31 mai 1994 - Seul le prononcé fait foi

Télécharger le .pdf

Conférence de presse conjointe de MM. François Mitterrand, Président de la République, Helmut Kohl, chancelier d'Allemagne, et Edouard Balladur, Premier ministre, sur l'élargissement de l'Europe et la coopération franco-allemande notamment à l'occasion des prochaines présidences, française et allemande de la Communauté, Mulhouse le 31 mai 1994.

LE PRESIDENT.- Mesdames et messieurs, nous venons donc de terminer le 63ème sommet franco-allemand. Je remercie la ville de Mulhouse et le département du Haut-Rhin d'avoir contribué, d'importante façon, à la commodité de nos débats et à l'agrément de ce séjour. Je remercie naturellement le Chancelier Kohl et la délégation allemande d'avoir, comme ils le font depuis déjà pas mal d'années, apporté une contribution déterminante au bon achèvement de nos débats. Il y a eu, comme d'habitude, des entretiens bilatéraux entre les ministres des deux pays compétents pour les problèmes traités et des entretiens particuliers entre M. le Chancelier Kohl, M. le Premier ministre Balladur, et moi-même. Les conversations se sont concentrées sur quelques points que je vais me permettre de vous rappeler rapidement. Dans le domaine des affaires étrangères, la coordination entre l'Allemagne et la France a été, encore une fois, mise au point sur des sujets très importants, et sans difficulté particulière. Il s'agit aussi bien pour les questions européennes des problèmes touchant l'emploi, le chômage, la croissance, tout ceci en relation avec le livre Blanc européen £ les conversations ont également porté sur la sécurité sur la stabilité, sur les liens à établir ou déjà établis avec les pays d'Europe centrale et orientale, sur des problèmes de justice, de sécurité intérieure, d'immigration, sur le développement d'institutions démocratiques en Europe même, sur la culture et sur l'audiovisuel. Nous avons examiné des questions touchant à la réforme des institutions européennes, la manière d'aborder de futurs élargissements, les initiatives communes contre le racisme et la xénophobie. Bien entendu, la situation dans l'ancienne Yougoslavie a fait l'objet de conversations approfondies. La politique commune en direction de la Méditerranée a été abordée, de même qu'ont été examinés les événements heureux, d'Afrique du Sud, ou plus difficiles ou dramatiques, d'Afrique du Nord ou d'Afrique Noire centrale £ nous pensons particulièrement au Rwanda, mais nous aurions pu également discuter de l'Angola. Nous avons porté plus loin les discussions sur le partenariat avec la Russie. Sur le plan strictement militaire, nous avons constaté l'excellente coopération qui se développe dans le cadre du Corps européen et examiné de quelle manière les choses pourraient se passer dans l'ancienne Yougoslavie, indépendamment de l'aspect purement diplomatique. La France a rappelé son désir de resserrer son dispositif, le dispositif français au sein des Nations unies, sur Sarajevo. Nous avons insisté sur le développement du rôle opérationnel de l'UEO, autour de la cellule de planification existante, et sur l'articulation entre l'Union et l'UEO.\
Au plan bilatéral, nous avons décidé la création d'une structure nouvelle pour la coopération en matière d'armement, ouverte à d'autres pays, avec pour objectif la création d'une agence européenne d'armement. Nous avons bien progressé sur deux sujets importants pour l'avenir, la coopération dans le domaine des satellites d'observation et la réalisation de l'avion de transport militaire futur. S'agissant de l'éducation et du domaine culturel, les ministres ont signé un accord généralisant la délivrance simultanée du baccalauréat en France et de l'habitur en Allemagne et évoqué le développement de l'enseignement bilingue. On a parlé également des restaurations de monuments historiques en commun £ des itinéraires de patrimoine dans nos deux pays, des réunions plus régulières entre directeurs des affaires culturelles. C'est ainsi qu'une conférence européenne de l'audiovisuel aura lieu dès ce mois de juin en étroite collaboration entre nos deux pays. J'attire votre attention sur les décisions prises dans le développement du TGV est-européen avec deux lignes l'une vers le nord-est, l'autre reliée à l'Allemagne et pouvant, plus tard, aller vers d'autres pays de l'Est, Pologne et Russie, en passant par les pays qui se trouvent entre les uns et les autres. Tout ceci devant être, selon nous, inscrit parmi les dix projets prioritaires européens dans l'initiative de croissance déjà adoptée initialement à Edimbourg et étoffée à Bruxelles £ transport ferroviaire et développement de la relation rail-route, sécurité maritime, coopération fluviale. Car si l'on a évoqué le TGV est-européen, on a aussi parlé du TGV Rhin-Rhône et du développement des liaisons fluviales entre ces deux fleuves. Sur le plan de la mécanique de l'Union européenne, il a été question de veiller à mettre en ordre tout ce qui peut toucher au respect du droit communautaire et donc à la manière de réagir contre le non-respect de ce droit qui tend à se développer £ nous avons eu également des conversations sur la mise en application des conventions de Schengen.\
Je relèverai, pour terminer, six points sensibles qui donneront à ce 63ème sommet sa couleur. Vous avez été informés de la décision du Chancellier Kohl et du gouvernement de la République Fédérale d'Allemagne de restituer à la France 28 tableaux de maîtres d'une très grande valeur, d'une très grande qualité. L'un de ces tableaux a d'ailleurs été exposé, il s'agit de celui de Monet, "Sur la route de Louveciennes" et ce qui nous en a été dit par le Chancelier correspond à un véritable roman. Ces tableaux auraient été remis par un officier français, qui par la suite a été tué, à un soldat allemand, lequel les a ramenés, ces tableaux, en Allemagne. Pour éviter qu'ils tombent aux mains des Russes, et ne sachant qu'en faire, il a consulté un prêtre et il a été décidé de remettre cela aux autorités de l'Allemagne de l'Est. C'est ainsi qu'après l'unification, ces tableaux ont pu être localisés et le Chancelier a décidé de les retirer du musée où ils se trouvaient, Berlin Est, pour les ramener en France. Nous lui en sommes très reconnaissants. C'est un signe, un geste, plus que symbolique, qui restera parmi les actes importants de l'amitié franco-allemande au cours du dernier demi siècle. Autre point sur lequel nous avons beaucoup insisté, j'en avais moi-même fait état devant la presse récemment et le Chancelier avait agi de même de son côté : Tchernobyl, Tchernobyl pris comme symbole de l'ensemble des centrales nucléaires disséminées aux pourtours de l'ancienne Union soviétique et, qui, pour 20 à 30 d'entre elles représentent un danger réel pour la sécurité en Europe et sans doute au-delà. Un effort doit être consenti. L'Union européenne doit s'en mêler, en tout cas l'Allemagne et la France sont disposées à prendre des initiatives vigoureuses pour qu'une réponse soit apportée à cette question posée depuis longtemps. J'ai parlé des lignes ferroviaires, priorité très importante pour bien marquer que ce réseau va se développer à travers nos deux pays, et au-delà pour innerver l'ensemble du continent européen.\
Il se trouve que l'Allemagne d'abord, puis la France vont présider l'Union européenne. L'Allemagne dès le 1er juillet £ la France le 1er janvier 1995. Pour employer une formule globale, qui a le mérite de simplifier la compréhension des choses, il s'agit - je ne veux pas forcer les termes, surtout vis-à-vis de nos partenaires européens - de lier, de coordonner les choses de telle sorte qu'on pourrait donner l'impression qu'il y aura maintenant devant nous, douze mois d'une présidence commune, en tout cas d'une présidence continue, sur la base de travaux concrets mis au point par les deux gouvernements. Un an donné à l'Union européenne et même au fond un peu plus, quatorze à quinze mois, seize mois peut-être avant la conférence intergouvernementale. C'est un délai que, en raison de nos institutions quelquefois un peu étroites, l'Europe n'a jamais connu. Nous allons mettre cela au point. C'est déjà très largement préparé par le gouvernement français et par le gouvernement allemand. Enfin, je voudrais terminer en vous indiquant que j'ai communiqué tout à l'heure à la réunion plénière, après avoir naturellement informé M. le Premier ministre français et M. le ministre d'Etat chargé de la défense, que j'avais l'intention d'inviter pour le 14 juillet prochain, lors du défilé traditionnel de notre fête nationale, le Corps européen et par voie de conséquence les responsables allemands, belges, luxembourgeois et espagnols qui prennent déjà part à l'édification de ce Corps européen, ou qui s'y apprêtent, afin de marquer d'une façon très claire notre engagement européen autour du problème fondamental qu'est notre sécurité commune.\
LE CHANCELIER KOHL.- Monsieur le Président de la République, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs, tout d'abord je souhaiterais saisir cette occasion pour vous remercier publiquement de l'excellente hospitalité que vous avez accordée à la délégation allemande. Je souhaiterais remercier tout particulièrement M. le maire, les autorités de la région et les citoyens et les citoyennes de la ville qui nous ont accueillis avec une telle amitié. Nous avons passé des heures particulièrement agréables chez vous. Ce 63ème Sommet franco allemand a eu lieu dans un climat excellent. Au cours du dîner, j'ai déjà souligné qu'un des problèmes des sommets est qu'il y a peu de choses sensationnelles à dire, certains estiment même qu'il n'y a rien de nouveau. Mais ce qui est réellement sensationnel, c'est le caractère normal de cette extraordinaire coopération entre la France et l'Allemagne. Je crois qu'on peut la mesurer lorsqu'on se rappelle ce que sont le 9 mai, l'anniversaire de la capitulation allemande, et le 6 juin, le cinquantième anniversaire du débarquement en Normandie. Nous avons de nombreux souvenirs, nous avons fait un long chemin et le seul mot que j'emploierai pour le qualifier, c'est le mot de fantastique : il est fantastique que l'Allemagne et la France aient réussi à progresser autant sur cette voie. On mesurera cette progression en constatant que le 12 juin, dans quelques jours, dans douze pays européens, qui seront par la suite, seize, je l'espère, seront élus les députés du Parlement de Strasbourg. Nous avons eu des discussions extrêmement intenses. Je ne mentionnerai que quelques points particuliers, car le Président de la République vous a fait un rapport très complet. Nous avons eu une discussion très intense sur la préparation du Conseil européen des 24 et 25 juin à Corfou. Comme d'habitude, comme pour tous les Conseils européens du passé, nous allons avoir une coopération très étroite pour la préparation de ce sommet, lorsqu'il s'agira de tirer les conséquences du Livre Blanc de la Commission. Le Livre Blanc a été mentionné. Je soulignerai ce point. En ce qui concerne la création de réseaux européens dans le domaine des transports, pour nous, en Allemagne, les liaisons rapides, d'une part Londres-Paris-Metz-Sarrebruck-Francfort-Berlin et je l'espère plus tard Varsovie et Moscou et d'autre part Paris-Metz-Strasbourg-Stuttgart-Munich-Vienne-Budapest sont de la plus grande importance. Il s'agit d'une évolution d'avenir qui a la plus grande importance. Je soulignerai aussi expressément que la déclaration commune contre le racisme et la xénophobie est d'une très grande signification pour nous.\
LE CHANCELIER KHOL.- `suite` Nous sommes fermement décidés, après le 1er juillet, avec le début de la présidence allemande pour six mois, d'avoir en fait une coopération extrêmement étroite avec nos amis Français pour que les six mois suivants, en fait, constituent une évolution permanente de douze mois. Il est important pour moi aussi, de signaler, qu'à la fois à Corfou et à Naples, lors de la Conférence du G7, la France et l'Allemagne aborderont de la manière la plus décisive le problème de la sûreté des centrales nucléaires de l'ancienne Union soviétique. Nous ne sommes pas satisfaits, absolument pas satisfaits de ce qui a été fait au cours des deux dernières années. Il y a eu de nombreuses conférences internationales, mais nous ne sommes absolument pas satisfaits des résultats. Je regrette qu'à l'exception de la France et de l'Allemagne, aucun pays n'accorde à ce sujet la priorité que nous lui donnons. Je ne vous dirai pas les conséquences que pourrait avoir un accident futur : nous avons vécu un premier accident, nous n'avons pas besoin de nous faire expliquer ce que cela pourrait représenter à l'avenir. M. le Président Mitterrand nous a parlé de la remise des tableaux. Un grand écrivain dans l'avenir, peut-être, écrira un chapitre de l'histoire européenne sur la base de l'histoire de ces tableaux. Il s'agit en fait d'un des nombreux exemples où le drame humain apparaît derrière le drame historique. Je suis très heureux que cette restitution soit possible et j'espère beaucoup, monsieur le Président de la République, cher François, que nous aurons bientôt la possibilité de voir ensemble ces tableaux à Paris, de les présenter pour que l'opinion les voie comme une collection. Bien sûr, nous sommes très heureux d'avoir été invités par le Président pour le 14 juillet à Paris : il s'agit d'un geste très généreux auquel nous répondrons chaleureusement et j'espère que beaucoup dans notre pays verront là une inspiration européenne future.\
QUESTION.- Qu'est-ce que vous pensez de l'idée de M. Alain Lamassoure, qui a été publiée aujourd'hui dans Le Monde, de créer un nouveau contrat fondateur ? est-ce que ce sera la base d'une Europe à géométrie variable ?
- LE PRESIDENT.- Vous mélangez l'exposé du problème et ses futures conclusions. Ce qui est vrai, c'est que nous aurions grand tort, et nous finirions par créer des dissentiments à l'intérieur de l'Union européenne, si nous faisions de l'élargissement une sorte de concurrence entre les partenaires, chacun ayant, en somme, ses préférés. C'est un problème qu'il faut traiter, en tout cas du point de vue de l'Allemagne et de la France, en commun, pour adopter le plus possible une démarche commune. Il faut savoir quel processus et quels critères retenir pour dire oui - on ne dira jamais non -, fixer le cas échéant des délais et, selon l'importance et la durée de ces délais, l'Allemagne et la France ne doivent pas se livrer à une concurrence qui serait dommageable à nos intérêts. Cela est le premier point. Le deuxième point, c'est de savoir comment rendre compatibles l'élargissement et l'approfondissement de l'Union. Il faut faire en sorte que ces deux termes ne soient pas contradictoires, que par un élargissement auquel nous consentons, a priori, on n'en arrive pas peu à peu à vider l'Europe existante, l'Union existante de son contenu, de ses structures, de sa force. Il faut donc allier les deux termes. Il n'y a pas a priori de limites à l'extension de l'Union européenne, si ce n'est le continent. Mais il y a beaucoup à faire avant d'y parvenir. Et il serait désastreux, là j'exprime mon sentiment, mais je ne crois pas être éloigné du sentiment de M. Lamassoure et donc du gouvernement français que l'on arrive à une Union tellement élargie qu'elle finirait par ne plus exister si ce n'est comme une sorte de zone de libre-échange, prenant part au libre-échange universel. Telle n'était pas l'intention des fondateurs de l'Europe communautaire, telle n'est pas notre intention. Il faut donc allier les deux termes.\
(Suite sur l'élargissement de la CEE)
- LE PRESIDENT.- En arriver à une Europe à deux vitesses ? Cela, je ne le sais pas. Je pense que dans chaque négociation, il faudra tenir compte des intérêts des uns et des autres, à la condition que les intérêts des nouveaux venus ne viennent pas ruiner la construction déjà établie. L'accord déjà fait avec les quatre nouveaux demandeurs n'a pas contredit les principes de base. Simplement, comme on l'a déjà fait avec la Grande-Bretagne, naguère, comme on l'a fait d'une certaine manière avec l'Espagne, on peut admettre des périodes probatoires £ on peut envisager de nouveaux délais pour faciliter, dans tel ou tel domaine économique, la situation de pays qui sont peu préparés à se trouver jetés dans cette grande Union sans frontières. Alors celui-ci aura ses poissons à protéger, celui-là ses camions, le troisième ses places financières, etc...etc... Tout ceci est tout à fait normal. Mais, plus on continuera, plus seront nombreux les problèmes qui s'imposeront, plus il faudra les étudier ensemble, les préparer ensemble et faire que l'élargissement soit vraiment une avancée réelle de l'Europe. Déjà, dans une période que j'appellerai intermédiaire, les ministres des affaires étrangères ont poussé en avant un certain nombre d'accords d'associations, qui doivent permettre à la fois de prendre l'habitude de travailler ensemble avec les pays candidats, de rapprocher les situations économiques de ces pays avec celle de l'Union actuelle, de servir de base de débat sur l'évolution future. Donc, je ne conclurai pas à l'avance que cela finira par une Europe à plusieurs vitesses. Simplement, elle avancera à des vitesses différentes, jusqu'au jour où tous seront dans l'Union aux mêmes conditions. Voilà ce que je peux vous répondre.
- LE CHANCELIER KOHL.- Je souhaiterais ajouter une brève remarque. La question qui a été posée porte sur la grande question européenne et je serais heureux de vous donner le point de vue allemand. Pour nous, il n'y a pas contradiction entre élargissement et approfondissement. Et ce qui est inacceptable pour nous, c'est l'idée que l'Europe qui a été une idée européenne devienne une sorte de zone de libre échange grossière et dans le passé, nous avions une collègue parmi nous qui défendait, avec une grande intensité, cette idée. Ce n'est pas notre conception de l'Europe, je le dis très nettement, très clairement. Une atténuation de la construction européenne n'est pas possible en aucune circonstance et je suis très heureux que la France et l'Allemagne aient toujours eu le même avis contre une dilution européenne.
- LE PRESIDENT.- Sans manquer de respect à l'égard de cette personne dont les mérites sont grands, on pourrait dire qu'elle a fait quand même des petits et qu'elle ne se trouve pas être la seule à défendre cette thèse. C'est pourquoi la mise au point actuelle du Chancelier Kohl ne manque pas d'importance.\
QUESTION.- Comment va s'organiser concrètement cette coopération étroite entre l'Allemagne et la France lors de ces présidences successives de l'Union européenne ?
- LE PRESIDENT.- Eh bien, la République française a déjà réuni un certain nombre de responsables et élaboré un document. Des conversations se sont aujourd'hui élargies aux représentants de la République fédérale d'Allemagne. Ce document devrait être au point avant le premier juillet, date du commencement de la présidence allemande. Je n'ai pas lieu de douter de la réussite de l'entreprise pour coordonner très étroitement la continuité de l'effort sur un an.
- QUESTION.- Vous avez évoqué trois dossiers d'infrastructures régionales : le TGV Est, le TGV Rhin-Rhône, le Canal Rhin-Rhône. Est-ce que vous pouvez nous donner des précisions sur le contenu de ce que vous avez pu dire sur ces trois dossiers.
- LE PRESIDENT.- La déclaration touchant le TGV-Est correspond à une décision prise, à un financement prévu, à une extension décidée entre nous, au moins en Allemagne, à partir aussi de l'Angleterre, puisqu'il existe maintenant le tunnel sous la Manche. Les deux directions ont été précisées, l'une par Metz l'autre par Fribourg, donc l'une allant vers le Nord-Est et l'autre allant vers le Sud de l'Allemagne et pouvant rejoindre l'Autriche et la Hongrie. La décision est prise. Mais, nous voudrions qu'elle soit bien explicitée dans le cadre des projets prioritaires de croissance décidés par l'Union européenne. Le projet ferroviaire TGV Rhin-Rhône fait également partie aujourd'hui de la carte des TGV prévus par le gouvernement français, puisqu'il s'agit là d'une affaire strictement nationale. Quant au projet fluvial, il y a beau temps qu'il a été entamé, d'ailleurs il continue de progresser, il faut le dire avec une sage ou au contraire une déraisonnable lenteur - selon le point de vue où l'on se place - mais il rencontre des obstacles. La décision a déjà été prise longtemps avant nous d'ailleurs. Longtemps avant moi, et, à plus forte raison, longtemps avant le gouvernement de M. Balladur. Le problème est de savoir si on l'arrête ou si on le poursuit, pour l'instant, ça se poursuit et l'intention est, en effet, de laisser se poursuivre ces travaux.
- LE PREMIER MINISTRE.- Si vous permettez, j'ajouterai un mot, monsieur le Président. S'agissant du TGV Rhin-Rhône qui est à l'état d'étude pour l'instant, il a été bien précisé qu'en même temps que les études seraient faites, le problème de l'interconnexion avec le réseau allemand serait également étudié, de telle sorte que les choses progressent du même pas. Quant au canal du Rhin au Rhône, je suis de ceux qui pensent que cela est d'un grand intérêt économique et que c'est essentiel, l'Europe s'étant à la fois élargie et réunie politiquement et géographiquement. C'est essentiel pour maintenir la France dans le grand courant des échanges européens. Il s'agit donc, à mes yeux d'une priorité, fort coûteuse, qui pose beaucoup de problèmes mais qu'il faudra réaliser.\
QUESTION.- Monsieur le Président, monsieur le Chancelier, serez-vous en mesure de proposer un candidat commun à vos partenaires pour la présidence de la Commission européenne lors du Sommet de Corfou et est-ce que vous pensez que vous allez avoir l'adhésion de vos partenaires, par exemple, sur le nom de M. Dehaene.
- LE PRESIDENT.- Vous dites tout à la fois, là ! Ce qui est vrai, c'est que les échanges de vues entre l'Allemagne fédérale et la France vont se poursuivre jusqu'à Corfou. Ce qui est vrai, c'est que nous, - je le pense - nous serons d'accord pour soutenir la même personne pour la présidence de la Commission mais après avoir pris contact avec nos dix autres partenaires. Nous n'entendons pas arriver là, en disant : "c'est comme ça, la volonté franco-allemande, c'est la volonté de l'Europe...". Non, nous avons le plus grand égard pour nos partenaires qui ont un droit égal au nôtre. C'est donc seulement à Corfou que la décision pourra être prise et connue.
- QUESTION.- On est dans une région proche des frontières entre la France et l'Allemagne, il y a une volonté forte de collaboration sur les frontières. J'aimerais savoir si vous voyez des limites sur cette collaboration parce que j'ai senti qu'il y a quand même au niveau national en France, et peut-être en partie aussi en Allemagne, quelques réticences à laisser se développer une collaboration très poussée.
- LE PRESIDENT.- Tout ça est une affaire d'impression parce qu'il faudrait parler de dossiers concrets. Ce qui est vrai, nous en avons précisément parlé avec M. le Premier ministre, c'est que nous souhaitons très vivement un développement des relations frontalières entre la France, l'Allemagne, Bâle en particulier, et la Suisse puisque nous parlons à Mulhouse. Et nous ne voyons pas pourquoi nous serions réticents sur ces relations frontalières qui font d'ailleurs multiplier les emplois dans une région qui en a grand besoin. Alors si vous avez un des exemples concrets marquant les difficultés ou les réticences administratives, il faut le dire.
- LE CHANCELIER KOHL.- De mon côté, je souhaiterais ajouter que nous avons parlé de ce sujet et que la partie française et moi-même estimons que le pays des trois frontières, la Suisse, la France et l'Allemagne doit pouvoir disposer de tout règlement adéquat pour que la vie des personnes dans ces trois pays soit facile et possible. C'est une formule peut-être simple mais je n'ai absolument aucun doute que mes collègues amis français partagent mon avis.
- LE PRESIDENT.- Vous vous souviendrez qu'il y a quelques années, le Chancelier Kohl, le Président de la Confédération helvétique et moi-même, nous nous sommes rencontrés en Suisse, sur ce sujet.\
QUESTION.- De quels moyens la France et l'Allemagne pourraient-elles se doter en vue d'approfondir la coopération avec les pays associés dans le courant de l'année prochaine, en vue peut-être d'accélérer leur admission dans la Communauté ?
- LE PRESIDENT.- Aucun obstacle à l'accélération, dès lors que les institutions de l'Union européenne n'en seraient pas affectées. Il se pose donc des problèmes purement pratiques. Mais les traités d'association sont déjà établis - surtout avec la République tchèque -, dont on connait les capacités de développement. Donc, nous ne pouvons que souhaiter l'accélération de ces mouvements. Je le répète à la seule condition que les institutions existantes de l'Union européenne soit respectées.
- QUESTION.- Nous sommes à la veille des élections au Parlement européen de Strasbourg. Jusqu'à quel point faut-il faire participer ce Parlement et ou en tout cas les députés aux travaux communs des deux présidents, notamment sur la question de l'approfondissement des institutions et de leur démocratisation ?
- LE PRESIDENT.- Beaucoup d'initiatives viendront du Parlement. Vous connaissez la tendance. Ce n'est pas le Parlement qui freinera. Les exécutifs auront donc à examiner les propositions qui seront faites et à établir dans le temps tout un plan de réalisation étant entendu que ni les parlements, ni les exécutifs d'Allemagne et de France ne cherchent en quoi que soit à réduire la pratique démocratique et cherchent au contraire à l'étendre. Au fond, l'idéal serait que nous parvenions un jour, à doter l'Europe d'une pratique démocratique comparable à celle qui existe dans chacun de nos pays. Pour ça, il faut que l'Europe avance. C'est un débat qui s'est instauré, qui va continuer entre le Parlement et les gouvernements. Mais à l'avance, je crois pouvoir dire que les gouvernements n'ont pas de réticence si ce n'est qu'il faut que tout cela soit conforme à l'intérêt de l'Union européenne et qu'il ne faut pas que, dans un quadrige par exemple, un cheval avance plus vite qu'un autre.\