26 juin 2000 - Seul le prononcé fait foi

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Déclaration de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur l'essor et le rayonnement culturel du "nouveau Berlin", Berlin le 26 juin 2000.

Monsieur le maire-gouverneur,
Permettez-moi, au moment de répondre à vos très amicales paroles de bienvenue, de vous dire mon émotion et ma joie de visiter Berlin qui, jour après jour, dans un élan impressionnant, retrouve toute sa place dans le concert des très grandes capitales. Et merci, monsieur le maire-gouverneur, pour votre si chaleureux accueil dans ce célèbre "Rotes Rathaus", redevenu, voici bientôt dix ans, le siège du Sénat berlinois.
Quelle vitalité que celle de Berlin ! Berlin, ville de toutes les avant-gardes, de toutes les expériences ! Berlin, capitale en mouvement, véritable laboratoire de l'esprit et de l'art en Europe ! Berlin où les énergies, longtemps brimées, se donnent enfin libre cours ! Berlin où tout entreprend et bâtit, qui se redessine et qui a ouvert quelques-uns des plus grands chantiers de notre temps !
Aujourd'hui, je pense à l'immense bonheur de tous les Européens lorsqu'en cette nuit de novembre 1989, s'est effondré le Mur de la honte, cette profonde blessure au coeur de l'Allemagne. Lorsque, parti d'ici, un grand vent de liberté s'est levé sur l'Europe.
C'est déjà la liberté qu'incarnait votre ville, monsieur le maire, aux yeux des 7000 Huguenots, contraints à l'exil, il y a trois siècles, et qui trouvèrent refuge ici. Et pour en remercier le Grand Electeur, ils participèrent de manière essentielle à l'essor de Berlin. L'enrichissant de leurs talents. Important des techniques jusqu'alors inconnues, dans les domaines notamment de la tapisserie et de la porcelaine. Ainsi furent-ils à l'origine de la création de la Manufacture royale de Prusse.
Leur présence, votre cité en garde le souvenir et la trace. Je ne parle pas seulement de ce magnifique "französisches Gymnasium", où, depuis toujours, se forme une partie des élites allemandes et qui demeure l'un des plus brillants foyers du savoir et de la culture en Allemagne. Je pense à certaines de nos expressions si nombreuses dans le parler berlinois. Aux traditions artisanales et commerciales qui ont perduré. Aux quartiers qui portent encore l'empreinte de l'architecture française. Je pense enfin à un certain esprit berlinois, parfois frondeur mais toujours accueillant et chaleureux, et qui donne le sentiment que la France n'est jamais très loin.
Plus près de nous, lorsque la nuit se fut emparée de votre pays, beaucoup de Berlinois menacés furent accueillis chez nous. En 1948, la France, avec les Etats-Unis et la Grande Bretagne, répondit à l'appel de votre illustre prédécesseur, Ernst Reuter. Comme en témoigne l'aéroport de Tegel, construit par les Français pour que Berlin, à ce moment crucial, demeure libre.
Un demi-siècle durant, nous restâmes aux côtés des Berlinois, de tous les Berlinois. Au-delà de nos relations privilégiées avec la partie occidentale, nous n'avons jamais oublié que cette ville ne faisait qu'une. Lorsque les circonstances le permirent, nous avons rétabli nos liens à l'Est, ouvrant en 1983, tout près d'ici, sur l'allée Unter den Linden, le premier centre culturel occidental, fenêtre ouverte sur cette Europe dont tant d'Allemands demeuraient interdits. Tandis que Berlin, pour sa part, rayonnait jusqu'à Paris.
Monsieur le maire, je suis heureux et fier de pouvoir rappeler aujourd'hui nos liens étroits, par delà même la grande déchirure de notre continent, et notre solidarité dans les épreuves. Aujourd'hui, Berlin se reconstruit. Elle engage d'immenses et admirables transformations qui bouleversent chaque jour son paysage. Elle redevient ce qu'elle fut si souvent : le lieu de tous les possibles.
Oui, c'est bien une renaissance que connaît votre ville, moderne, foisonnante, refuge et muse des créateurs de toute l'Europe, et l'un des principaux creusets de la recherche et de l'innovation européennes. Voilà pourquoi quelque 150 entreprises françaises ont déjà choisi Berlin, à la pointe des nouvelles technologies mais aussi au coeur et au carrefour d'un continent qui a commencé de se rassembler.
Et, très bientôt, la France jouira ici, dans le nouveau Berlin, avec l'ambassade qu'elle y construit, d'une représentation digne tant de l'amitié franco-allemande que du prestige de votre capitale.
Enfin, j'appelle mes compatriotes à venir nombreux visiter Berlin, à participer à son essor et à son rayonnement, à s'associer étroitement à l'intense vie culturelle qui s'y épanouit. A se joindre aux 30 000 Français déjà installés ici et qui participent activement au dynamisme de toute cette région de l'Allemagne. Monsieur le maire-gouverneur, je vous les recommande.
Au moment de vous quitter, je forme naturellement des voeux ardents de réussite et de bonheur pour tous les Berlinois. Et je vous remercie une fois encore, Monsieur le maire-gouverneur, de m'avoir si aimablement et si chaleureusement reçu.