5 février 1998 - Seul le prononcé fait foi

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Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur les compétences et les responsabilités des Préfets en matière d'emploi, de réforme de l'Etat,de sécurité publique et de préparation des citoyens à l'usage de l'euro, Paris le 5 février 1998.

Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Ministre de l¿Intérieur,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Président de l¿Association du Corps Préfectoral,
Mesdames et Messieurs les Préfets et Sous-préfets,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux d¿accueillir cette année encore, dans cette maison qui est celle de la République, les membres du corps préfectoral et les hauts fonctionnaires du Ministère de l¿Intérieur.
Cette réunion est pour moi l¿occasion de reconnaître et saluer l¿action que vous menez, dans les régions, les départements, les arrondissements français, en métropole comme en outre-mer. Je sais que vous mettez au service de votre mission toute votre énergie, toute votre intelligence des hommes et des situations.
Cette année encore, ce sont des qualités qui vous seront nécessaires pour relever les défis auxquels notre pays est confronté. Je veux parler de l¿emploi, bien sûr, mais aussi de la réforme de l¿Etat et des attentes de nos concitoyens en matière de sécurité.
Lors de nos précédentes rencontres, je vous ai parlé de l¿emploi. J¿y reviendrai cette année. L¿emploi et la lutte contre l¿exclusion, les deux étant d'ailleurs liés, demeurent la première priorité des pouvoirs publics français.
Il y a dans notre pays une fracture et une souffrance sociales qui n¿ont cessé de croître depuis vingt ans.
Ce qui inquiète nos compatriotes, ce n¿est pas seulement le niveau très préoccupant atteint par le chômage, c¿est aussi et peut-être surtout sa durée. Notre pays compte désormais 500.000 personnes privées d¿emploi depuis plus de deux ans.
Le chômage de longue durée et la précarité qu¿il engendre s¿attaquent aux fondements mêmes de notre société. Chaque jour qui passe voit les hommes et les femmes qui en sont victimes s¿éloigner un peu plus de la vie active. Malgré la reprise actuelle de la croissance, chaque jour qui passe rend plus difficile leur retour à l¿emploi.
C¿est pour cela que nous devons en priorité aider les chômeurs de longue durée. Les aider à retrouver confiance en eux-mêmes et en la société. Les aider à assumer pleinement leurs responsabilités de citoyens et d¿adultes. Les aider à retrouver un emploi.
Le monde associatif a su le premier, peut-être, prendre conscience de la gravité du phénomène de l¿exclusion. Il a su, proposer et mettre en oeuvre des solutions nouvelles. Vous devez, en liaison avec les collectivités locales, soutenir son action.
C¿est en effet sur vous, Préfets, Sous-préfets, que repose, en collaboration avec les élus, la tâche de mener cette lutte. C¿est à vous qu¿il appartient de mobiliser tous les instruments de la politique de l¿emploi mis à votre disposition par le Gouvernement pour que les chômeurs de longue durée ne soient pas les « laissés-pour-compte » de la reprise.
Lutter contre l¿exclusion, c¿est aussi transformer les revenus d¿assistance en revenus d¿activité. C¿est privilégier l¿insertion sur toute autre forme d¿aide. Là aussi, vous avez votre rôle à jouer dans le cadre de la politique du gouvernement.
En organisant l¿accès des plus fragiles à l¿emploi, vous êtes au coeur de votre mission. Car en tant que représentants de l¿Etat, vous êtes les garants de la cohésion sociale. Cette responsabilité, vous devez l¿assumer pleinement en coordonnant l¿action de tous les intervenants.
Dans cette période de croissance attendue, vous avez aussi un rôle à jouer aux côtés des acteurs de la vie économique pour encourager l¿essor de l¿activité.
Bien sûr, l¿activité ne se décrète pas. Le temps de l¿économie administrée est derrière nous. Votre rôle n¿est pas de faire pression sur les entreprises mais d¿être à leurs côtés. Votre rôle est de les aider.
Ce que le pays attend de vous aujourd¿hui, de vous qui êtes les chefs des services extérieurs de l¿Etat, c¿est d¿infléchir, jour après jour, la culture et les formes d¿action de nos administrations pour qu¿elles aient sans cesse le souci d¿aider vraiment les entreprises créatrices d'emplois. En étant rapides et efficaces. En simplifiant les démarches. En allégeant les formalités qui compliquent les créations d¿emplois. En marquant la compréhension nécessaire dans la mise en oeuvre des réglementations. En tenant compte, dans chaque cas particulier, des contraintes de l¿activité économique. Bref, en s¿employant à ne pas décourager l¿initiative par une conception trop administrative des relations avec les acteurs économiques et sociaux. C¿est tout le sens de l¿expérience que j¿avais lancée, il y a dix-huit mois, dans le Pas-de-Calais.
Vous devez enfin être particulièrement attentifs aux conséquences en matière d¿emploi des restructurations qui frappent certaines régions. Je pense notamment à la réforme de notre armée et aux restructurations en cours dans notre industrie de défense. Là encore, vous pouvez contribuer, par la concertation et par le dialogue, à prévenir et à atténuer les effets des évolutions nécessaires.
La deuxième de vos priorités doit rester la réforme de l¿Etat.
J¿insisterai une fois de plus sur l¿importance de cette réforme pour notre pays. L¿Etat doit évoluer en profondeur pour devenir cet Etat moderne que nos compatriotes appellent de leurs voeux. Son action, si souvent contestée aujourd¿hui, y gagnera en légitimité.
L¿Etat jouera d¿autant mieux son rôle qu¿il saura s¿alléger et se concentrer sur les missions qui sont vraiment les siennes, ces missions de souveraineté et de solidarité qui ne peuvent ni ne doivent être confiées à d¿autres.
Lorsque l¿on parle de la réforme de l¿Etat, on parle d¿abord de la réforme de l¿administration.
Le corps préfectoral, qui incarne depuis près de deux siécles l¿autorité de la République sur l¿ensemble du territoire français, est ici en première ligne. Il est tout particulièrement concerné par le défi de la déconcentration.
Je sais que ce sujet vous tient à coeur. Comme vous avez pu le constater, au cours des deux dernières années, d¿importantes avancées ont été accomplies. Je pense notamment à la déconcentration des décisions administratives individuelles récemment mise en oeuvre par le Gouvernement.
A vous, maintenant, de vous saisir de ces attributions nouvelles et de faire vivre cette réforme. Vous devez garantir aux citoyens et aux élus cette proximité et cette rapidité qui faisaient tant défaut par le passé.
Mais il faut aller plus loin. Plusieurs chantiers, et non des moindres, s¿ouvrent et s¿ouvriront.
Je pense d¿abord à la déconcentration financière qui doit accompagner la déconcentration des décisions individuelles. Il serait souhaitable qu¿elle soit entamée dès cette année, à l¿occasion de la préparation du projet de budget pour 1999. Comme les crédits de fonctionnement, les crédits d¿intervention doivent être, à leur tour dans toute la mesure du possible, déconcentrés et rendus plus fongibles.
Il n¿y a pas de déconcentration sans souplesse. Parce que vous connaissez les hommes et les situations, parce que vous êtes les mieux placés pour réagir aux attentes de nos concitoyens et des collectivités locales, vous devez disposer des marges de manoeuvre nécessaires à votre action.
Il faut aussi renforcer la déconcentration en ce qui concerne la gestion des agents. Le besoin s¿en fait sentir chaque jour. Les esprits évoluent en ce sens. Il faut accélérer ce processus.
Mais la déconcentration n¿est pas tout. Il reste à adapter les services déconcentrés à leurs nouvelles missions.
Si nous voulons lutter contre l¿excessive centralisation de notre Etat, il faut accroître les responsabilités de ses représentants territoriaux. Il faut que les préfets soient investis d¿un véritable pouvoir d¿organisation de leurs services.
L¿unité du pays ne suppose pas obligatoirement l¿uniformité de son administration. Les choses se présentent rarement de la même façon d¿un département à l¿autre.Nous devons donc réfléchir ensemble aux moyens d¿introduire dans notre organisation administrative une certaine dose de souplesse. Je sais qu¿il s¿agit là d¿une révolution dans un système aussi vertical et cloisonné que le nôtre. Mais je crois que l¿Etat tout entier y trouverait un nouvel élan.
Enfin, assurer la sécurité et la paix publique constitue depuis toujours l¿une de vos missions essentielles. Cette mission prend aujourd¿hui une importance accrue.
Vous le savez mieux que tout autre, la sécurité des personnes et des biens constitue l¿une des premières préoccupations de nos concitoyens. Les Français se sentent désarmés face à la délinquance et aux incivilités, qui sont autant de violences auxquelles ils sont confrontés quotidiennement.
C¿est vrai dans les villes, et notamment dans les quartiers difficiles. C¿est vrai aussi dans les zones rurales, où se développe une petite délinquance, inconnue jusqu¿ici.
Ce sentiment d¿insécurité pèse sur les esprits. Il met en péril le lien social. Il remet en cause les fondements mêmes du pacte républicain. Car la sécurité est la première des libertés. Celle qui garantit l¿exercice de toutes les autres.
Dans ce domaine, plus que dans tout autre, vous êtes en première ligne. Représentants de l¿Etat, il vous appartient de faire en sorte que partout en France soient assurées la sécurité et la paix publique. Je sais que vous accomplissez d¿ores et déjà un travail important, parfois dans des conditions difficiles, en conduisant l¿action de la police et de la gendarmerie.
Mais au-delà de l¿action des forces de l¿ordre, la sécurité ne pourra être garantie efficacement sans le concours de tous les services de l¿Etat. Education nationale, police et gendarmerie, justice, services sociaux, tous, sans exception, doivent avoir à coeur de travailler en commun, de partager leurs informations pour déceler les situations à risque, prévenir ce qui peut l¿être, intervenir au plus vite et punir quand il le faut.
Il vous appartient, en collaboration avec les maires, et notamment dans le cadre des contrats locaux de sécurité, de guider et de coordonner leur action. C¿est à ce prix que sera assuré, partout sur notre territoire, le respect de la loi et du droit, sans lequel il n¿y a pas de démocratie.
Mesdames et Messieurs,
Emploi, réforme de l¿Etat, sécurité, cette année encore, le corps préfectoral est fortement sollicité. Tout l¿intérêt de votre mission est là, dans cet engagement au service de l¿Etat et au service des valeurs républicaines.
Depuis près de deux siècles, vous vous acquittez de votre mission sans faillir, témoignant d¿une disponibilité, d¿un sens du devoir et des responsabilités, qui font l¿honneur de votre corps.
Cette année sera pour notre pays un tournant. Dans quelques mois, la France sera au rendez-vous de la monnaie unique. C¿est une ère nouvelle qui va s¿ouvrir, riche, j'en suis sûr, de promesses pour l¿activité et pour l¿emploi. Je vous demande de vous mobiliser, une fois encore, pour aider notre pays à franchir cette nouvelle étape de son histoire.
A compter du 1er janvier 1999, l¿Euro sera notre monnaie. Pour faciliter l¿acceptation de cette nouvelle monnaie, il faut informer, rassurer, et inciter nos compatriotes à s¿y préparer. Vous devrez participer activement aux campagnes d¿information lancées par le Gouvernement qui accompagneront le passage à l¿Euro d¿ici 1999 et, plus encore, d¿ici 2002, date de mise en circulation des pièces et des billets.
Pour terminer, je voudrais rendre hommage à vos conjoints, qui partagent avec vous la lourde tâche de représenter l¿Etat dans nos départements et nos régions et saluer leur présence à vos côtés. Je sais toute l¿importance de leur rôle et je suis heureux de pouvoir en témoigner aujourd¿hui.
Mesdames et Messieurs, je vous exprime mon estime, ma reconnaissance et ma confiance et je vous remercie.