25 août 1994 - Seul le prononcé fait foi
Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la solidarité, l'unité nationale et la volonté de vaincre, facteurs de la Libération de Paris, Paris le 25 août 1994.
Cette foule, ce soir, et en ce lieu, me renvoie à l'image d'une autre foule, celle d'il y a cinquante ans, peut-être un peu moins ordonnée, mais venue comme vous, mesdames et messieurs, devant l'Hôtel de Ville de Paris, acclamer ses libérateurs : autre foule sans doute, mais même peuple, notre peuple français, si divers, parfois si divisé. Je m'en souviens comme l'un de ces moments privilégiés où soudain tout bascule, après un grand malheur, dans la joie et dans l'espérance, quand naît ou renaît cette mystérieuse et forte alliance qui nous a fait ce que nous sommes, en dépit, au-delà de tout : nous, la France, à travers les siècles, dont nous avons, dont vous avez la charge et la fierté d'être les continuateurs !
- Oui, je me souviens, c'était après l'orage, une douce soirée d'été qui a laissé dans la mémoire de ceux qui l'ont vécue une marque que ni les années passées, ni les peines, ni les tours et détours de la vie n'ont jamais altérée.
- Avec le recul du temps, l'événement n'a rien perdu de sa grandeur, ni de sa signification. Grandeur d'une libération, chargée de symboles, auxquels nul chez l'ennemi pas plus que chez les alliés ne pouvait rester insensible ! Grandeur dans l'acceptation du sacrifice, comme dans le refus de la servitude.
- Mais cet événement singulier, unique, a également une signification universelle. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le maire, les hommes à qui nous rendons hommage ce soir nous ont laissé un message et donné un exemple : l'exemple de leur détermination et, quand il l'a fallu, de leur unité, qui ont balayé tous les obstacles et sans lesquels rien n'aurait pu s'accomplir.\
C'est à cela que je pensais cet après-midi en élevant le colonel Rol-Tanguy à la dignité de grand-croix de la Légion d'Honneur. Mais pour en arriver là, que de risques encourus ! Comment oublierions-nous les actes de résistance pendant quatre années et ceux qui ont précisément donné le signal de l'insurrection ? Les cheminots, qui ont cessé le travail dès le 10 août, suivis par les postiers, par la police et combien d'autres : et je songeais encore à vos mille fusils, colonel Rol-Tanguy, à ces mille fusils qui en ont entraîné des milliers d'autres et qui, en quelques jours, ont bouleversé tous les plans, ceux des états-majors alliés, comme ceux du haut commandement ennemi.
- Et je pensais au ralliement à l'insurrection de l'ensemble des composantes de la Résistance, à la solidarité faite de confiance et de respect mutuel qui s'est établie dès l'abord entre le chef de la région P1 et les représentants du gouvernement provisoire : le délégué général Alexandre Parodi et le délégué militaire national, Jacques Chaban-Delmas.
- Comme oublier la mission capitale confiée par le chef régional au commandant Cocteau, qui, parti de Paris le 20 août, reçu et éconduit par le général Patton le 21, parvint, le 22, à rencontrer le général Leclerc au quartier général du 12ème groupe d'armées et à arracher au général Bradley l'ordre qu'attendait la 2ème DB de foncer sur Paris ?
- Comment oublier, enfin, la marche de cette 2ème DB, qui, franchissant en moins de quarante-huit heures, et en combattant la distance qui sépare Argentan de la capitale put, dans la soirée du 24 août, détacher le capitaine Dronne sur Paris et y faire son entrée le lendemain pour réduire les îlots où l'ennemi tenait encore ?
- Quel état-major, quel stratège inspiré aurait été capable de préparer, au mépris de toute vraisemblance, un ensemble de mouvements aussi parfaitement combinés ?\
Mais la même volonté de vaincre, le même élan, unissaient et portaient ces hommes qui se sont trouvés à l'heure dite, au rendez-vous que leur avait fixé l'histoire.
- Cet élan, cette volonté de vaincre ont contraint l'ennemi à céder. Peut-être ont-ils fait mieux encore, en dissipant ce qui était de nature à diviser les vainqueurs, y compris les préventions, les méfiances, qui dans la journée du 25 pouvaient encore assombrir ce jour là et donc l'avenir.
- Mais il n'y eut pas de solution de continuité, de rupture, pas même un temps d'arrêt, et l'unité, qui leur avait permis de vaincre, éloigna d'eux la tentation de se disputer le bénéfice de la bataille gagnée.
- Arrivé à Paris le 25, le général de Gaulle président du gouvernement provisoire de la République, rencontra aussitôt, au PC du général Leclerc, gare Montparnasse, les vainqueurs de la bataille de Paris. Après s'être installé rue Saint-Dominique, dans le bureau qu'il occupait en 1940, il se rendit au début de la soirée à la préfecture de police, puis à l'Hôtel de ville où nous l'accueillîmes. Il reçut là du peuple rassemblé l'accueil préfigurant le triomphe qui lui sera fait le lendemain sur les Champs-Elysées.
- Et dans les jours suivants, chacun se retrouvait à sa place : le gouvernement provisoire est à Paris, le peuple de Paris se remet au travail et les combattants, ceux de Rol-Tanguy comme ceux de Leclerc, continuent avec les alliés une guerre qui durera plus de huit mois encore.
- Mesdames et messieurs, c'est à ces combattants que nous dédions notre rassemblement de ce soir £ ces combattants à qui nous devons notre liberté, comme cela vient d'être dit, notre honneur et notre fierté. Il est bien, il est juste que nous leur rendions en ce lieu l'hommage qui leur est dû.
- Je sais gré à monsieur le maire de Paris d'avoir organisé la cérémonie qui nous réunit ce soir : non pas tellement en raison des souvenirs que j'ai évoqués, que nous pouvons avoir conservés les uns ou les autres - je parle des plus anciens d'entre nous, bien entendu - mais parce que c'est ici, comme Daniel Meyer le rappelait au Conseil national de la Résistance le 25 août 1944, "c'est devant le parvis de l'Hôtel de Ville que le peuple se rassemble à l'occasion des grands événements de son histoire £ c'est là qu'il fait l'histoire " !
- Eh bien c'est d'ici, du parvis de la maison commune que je salue au nom de la Nation, ceux qui ont su se retrouver pour faire notre histoire, celle qui est la nôtre, celle d'aujourd'hui, et qui ont offert le 25 août 1944 au monde entier le spectacle de Paris libéré.
- Ah, sachons préserver ce qui doit nous unir quand il s'agit de la Patrie !
- Vive la République !
- Vive la France !\
- Oui, je me souviens, c'était après l'orage, une douce soirée d'été qui a laissé dans la mémoire de ceux qui l'ont vécue une marque que ni les années passées, ni les peines, ni les tours et détours de la vie n'ont jamais altérée.
- Avec le recul du temps, l'événement n'a rien perdu de sa grandeur, ni de sa signification. Grandeur d'une libération, chargée de symboles, auxquels nul chez l'ennemi pas plus que chez les alliés ne pouvait rester insensible ! Grandeur dans l'acceptation du sacrifice, comme dans le refus de la servitude.
- Mais cet événement singulier, unique, a également une signification universelle. Vous avez eu raison de le souligner, monsieur le maire, les hommes à qui nous rendons hommage ce soir nous ont laissé un message et donné un exemple : l'exemple de leur détermination et, quand il l'a fallu, de leur unité, qui ont balayé tous les obstacles et sans lesquels rien n'aurait pu s'accomplir.\
C'est à cela que je pensais cet après-midi en élevant le colonel Rol-Tanguy à la dignité de grand-croix de la Légion d'Honneur. Mais pour en arriver là, que de risques encourus ! Comment oublierions-nous les actes de résistance pendant quatre années et ceux qui ont précisément donné le signal de l'insurrection ? Les cheminots, qui ont cessé le travail dès le 10 août, suivis par les postiers, par la police et combien d'autres : et je songeais encore à vos mille fusils, colonel Rol-Tanguy, à ces mille fusils qui en ont entraîné des milliers d'autres et qui, en quelques jours, ont bouleversé tous les plans, ceux des états-majors alliés, comme ceux du haut commandement ennemi.
- Et je pensais au ralliement à l'insurrection de l'ensemble des composantes de la Résistance, à la solidarité faite de confiance et de respect mutuel qui s'est établie dès l'abord entre le chef de la région P1 et les représentants du gouvernement provisoire : le délégué général Alexandre Parodi et le délégué militaire national, Jacques Chaban-Delmas.
- Comme oublier la mission capitale confiée par le chef régional au commandant Cocteau, qui, parti de Paris le 20 août, reçu et éconduit par le général Patton le 21, parvint, le 22, à rencontrer le général Leclerc au quartier général du 12ème groupe d'armées et à arracher au général Bradley l'ordre qu'attendait la 2ème DB de foncer sur Paris ?
- Comment oublier, enfin, la marche de cette 2ème DB, qui, franchissant en moins de quarante-huit heures, et en combattant la distance qui sépare Argentan de la capitale put, dans la soirée du 24 août, détacher le capitaine Dronne sur Paris et y faire son entrée le lendemain pour réduire les îlots où l'ennemi tenait encore ?
- Quel état-major, quel stratège inspiré aurait été capable de préparer, au mépris de toute vraisemblance, un ensemble de mouvements aussi parfaitement combinés ?\
Mais la même volonté de vaincre, le même élan, unissaient et portaient ces hommes qui se sont trouvés à l'heure dite, au rendez-vous que leur avait fixé l'histoire.
- Cet élan, cette volonté de vaincre ont contraint l'ennemi à céder. Peut-être ont-ils fait mieux encore, en dissipant ce qui était de nature à diviser les vainqueurs, y compris les préventions, les méfiances, qui dans la journée du 25 pouvaient encore assombrir ce jour là et donc l'avenir.
- Mais il n'y eut pas de solution de continuité, de rupture, pas même un temps d'arrêt, et l'unité, qui leur avait permis de vaincre, éloigna d'eux la tentation de se disputer le bénéfice de la bataille gagnée.
- Arrivé à Paris le 25, le général de Gaulle président du gouvernement provisoire de la République, rencontra aussitôt, au PC du général Leclerc, gare Montparnasse, les vainqueurs de la bataille de Paris. Après s'être installé rue Saint-Dominique, dans le bureau qu'il occupait en 1940, il se rendit au début de la soirée à la préfecture de police, puis à l'Hôtel de ville où nous l'accueillîmes. Il reçut là du peuple rassemblé l'accueil préfigurant le triomphe qui lui sera fait le lendemain sur les Champs-Elysées.
- Et dans les jours suivants, chacun se retrouvait à sa place : le gouvernement provisoire est à Paris, le peuple de Paris se remet au travail et les combattants, ceux de Rol-Tanguy comme ceux de Leclerc, continuent avec les alliés une guerre qui durera plus de huit mois encore.
- Mesdames et messieurs, c'est à ces combattants que nous dédions notre rassemblement de ce soir £ ces combattants à qui nous devons notre liberté, comme cela vient d'être dit, notre honneur et notre fierté. Il est bien, il est juste que nous leur rendions en ce lieu l'hommage qui leur est dû.
- Je sais gré à monsieur le maire de Paris d'avoir organisé la cérémonie qui nous réunit ce soir : non pas tellement en raison des souvenirs que j'ai évoqués, que nous pouvons avoir conservés les uns ou les autres - je parle des plus anciens d'entre nous, bien entendu - mais parce que c'est ici, comme Daniel Meyer le rappelait au Conseil national de la Résistance le 25 août 1944, "c'est devant le parvis de l'Hôtel de Ville que le peuple se rassemble à l'occasion des grands événements de son histoire £ c'est là qu'il fait l'histoire " !
- Eh bien c'est d'ici, du parvis de la maison commune que je salue au nom de la Nation, ceux qui ont su se retrouver pour faire notre histoire, celle qui est la nôtre, celle d'aujourd'hui, et qui ont offert le 25 août 1944 au monde entier le spectacle de Paris libéré.
- Ah, sachons préserver ce qui doit nous unir quand il s'agit de la Patrie !
- Vive la République !
- Vive la France !\