23 octobre 1995 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Discours de M. Jacques Chirac, Président de la République, sur le rôle "irremplaçable" de l'ONU et sur la nécessaire réforme du fonctionnement de l'Organisation des Nations unies, New York le 23 octobre 1995.

Monsieur le Président,
- Le monde a besoin des Nations unies.
- 50 ans après leur création, alors que certains s'interrogent et doutent, je veux exprimer la confiance de la France dans notre organisation et l'estime qu'elle porte à son secrétaire général.
- Confiance, et donc engagement. La France a toujours été au premier rang pour rechercher des solutions de paix aux crises de notre temps : du Cambodge à la Bosnie, elle est devenue le premier contributeur de troupes des Nations unies.
- Engagement aussi dans la recherche d'un véritable désarmement. Nul ne conteste le rôle majeur de la France dans les négociations sur l'interdiction des armes chimiques, l'élimination des mines anti-personnel ou la reconduction indéfinie du Traité de Non Prolifération. Que nul ne doute de sa détermination à assurer, en 1996, le succès de la négociation sur l'interdiction définitive, complète et vérifiable des essais nucléaires : la première, elle s'est prononcée en faveur de l'option zéro. Je confirme aujourd'hui la décision de la France de signer, dès la fin de son ultime série d'essais au printemps prochain, les protocoles du Traité de Rarotonga établissant une zone dénucléarisée dans le Pacifique Sud.
- Engagement aussi dans l'affirmation, au sein des Nations unies, d'une conscience universelle, traduite en instruments juridiques et en programmes d'action. C'est dans le champ immense des droits de l'homme et de la solidarité entre les peuples, que notre organisation marque le mieux son caractère irremplaçable.
- En cinquante ans le monde a changé. Depuis six ans, il vit une mutation périlleuse mais porteuse d'espoirs. Aidons les Nations unies à s'adapter à ce monde nouveau et à y jouer efficacement leur rôle.
- Rendons plus représentatif le Conseil de sécurité en élargissant le cercle de ses membres permanents à l'Allemagne, au Japon et à quelques grands états du Sud. Tirons les leçons de nos succès comme de nos échecs, en développant la diplomatie préventive au niveau régional, mais aussi les capacités de réaction rapide de notre organisation dans les domaines humanitaire et militaire.
- Engageons ensemble une vraie réflexion sur les institutions multilatérales d'aide au développement : Banque Mondiale, Fonds Monétaire, agences et programmes des Nations unies. La France, qui présidera en 1996 le G7, fera de l'efficacité de cette aide un thème majeur du sommet de Lyon.
- Le monde a changé. Le Tiers monde aussi. Prenons en compte la différenciation qui s'est progressivement accentuée entre les pays à forte croissance qui attirent les investissements étrangers, et ceux qui demeurent en difficulté et risquent d'être marginalisés. Le combat contre l'exclusion doit être mené aussi sur le plan international. Concentrons sur les Pays les Moins Avancés, notamment ceux d'Afrique, une part accrue des aides bilatérales et multilatérales. L'Afrique progresse : aidons-la à réussir.
- Traitons mieux les problèmes qui se sont aggravés : mouvements de population, atteintes à l'environnement, grandes endémies, drogue. Sans négliger l'aide d'urgence, sachons mettre à nouveau l'accent sur la recherche de solutions à long terme, en donnant une place centrale aux politiques structurelles et à leur financement.
- Concentration de l'aide publique vers les PMA, recentrage sur les politiques à long terme : tels sont les deux axes autour desquels doivent s'articuler les adaptations nécessaires.
- Accroître l'efficacité de l'aide au développement impose de conduire ces réformes avec l'ensemble des acteurs, multilatéraux et bilatéraux, publics et privés. Nous ne réussirons que si nous sommes ambitieux, déterminés, mais d'abord rassemblés dans une démarche globale et cohérente.
-\
Les propositions que la France présente aujourd'hui seront développées au cours des prochains mois, à l'ONU comme auprès de tous nos partenaires : notamment ceux de l'Union européenne et ceux du G7, ceux de la francophonie et ceux qui émergent comme autant de pôles du monde de demain. Car c'est un vrai consensus sur une nouvelle approche que nous devons bâtir ensemble.
- Au sein des Nations unies, la France propose de regrouper sous l'égide d'un secrétaire général adjoint, avec toute l'autorité nécessaire, les responsabilités, aujourd'hui dispersées, du suivi des questions de développement.
- La France souhaite que ce haut responsable soit le bras armé du Conseil économique et social, dont le rôle de coordination et de suivi devrait être renforcé : il lui reviendrait de superviser l'action des agences de développement, qui doivent se recentrer sur leurs priorités.
- La France appelle de ses voeux un regroupement, au sein du Secrétariat, des capacités d'analyse aujourd'hui réparties entre plusieurs agences : à la multitude des rapports se substituerait ainsi un seul rapport annuel sur "l'état du développement dans le monde".
- La France demande enfin une représentation unifiée des agences des Nations unies dans chaque pays.
- Les Institutions de Bretton Woods doivent renforcer encore la synergie de leurs actions. Elles aussi, comme du reste les banques régionales, doivent poursuivre la réduction de leurs coûts administratifs.
- Mais surtout, la France souhaite que soient organisées, au niveau central comme dans chaque pays en développement, et avec leur pleine participation, des rencontres régulières entre les représentants des agences de l'ONU, du FMI, de la Banque Mondiale et des principaux pays donneurs d'aide afin d'accroître la coordination, la cohérence et donc l'efficacité des efforts de chaque acteur.
- 50 ans après sa rédaction, les objectifs de notre Charte conservent toute leur actualité : la paix et le désarmement, la démocratie et le développement, la promotion des droits de l'Homme et la lutte contre les grands fléaux qui le menacent. En 50 ans, un corps de valeurs communes s'est progressivement imposé.
- Il nous faut aujourd'hui concentrer nos efforts sur l'adaptation de notre organisation, sur sa rénovation. Et d'abord, lui donner les moyens de fonctionner. La tentation du désengagement menace l'existence même des Nations unies. Il n'est pas acceptable que de nombreux pays, et notamment le premier d'entre eux, en laissant s'accumuler les arriérés, conduisent à la faillite une organisation dont les chefs d'Etat et de gouvernement de la terre entière, dans un mouvement sans précédent, sont venus affirmer ici, en ce jour anniversaire, le caractère irremplaçable.
- Le monde a besoin de solidarité : oui, il a besoin des Nations unies ! Je vous remercie.\