16 septembre 1997 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur son rôle de co-prince d'Andorre, le statut d'Andorre et le fonctionnement de ses institutions, Andorre-la-Vieille le 16 septembre 1997.

Monsieur le Syndic Général,
Monsieur le Vice-Syndic,
Madame et Messieurs les Conseillers,
Monsieur le Chef du Gouvernement,
Mesdames, Messieurs,
Je suis très sensible à l'accueil chaleureux que vous avez bien voulu me réserver, ainsi qu'aux paroles très aimables que vous venez de m'adresser, Monsieur le Syndic Général et je vous en remercie.
C'est mon premier voyage en Andorre depuis mon élection à la Présidence de la République française.
Si j'ai voulu tenir, aussitôt que j'ai pu, l'engagement que j'avais pris auprès de vos représentants à l'occasion de nos rencontres à Paris, c'est pour montrer naturellement tout l'intérêt que je porte à la haute fonction andorrane que j'ai l'honneur d'exercer avec le Co-Prince Evêque, Monseigneur Marti, que j'ai été particulièrement heureux de rencontrer hier soir, c'est pour manifester la considération que j'ai pour la Principauté £ c'est pour témoigner enfin l'estime et l'amitié que j'éprouve à l'égard de tous ses habitants.
Aussi suis-je profondément heureux de me trouver parmi vous aujourd'hui dans cette Maison, dans cette superbe Maison des Vallées, symbole de la spécificité et de la continuité andorranes. Où pourrais-je en saisir en effet une plus forte image qu'en ce lieu où le temps et les hommes les ont précisément façonnés ? Là, depuis des siècles, l'unité a trouvé son expression dans l'exercice du jeu démocratique £ là, les traditions se sont ouvertes à la modernité.
Une très grande part de ce mérite revient au Conseil Général qui a toujours été un acteur majeur de l'histoire andorrane. Il a pris en effet une part essentielle, -et cela fait légitimement votre fierté, Monsieur le Syndic Général, Madame et Messieurs les Conseillers-, dans une évolution qui s'est effectuée sans crise, sans heurt, au terme d'une longue marche entamée il y a sept siècles et qui, d'étape en étape, a conduit le Conseil de la Terre à la Nova Reforma de 1866, puis à la Constitution de 1993.
Aujourd'hui, Andorre est un Etat souverain reconnu par la communauté internationale. Admis au sein de l'Organisation des Nations Unies, il a noué des relations diplomatiques avec de très nombreux pays.\
Mais ce jeune Etat est entré dans le concert des démocraties modernes sans renier ses traditions ni ses valeurs. J'en veux pour preuve le statut particulier, tout à fait original, de co-principauté parlementaire choisi par les Andorrans.
C'est un héritage de l'histoire. Mais j'y vois aussi une manifestation éclatante de l'attachement et de la confiance que les Andorrans nourrissent à l'égard de leurs Co-Princes, dont ils ont constitutionnellement fait les garants de la continuité et de l'indépendance andorranes, et qu'ils chargent à ce titre de maintenir l'esprit de parité et d'équilibre qui doit prévaloir dans le jeu des influences au centre duquel Andorre s'est toujours trouvée.
Remplir ces fonctions est un grand honneur pour moi et je suis reconnaissant de cet attachement et de cette confiance que témoignent les Andorrans à leur co-prince français, comme à l'autre, bien entendu : soyez persuadés que, comme je m'y suis engagé par écrit en prenant mes fonctions, comme je le fais depuis deux ans et demi maintenant, je continuerai à assumer ma charge dans le respect le plus strict de la Charte constitutionnelle, cela va de soi. Je le fais et le ferai intégralement en ce qui concerne les responsabilités que celle-ci me confie et que vous avez voulu, tout en veillant scrupuleusement à n'interférer en aucune manière dans le fonctionnement quotidien de la démocratie andorrane.
Votre Constitution a quatre ans : au regard de votre si longue histoire, quatre années représentent bien peu £ elles semblent pourtant suffire pour apprécier d'ores et déjà la bonne marche des nouveaux mécanismes régissant les institutions andorranes.
Ces quatre années, qui ont été marquées par une intense activité institutionnelle, ont permis de constater l'harmonie et l'efficacité des fonctionnements qu'elle a mis en place. Chaque institution en effet, qu'elle soit nouvellement créée ou qu'elle ait vu ses attributions séculaires modifiées, a pleinement joué son rôle dans le respect des dispositions établies par la Constitution.
Le Conseil Général a connu une ample activité législative et a rempli sa mission de contrôle à l'égard de l'activité gouvernementale. Il a noué des contacts fructueux avec les autres Parlements, au sein de l'Union interparlementaire notamment. Il l'a fait aussi en participant activement aux sessions du Conseil de l'Europe.
Les Gouvernements qui se sont succédés ont conduit la politique intérieure de l'Andorre et se sont attachés à développer une grande activité sur le plan international.
Sur la saisine des Co-Princes, du Gouvernement, des paroisses, voire d'autres institutions ou de simples particuliers, le Tribunal Constitutionnel a été amené à se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois ou des décisions judiciaires. Il a contribué ainsi à mieux définir le cadre général du nouvel état de droit andorran.
Le Conseil Supérieur de Justice, sur lequel repose le fonctionnement de l'Institution judiciaire, et qui est chargé de veiller à l'indépendance de celle-ci, a permis à la justice de s'adapter à son nouveau régime.
Les paroisses enfin, dont on sait l'importance et la vitalité, ont pleinement assumé leurs prérogatives et efficacement mis en oeuvre les compétences nouvelles que leur attribuent la Constitution et la loi.
Toutes ces transformations se sont faites sans crise £ elles n'ont pas suscité non plus de paralysie des institutions comme celles qu'avait pu connaître Andorre par le passé. Cette réussite constitue un très grand sujet de satisfaction dont les Andorrans peuvent se féliciter et dont je suis le premier à me réjouir. Chaque jour qui passe consolide de surcroît ces institutions. L'expérience acquise avec le temps leur permet d'assumer pleinement leur rôle et de participer au renforcement harmonieux de la démocratie andorrane.
Tout n'est pas achevé pour autant si Andorre veut concrètement mettre en oeuvre ce qu'elle a su oser au plan des principes dans son texte fondamental. Cette ambition est exigeante. La tâche du législateur est encore grande et de nombreux points de la Constitution, notamment de son titre II, restent à développer. Mais ces exigences, vous le savez, Monsieur le Syndic Général, Madame, Messieurs les Conseillers, sont l'expression même d'une démocratie vivante, saine, en plein essor. Il vous appartient désormais, comme il appartient au Gouvernement et au peuple andorrans, de mener, en toute souveraineté, cette démocratie vers son plein épanouissement et son adaptation permanente à notre Histoire.
Pour atteindre cet objectif, Andorre dispose d'atouts exceptionnels, qui sont la pondération, le sens des responsabilités et la capacité d'adaptation dont Andorre a toujours su faire preuve. Aussi suis-je persuadé que les Andorrans, fidèles à leur devise, y emploieront le meilleur d'eux-mêmes, avec cette sagesse qui a présidé pendant sept siècles à la destinée pacifique de la Principauté qui, à bien des égards, pourrait être citée en exemple aux démocraties.
Sachez que le soutien du Co-Prince français vous est naturellement acquis : je suis venu vous l'exprimer de vive voix, avec mes encouragements les plus chaleureux et les plus amicaux.
Visca Andorra !\