24 mars 1995 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la rénovation de l'hôpital de Bourges et le rôle du service public pour l'accès de tous aux soins médicaux, Bourges le 24 mars 1995.
Monsieur le maire,
- Je vous remercie de vos propos. J'avais de nombreuses raisons de venir à Bourges. La première c'est que vous m'avez invité, la deuxième, c'est que bien que je sois venu dans votre ville à diverses reprises, je n'avais pas fait de voyage disons officiel, dans les conditions d'aujourd'hui. On pourrait dire qu'il était temps. J'en avais quelques regrets car beaucoup de liens m'attachent à Bourges, qui ne sont pas ceux du souvenir direct maix ceux de la tradition.
- J'ai connu la maison de mon grand-père, quai d'Auron, et j'ai pu relever à travers les recherches qui ont été faites, que depuis le XVIème siècle, tous mes ancêtres, du côté de ma famille maternelle, étaient berruyers et, à la fois, vignerons : je suppose que les vignes devaient pousser jusqu'au faubourg, à l'époque. Et donc, c'est une très forte tradition dont mon père m'a beaucoup entretenu, même si personnellement je n'ai connu le Berry qu'en voyageur et en touriste. Il me semble que je devais bien cela à votre ville et je suis très heureux de me trouver parmi vous ce matin.
- Je me retourne en même temps vers ceux qui m'ont précédé dans une famille très attachée à son Berry, et j'ai le sentiment de retrouver un peu mes propres racines.\
Monsieur le ministre, visiter en votre présence cet hôpital, beau et moderne, prend une signification d'autant plus forte. Mesdames et messieurs, laissez-moi vous remercier d'avoir bien voulu participer à ces cérémonies d'inauguration. Cela a toujours quelque chose de solennel : mais j'avais le temps et il le faut, car ce sont des points de repères dans l'histoire d'une ville ou d'un pays £ de plus, il m'a été facile de retrouver ici beaucoup d'amis personnels. Je dois dire si je n'en citais qu'un, le fait de revoir ici Alain Calmat me fait le plus grand plaisir.
- J'émettrai cependant un regret évident que vous avez vous-même exprimé, monsieur le maire, c'est l'absence de Jacques Rimbault à l'inauguration d'une aussi exemplaire réalisation, car cet hôpital lui doit beaucoup, comme d'ailleurs toute votre ville de Bourges. Je l'ai bien connu et je ne peux manquer d'évoquer son souvenir et son image au moment où nous sommes là, ensemble. Il a bénéficié d'une mobilisation de toutes les énergies de la ville : celles des élus, dont vous étiez, monsieur le maire, celles de la population, celles des gouvernements. Je crois que personne ne pouvait contester l'utilité, sinon même la nécessité d'une initiative destinée à renforcer la qualité des soins médicaux et permettant de soutenir l'activité et l'emploi, d'autre part : on me dit que l'impact de ces travaux a été important, puisqu'environ 500000 heures de travail ont été de ce fait apportées aux salariés des entreprises concernées.
- Quand on parle de chantiers publics, on se contente trop souvent d'évoquer les grandes infrastructures, quand on ne se contente pas de citer les grands travaux parisiens. Moi, je n'ai jamais oublié que j'étais provincial. Je suis né provincial et j'entends finir provincial, non pas que j'aie le moindre dédain pour la ville de Paris, qui est une ville admirable, mais c'est comme ça : on est fait comme on est. Dans une semaine j'inaugurerai la Bibliothèque nationale de France mais croyez-moi, dans mon esprit l'inauguration de cet hôpital représente au fond autant d'importance car c'est un centre autour duquel s'organiseront tant d'activités, s'implanteront aussi tant d'espérances, se fixeront tant d'énergies que pour une ville comme Bourges et un département comme celui du Berry, c'est vraiment une grande chance. J'ajoute que je n'ai pu qu'admirer la qualité esthétique de ces locaux et j'en félicite l'architecte et les entreprises qui ont travaillé à ses côtés. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut admirer un bâtiment public de cette valeur.
- Je crois pouvoir dire que le renouveau de la commande publique en France a permis d'apporter de l'activité à notre industrie du bâtiment et à la création architecture française. Cet hôpital clair, spacieux, original, illustre l'état d'esprit qui, je le crois, prévaut aujourd'hui. C'est une conception qui démontre que la recherche de fonctionnalité, comme on dit - que l'oeuvre réponde exactement à la fonction qu'on attend d'elle - et celle de l'agrément esthétique, que tout cela peut marcher de pair.
- D'autant plus qu'il s'agit là d'une rénovation du service public, d'un très bon témoignage de la rénovation de nos services publics, en l'occurrence de notre service public de santé.\
Il était à la mode, il y a quelques années - mais les modes changent, vous savez, j'en ai connu beaucoup -, de dénigrer l'Etat et le service public. On commence à en revenir. Par exemple, sait-on que des deux côtés de l'Atlantique, les dégâts provoqués par le désengagement de l'Etat, le démantèlement des services publics et la réduction des programmes sociaux, ont abouti, ici et là, à la montée de l'exclusion et de la pauvreté, c'est-à-dire à des fractures sociales.
- Ce n'est pas que je dénie la valeur du marché, mais c'est une main invisible. Les économistes en vantent beaucoup les mérites, seulement cette main invisible ignore les besoins sociaux dès lors qu'ils ne sont pas profitables. Il est donc très important, lorsqu'il s'agit d'un hôpital, de ne pas perdre de vue l'intérêt général.
- Enfin, je dirai que la critique s'est nuancée au cours de ces dernières années. Elle n'en persiste pas moins, et je suis heureux de l'exemple que vous nous donnez, monsieur le maire et vous, madame, et vous tous qui travaillez à l'hôpital de Bourges.
- Vous me l'avez montré. Vous m'avez montré l'augmentation de la capacité d'accueil, des équipements modernes, dans un souci de bonne gestion : j'ai observé que l'appareil d'imagerie par résonance magnétique est exploité en coopération avec le centre hospitalier de Châteauroux et deux centres de radiologie privés. On doit y trouver encore de meilleures conditions de travail pour le personnel : enfin ce serait à lui de le dire plutôt qu'à moi. Ce ne sont pas quelques quarts d'heure passés ici qui me permettent de l'affirmer, mais il m'a semblé que le personnel était fier de son établissement.\
Tout cela représente, mesdames et messieurs, les dépenses. L'Etat y a pris sa part. Le progrès, la justice sociale, la santé publique ont un prix. Mais, croyez moi, il est toujours moins élevé que celui de l'exclusion et de l'injustice sociale. Bien sûr, il faut constamment rechercher une meilleure maîtrise des dépenses de santé, et vous n'en avez pas fini avec cela : mais jamais au détriment de la qualité des soins. Et cela, notre régime de sécurité sociale et notre service public hospitalier peuvent et savent le faire, ils l'ont démontré. Avec un système qui serait essentiellement fondé sur l'assistance privée, qui tente beaucoup de nos concitoyens, ferait-on mieux ? On parlera de l'exemple américain : les Américains dépensent 30 % de plus que les Français pour leur santé et cette comparaison à de quoi faire réfléchir sur les mérites comparés des systèmes, car je ne pense pas que la France soit en état de sous-qualité médicale ou hospitalière.
- Rien n'est plus important à mes yeux que l'égalité devant la maladie, je pourrai ajouter aussi devant la mort. Chacun, riche ou pauvre, jeune ou vieux, doit pouvoir accéder aux meilleurs soins et aux progrès de la médecine, dans les mêmes conditions. C'est la loi fondamentale de notre démocratie. Donc, tout ce qui porterait atteinte à cette loi me paraîtrait détestable et je le condamnerai. Notre système de protection sociale, notre politique de la santé, nos hôpitaux ont rendu possible, aujourd'hui, une situation dont vous nous donnez, ici, un bel exemple et je vous en félicite. Il faut les préserver. Il faut s'adapter, il faut évoluer, mais il faut garder la même finalité : servir davantage, soigner mieux, et ne jamais oublier que tout être humain, femme ou homme, à droit aux mêmes égards, aux mêmes sollicitudes, a droit au même amour. Quand on se trouve dans une maison comme celle-ci, frappé d'une maladie grave, on mesure, à ce moment là, à quel point l'égalité fondamentale des êtres humains est souvent dévoyée par les erreurs de notre société.
- Mesdames et messieurs, vous m'avez permis en l'espace de peu de temps d'avoir une vue de ce qu'on réalise à Bourges. Monsieur le maire, je tiens à vous en féliciter. J'ai reporté une part du mérite sur votre prédécesseur, que je connaissais et que j'estimais, mais je n'ignore pas non plus le travail que vous avez accompli avec vos conseillères et conseillers municipaux. C'est donc à vous que s'adresseront mes dernières paroles pour vous souhaiter bonne chance, bon courage et de continuer la réussite commencée il y a déjà quelques années.\
- Je vous remercie de vos propos. J'avais de nombreuses raisons de venir à Bourges. La première c'est que vous m'avez invité, la deuxième, c'est que bien que je sois venu dans votre ville à diverses reprises, je n'avais pas fait de voyage disons officiel, dans les conditions d'aujourd'hui. On pourrait dire qu'il était temps. J'en avais quelques regrets car beaucoup de liens m'attachent à Bourges, qui ne sont pas ceux du souvenir direct maix ceux de la tradition.
- J'ai connu la maison de mon grand-père, quai d'Auron, et j'ai pu relever à travers les recherches qui ont été faites, que depuis le XVIème siècle, tous mes ancêtres, du côté de ma famille maternelle, étaient berruyers et, à la fois, vignerons : je suppose que les vignes devaient pousser jusqu'au faubourg, à l'époque. Et donc, c'est une très forte tradition dont mon père m'a beaucoup entretenu, même si personnellement je n'ai connu le Berry qu'en voyageur et en touriste. Il me semble que je devais bien cela à votre ville et je suis très heureux de me trouver parmi vous ce matin.
- Je me retourne en même temps vers ceux qui m'ont précédé dans une famille très attachée à son Berry, et j'ai le sentiment de retrouver un peu mes propres racines.\
Monsieur le ministre, visiter en votre présence cet hôpital, beau et moderne, prend une signification d'autant plus forte. Mesdames et messieurs, laissez-moi vous remercier d'avoir bien voulu participer à ces cérémonies d'inauguration. Cela a toujours quelque chose de solennel : mais j'avais le temps et il le faut, car ce sont des points de repères dans l'histoire d'une ville ou d'un pays £ de plus, il m'a été facile de retrouver ici beaucoup d'amis personnels. Je dois dire si je n'en citais qu'un, le fait de revoir ici Alain Calmat me fait le plus grand plaisir.
- J'émettrai cependant un regret évident que vous avez vous-même exprimé, monsieur le maire, c'est l'absence de Jacques Rimbault à l'inauguration d'une aussi exemplaire réalisation, car cet hôpital lui doit beaucoup, comme d'ailleurs toute votre ville de Bourges. Je l'ai bien connu et je ne peux manquer d'évoquer son souvenir et son image au moment où nous sommes là, ensemble. Il a bénéficié d'une mobilisation de toutes les énergies de la ville : celles des élus, dont vous étiez, monsieur le maire, celles de la population, celles des gouvernements. Je crois que personne ne pouvait contester l'utilité, sinon même la nécessité d'une initiative destinée à renforcer la qualité des soins médicaux et permettant de soutenir l'activité et l'emploi, d'autre part : on me dit que l'impact de ces travaux a été important, puisqu'environ 500000 heures de travail ont été de ce fait apportées aux salariés des entreprises concernées.
- Quand on parle de chantiers publics, on se contente trop souvent d'évoquer les grandes infrastructures, quand on ne se contente pas de citer les grands travaux parisiens. Moi, je n'ai jamais oublié que j'étais provincial. Je suis né provincial et j'entends finir provincial, non pas que j'aie le moindre dédain pour la ville de Paris, qui est une ville admirable, mais c'est comme ça : on est fait comme on est. Dans une semaine j'inaugurerai la Bibliothèque nationale de France mais croyez-moi, dans mon esprit l'inauguration de cet hôpital représente au fond autant d'importance car c'est un centre autour duquel s'organiseront tant d'activités, s'implanteront aussi tant d'espérances, se fixeront tant d'énergies que pour une ville comme Bourges et un département comme celui du Berry, c'est vraiment une grande chance. J'ajoute que je n'ai pu qu'admirer la qualité esthétique de ces locaux et j'en félicite l'architecte et les entreprises qui ont travaillé à ses côtés. Ce n'est pas tous les jours que l'on peut admirer un bâtiment public de cette valeur.
- Je crois pouvoir dire que le renouveau de la commande publique en France a permis d'apporter de l'activité à notre industrie du bâtiment et à la création architecture française. Cet hôpital clair, spacieux, original, illustre l'état d'esprit qui, je le crois, prévaut aujourd'hui. C'est une conception qui démontre que la recherche de fonctionnalité, comme on dit - que l'oeuvre réponde exactement à la fonction qu'on attend d'elle - et celle de l'agrément esthétique, que tout cela peut marcher de pair.
- D'autant plus qu'il s'agit là d'une rénovation du service public, d'un très bon témoignage de la rénovation de nos services publics, en l'occurrence de notre service public de santé.\
Il était à la mode, il y a quelques années - mais les modes changent, vous savez, j'en ai connu beaucoup -, de dénigrer l'Etat et le service public. On commence à en revenir. Par exemple, sait-on que des deux côtés de l'Atlantique, les dégâts provoqués par le désengagement de l'Etat, le démantèlement des services publics et la réduction des programmes sociaux, ont abouti, ici et là, à la montée de l'exclusion et de la pauvreté, c'est-à-dire à des fractures sociales.
- Ce n'est pas que je dénie la valeur du marché, mais c'est une main invisible. Les économistes en vantent beaucoup les mérites, seulement cette main invisible ignore les besoins sociaux dès lors qu'ils ne sont pas profitables. Il est donc très important, lorsqu'il s'agit d'un hôpital, de ne pas perdre de vue l'intérêt général.
- Enfin, je dirai que la critique s'est nuancée au cours de ces dernières années. Elle n'en persiste pas moins, et je suis heureux de l'exemple que vous nous donnez, monsieur le maire et vous, madame, et vous tous qui travaillez à l'hôpital de Bourges.
- Vous me l'avez montré. Vous m'avez montré l'augmentation de la capacité d'accueil, des équipements modernes, dans un souci de bonne gestion : j'ai observé que l'appareil d'imagerie par résonance magnétique est exploité en coopération avec le centre hospitalier de Châteauroux et deux centres de radiologie privés. On doit y trouver encore de meilleures conditions de travail pour le personnel : enfin ce serait à lui de le dire plutôt qu'à moi. Ce ne sont pas quelques quarts d'heure passés ici qui me permettent de l'affirmer, mais il m'a semblé que le personnel était fier de son établissement.\
Tout cela représente, mesdames et messieurs, les dépenses. L'Etat y a pris sa part. Le progrès, la justice sociale, la santé publique ont un prix. Mais, croyez moi, il est toujours moins élevé que celui de l'exclusion et de l'injustice sociale. Bien sûr, il faut constamment rechercher une meilleure maîtrise des dépenses de santé, et vous n'en avez pas fini avec cela : mais jamais au détriment de la qualité des soins. Et cela, notre régime de sécurité sociale et notre service public hospitalier peuvent et savent le faire, ils l'ont démontré. Avec un système qui serait essentiellement fondé sur l'assistance privée, qui tente beaucoup de nos concitoyens, ferait-on mieux ? On parlera de l'exemple américain : les Américains dépensent 30 % de plus que les Français pour leur santé et cette comparaison à de quoi faire réfléchir sur les mérites comparés des systèmes, car je ne pense pas que la France soit en état de sous-qualité médicale ou hospitalière.
- Rien n'est plus important à mes yeux que l'égalité devant la maladie, je pourrai ajouter aussi devant la mort. Chacun, riche ou pauvre, jeune ou vieux, doit pouvoir accéder aux meilleurs soins et aux progrès de la médecine, dans les mêmes conditions. C'est la loi fondamentale de notre démocratie. Donc, tout ce qui porterait atteinte à cette loi me paraîtrait détestable et je le condamnerai. Notre système de protection sociale, notre politique de la santé, nos hôpitaux ont rendu possible, aujourd'hui, une situation dont vous nous donnez, ici, un bel exemple et je vous en félicite. Il faut les préserver. Il faut s'adapter, il faut évoluer, mais il faut garder la même finalité : servir davantage, soigner mieux, et ne jamais oublier que tout être humain, femme ou homme, à droit aux mêmes égards, aux mêmes sollicitudes, a droit au même amour. Quand on se trouve dans une maison comme celle-ci, frappé d'une maladie grave, on mesure, à ce moment là, à quel point l'égalité fondamentale des êtres humains est souvent dévoyée par les erreurs de notre société.
- Mesdames et messieurs, vous m'avez permis en l'espace de peu de temps d'avoir une vue de ce qu'on réalise à Bourges. Monsieur le maire, je tiens à vous en féliciter. J'ai reporté une part du mérite sur votre prédécesseur, que je connaissais et que j'estimais, mais je n'ignore pas non plus le travail que vous avez accompli avec vos conseillères et conseillers municipaux. C'est donc à vous que s'adresseront mes dernières paroles pour vous souhaiter bonne chance, bon courage et de continuer la réussite commencée il y a déjà quelques années.\