8 juin 1994 - Seul le prononcé fait foi

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Allocution de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la nécessité pour les jeunes, Français et Allemands, de s'unir pour la construction de l'Europe, Heidelberg le 8 juin 1994.

Chers amis allemands et français,
- En trois jours il me semble avoir franchi plusieurs siècles.
- Hier et les jours précédents, j'étais avec les dirigeants des pays qui appartenaient au cours de la dernière guerre à l'Alliance où se trouvait la France. Nous constations ensemble ce que la guerre avait détruit, ce que la guerre avait tué et nous espérions que demain il en irait autrement. C'est de cela que je viens vous parler aujourd'hui.
- Les siècles passés, à Heidelberg, dans l'Allemagne, en France et partout, on s'en souvient. On peut faire le compte des ruines et finalement du suicide de l'Europe.\
Je viens aborder avec vous les siècles du futur qu'il s'agit maintenant de bâtir. Croyez-vous que cela soit facile ? Les passions, les rivalités, les intérêts nous ont séparés et nous ont opposés. Pour qu'un même projet nous réunisse maintenant, il nous faut une volonté politique, une énergie farouche et il faut dire ensemble : "Nous construisons l'Europe où nous sommes déjà rassemblés". Eh bien voyez-vous j'étais content de venir en Allemagne. Aujourd'hui, je salue l'Allemagne, l'Allemagne tout entière puisque je suis venu avec Helmut Kohl dans la ville où est né Friedrich Ebert. Mais je salue aussi tous les Allemands qui ne se reconnaissent ni dans le Chancelier Kohl, ni dans Ebert à une condition c'est qu'ils soient pour la liberté, pour la démocratie et pour l'Europe. C'est ce que nous essayons de faire le Chancelier allemand et moi-même et beaucoup d'autres depuis de longues années. Mais comme ce n'est pas le lieu ni le moment d'un long discours je vais me contenter de quelques points d'interrogation.
- Une première question : pourquoi l'Europe ? première réponse : "Pour la paix " et au-delà de la paix pour qu'ensemble nous ayons dans le monde la place qui nous revient à nous Allemands, Français et nos partenaires de l'Europe et les autres encore, ceux qui n'y sont pas et ceux qui y viendront. Alors, nous disposerons d'une présence dans le monde qui vaudra bien celle des continents extérieurs aux nôtres.
- Deuxième réponse : Pourquoi l'Europe ? Pour la liberté. D'ailleurs, c'est une confidence entre nous, le spectacle de la liberté, c'est bien celui que vous me donnez maintenant.
- Autre question : par quel moyen faire l'Europe ? D'abord par la réconciliation franco-allemande et cela c'est fait. Ensuite en réunissant le maximum possible de peuples et d'Etats de l'Europe avec nous, je ne dis pas autour de nous, mais avec nous, au même titre, avec les mêmes pouvoirs, à égalité de dignité et de présence.
- A Maastricht, nous avons fondé l'Union européenne, nous étions douze, nous serons peut-être bientôt seize et je pense que, pour l'avenir, au moment où s'ouvre le XXIème siècle, il faut déjà songer à l'Europe tout entière. Voilà pourquoi il ne faut pas dire : "Il y a trop d'Europe". Non, il faut crier : "Il n'y en a pas assez" ! Encore à une condition, c'est que chacun reste soi-même, dans chacun de nos pays. Nous sommes fiers de notre histoire, on ne va pas la jeter au bord du chemin. Simplement, bâtissons désormais la même histoire.
- Et maintenant, je vous attends en France, je veux que vous sachiez que les Français sont prêts à la grande aventure que nous vous proposons. Il n'y a pas assez d'enthousiasme, pas assez d'engagement peut-être. Alors, redoublons d'efforts et que partout l'on nous entende : il faut réussir la paix, la liberté et l'amitié franco-allemande.
- Il me reste à vous dire au revoir et merci.\