1 décembre 1998 - Seul le prononcé fait foi

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Tribune de M. Jacques Chirac, Président de la République, dans la "Revue politique et parlementaire" en décembre 1998, sur l'aventure collective européenne et le défi de la construction de l'Europe des nations, intitulée, "L'Europe, notre avenir".

Aujourd'hui, de grands ensembles régionaux émergent partout dans le monde. On le voit en Amérique du Nord et au Mexique avec l'ALENA, en Amérique du Sud avec le MERCOSUR, qui va s'élargir probablement petit à petit à la totalité du continent £ on le voit avec la Chine bien entendu, on le voit avec l'Inde, avec l'ASEAN £ même l'Afrique commence à s'engager dans un processus d'intégration régionale. Tous ces nouveaux grands ensembles ne seront pas tendres avec nos intérêts. L'Europe doit relever ce défi. Elle a pris de l'avance. Seule son union lui donnera la force nécessaire dans la compétition qui inévitablement l'attend. Elle peut et doit, compte tenu de son potentiel, devenir la première puissance du monde multipolaire de demain.
Unis, nous pourrons lutter plus efficacement contre la corruption, la drogue, la grande criminalité. Unis, nous pourrons mieux maîtriser l'immigration. Unis, nous pourrons assumer les charges de plus en plus coûteuses qu'exigent la recherche scientifique en général et la recherche médicale en particulier. Unis, nous protégerons mieux notre environnement. Nous ne pourrons pas le faire seuls, nous défendrons mieux nos cultures, nos langues, nos valeurs.
L'Europe est une grande aventure collective. C'est une aventure sans précédent. Chacun sait aujourd'hui que notre objectif commun est bien l'Europe des Nations. Il n'y a sur ce point aucun doute. Loin de disparaître dans l'Europe, la France, comme d'ailleurs les autres Etats membres, s'accomplira, j'en suis sûr, pleinement en étant européenne. C'est l'Europe organisée qui lui donnera la force et les moyens de faire valoir ses intérêts et de réaliser ses ambitions.
Pour dissiper les peurs, pour gagner, une forte ambition européenne doit aller de pair avec une grande ambition nationale. Nous avons des atouts, les Français le savent : notre situation géographique, nos infrastructures, la qualité de notre appareil de formation, pour n'en citer que quelques uns. Mais nous avons aussi des handicaps, les Français les connaissent : trop d'impôts, trop de bureaucratie, trop de dépenses publiques. C'est pourquoi nous ne réussirons dans l'Europe qu'à condition de nous adapter. C'est vrai pour nous comme pour les autres.
L'Europe nous y invite. Elle nous incite à être allants et éveillés. C'est ainsi que nous tirerons tout le parti de la croissance qui revient et que nous pourrons réellement lutter contre le chômage.
Nous ne pouvons pas faire, dans le domaine économique et social, cavalier seul. La France doit s'inspirer de ce que font les pays qui réussissent le mieux dans la lutte pour l'emploi.
C'est pourquoi, nous devons placer l'esprit d'entreprise au premier rang de nos préoccupations, réduire résolument les charges pesant sur l'emploi peu qualifié, promouvoir des formes nouvelles d'organisation du travail librement négociées, ramener progressivement la part de l'emploi public dans la moyenne européenne.
Tout cela est nécessaire. Les Françaises et les Français en ont conscience. Ils voient souvent les choses avec plus de clairvoyance que bien des responsables. Il y a une aspiration profonde qui monte dans notre pays. Nous devons y répondre en prenant mieux en compte les préoccupations quotidiennes des Français.
Nous le voyons bien, l'impératif aujourd'hui c'est : avancer, s'ouvrir, s'adapter, se réformer pour mieux saisir les chances de la France, pour mieux saisir les chances de l'Europe.
Pour nous Français, la France, demain comme hier, est notre Patrie, un pays vivant, un pays fort qui veut trouver sa place, jouer tout son rôle, un pays qui veut gagner.
Pour nous, comme pour tous les peuples de notre continent, il faut regarder l'avenir en face. L'Europe, qui a été longtemps notre horizon, est désormais notre vie quotidienne.\