour servir les Français et non pas pour nous disputer.

QUESTION - Alors, cela dit, moi j'ai eu l'impression, peut-être que je peux me tromper, d'une sorte de mesure de rétorsion de sa part, après l'affaire donc de la " vache folle ", qui a été l'inversion du calendrier. Nous vous avions interrogé, je crois que c'était en juin dernier, sur ce sujet-là et vous nous aviez dit non. Non, il ne faut pas le faire parce que ce sera interprété comme une sorte de tricherie. Les Français n'aiment pas qu'on change la règle du jeu. Est-ce que vous avez changé d'opinion sur ce sujet-là ?
LE PRESIDENT - Non je n'ai pas changé d'opinion. Le problème de savoir, si dans l'esprit de nos institutions et pour le bon fonctionnement de celles-ci, l'élection présidentielle doit arriver d'abord et être suivie par les législatives, cette question se pose. Et on peut très bien défendre cette thèse.
QUESTION - C'est la thèse gaulliste disent, par exemple ceux qui la poussent.
LE PRESIDENT - On peut très bien défendre cette thèse. Encore faudrait-il naturellement, en tirer les conséquences, c'est-à-dire : premièrement ouvrir un vrai débat, parce que c'est un point important, sur la nature même de nos institutions, et ensuite, pour que ce système fonctionne de façon permanente et non pas une fois, l'intégrer dans nos institutions, c'est-à-dire faire une réforme de la Constitution.
QUESTION - Cela voudrait dire plus de droit de dissolution.
LE PRESIDENT - Cela voudrait dire beaucoup de choses. Cela voudrait dire une réforme profonde de notre Constitution, n'entrons pas ce soir dans le détail.
QUESTION - Mais cela, vous y êtes hostile.
LE PRESIDENT - Alors, je suis tout à fait ouvert de ce point de vue à un vrai débat, mais cela ne peut pas être un débat à la sauvette. C'est un vrai débat pour une question importante. Vous savez, toucher une constitution, c'est toujours très dangereux. Vous parliez tout à l'heure des Etats-Unis et j'entendais Al GORE, il y a quelques jours, dire : " respecter la Constitution c'est la garantie de la liberté des citoyens ". C'est vrai, c'est très, très important une constitution, il faut la respecter. Alors on peut la changer, si on veut, nous avons cette habitude, à mes yeux, mauvaise, en France de le faire régulièrement.
QUESTION - Vous-même vous nous l'avez proposé il y a à peine deux mois.
LE PRESIDENT - C'était un ajustement, ce n'était pas une réforme constitutionnelle importante, qui d'ailleurs va dans le sens de la réduction des risques de cohabitation. Donc on pouvait ouvrir ce débat. Mais l'idée de régler non pas le problème, mais de régler le seul problème de la prochaine élection, à la sauvette, par une loi, où les députés vont se donner trois mois ou quelques semaines de plus de mandat par rapport au temps pour lequel ils avaient été élus, et qui ne règle rien du tout naturellement, qui le règle au mieux pour une seule fois. Car supposez qu'il y ait une dissolution, supposez que le Président de la République ait un accident et meure, tout serait à nouveau changé. Cela est une mesure de circonstance, de convenance¿
QUESTION - ¿Pour un homme.
LE PRESIDENT - ¿Peu importe.
QUESTION - C'est lui qui l'a voulu, c'est quand même le Premier ministre qui l'a voulu.
LE PRESIDENT - Mais c'est une mesure qui ne me paraît pas convenable, dans la mesure où elle ne respecte pas aussi un principe selon lequel on ne change pas, en démocratie, les règles du jeu si près d'une échéance.
Donc, effectivement, je ne suis pas favorable à cette modification. Je ne dis pas non à son principe qui exigerait, je le répète, un débat et une réforme constitutionnelle, mais à cette combinaison limitée à une élection, à un an et demi de cette élection, donc dans des conditions qui ne sont pas, je trouve, très dignes. Voilà pourquoi je n'y suis pas favorable.
QUESTION - Tous les députés de l'opposition qui vous écoutent ce soir, qui attendent votre parole, vous leur dites : ne votez pas¿
LE PRESIDENT - Messieurs les députés de l'opposition prendront les décisions qu'ils voudront prendre. Je n'ai pas à donner de leçon au Parlement.
QUESTION - Est-ce que cela avantage un camp plutôt qu'un autre de commencer par la présidentielle ou pas ?
LE PRESIDENT - Je n'en sais rien.
QUESTION - Vous avez fait des études¿
LE PRESIDENT - Non. En tous les cas, moi je n'ai pas fait d'étude. C'est le principe que je conteste. Ce n'est pas l'intérêt des uns ou des autres.
QUESTION - Au fond, pourquoi pas le même jour d'ailleurs, les deux élections le même jour ?
LE PRESIDENT - Cette manie française de vouloir en permanence changer les règles, notamment à l'approche des échéances, est une mauvaise manie.
QUESTION - Au passage, que pensez-vous des conseils éclairés que vous prodiguez, assez régulièrement, l'un de vos anciens prédécesseurs, Valéry GISCARD D'ESTAING, sur le quinquennat, sur l'inversion du calendrier ?
LE PRESIDENT - Je prends toujours note avec beaucoup d'intérêt, beaucoup de soin de ce que dit M. GISCARD D'ESTAING, car c'est un homme qui a de l'expérience et donc, ce qu'il dit n'est pas négligeable.
QUESTION - Vous lui dites de jeter la rancune à la rivière, comme il l'avait proposé une fois.
LE PRESIDENT - Voilà.
QUESTION - Lorsqu'on vous avait interrogé, ici même, le 14 juillet dernier à propos de la Corse, vous nous aviez répondu que vous ne vouliez pas vous exprimer parce que vous ne connaissiez pas le projet exact du Gouvernement. Ce projet, on le connaît maintenant puisqu'il a été examiné déjà par l'Assemblée territoriale corse qui l'a ratifié. Il va être examiné par la représentation nationale à Paris, en février. Qu'en pensez-vous ? Est-ce que vous pensez, comme Jean-Pierre CHEVENEMENT, qu'il porte atteinte à l'unité de la République ?
LE PRESIDENT - Vous savez, je serais là encore prudent, parce que l'expérience m'a montré que tant qu'on n'avait pas un projet officiel, présenté par le Gouvernement¿.
QUESTION - Mais là, vous l'avez.
LE PRESIDENT - Pas encore.
QUESTION - Vous allez l'avoir dans quelques jours.
LE PRESIDENT - Peu importe¿
QUESTION - ¿et adopté en Conseil des ministres
LE PRESIDENT - Je ne l'ai pas et donc je suis prudent. Je ne veux pas faire de procès d'intention à quiconque, et certainement pas au Gouvernement. Maintenant, je vais vous donner mon avis. D'abord, que souhaitent les Corses ? Je crois que la très grande majorité des Corses souhaitent rester Français et dans la République, qu'ils souhaitent un retour à la paix, notamment à la paix civile, et qu'ils souhaitent que les caractéristiques de leur île soient prises en considération pour qu'ils puissent s'épanouir mieux dans leur ensemble français, européen et méditerranéen.
A partir de là, je comprends que l'on va prendre un certain nombre de dispositions, d'une part pour donner à la Corse un certain nombre de capacités de décision, c'est-à-dire la décentralisation et, d'autre part, prendre des mesures d'ordre économique, financier, fiscal pour faciliter le développement de la Corse.
Jusqu'ici, je dis bravo. Il appartiendra au Parlement naturellement de juger, mais je ne peux qu'être favorable à des mesures qui rapprochent les décisions des citoyens, qui améliorent les conditions de vie de la Corse et qui, notamment, prennent en compte les handicaps de l'insularité qui sont de vrais handicaps, et qu'on n'a probablement pas suffisamment pris en compte jusqu'ici.
QUESTION - A quel endroit, commencez-vous à vous méfier ?
LE PRESIDENT - Au-delà, j'entends dire que l'on pourrait avoir des transferts de compétences législatives et réglementaires à la Corse d'une part, et d'autre part, que la langue corse pourrait être obligatoirement enseignée dans les écoles.
QUESTION - Sauf avis contraire de la part des parents d'élèves.
LE PRESIDENT - Oui. Mais cela veut dire obligatoirement enseignée. Là, je dis : " attention ". Dans notre République, dans notre pacte républicain c'est le Parlement qui fait la loi et qui seul peut l'adapter, et c'est le Gouvernement qui fait les décrets et qui seul peut les adapter. Donc, transférer ce pouvoir, qui est un pouvoir du Parlement ou du Gouvernement, sur les lois ou sur les décrets à une région, est quelque chose qui change tout et qui ouvre deux voies possibles, soit la dissociation de la Corse de la République - la Corse ayant un régime particulier- qui ne serait donc plus dans la République et qui aurait tendance à vivre sa vie. C'est un choix. Soit, on décide, sur leur revendication d'ailleurs probablement, de donner à toutes les régions de France les mêmes avantages et les mêmes moyens. Cela veut dire que la France n'est plus une république unitaire mais devient une fédération de régions. C'est un grand changement.
Alors, je ne dis pas qu'il ne faut pas le faire. Je dis que, là encore, on ne peut pas le faire sans le dire et qu'il faut alors que les Français soient conscients que l'on change le pacte républicain. Cela suppose naturellement une réforme constitutionnelle qui, elle, ne pourrait être adoptée que par la voie du référendum.
QUESTION - Dans tous les cas de figure, vous saisirez le Conseil constitutionnel pour avis ?
LE PRESIDENT - Non. Je suis tout à fait persuadé que le Conseil constitutionnel sera saisi. Il lui appartient, en dernier ressort, de dire le droit et donc, ce qu'il dira sera naturellement bien dit. Ou bien, le Conseil constitutionnel considère que le texte de loi n'oblige pas à une modification de la Constitution et, alors, je ne pourrais que l'approuver naturellement. Ou bien, le Conseil constitutionnel dit que le texte de loi n'est pas conforme à la Constitution, change la nature de notre pays, met en cause l'unité de la République, alors, naturellement, il faudra une autre procédure qui est une réforme constitutionnelle à l'issue d'un grand débat national sur la nature du pacte républicain français.
QUESTION - Depuis quelque temps, Monsieur le Président, la France, un peu à l'image des bourgeois de Calais, se retrouve en robe de bure et avec disons des " colliers, de chaînes au cou ", et elle évoque toujours la repentance, notamment lorsqu'il s'agit de se retourner sur son passé. Le dernier épisode en date, c'est la guerre d'Algérie, la torture puisque des officiers généraux ont reconnu avoir torturé. Vous-même, vous avez connu cette guerre d'Algérie¿
LE PRESIDENT - ¿Je n'ai pas connu cet aspect-là.
QUESTION - ¿Je m'en doute bien¿
LE PRESIDENT - ¿J'étais dans le Djebel. Je n'étais pas dans les villes.
QUESTION - Vous avez servi longtemps, comme beaucoup de jeunes gens de votre génération. On voit bien que cela a déchiré les Français. Etes-vous de ceux qui disent : oui, il faut que l'on s'excuse. Il faut qu'il y ait une repentance. Ou bien de ceux qui disent : c'était la guerre, c'était les circonstances. Il y avait torture, parce qu'il y avait possibilités d'actes terroristes et donc de victimes innocentes ?
LE PRESIDENT - La rupture entre la France et l'Algérie a été excessivement douloureuse pour les deux pays, excessivement douloureuse et a donné lieu à une guerre longue et rude. Une guerre.
A l'issue de cette guerre, et avec l'indépendance de l'Algérie, nos deux pays, petit à petit, ont emprunté le chemin du rapprochement et de la paix. Nous sommes voisins, nous avons des quantités de liens, il y a beaucoup d'Algériens en France. Nous devons poursuivre ce chemin du rapprochement et de la paix. C'est une première observation. Nous devons donc être très attentifs et regarder les réactions en Algérie, elles sont intéressantes.
QUESTION - Ils en parlent assez peu, finalement.
LE PRESIDENT - Oui. Nous devons être très attentifs à ne pas créer, je dirais, d'événement qui pourrait raviver les plaies du passé. Il y a eu en Algérie, c'est certain, et des deux côtés, des deux côtés, des atrocités que l'on ne peut que condamner sans réserve, évidemment, sans réserve. Elles ont eu lieu. Elles ont été le fait, naturellement, de minorités. Mais à côté de ça, vous avez des millions de jeunes Français, d'origine algérienne ou d'origine métropolitaine, qui se sont battus, sous le drapeau français, aux ordres du gouvernement français¿
QUESTION - Et qui sont souvent bien oubliés aujourd'hui¿
LE PRESIDENT - Oui. Qui l'ont fait avec courage, avec détermination et dont la France peut être fière. Je ne ferai jamais rien pour ma part qui puisse abîmer leur image ou salir leur honneur. C'est la raison pour laquelle je dis que, dans ce type de situation, il faut prendre son temps et laisser l'histoire faire son travail.
QUESTION - Ce matin, on a découvert un nouveau Président des Etats-Unis, on s'en doutait un peu, mais enfin cela a duré quand même pendant plus de cinq semaines, Georges W. BUSH. Vous le connaissez personnellement ? Qu'est-ce que vous en pensez ? C'était le favori de votre coeur ?
LE PRESIDENT - Je n'avais aucun favori : je ne fais pas d'ingérence dans les affaires intérieures des Etats-Unis. Je ne connais pas le nouveau Président, je connaissais bien son père, de même que je connaissais bien le vice-Président Al GORE. Je suis persuadé que le nouveau Président, comme d'ailleurs l'aurait fait certainement Al GORE, dans la situation, je dirais, de moitié-moitié où il se trouve, aura à coeur d'être vraiment le Président de tous les Américains.
QUESTION - Cela va changer quelque chose dans les rapports franco-américains ?
LE PRESIDENT - ¿Et ça, c'est capital. Un Président, élu au suffrage universel, doit en toute hypothèse, et quels que soient les résultats des élections, avoir la profonde conviction, et donc le comportement, qu'il est le Président de tout un peuple et non pas uniquement de ceux qui l'ont élu. Et ça, c'est capital. Et je suis sûr que ce sera¿
QUESTION - ¿Et cela vous a amusé un petit peu de regarder justement cette plus grande démocratie au monde qui envoie les observateurs lorsqu'il y a des scrutins litigieux¿
LE PRESIDENT - Il y a eu des incidents. Je constate que la nation américaine a traité ça avec beaucoup d'élégance, sans aucune crispation particulière, et je le répète, dans un très grand souci de respecter ses institutions, sa Constitution. Et ça c'est capital. Quand un peuple respecte sa Constitution, il assure ses libertés fondamentales.
QUESTION - Et vous pensez, comme Lionel JOSPIN, qu'il y aura toujours incertitude et qu'au fond ce sera un Président un peu affaibli, non ?
LE PRESIDENT - Je n'ai pas entendu le Premier ministre dire cela. Pas du tout.
QUESTION - Et sur l'incertitude ? Il a dit : " il y aura toujours une incertitude "à
LE PRESIDENT - Oui, peut-être, mais il n'a pas du tout dit que le Président serait affaibli¿
QUESTION - Non, non, absolument.
LE PRESIDENT - Et je ne crois pas du tout que le Président américain sera affaibli. Je crois que ce sera un Président, le Président de tous les Américains et un Président qui réussira plus ou moins bien en fonction de ses qualités personnelles, mais qui ne sera pas contesté.
QUESTION - Alors, pendant un an, l'actuel Président américain, qui l'est encore pour un mois, Bill CLINTON, a été mitraillé de questions sur l'affaire LEWINSKI, alors même que parfois il se retrouvait en compagnie de dirigeants internationaux. Et au fond, vous commencez, vous, à vivre une situation de ce type, évidemment sur un tout autre sujet, sur les affaires de la Mairie de Paris, et sur le Conseil régional d'Ile-de-France. Première question d'abord : est-ce que vous avez été secoué, choqué, par la mise en examen et surtout l'incarcération de Michel ROUSSIN, qui fût votre collaborateur ?
LE PRESIDENT - Je voudrais commencer par vous dire quelque chose à ce sujet. Faire deux rapides réflexions. Je vois l'importance que l'on attache à l'ensemble des affaires entre guillemets, et j'entends ici ou là parler de crise morale, de crise politique, de crise.
Je voudrais qu'on revienne un peu tout de même aux faits. Pour que les Français sachent de quoi il s'agit. Ce dont il s'agit, ce sont des faits qui sont intervenus à la fin des années 80 et au début des années 90, liés au financement des partis politiques, de tous les partis politiques, dont les dépenses à cette époque ont connu une forte croissance, liée en particulier à la croissance de la publicité, et qui n'avaient évidemment pas les moyens normaux de les assumer. Et à partir de là il y a eu une dérive qui a conduit ces partis à rechercher par tous les moyens de l'argent et à rechercher cet argent. Où ? Eh bien là où il était, c'est-à-dire dans les entreprises. On a donc eu un phénomène dangereux qui s'est développé et dont on n'a pas pris conscience à temps, ni conscience des conséquences qu'il pourrait comporter sur le plan de l'éthique et de la morale. Cela, c'est un fait. A partir de là, devant le développement de ce phénomène, on a commencé à réagir. Je me permets de vous dire que j'ai été le premier à le faire. En 1988, mon gouvernement, j'étais Premier ministre, a déposé la première loi relative au financement des partis politiques. Bon. En 1990, M. ROCARD, M. Michel ROCARD, Premier ministre, a amélioré cette loi. Elle a été à nouveau améliorée en 1993, elle l'a été surtout par M. BALLADUR en 1995, qui, lui, a pris des décisions essentielles. C'est-à-dire l'interdiction pour les entreprises de faire des dons aux partis politiques. Jusqu'ici c'était légal, autorisé, dans certaines limites. Et décision d'autre part de limiter, ce qui était sage et nécessaire, le niveau des dépenses autorisées pour une campagne électorale quelle qu'elle soit. La situation s'est donc, du même coup, assainie. Les partis politiques n'ont plus eu besoin de trouver autant d'argent et ils ont été limités par les contrôles dans l'argent qu'ils recevaient. Les partis ont été contrôlés, de façon très stricte, par des experts. Bien. Voilà la situation. Ce qui veut dire que, aujourd'hui¿
QUESTION - C'est une époque révolue¿
LE PRESIDENT - Aujourd'hui ces pratiques n'ont plus cours. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas les condamner, naturellement mais elles n'ont plus cours. Cela me permet de conclure ma première remarque. La deuxième sera très brève. Il n'y a pas de crise morale ou de crise politique en France aujourd'hui. Il y a le fait qu'on doit assumer et qu'il faut assumer des événements qui se sont passés il y a dix ans, ou il y a un certain nombre d'années, et il est nécessaire de les assumer. Et ça c'est le rôle de la justice qui doit le faire en toute sérénité et en toute liberté naturellement, mais il n'y a pas aujourd'hui de phénomène de cette nature. Pourquoi est-ce que je dis ça ? Parce que le développement médiatique qu'on donne à cela a deux conséquences. La première c'est qu'il atteint directement la démocratie. On explique cela aux Français qui ont l'impression que c'est la situation actuelle et on nourrit ainsi le vieux penchant, vous savez "tous pourris" dont on sait très bien les conséquences qu'il peut comporter, les drames auxquels il peut conduire. C'est extrêmement dangereux. Je dis non. Et je dis aux Français vous n'êtes pas dans un pays où la corruption règne. Il y a eu des abus, ils seront sanctionnés, mais aujourd'hui nous ne sommes pas dans un pays corrompu. Et deuxièmement, sur le plan international, je suis tout de même très frappé de constater que l'on donne une image qui n'a rien à voir avec la réalité de la situation aujourd'hui en France. Ceci est très préjudiciable à notre image bien sûr, mais aussi à nos intérêts. Alors je souhaite que la " justice spectacle " -parce que ce n'est pas la justice qui est en cause, c'est une certaine exploitation qui est en cause-, s'arrête un peu. Qu'on retrouve la raison parce qu'il est dangereux pour la démocratie, il est dangereux pour la France que l'on fasse, par amalgame, croire à tout le monde que l'on est dans une situation qui n'est pas la nôtre alors que nous sommes en train de rechercher les coupables et ça, ce n'est pas vous qui pouvez le dire, ce n'est pas moi, c'est la justice et qu'elle le fasse sereinement !
Et ma deuxième remarque, c'est que, en toute hypothèse, et ça a toujours été ma position, il ne saurait y avoir d'amnistie. Cela c'est clair. Je le dis parce qu'on en a parlé, on ne traite pas ces problèmes par la voie de l'amnistie ou de je ne sais quelle repentance¿
QUESTION - Ni amnistie, ni repentance¿ François FILLON disait que les hommes politiques étaient un peu hypocrites¿
LE PRESIDENT - On ne traite pas ces problèmes de cette manière. S'il y a eu des choses condamnables, elles doivent être condamnées. Mais pour les condamner, il faut s'en remettre à la justice et à elle seule. En respectant les principes fondamentaux de la justice en France, c'est-à-dire notamment le secret de l'instruction et aussi la présomption d'innocence qui a été trop souvent bafouée. Je fais une entière confiance à la justice dont le rôle est difficile, surtout en raison de cet environnement médiatique, il faut y faire attention, il en va de la démocratie et il en va de l'image de la France et de ses intérêts à l'extérieur.
QUESTION - Vous évoquez à l'instant la justice spectacle. Est-ce que l'incarcération de Michel ROUSSIN par exemple se justifiait¿
LE PRESIDENT - Je n'ai aucun jugement¿
QUESTION - ¿est-ce que cette détention était acceptable ?
LE PRESIDENT - Vous n'attendez pas de moi que je porte un jugement sur ce que font des juges.
QUESTION - Ou alors sur l'homme par exemple, vous avez confiance en Michel ROUSSIN, c'est un ami¿
LE PRESIDENT - Attendez, sur l'homme, c'est tout à fait différent. Je n'ai pas l'intention, Monsieur POIVRE D'ARVOR¿je suis es-qualité, en tant que Président de la République, garant de l'indépendance de la justice. Vous n'attendez pas de moi que je porte un jugement sur ce que fait la justice. Ce que je dois faire c'est assurer son indépendance. Cela c'est l'essentiel et ça m'interdit naturellement de porter quelque jugement que ce soit sur ce qu'elle fait. Je considère d'ailleurs que ce qu'elle fait, elle le fait bien. Et je n'ai, de ce point de vue, aucune réserve à faire d'aucune sorte.
Alors si vous me demandez ce que je pense de Michel ROUSSIN, je vous dirai que j'en pense le plus grand bien. J'ai connu Michel ROUSSIN, qui était un jeune officier de l'armée française, un jeune officier de gendarmerie, quand je suis arrivé la première fois à Matignon. Il a fait ensuite une fort belle carrière. D'abord auprès de moi et ensuite au gouvernement et j'ai été malheureux, malheureux de ce qui lui est arrivé. Je voudrais tout de même vous faire remarquer là aussi les conséquences de cette spectacularisation des choses. ROUSSIN a été mis en examen, quand il était ministre. Avec beaucoup d'élégance il a immédiatement démissionné. Cela été pour lui un véritable drame, pour lui et pour sa famille. Et puis cela a duré quelque temps et au bout du compte il a eu un non-lieu. Alors là, personne n'en a parlé, naturellement. Donc je dis : " faisons attention ". Il y a un minimum de respect qu'il faut avoir pour la personne humaine et ça c'est vrai de la part de tout le monde, c'est vrai de la part du Parlement, c'est vrai de la part de l'exécutif, c'est vrai de la part de la justice, c'est vrai de la part des médias. Un certain respect de la personne humaine.
QUESTION - Sans justement parler de jugement sur la justice, on peut avoir un jugement moral. Est-ce que vous, par exemple, vous saviez qu'il pouvait y avoir 2% de commission qui étaient prélevés sur le marché de la réhabilitation des lycées d'Ile-de-France et versés au profit des plus grands partis politiques, le PR, le PS, le PC mais aussi le RPR dont vous étiez le Président, est-ce que vous le saviez ça ?
LE PRESIDENT - Monsieur POIVRE D'ARVOR, d'abord, je ne le savais pas, première réponse. Je ne le savais pas pour une raison simple, c'est que, en tant que Président du RPR, je ne me suis jamais occupé, ce n'était pas ma fonction, pas plus que ce n'était celle, j'imagine, des autres responsables d'un grand parti politique, des problèmes de financement. Mais surtout il y a une deuxième raison, je vais vous dire le fond de ma pensée, je ne porte, naturellement, aucun jugement sur l'affaire elle-même. Elle est entre les mains de la justice.
QUESTION - Mais si elle est avérée, elle est grave, à vos yeux ?
LE PRESIDENT - Si elle est avérée, elle est grave. Je vais vous dire très franchement une chose, je ne peux pas y croire. Je ne peux pas y croire. Qu'il y ait eu des ententes avec une entreprise par-ci, une entreprise par-là, cela c'est tout à fait probable. Cela faisait partie de ces dérives que je dénonçais tout à l'heure, et qui doivent être recherchées et, le cas échéant, condamnées. Mais qu'il y ait eu un système, où les partis politiques de la majorité, de l'opposition se seraient mis ensemble pour se partager je ne sais quel gâteau ? Si c'est démontré, je serai le premier à le condamner. Mais honnêtement, honnêtement, je n'y crois pas beaucoup.
QUESTION - Et si cela était démontré, vous seriez d'accord avec Philippe de VILLIERS, par exemple, pour que cet argent soit reversé dans le cadre du financement des partis politiques, qu'il ne soit pas redonné ?
LE PRESIDENT - Vous voyez Monsieur POIVRE D'ARVOR, en 1995, la loi BALLADUR a eu pour effet d'interdire le financement des partis politiques par les entreprises. Avant, elles pouvaient. Les entreprises finançaient, dans certaines limites, les partis politiques. Donc il était très difficile de distinguer ce qui était légal dans ces versements de ce qui ne l'était pas. A partir de 1995, les choses sont claires : tout versement d'une entreprise à un parti politique, quel qu'il soit puisqu'ils sont tous concernés, devient illégal. Là ça ne se discute plus. Donc le problème, c'est de savoir ce qui c'est passé à partir de 1995, à partir du vote de la loi. Est-ce que ces pratiques, si elles ont eu lieu avant et je suis sûr qu'elles ont du avoir lieu dans une certaine mesure, j'imagine, d'après ce que j'entends, si elles se sont poursuivies alors qu'elles étaient illégales, c'est-à-dire après le vote de la loi 1995, alors là, c'est beaucoup plus condamnable, si j'ose dire. Et là, je considère qu'il faudrait sérieusement envisager de demander le remboursement des sommes en question, à partir du moment où la loi a interdit les versements d'argent par les entreprises aux partis politiques.
QUESTION - On disait tout à l'heure dans le journal que le procureur près la cour d'appel de Paris, Alexandre BENMAKHLOUF, avait démissionné parce qu'il était en butte à un certain nombre de critiques qu'il n'avait pas supportées, qui mettaient en cause justement son impartialité. Est-ce que vous pensez que le Garde des Sceaux aurait du protéger son honneur, que vous-même, Président du Conseil supérieur de la magistrature vous devriez le faire. Est-ce ça vous a étonné, cette démission ?
LE PRESIDENT - Je ne porterai pas de jugement sur le cas particulier que vous évoquez.
QUESTION - Il s'agit quand même d'un de vos anciens collaborateurs ?
LE PRESIDENT - C'est exact. Mais qui était depuis, tout à fait dans des fonctions judiciaires d'une indépendance totale. Je dirai simplement que cela me préoccupe un peu de voir un haut magistrat, je pourrais dire la même chose d'un haut fonctionnaire, injustement et grossièrement injurié, et qui est obligé ou qui se croit moralement obligé, de donner sa démission, est quelque chose qui n'est pas normal et qui est dangereux pour la démocratie.
QUESTION - Jean-Claude MERY ment-il quand il dit qu'il a remis de l'argent à votre chef de cabinet de l'époque, justement, Michel ROUSSIN dans votre bureau à Matignon ?
LE PRESIDENT - Monsieur POIVRE D'ARVOR, on a parlé des affaires. On évoque cette affaire de M. MERY. Je voudrais tout d'abord vous dire une chose. Je vous l'ai rappelé tout à l'heure, j'ai été le premier à prendre conscience parmi les responsables politiques des dérives et des dangers des financements incontrôlés des partis politiques et le premier à présenter une loi qui a été ensuite améliorée, mais enfin, j'ai été le premier à en prendre conscience. Je suis le premier responsable politique, Premier ministre, à avoir fait un discours à l'Assemblée nationale pour présenter une loi destinée à limiter ou à interdire ces dérives. J'ai toujours voté ou je me suis toujours prononcé contre l'amnistie. Toujours. Lorsqu'en 1990, le problème s'est posé, j'ai voté contre la loi, non pas parce qu'elle prévoyait le contrôle des financements, mais à cause de l'amnistie. Et depuis je n'ai jamais changé de cap.
En 1997, c'est moi qui ai réuni une commission, dont j'ai donné la présidence au Premier Président TRUCHE, pour une réforme de la Justice, de façon précisément à donner plus de moyens, plus d'indépendance, plus de facilités aux magistrats pour qu'ils recherchent, notamment tout ce qui pouvait se faire et qui n'était pas conforme à la loi, au droit, à la morale, à l'éthique.
Je voudrais vous dire que je n'ai, dans ce domaine, de leçons à recevoir de personne. Alors quand je vois que l'on prétend que je suis allé dans le bureau d'un de mes collaborateurs pour assister à la remise, par quelqu'un avec qui je n'ai jamais eu de relation personnelle, d'une valise de billets¿ Eh bien, je vais vous dire, dans un premier temps, je suis stupéfait et dans un deuxième temps, je suis profondément blessé.
Je me suis engagé, en politique, en Corrèze puis à Paris et dans des responsabilités nationales avec une certaine idée de l'éthique, de la morale incompatible avec ce genre de choses. Si vous interrogez les gens qui me connaissent en Corrèze ou à Paris ou ailleurs - je ne parle pas du milieu politique -, vous trouverez des gens qui disent sur moi des choses agréables, d'autres des choses désagréables. Vous en trouverez qui me critiquent ou d'autres qui m'approuvent. Vous n'en trouverez jamais qui disent que je suis un homme d'argent ou que je suis un homme qui pourrait transiger avec l'honnêteté ! Et c'est la raison pour laquelle, Monsieur POIVRE D'ARVOR, cette affaire dans laquelle je ne peux rien dire, car je ne peux même pas, vous le savez, c'est contraire à la tradition républicaine, porter plainte en diffamation ou faire quoi que ce soit en raison de la séparation des pouvoirs, cette affaire m'a profondément blessé.
QUESTION - Et si un juge demandait à vous entendre comme témoin dans cette affaire, vous répondriez à cette convocation ?
LE PRESIDENT - Non, non, Monsieur POIVRE D'ARVOR. Non. Malheureusement. Vous touchez là un problème important, car je sais bien qu'une immense majorité des Français - il y a eu des sondages sur ce point- se disent : "Mais, le Président de la République, il est quelqu'un comme tout le monde et donc si un juge veut l'interroger, il doit pouvoir l'interroger". Il faut savoir et comprendre les choses. Mon intérêt et ma pente naturelle seraient d'accepter. Etre entendu comme témoin me permettrait de tordre le cou à un certain nombre de rumeurs, d'insinuations que font courir un certain nombre de gens sachant parfaitement que je ne peux pas me défendre. De la même façon, je pourrais changer la tradition républicaine et décider de porter plainte en diffamation à l'égard d'un certain nombre de choses que j'entends ou que je lis contre moi, dans le cadre de toutes ces manipulations, de toute cette volonté de déstabiliser les hommes politiques et notamment, naturellement le chef de l'Etat pour des raisons que je ne tiens pas à développer, et néanmoins je ne le fais pas. Le chef de l'Etat tient son pouvoir de l'ensemble des Français. Il est le garant de la continuité de l'Etat. Il ne peut pas être soumis au pouvoir législatif, ni au pouvoir judiciaire, ni d'ailleurs au pouvoir militaire, c'est pour cela, notamment, qu'il est le chef des armées. Tous ceux qui m'attaquent sachant très bien que je ne peux pas me défendre, que je ne peux pas être entendu, que je ne peux pas porter plainte en diffamation, peuvent dire tout ce qu'ils veulent en toute sérénité et sans courir aucun risque. Je suis la victime permanente dans cette affaire.
QUESTION - Oui, mais n'oubliez pas immunité pénale, il y a plus de privilège de juridiction en ce moment.
LE PRESIDENT - Attendez, ce sont les servitudes de la fonction. Il y a aussi ses grandeurs, la séparation des pouvoirs. Je suis le gardien, je suis le garant de l'indépendance de la Justice, je préside le Conseil supérieur de la magistrature, je nomme les magistrats au terme d'une procédure qui leur garantit cette indépendance. Je ne peux pas dépendre d'un magistrat.
QUESTION - Y compris pour des faits qui sont antérieurs à vos fonctions ?
LE PRESIDENT - Pour quoi que ce soit, tant que je suis en fonction, c'est un système qui existe dans toutes les constitutions des grandes démocraties, c'est le système dont j'ai hérité et c'est celui que je transmettrai à mon successeur¿
QUESTION - ¿Ne pensez-vous pas qu'il est sain de changer après votre mandat ?¿
LE PRESIDENT - ¿Je crois qu'il commettrait une grave erreur et que là, encore par insouciance ou par démagogie, il mettrait en cause quelque chose d'essentiel dans nos institutions. Il faut respecter la constitution, Monsieur POIVRE D'ARVOR, d'autant, qu'il n'y a pas de vide juridique pour le chef de l'Etat. Si le chef de l'Etat a fauté ou si il faute, il y a une responsabilité. Il est élu par l'ensemble du peuple français, dont il tient sa légitimité, il répond devant le peuple français, c'est-à-dire devant ses représentants, et c'est la Haute Cour de Justice. La Constitution a prévu les choses. Si le chef de l'Etat a fauté avant ou faute pendant ses fonctions, il y a une procédure particulière qui est la Haute Cour de Justice et qui est conforme à l'esprit même des institutions. Le chef de l'Etat n'est pas un citoyen tout à fait comme les autres, il assure la continuité de l'Etat, il la garantit.
QUESTION - Est-ce que vous pensez comme Raymond BARRE qui l'a dit dans " Lyon MAG " que lorsqu'on occupe une fonction importante et qu'il y a un soupçon sur la personne qui occupe cette fonction, il faut partir. Est-ce que vous y avez songez ? Par exemple ?
LE PRESIDENT - Je n'ai pas vu cette réflexion ! Mais je ne fais pas ce genre de songe.
QUESTION - Est-ce que vous pensez que, alors là cela ne vous concerne pas directement mais, si un ministre, par exemple, et là on a cité dans des procès-verbaux, le nom d'un ministre qui a été trésorier.
LE PRESIDENT - Là je vous arrête, je ne ferai pas de personnalisation, je ne ferai aucune personnalisation. Ce n'est pas dans ma fonction et je n'ai pas de jugement à porter ni sur un ministre ou sur qui que ce soit. Je vous ai dit les principes qui fondent mon action, ma volonté et ma détermination à assurer d'une part l'indépendance de la Justice, qui fait bien son travail et d'autre part à faire en sorte que si il y a eu des fautes commises, elles soient sanctionnées. Ceci étant, je le répète, ce que je souhaite c'est que l'on garde raison et que l'on ne condamne pas les gens avant même que la justice ne l'ait fait. Je ne peux pas admettre que les gens soient ainsi traités, sans aucun égard pour leur personnalité, pour leurs droits, pour la présomption d'innocence qui est à la base même de notre justice, par des irresponsables qui cherchent uniquement à se tailler des succès personnels. Ce n'est pas admissible. Il faut respecter les gens. La première réforme à faire c'est que chacun fasse son travail.
QUESTION - Et la république des juges ? Cela vous inquiète ?
LE PRESIDENT - Pas du tout. Si chacun fait son travail convenablement, les choses seront bien gérées. Nous avons un Parlement, des hommes politiques qui doivent faire la Loi, qu'ils fassent la Loi. Nous avons des juges qui doivent dire le Droit, et ils le disent bien. Et que l'on cesse de vouloir en permanence mélanger les genres et pour servir des opérations politiciennes les plus basses, d'essayer de déstabiliser les uns et les autres, quand ce n'est pas simplement pour vendre du papier. Que l'on cesse par respect pour la Démocratie, pour la France, pour l'Homme. Que l'on cesse ce genre d'abus. Voilà ce que je voulais dire, cela me paraît important, et je fais confiance à chacun pour assumer son rôle. Nous ne sommes pas, je le répète, dans un pays en crise, ni morale, ni politique. Nous sommes dans un pays qui est plein de dynamisme, dont on voit tous les jours les succès à l'extérieur. Moi qui voyage je m'en rends compte. On voit à quel point dans tous les domaines le dynamisme permet le progrès, nous voyons une jeunesse formidable qui s'est lancée dans les nouvelles technologies, et voilà que l'on essaye de donner une autre image de notre pays mais ce n'est pas l'image de notre pays.
QUESTION - Alors cela va me permettre de vous poser la dernière question, est-ce que tout cela, ce que je viens d'évoquer vous dégoûte de la politique ou au contraire vous donne envie de vous représenter dans un an et demi à la présidentielle ?
LE PRESIDENT - Je vais vous dire une chose Monsieur POIVRE D'ARVOR, là encore, nous sommes en 2000¿
QUESTION - Plus pour très longtemps, encore 15 jours.
LE PRESIDENT - Personne ne peut sérieusement contester que nous soyons en 2000
QUESTION - Vous avez raison.
LE PRESIDENT - Les élections présidentielles et législatives, ou législatives et présidentielles, auront lieu en 2002. Entre temps, il y a 2001. Et moi, je ne suis pas découragé par quoi que ce soit - d'ailleurs vous savez, pour me décourager il en faut beaucoup, j'en ai vu de toutes les couleurs, et j'ai une idée claire de ce que je souhaite pour la France, elle est partagée ou pas partagée, mais je n'en changerai pas -. Ce qui m'intéresse, c'est que 2001 doit être une année utile pour la France, c'est-à-dire une année où l'on fait les réformes qui sont nécessaires, où l'on profite de la croissance que nous avons aujourd'hui, heureusement, pour faire ces réformes. Que l'on se mette en situation de proposer, le moment venu, aux Français des choix aussi clairs que possible, et aussi sérieux que possible. .
A partir de là, l'année 2001 ayant été bien utilisée, ayant été utile pour les Français et donc, pas consacrée à la bataille politicienne, nous arriverons normalement et dignement aux échéances de 2002.
QUESTION - Et avec un candidat¿
LE PRESIDENT - ¿Vous verrez¿
QUESTION - ¿On verra bien. Merci de nous avoir accordé tout juste une heure de votre temps, cette interview sur TF1 mais aussi sur TV5, donc relayée dans le monde entier puis également sur notre site internet ce qui nous a permis d'avoir beaucoup, beaucoup de questions des internautes qui nous ont servi d'ailleurs pour cette interview.